Le départ d'un mourant


"La Treizième Chandelle" Par TUESDAY LOBSANG RAMPA  -> « The thirteenth candle » -- Paris : Éditions J'ai lu, N° 2593; 249 pages; 11 × 18 cm,  1997. {(pages 38 à 47)(Extrait 01)}  .

    Le lama parla de nouveau : « Ô Esprit, tu as quitté le corps qui est devant nous; le 4e bâton d'encens a été allumé par attirer ton attention et te retenir ici pendant que je te parle, pendant que je t'explique ce que tu vas trouver. Ô esprit, tu es sur le point de t'en aller, tiens compte de mes paroles afin que ta migration soit parfaite. »

    Le lama jeta sur le cadavre un regard triste. Étant initié, il pouvait voir l'aura du corps humain, ce halo étrangement coloré - multicolore - qui tournoyait et serpentait autour d'un être vivant. Or, en regardant le cadavre, il voyait que cette émanation était presque éteinte. Au lieu des couleurs nombreuses, celles de l'arc-enciel et bien d'autres, il n'y avait plus qu'un tourbillonnement gris-bleu virant au noir. S'élevant du corps, ce gris bleuté montait jusqu'à environ deux pieds au-dessus de la dépouille mortelle. Là, une prodigieuse activité avait lieu. On eût dit un essaim de lucioles volant à toute vitesse, des lucioles qui auraient été entraînées comme des soldats et qui cherchaient à retrouver les places qu'on leur avait préalablement assignées. Ces petites particules lumineuses se déplaçaient, tourbillionnaient, s'entremêlaient, et voilà que, sous les yeux du lama, devant son troisième oeil, apparut une réplique de cadavre qui avait l'apparence d'un jeune homme. Imprécise, elle flottait nue à deux pieds environ au-dessus du corps. Elle s'élevait et retombait faiblement de deux ou trois pouces à la fois, peut-être, s'élevait de nouveau pour regagner sa position initiale, et à chaque mouvement les détails devenaient plus nets, le corps d'abord transparent s'étoffait et devenait plus substantiel.

    Le lama s'assit et attendit. La lueur gris bleuté du corps s'effaçait tandis que la lumière multicolore du second corps, qui flottait au-dessus du premier, devenait plus forte, plus vive. En fin le corps « fantôme » se gonfla, eut une secousse et se renversa tête en l'air et pieds en bas. Le lien très mince qui subsistait entre la chair morte et l'esprit vivant se rompit. Désormais l'esprit était une entité complète, vivant en totale indépendance du corps qu'il avait habité. Immédiatement, la pièce fut envahie par l'odeur de mort, l'odeur étrange, pimentée, désagréable, d'un corps qui commence à s'altérer.
 
 

    Le corps gisait inerte sur le sol. Il s'en dégageait le gargouillement de liquides interrompus dans leur course et trouvant leurs propres niveaux. On entendait aussi gronder et gémir les organes qui cessaient peu à peu de vivre, car un corps ne meurt pas instantanément, mais par étapes, organe par organe. Les centres supérieurs du cerveau qui meurent d'abord pour entraîner dans une suite ordonnée l'arrêt des autres organes qui, n'étant plus dirigés par le cerveau, cessent de fonctionner, cessent de produire les sécrétions ou de transmettre la substance dont ne peut être privé ce mécanisme compliqué qu'on appelle un corps.

    Lorsque la force vitale se retire, elle quitte les limites du corps et se rassemble au-dehors, constituant une masse amorphe juste au-dessus du corps. Elle plane sous l'effet de l'attraction magnétique tant qu'un flux de particules de vie habite la dépouille. Peu à peu, les organes de plus en plus nombreux perdant leur force de vie, la forme mince qui flotte au-dessus  du corps de chair finit par lui ressembler. Quand la ressemblance et le « corps spirituel » commence, flottant, son voyage dans l'au-delà.

    Désormais, l'esprit, détaché du corps mort, flottait. Il était lui-même bouleversé et terrifié. Naître à la vie sur Terre avait été pour lui une expérience traumatisante. Cela signifiait mourir à une autre forme d'existence. Mourir sur Terre signifiait que le corps-esprit renaissait dans l'autre monde, dans le monde spirituel. Maintenant, la forme planait, plus haut, plus bas, et attendait les instructions de lama initié, dont toute la vie était vouée à aider ceux qui quittaient cette Terre.

