20- LE TESTAMENT DE RAMPA
LE MESSAGE DE RAMPA

La réincarnation — Une nouvelle naissance
(©1984. Stanké-Arnaud Immelé => pages 247 à 254 Extrait 60)


 


    Quittant le hall, ils regagnèrent la salle du conseil.

    Là, le président dit à Algernon. — Vous avez vu les événements de votre vie. Vous avez vu que sang bleu ou sang rouge, vous avez commis une suite de crimes dont le couronnement a été votre suicide. Vous devez maintenant décider, ou nous laisser vous aider à décider de la vocation qui vous permettra d'expier le mal que vous avez fait et d'expier votre suicide. Avez-vous une idée de ce que pourrait être cette vocation?

    Algernon se sentait troublé. Tout ce qu'il avait éprouvé dans sa vie n'était rien à côté de ce qu'il ressentait à cet instant. La tête dans ses mains, il appuya ses coudes sur la table. Un silence absolu régnait dans la pièce. Longtemps il resta ainsi à penser, réfléchissant à ce qu'il pourrait être. Prêtre, peut-être, ou évêque et, avec quelques influences, archevêque. Mais arrivé à ce point, il éprouva un tel sentiment de négativité qu'il modifia tout de suite sa ligne de pensée.

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    Un vétérinaire, pensa-t-il. Mais il n'aimait pas assez les animaux pour cela, et la profession n'impliquait pas un rang social très élevé. Être vétérinaire constituait un tel déclassement pour quelqu'un de sa caste.

    Il eut l'impression d'entendre rire de façon moqueuse — et ce rire indiquait que là encore il était dans la mauvaise voie. Il pensa alors à devenir docteur, un docteur à la mode, dont la clientèle se recruterait parmi la noblesse; et s'il lui était donné de sauver soixante-dix vies ou plus, il aurait alors le « linge blanc des pénitents » avec lequel commencer une autre vie à la fin de ceci.

    Un des hommes parla pour la première fois.

    — Nous avons, bien sûr, suivi vos pensées dans ce globe.

    Il fit un geste en direction d'un globe posé sur la table et qu'Algernon n'avait pas vu car il était recouvert d'un tissu; mais maintenant il rougeoyait et révélait les pensées d'Algernon.

    Le vieil homme parla.

    — Oui, je crois que je peux vous recommander de devenir docteur, mais pas un docteur mondain. C'est le plan de vie que je conseillerai dans votre cas. (Il fouilla dans ses papiers et reprit :) Vous avez mis fin à votre vie et en avez mutilé d'autres.

    — Non, cria Algernon en se dressant, je n'ai pas mutilé...

    L'autre l'interrompit :

    — Vous l'avez fait; d'autres, sur vos ordres, ont été tués et mutilés et vous en portez le blâme au même titre que les exécutants. Mais je vous prie de m'écouter attentivement, car je ne répéterai pas ce que je vous dis. Vous deviendrez un médecin, mais dans un district pauvre, où vous travaillerez parmi les miséreux. Vous recommencerez votre existence dans les conditions les plus humbles — non plus comme un membre de l'aristocratie, mais comme quelqu'un qui s'élèvera grâce à son courage. À votre

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trentième année de vie, celle-ci sera terminée et vous reviendrez ici, si vous répétez votre suicide; sinon, vous irez à un niveau plus élevé de l'astral où vous serez préparé, en fonction de la façon dont vous aurez agi dans la vie que vous êtes sur le point d'entreprendre.

    Les discussions durèrent pendant très longtemps, puis le président, après un coup de marteau sur la table, reprit la parole :

    — Nous nous rencontrerons à nouveau pour décider des parents que vous aurez, de la région où vous naîtrez et aussi de la date. Jusqu'à ce moment, vous pouvez regagner la Maison du Repos. La réunion est terminée.

    L'air sombre, Algernon et le docteur refirent le chemin en silence. Le docteur l'installa dans la chambre qui convenait, en lui disant :

    — Je reviendrai plus tard quand on me dira de le faire.

