Les ovnis, laboratoire du futur. Du camouflage politique et socioculturel à l'hypothèse extraterrestre

Michel Picard, édition JMG, 2002


 

Pour l'auteur, la cause de la manière extravagante dont le problème ovnien est traité par l'humanité terrestre, est qu'il lèche le transcendant. Ce qui terrorise la science qui prétend, depuis Laplace, pour le monde physique, et depuis Darwin, pour le monde vivant, qu'elle a prouvé l'inexistence de toute transcendance. Elle a décidé que tout fait non répétable est exclu de son champ. Elle prétend aussi que tout phénomène paraissant violer les lois de la physique (du moment et fixées par elles) ne peut avoir d'existence réelle et est objet de croyance. Or l'ovni cumule les deux défauts en question. Ergo, l'ovni n'existe pas. Mais nier un problème ne l'a jamais supprimé. Le phénomène ovnien perdure et enrichit son historique tous les ans d'observations pertinentes. Il implique une révision de la cosmologie qui est grosse de la métaphysique et même de la théologie. L'ovni constitue une activité d'éveil, une révolution épistémologique, à la frontière de la science, donnant à penser ce que pourrait être le surhomme du futur et peut-être catalyser sa venue.

L'éthique et la pragmatique interdisent le contact officiel ouvert et massif. Contact qui interdirait notre liberté relative et notre évolution. Contact interdit par l'incommunicabilité du moins au plus. Le phénomène tente d'ailleurs de s'auto-nier, en se camouflant, en mimant nos activités, en multipliant absurdités et contradictions. Qui ne sont, peut-être, que la (mauvaise) traduction par notre cerveau de l'ininterprétable, au double titre d'entièrement nouveau et de suprahumain. Telle est la thèse de l'auteur.

La science, à laquelle l'ovni échappe, sauf à la statistique qui le prouve à elle seule, ironise, les médiats en rajoutent, les autorités se taisent et suscitent une désinformation criarde et faux-cul. Par exemple en France, les R.G. ont mis les ufologues sur la liste des sectes. Mais Picard apporte la preuve qu'ils étudient eux-mêmes les rapports d'ovnis. Il se construit alors une ovniologie souterraine partant dans tous les sens. Mais qui accumule le matériel et ébauche des théories pour le jour où la science voudra bien se pencher sur la question.

Aucun gouvernement ne peut avouer son impuissance face au parasitage de son espace aérien, à la neutralisation de ses systèmes d'armes, déprogrammation de missiles, suppression de communications, arrêt des moteurs, simulacre de collision aérienne, pannes électriques géantes, et surtout à la faillite de la science et de sa conception du monde, que tout cela implique. Les politiques sont simplement embarrassés, ils n'en savent probablement pas beaucoup plus que nous, et sont ligotés par la raison d'état. Avouer l'inavouable serait un suicide politique, l'écroulement de la démocratie, la fin des croyances, la fin des systèmes, la régression infantile. Point n'est besoin d'une théorie de la conspiration. Sur ce point l'auteur est amené à se contredire quand il présente l'affaire Oummo comme une vaste entreprise de désinformation. Le phénomène n'est pas prêt de se dévoiler. Il dépend de nous de prendre la direction qu'il continuera de nous montrer discrètement

Les scientifiques ne peuvent étudier un phénomène risquant de les amener à soupçonner une hyperphysique maîtrisant un univers complexe dont ils ne voient qu'une partie réduite à ses 4 dimensions de base. Un contact serait paniquant tant individuel qu'officiel. Pourtant ce serait un devoir de préparer l'humanité au choc des contacts individuels, qui eux existent déjà.

Le secret est relatif. Des autorités au plus haut niveau ont reconnu l'existence des ovnis, particulièrement en France, l'hypothèse armes secrètes est enterrée depuis longtemps, du moins comme explication globale, l'hypothèse phénomène naturel inconnu n'est pas explorée, preuve qu'on n'y croit pas, la théorie de la lumière sismique à percussion sur le psychisme humain n'a obtenu aucun renfort expérimental. Les études, les rapports, les enquêtes existent. Il faut se remuer pour les consulter mais cela est possible et pas seulement aux États-Unis.

L'hypothèse psychosociale est le principal brûlot lancé sur l'hypothèse extraterrestre, brûlot qui a fait long feu. L'auteur s'amuse beaucoup à démolir le pathos psy élaboré par des sociologues pour le seul phénomène ovni, inconnu de la psychologie et de la psychiatrie, qui va du rêve éveillé au stimulus soucoupisant, à l'hallucination contagieuse par pression du mythe en passant par l'hystérie collective, et en s'aidant de la science fiction prétendue anticipatrice du phénomène et de l'imaginaire scientifique, tous modèles ad hoc créés pour le seul phénomène ovnien. Il est normal que devant un phénomène totalement inconnu, l'esprit humain cherche une analogie qu'il plaquera sur l'objet. Rien dans la mémoire, on cherche ailleurs. Ce n'est pas la science-fiction qui anticipe, c'est le témoin qui puise dans ses lectures, ses films, ses fantasmes, y compris ceux de la fiction. Et celle-ci n'a pas prévu tous les éléments ovniens.