    Le lama observait la dépouille et son aura, recourant à ses sens télépathiques pour estimer les aptitudes de l'esprit libéré et s'assurer que le troisième oeil du mort était réellement à même de voir sa forme. Enfin, le lama rompit le silence pour livrer son enseignement. « Esprit libéré, dit-il, écoute mes pensées afin que ton voyage soit facile. Prends garde aux instructions que je vais te donner afin d'aplanir les obstacles qui se dressent sur ton chemin, car des millions ont suivi ce chemin avant toi et des millions le suivront après toi. »

    L'entité flottante qui, peu de temps auparavant, était sur Terre un homme passablement alerte, remua. Une teinte verdâtre se répandait sur tout son être. Une faible ondulation le parcourut d'un bout à l'autre puis il retomba dans son inertie. On avait la sensation, mal définie cependant, que cette entité était sur le point de s'éveiller du coma résultant du passage de la mort sur Terre à la naissance sur le plan de l'esprit.
 
 

    « Ô Esprit libéré, psalmodiait-il, ton âme doit devenir active. Tu t'es trop longtemps flétri sous le poids des superstitions des ignorants. Je t'apporte le savoir. Le sixième bâton d'encens est allumé pour t'apporter la connaissance, car tu dois te connaître toi-même avant d'entreprendre ton voyage. »

    ... « Du berceau jusqu'à la tombe, ta vie a été entravée par la superstition et de sottes frayeurs. Sache que beaucoup de tes croyances ne sont pas fondées. Sache que les démons que tu redoutes sont nés de ta propre invention. Le 7e bâton d'encens est allumé pour te retenir ici afin que tu puisses être instruit et préparé comme il convient pour le voyage que tu vas entreprendre. » L'acolyte était prêt, l'encens fut allumé et placé pour se consumer lentement; le lama reprit ses exhortations.

    « Nous ne sommes que les marionnettes de l'Un qui est Très Haut ; nous avons été mis sur Terre pour qu'il puisse expérimenter les choses de la Terre. Nous ne ressentons que faiblement notre droit d'aînesse, nos associations éternelles, et du fait que nous les éprouvons si obscurément, nous avons peur et nous rationalisons. » Le lama cessa de parler et observa la forme nuageuse qui planait silencieuse devant lui. Il l'observait et constatait son réveil graduel, son retour à la conscience. Il comprenait sa panique, son incertitude; il pressentait, dans une certaine mesure, le choc terrible qu'éprouvait cet être arraché à son entourage et aux choses qui lui étaient familières.Il pressentait et il comprenait.

        La forme spirituelle plongeait et oscillait. Le lama poursuivit: « Dis ce que tu penses. Je recevrai ces pensées si tu surmontes la stupeur du choc. PENSE que tu es capable de me parler. » La forme spirituelle palpita et vacilla; des rides ondulèrent sur toute sa longueur. Puis, pareil au premier pépiement d'un oiseau qui vient d'éclore, le gémissement d'une âme effrayée se fit entendre.

    « Je suis perdu dans le désert, disait-il. J'ai peur des démons qui me cernent. Je redoute ceux qui voudraient m'entraîner dans les régions inférieures pour me brûler ou me geler à jamais. » Le lama émit un léger rire de compassion. « Esprit, qui t'effraies pour rien, écoute-moi bien. Accorde-moi ton attention pour que je puisse te guider et te soulager. »

    « Je t'entends, saint lama, fut la réplique de la forme spirituelle, et je vais prêter attention à tes paroles. »
 
 
 

    « Sur Terre, dit le lama, l'homme est une créature absurde, encline à croire ce qui n'est pas, de préférence à ce qui est réellement. L'homme est fortement porté à la superstition et aux croyances mensongères. Toi, Esprit, tu crains que des démons ne s'emparent de toi. Pourtant, les démons n'existent pas en dehors de tes pensées. Ils disparaîtront en fumée, comme sous l'effet d'un grand vent, si tu reconnais ce qui est la vérité. Autour de toi, il y a des esprits élémentaires, des formes indifférentes qui se contentent de réfléchir la terreur comme un étang d'eau calme reflète tes traits si tu t'y penches. Ces esprits élémentaires ne sont pas dangereux, ce ne sont que des créations du moment, semblables aux pensées d'un homme ivre. N'aie aucune crainte, il n'y a là rien qui puisse te causer mal. »