    Avec un salut très bref, il s'éloigna, et Algernon s'assit, la tête dans les mains. L'image même de l'extrême misère, pensant à tout ce qu'il avait vu, à tout ce qu'il avait fait et se disant en lui-même : « Eh bien, si ceci est le Purgatoire, alors c'est que l'Enfer n'existe pas! »

    Vous devez retourner sur terre comme un enfant de gens pauvres,  de parents sans tatut social, parce que le rôle que vous avez été appelé à jouer dans votre précédente existence semble avoir considérablement faussé votre compréhension et vos perceptions, et vous vous placez dans une classe à laquelle vous n'avez pas droit. Nous suggérons — et c'est votre droit de refuser — que vous naissiez à Londres dans le secteur de Tower Hamlets. Il y a, près de Wapping Street, de futurs parents très convenables. Vous aurez l'avantage de naître tout près de la Tour de Londres et près des célèbres docks, zone de pauvreté et de souffrance. Là, si vous êtes d'accord, et si vous avez la force mentale et

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morale, vous pourrez commencer à travailler au développement qui fera de vous un médecin ou un chirurgien; et en sauvant les vies autour de vous, vous pouvez expier vos fautes : les morts dont vous êtes responsable. Mais vous devrez vous décider rapidement car ces femmes que nous avons choisies comme mères futures sont déjà enceintes, ce qui veut dire que nous n'avons pas de temps à perdre. Je vais vous montrer, dit-il, la zone où vous pourrez naître.

    Se tournant, il fit un geste de la main vers le mur que Cinquante-trois avait cru être en verre dépoli. Aussitôt la couleur apparut et il prit vie; Cinquante-trois vit la Tamise, Southwark Bridge, London Bridge, et Tower Bridge qui apparaissaient sur l'écran. La Tour de Londres elle-même était visible. Charmé, il regardait ces images parfaitement claires, et observait la circulation. Les voitures sans chevaux l'intriguaient tout particulièrement. Il en fit la remarque au conseiller qui lui répondit :

    — Oh oui, ce mode de transport a presque disparu; de grands changements se sont produits depuis que vous êtes ici, et vous savez que vous y avez passé pas mal de temps. Vous avez été inconscient pendant environ trois ans. Tout maintenant est motorisé — bus, voitures, etc. Les choses sont censées s'être améliorées, mais je regrette quant à moi de ne plus voir des chevaux passer dans les rues.
Cinquante-trois se concentra de nouveau sur les images de Londres, et fut interrompu par le conseiller qui lui disait :

    — Nous avons cinq femmes enceintes. Je veux que vous choisissiez parmi toutes les zones qu'on vous a montrées, celle que vous préférez. Parmi ces cinq femmes, l'une est l'épouse d'un aubergiste, la seconde est l'épouse d'un fruitier. La troisième, l'épouse d'un quincaillier. Quant à la quatrième, son époux est conducteur d'autobus, et la cinquième est

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concierge d'hôtel meublé. Vous êtes libre maintenant de faire votre choix et personne ne vous influencera. Je peux vous en soumettre la liste et vous aurez vingt-quatre heures pour réfléchir. Et si vous avez besoin d'un conseil, il vous suffira de le demander.

    Cinquante-trois retourna aux tableaux vivants, montrant les gens qui se déplaçaient; il s'étonnait de la façon étrange dont les femmes étaient vêtues, admirait les voitures sans chevaux et s'émerveillait aussi en voyant défiler la masse de somptueux bâtiments. Il se tourna alors vers le conseiller en disant :

    — J'aimerais vous demander de me permettre de voir les cinq pères et les cinq mères parmi lesquels je dois sélectionner mes parents. J'aimerais les voir, voir leurs conditions de vie.

    — Ah, mon ami, répondit le conseiller d'un ton de regret et secouant la tête tristement, c'est une requête que je dois vous refuser, car nous ne faisons jamais ce genre de choses.

    — Vous avez un esprit de caste très excessif, et je conviens, avec vous, que la respectable activité qu'est celle d'un aubergiste ou  d'un quincaillier serait plus que n'en peut accepter votre subconscient. Toutefois je pourrais vous recommander fortement cette auberge célèbre de Câble Street; mais pour quelqu'un de snob comme vous, je suggérerais au contraire la famille de l'épicier. L'homme se nomme Martin Bond et sa femme, Mary. Elle est sur le point d'accoucher et si vous devez occuper son corps en tant qu'enfant à naître, vous n'avez pas une minute à perdre, il vous faut reprendre vos esprits et décider, car vous seul pouvez le faire.

    « Un épicier, pensa Cinquante-trois. Pommes de terre moisies, oignons puants, tomates trop mûres. Pouah! » Se grattant la tête, il se tortillait misérablement sur sa chaise. Autour de lui, les autres faisaient silence, conscients de ce qu'il y avait de désespérant dans le fait de devoir prendre une telle déci-

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sion. Levant la tête, Cinquante-trois dit enfin sur un ton de défi :

    — C'est bien, je choisis l'épicier. Peut-être découvriront-ils que je suis l'homme « le mieux » qu'ils aient jamais eu dans leur famille!

    — Installez-vous sur cette table, dit alors la femme.