L'auteur démolit la théorie de Vallée d'un système de contrôle par projection psychique et commence par démonter les arguments basés sur une définition de l'ovni volontairement réductrice. Le nombre extravagant de rencontres qu'il donne par extrapolation et la motivation de l'exploration de l'homme et de la biosphère depuis la 2e GM sont farfelus. Le phénomène dure depuis la nuit des temps, il est depuis longtemps au parfum et passé à la phase d'activités. Lesquelles ? Je crains qu'elle ne soit pas seulement d'altruisme éducateur comme le soutient Picard. Ils sont trop présents pour que ce soit important seulement pour nous et pas pour eux.

En annexe, après avoir dit le plus grand bien de Sider dans son descriptif du phénomène ovnien, l'auteur, qui décidément, désire faire place nette pour sa théorie de la transcendance, s'en prend à sa théorie d'un fluide électromagnétique produit par nos émotions au service d'une intelligence immatérielle X.

Puis c'est le tour de Méga-Seti de prendre son paquet. Méga-Seti cherche partout, sauf dans le système solaire, au nom du principe anthropomorphique : il est impossible qu'ils y soient. Seti a surtout pour conséquence de nous faire connaître de la Galaxie. Et postule un cosmos en paix universelle pratiquant l'échange philosophique à grande distance dans le seul but de la prise de connaissance. Méga-Séti fait abstraction du seul modèle dont on dispose : le modèle guerrier et ubrique terrestre.

Le principe anthropique ne dit pas que l'homme est le summum de l'évolution et l'ovni nous confirme que la nature a accouché de beaucoup plus que l'homme. Il nous guide vers notre futur, en nous le laissant entrevoir. Sans intervention directe, ce qui nous ferait involuer. L'ovni nous lance, par l'étalage de ses performances, des défis qui vont du comment faire pour échapper au radar, comment courber un faisceau lumineux, à comment obtenir le volume d'une cathédrale dans une soucoupe de 10 mètres. Une technologie, basée sur une hyperphysique, qui par définition transcende la nôtre, ne peut paraître au mieux que magique, irrationnelle, et au pis qu'impossible, absurde, scandaleuse. Ces raisons qui sont celles même qui caractérisent une science supérieure, sont alors paradoxalement celles qui font rejeter et nier le phénomène par le scientifique affolé par les conséquences. Les manipulations de la lumière, de l'espace et du temps sont imbuvables. Sauf si l'on interprète la finalité du phénomène : nous ouvrir à la complexité d'un Univers. Le phénomène se charge d'enseigner une planète-école. D'ailleurs l'on en a les prémices chez nos théoriciens qui ont prévu la 4e dimension, les 10 dimensions de la théorie des supercordes, la conversion d'une dimension de l'espace en temps et inversement. Ce qui expliquera peut-être les excentricités de la topologie et du temps ovniens.

L'auteur propose un modèle de l'ovni : une hypersphère 4d dont la surface est un espace 3d courbe et dont nous ne voyons donc, si je comprends bien, que la surface de la surface, limitée à la section 3d d'un objet 4d traversant ou glissant partiellement dans notre espace, comme serait vu par un être plat un couteau perforant ou déchirant son espace 2d. Bien qu'il reconnaisse que nous ne pouvons rien comprendre du surhumain, ne rien voir de l'absolument nouveau et dans le nouveau partiel qu'interpréter par analogie avec du connu, l'auteur s'y essaye. Le fait qu'un phénomène qui pourrait - s'il le voulait - passer inaperçu, se laisse voir, manie même l'ostentation, par exemple à Roswell et en Belgique, mêlée à la désinformation, et se renie, a une signification en rapport avec notre évolution et celle de l'Univers. Univers, dont la fonction, inscrite dans les conditions initiales du Grand Boum et la miraculeuse combinaison des constantes universelles réglées à la vingtième décimale, est de créer des êtres pensants et surpensants. Malheureusement pour nous, un psychisme ne peut comprendre d'un psychisme supérieur que la partie qu'ils ont commun. Le fossé est infranchissable.

Mais le point sur lequel l'auteur renouvelle l'ovniologie, c'est la démonstration d'analogies signifiantes entre le phénomène ovnien et l'expérience ante-mortem. L'une et l'autre auraient pour fonction de nous approcher du point oméga de Teilhard, superhumanité au cerveau collectif, dont les cerveaux humains seront les neurones, superorganisme faisant franchir à l'espèce un niveau d'organisation aussi fort que le passage de la conscience directe animale à la conscience réfléchie humaine. Et dont les insectes sociaux, êtres munis du seul instinct, donnent une faible idée, malgré leur saut cognitif. Picard ne dit pas ce qui lui fait choisir l'évolution vers une surhumanité plutôt que vers le surhomme. Optimisme encore ?