    La forme spirituelle geignit d'effroi et dit, télépathiquement: « Mais je VOIS des démons, je VOIS des monstres qui produisent des sons inarticulés en tenant dans ma direction leurs mains griffues. Ils vont me dévorer. Je vois les traits de ceux à qui j'ai fait du tort dons la vie et qui maintenant viennent réclamer mon châtiment. »

    Le lama éleva les mains en signe de bénédiction et dit: « Esprit, écoute attentivement ce que je te dis. Fixe des yeux le pire de tes tortionnaires imaginaires. Regarde-le avec sévérité et ordonne-lui de s'en aller. Imagine-toi qu'il disparaît comme une bouffée de fumée. Il disparaîtra, car il n'existe que dans ton imagination enfiévrée. Pense MAITENANT. Obéis. »

    La forme spirituelle se souleva et vacilla. Ses couleurs flamboyèrent selon toute la gamme du spectre et alors, s'éleva le cri télépathique du triomphe: « Ils sont partis! » Elle se dilata et se contracta, exactement comme un homme de la Terre essoufflé après avoir fourni un violent effort.

    « Il n'y a rien à craindre sauf la crainte, dit le lama. Si tu n'as pas peur, alors RIEN ne peut te faire du mal. Maintenant, je vais te dire ce qui t'attend et alors, tu entreprendras l'étape suivante de ton voyage vers la Lumière. » La forme spirituelle étincelant de couleurs vives manifestait de la confiance et montrait que toute peur l'avait quittée. Maintenant, elle attendait, sereine.
 
 

    « Maintenant, il est temps pour toi, dit le lama, de continuer ton voyage. Quand je te libérerai, tu ressentiras une forte envie de flotter. N'y résiste pas. Les courants de la vie te porteront à travers des nuages tourbillonnants de brouillard. D'horribles figures te scruteront à travers l'obscurité mais ne les crains pas - sur ton ordre, elles disparaîtront. Garde tes pensées pures, ta mine calme. Tu arriveras bientôt sur une agréable pelouse verte où tu ressentiras la joie de vivre. D'aimables auxiliaires viendront au-devant de toi et te feront bon accueil. Ne crains rien. Réponds-leur, car là, tu ne pourras pas rencontrer ceux qui voudraient te nuire. »

    La forme spirituelle se balançait doucement en méditant sur ces remarques. Le lama reprit: « Ces auxiliaires t'escorteront jusqu'à la Salle des Souvenirs, le lieu qui rassemble toutes les connaissances, le lieu où sont consignées toutes les actions, bonnes ou mauvaises, que n'importe lequel d'entre nous a commises. Tu entreras dans la Salle des Souvenirs, et toi seul verras ta vie telle que tu l'as vécue et telle qu'elle aurait dû être. Toi, et toi seul, jugeras du succès ou non de tes efforts. Il n'existe pas d'autres jugement, pas d'autre enfer que celui que ta conscience coupable créera pour toi. Il n'existe ni damnation éternelle, ni supplices. Si tu as échoué dans la vie, alors toi, et toi seul, peux décider de retourner plus tard sur Terre pour y faire un nouvel essai. »

    Le lama se tut et fit signe à l'acolyte qui prit le dernier bâton d'encens. « Ô Esprit qui es instruit maintenant, dit-il, poursuis ta route. Voyage en paix. Voyage en sachant que tu n'as rien à craindre, sauf la crainte. » Lentement, la forme spirituelle s'éleva, fit une courte pause pour jeter un dernier regard dans la pièce; puis, elle s'échappa par le plafond et disparut. Le lama et son acolyte se levèrent, rassemblèrent leur matériel et quittèrent la cabane.

    Plus tard, alors que le soleil atteignait son zénith, un homme vêtu de haillons entra dans la pièce désertée. Il en ressortit, portant sur son dos une forme enveloppée dans un lincel: la dépouille mortelle du père de Timom. Il avança péniblement sur le sentier pierreux et porta le cadavre à l'endroit où les membres du défunt serait écartelés et fracturés afin que les vautours se nourrissent de cette dépouille. Ainsi, lorsque les temps seraient accomplis, les restes du corps transformés retourneraient à la Terre Mère.

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