    Cinquante-trois hésita un instant, puis en haussant les épaulés il grimpa sur la table, écartant avec brusquerie la main du docteur qui, aimablement, cherchait à l'aider. Étendu sur la table, une étrange sensation s'empara de lui; la table semblait se mouler à son corps. Sensation exquise de confort qu'il n'avait jamais encore éprouvée. La table était chaude. Levant les yeux, il découvrit que sa vue s'était troublée. Les formes devant lui devenaient imprécises. Promenant son regard sur le mur qui lui faisait face, il crut pouvoir distinguer une forme humaine du sexe féminin. Il lui sembla qu'elle était dans un lit; l'observant avec des yeux brillants, il eut l'impression que quelqu'un rejetait les draps en arrière.

    Une voix déformée lui parvint :

    — Tout semble aller bien. Il est compatible.

    C'était vraiment très, très étrange. Il ressentait comme une impression d'être « anesthésié ». Il ne se défendait pas, il n'avait pas d'appréhension, nulle lucidité. Au lieu de cela, il reposait sur cette table qui épousait sa forme, regardant, sans comprendre, les gens qu'il avait connus antérieurement — le docteur, le conseiller et la femme.

    Il eut le vague sentiment qu'on parlait : « Fréquence de base compatible. » « Inversion de température. » « Une période de synchronisation et de stabilisation. » II eut un sourire nonchalant; le monde du Purgatoire s'évanouit et il ne sut plus rien de ce monde.

    Algernon s'agita violemment dans son sommeil. Algernon? Cinquante-trois? Peu importe que ce

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fût l'un ou l'autre. Ce n'était pas dans le sommeil qu'il était plongé, mais bien dans le cauchemar le plus affreux qu'il ait jamais vécu. Il songea au tremblement de terre de Messine, où les édifices s'étaient écroulés et où la terre s'était ouverte en engloutissant les gens, puis s'était refermée sur eux.

    Une effroyable catastrophe. Mais ce qu'il éprouvait était la pire chose jamais imaginée. Il lui semblait qu'on le broyait et qu'un boa constricteur essayait de le déglutir et de le faire passer au travers de sa gorge.

    Le monde entier lui paraissait être bouleversé. Tout tremblait. Il ne souffrait pas, mais il se sentait  terrifié.

    De loin, un cri étouffé lui parvint, comme un cri entendu à travers une masse d'eau. Vaguement conscient, il perçut : « Martin! Martin, demande vite un taxi. Le travail a commencé. »

    « Martin? Martin? » II avait le sentiment vague, très vague, d'avoir déjà entendu ce nom quelque part, mais il ne parvenait pas à rassembler ses souvenirs.

    Il était incapable de voir, mais de l'environnement chaud dans lequel il avait été, on le précipitait maintenant sur quelque chose de froid et de rugueux. Le froid lui sembla pénétrer ses os et il frissonna. Il découvrit, étonné, qu'il était tout trempé, et « quelque chose » alors le saisit par les chevilles et le souleva, tête en bas.

    Deux claques sévères sur son derrière, et il ouvrit la bouche pour protester contre l'indignité, contre l'outrage infligé au corps d'un officier et d'un gentleman. Et avec ce premier cri de rage, tout souvenir du passé le quitta, comme s'évanouit le rêve à l'aube du jour nouveau. Un bébé était né.

    Tous les bébés, bien sûr, ne connaissent pas de telles expériences, vu qu'un bébé n'est normalement qu'une masse inconsciente de protoplasme jusqu'à

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l'instant de la naissance. La conscience ne lui vient que plus tard. Mais, dans le cas d'Algernon, ou de Cinquante-trois — comme il vous plaira de l'appeler — le problème était assez différent, car il avait été un suicidé et, en vérité, un « cas » très difficile, et à cela s'ajoutait un autre facteur : cette créature — cette entité — devait revenir sur terre avec, dans l'esprit, un objectif particulier; il lui fallait se destiner à une profession spéciale, et la connaissance de ce qu'était cette vocation devait être transmise à partir du monde astral par l'intermédiaire du bébé à naître et de là directement au moule mental du nouveau-né.

    Pour un temps, le bébé resta étendu. Le cordon fut coupé, mais il était indifférent à tout ce qui se passait. Algernon s'en était allé. Il y avait là, maintenant, un bébé sans nom. Après quelques jours passés à l'hôpital, des formes vagues allaient et venaient devant la vision indécise du bébé.

    — Tiens, dit une voix, assez fruste, petit diable d'avorton, hein? Comment vas-tu l'appeler, Mary?

    La mère, regardant tendrement son premier bébé, leva les yeux et sourit au visiteur.

    — Je pense que nous l'appellerons Alan. Tu te souviens, nous avions décidé que si c'était une fille elle s'appellerait Alice, et si c'était un garçon, ce serait Alan.

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