Londres ses faubourgs, janvier 1903, je trouve un adolescent
rachitique qui souffre la faim et la misère. Son nom, Charles
Spencer CHAPLIN, est encore inconnu du monde et la célébrité
planétaire est encore un mirage inaccessible. Le plus
important pour lui est de pouvoir trouver un endroit où dormir
et se restaurer. Il est seul, il a peur, il a faim mais il
refuse de se laisser aller.
Du haut de ses 14 ans, je le perçois plus petit que ce que
devrait être la taille normale de son âge; ce qui l’handicape
face aux souffrances de la vie, celle de la rue qu’il connait
depuis quelques temps. J’observe ces mouvements dans ce
LONDRES froid et hostile des quartiers de Kensington. Je
ressens en lui une envie farouche de s’en sortir, de briller
pour lui-même et pour aider sa mère qui est enfermée dans une
institution psychiatrique.
La pauvreté lui colle à la peau mais il a du courage ! Et il
sait se débrouiller !
Parcourant le long de ses ruelles, plongeant dans les ténèbres
londoniens dont un certain quartier rendu funestement célèbre
de WHITECHAPEL, il aperçoit au loin un étrange mendiant qui
joue de l’orgue de Barbarie; à ses côtés, un petit singe
malicieux l’aide à récupérer les misérables pièces dans un
chapeau melon qu’il a pu récolter auprès d’une population
ignorée et rejetée par la bourgeoisie londonienne.
Deux voyous des bas fonds sont en train de l’agresser pour lui
dérober son maigre pécule. N’écoutant que son courage et sa
témérité, le jeune CHAPLIN se jette dans la mêlée pour porter
secoure à l’étrange mendiant. Après une brève rixe,
CHAPLIN arrive à les mettre en fuite. Il gagne ainsi la
reconnaissance du mendiant qui l’invite à partager le gite et
le couvert dans son humble demeure.
Nous voici arrivés chez le mendiant. Ce qui frappe de suite
est le faste de son habitation! Nous avons à faire à une
véritable résidence bourgeoise du début du XX siècles. Une
ravissante jeune fille, qui s’avérera être la fille de
l’énigmatique mendiant, les accueille agréablement. Charles
est littéralement ébloui par sa beauté comme si la foudre
venait de le toucher; il tombe éperdument amoureux de ce
visage angélique que de longs cheveux blonds viennent
encadrer.
La table est dressée et Charles est invité à partager leurs
repas. Pendant qu’il s’installe à table, je suis discrètement
notre mystérieux mendiant qui rejoint une pièce cachée où il
prend place devant un étrange miroir: ce que je vois est tout
simplement irréel: des images apparaissent et elles
représentent les futurs étapes de la vie du jeune CHAPLIN.
Tout en ayant attentivement examiné celle-ci, notre mendiant
se saisit maintenant de son couvre chef et rejoint d’un pas
décidé son modeste hôte qui se restaure à la table de ces
nouveaux amis.
D’un geste assuré, il pose aux côtés de Charles, son
chapeau melon et lui demande de l’accepter comme un
remerciement à son geste héroïque. Il lui précise bien qu’il
est « Magique » et que quand il souhaitera son aide il lui
faudra juste le lisser avec la main droite.
Charles est déconcerté par ces révélations mais ne souhaite
pas offusquer son généreux donateur et lui promet de le garder
précieusement durant toute sa vie. Mais plus que cela, son
attention est toute concentrée sur la personnalité de la jeune
fille; il passe une agréable soirée à ses côtés et lui promet
de la revoir et de l’épouser dès qu’il aura fait fortune dans
la voie qu’il s’est désignée dans le milieu du monde
artistique où travaille déjà son frère Sydney.
C’est au sein de la compagnie CARNOT que je suis la
continuation de son existence qui nous porte dans une 1er
tournée aux États-Unis. Nous
sommes durant l’année 1913 ce qui doit être le début d’une
glorieuse carrière qui tarde à décoller. Charles est inquiet
de son futur et pense même à abandonner la voie qu’il s’est
fixée. Je le retrouve dans une chambre plus que modeste,
perdue dans l’Amérique des années 1910. Alors qu’il broie du
noir, un petit singe lui apparaît. Il reconnait en lui le même
animal qui appartenait au mystérieux mendiant qu’il va aider
bien des années auparavant.
Un message est inscrit et déposé dans son collier: Charles le
saisit et le lit avec attention. Je vois son visage
s’éclaircir. Je comprends qu’il s’agit de l’écriture de sa
bien aimée qui lui demande d’utiliser le pouvoir magique du
chapeau melon que lui a remis son père.
À peine Charles applique le rituel nécessaire sur les bords du
couvre chef que des images lui apparaissent lui désignant un
petit vagabond affublé de ce même chapeau melon et d’une
moustache, ainsi que d’un accoutrement trop large et grand
pour lui. Le voici lancé dans sa formidable carrière celle de
CHARLOT et le succès planétaire.
Nous sommes maintenant en 1920, Charles décide de
revenir dans sa patrie pour non seulement retrouver ses
origines mais surtout revoir la jeune fille qui l’attend
depuis tant d’années. Je l’accompagne dans son périple de
retour aux sources.
Charles profite de sa gloire et de sa célébrité, des milliers
de londoniens font la queue pour le voir, l’acclamer, le
toucher mais il manque celle qui a le plus d’importance à ses
yeux. Il décide de la chercher dans les faubourgs de
Whitechapel mais la maison du mendiant et la trace de ces
occupants a disparu à jamais!
Dépité, Charles laisse l’Angleterre et retourne aux États-Unis
où d’autres créations artistiques l’attendent. Je le retrouve
à LOS ANGELES dans sa superbe villa, il commence à préparer
son futur voyage à travers le monde qu’il projette en cette
année 1932 quand il entends du bruit dans son bureau
personnel: quelqu'un s’est-il introduit chez lui à son insu ?
Prudemment, il ouvre la porte et reste stupéfait par ce qu’il
voit et je le suis aussi !
En face de lui se tient un petit singe identique à celui qu’il
avait vu, il y avait tant d’années auparavant à LONDRES: celui
du mendiant qui lui avait offert son Chapeau melon magique. Et
incroyablement le petit animal lui saute au coup et se «
transforme » dans la belle jeune fille qu’il avait aimée.
Charles est déconcerté comme je le suis par cette «
transformation » irréelle. Il retrouve pour ce qui sera la
dernière fois sa bien-aimée qui le met en garde contre un
attentat qui visera sa personne lors de sa prochaine tournée
mondiale au JAPON.
Ceci dit, sa bien-aimée disparait ainsi que le petit animal;
il ne les reverra jamais mais il aura ainsi sauvé sa vie !
Charles Spenser CHAPLIN n’oubliera jamais l’énigmatique
rencontre de 1903 et je le retrouve dans les années 1960
restitué, lors de l’un de ces voyages en terre natale, le
fameux Chapeau Melon en le déposant à l’endroit même où il
avait sauvé la vie de l’étrange mendiant et le voir
disparaître à jamais comme les fantômes de LONDRES.