La rencontre rapprochée ou l'expériences au seuil de la mort a pour effet, dit Picard, adepte de Kenneth Ring, de métamorphoser le Rencontré et l'Expérienceur : - change la perception de soi et l'échelle des valeurs, - génère une quête du sens, un sentiment de mission à accomplir, une élévation spirituelle hors du cadre dogmatique des religions, - éveille des capacités paranormales, médiumniques et de rêve lucide. Je me demande si l'auteur ne donne pas un coup de pouce à sa thèse en accordant au Rencontré les attributs ordinairement reconnus au Contacté, et en écartant les rencontres éloignées. Ces expériences auraient le même rôle : catalyser l'évolution psychospirituelle de l'humanité vers l'esprit planétaire collectif et transcendant d'une humanité superorganisme, une ruche dont les éléments possèdent une conscience réfléchie et pas seulement des instincts.

Les témoins des ovnis comme ceux des apparitions ne sont pas des nobels. Peut-être choisissent-ils les moins individualistes. Outre ces deux analogies, il remarque : l'activité pédagogique, l'incommunicabilité, le scénario immuable en gros, mais incomplet et variant dans le détail, les expériences négatives, les épisodes amnésiques, les contact avec des entités, enfin des transformations physiologiques du métabolisme et du système nerveux central. Il y a une différence de taille : le déclencheur de l'expérience océanique n'est pas seulement l'approche de la mort mais toute crise paroxystique, accouchement, extase sexuelle, méditation… King qui connaît mal le dossier ovnien croit la rencontre rapprochée aléatoire alors qu'on la sait programmée. Le Rencontré est sous influence, la preuve en est qu'on a de nombreuses photos d'ovnis éloignés, aucune d'ovni proche. Mais grâce à Poher nous sommes certains de la réalité du début et de la fin de la rencontre qui respecte la loi de fréquence des phénomènes vus en atmosphère et la droite de Bouguer. Et les expériences à la limite sont en croissance exponentielle. Malgré des erreurs sur l'ovni, Ring aurait mis le doigt sur un fait important : la corrélation rencontres/expériences/apparitions.

Le faux crache de Roswell n'a pas fourni aux États-Unis une avance technologique mais indirectement il y contribue en nous disant dans quel axe chercher. Leur manipulation du temps et de l'espace leur aurait permis de camoufler, prévoir, éviter l'accident. Ils nous font le coup de l'accident ou le coup de la panne. Ils nous connaissent mieux que nous nous connaissons. Ils maîtrisent notre psychisme, notre mémoire, notre commande motrice volontaire et nos perceptions sensorielles ; donc l'examen médical de la rencontre est un leurre. dit Picard

A peine avait-on annoncé la trouvaille d'une épave de soucoupe que l'on démentait. On ne refera pas l'erreur. Roswell marque un tournant, la preuve qu'ils sont là, la preuve qu'on ne peut pas le dire. D'ailleurs le phénomène nous traite en quantité négligeable, en animal de laboratoire, il ne prend pas de formes ; ce n'est peut-être pas par cruauté pour Picard, il nous renvoie en miroir notre statut de prédateur belliqueux et meurtrier.

L'ancienneté du phénomène est attestée par toutes sortes d'observations qui décrivent dans la langue des connaissances du moment le même phénomène, semblable à lui-même dans tous les folklores. L'auteur donne en entier la traduction d'un poème médiéval en vers latins, qui décrit un voyage dans le passé avec paradoxe de type Langevin : le Panthéon, du moine historien Godefroy de Viterbe (1120-1191) : voyage de moines bretons sur mer, attirés dans une structure brillante, absents huit jours ils reviennent dans leur abbaye après 300 ans et avoir traversé les épisodes typiques de la Rencontre. Et Michel Picard conclut à la triple finalité du phénomène ovnien ouvrir le cerveau humain à un cosmos complexe, revoir nos certitudes à la baisse, stimuler l'émergence de l'homme collectif du futur.

L'ovni est un révélateur et un stimulant de la pensée sollicitée à ses limites.

Il s'agit d'un livre important qui n'est pas une compilation de plus, les observations ne servent qu'à étayer le raisonnement. Il y aurait plusieurs objections dont la principale est de se vouloir obstinément optimiste, de sélectionner, dans un phénomène dont l'hypercomplexité est ramenée à nos limites intellectuelles, une seule approche, d'unifier le phénomène en particulier ses motivations, en lui attribuant une éthique, un altruisme et un dévouement à une grande cause, en contradiction avec nombre de manifestations du phénomène, dont certaines ne sont pas prises en compte par l'auteur.

Comment croire qu'une activité aussi continue, aussi assidue, venant d'aussi loin, soit totalement désintéressée. Il faudrait qu'ils soient des anges !

On appréciera particulièrement les chapitres sur Les ovnis devant l'hystérie réductrice de la sociopsychologie, Un défi à la science du XXe siècle, la physique transcendante des ovnis, Les expériences proches de la mort et les rencontres rapprochées, une extraordinaire analogie.

Jacques Costagliola
Août 2002


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Jacques Costagliola