LA DOCTRINE SECRÈTE
par H.P. BLAVATSKY

SYNTHÈSE DE LA SCIENCE
DE LA RELIGION ET DE LA PHILOSOPHIE

Satyât nâsti paro dharmah
 IL N’Y A PAS DE RELIGION [OU DE LOI ] PLUS ÉLEVÉE QUE LA VÉRITÉ

La traduction de cet ouvrage a été révisée d'après l'édition définitive de The Secret Doctrine, publiée en 1938 par The Theosophical Publishing House, Adyar,Chennai(Madras), India

La présente édition française comprend plusieurs préfaces, une courte biographie de H.P.Blavatsky et un chapitre sur la façon dont fut écrite la DOCTRINE SECRÈTE. Ces textes ne figuraient pas dans les éditions précédentes.


Cette oeuvre géniale de la fondatrice de la Société Théosophiqu est une encyclopédie de science occulte, extraordinairement riche en documents de toutes sortes. Les quatre premiers volumes, renferment la Doctrine Secrète proprement dite, telle qu'elle a paru pendant la vie de H.P.B.. Les tomes V et VI sont des manuscrits de H.P.B. non classés, qui ont été publiés, en 1897, six ans après la mort de H.P.B., par Annie Besant, comme faisant partie intégrante de la Doctrine Secrète. L'ouvrage se présente donc ainsi:

Tome 1: ÉVOLUTION COSMIQUE

Tome 2:

Tome 3: ANTHROPOGÉNÈSE

Tome 4: SYMBOLISME ARCHAÏQUE DES RELIGIONS DU MONDE

Tome 5: MISCELLANÉES

Tome 6: MISCELLANÉES

 


Ouvrages du même auteur
publiées par les
Éditions Adyar:
4 Square Rapp – 75007 Paris

La Doctrine Secrète, en six volumes
Isis Dévoilée, en quatre volumes
La Voix du Silence
Occultisme pratique
Au Pays des Montagnes Bleues
Dans les Cavernes et Jungles de l'Hindoustan
Entretiens sur la Doctrine Secrète


-I-

COSMOGENESE

PREMIÈRE PARTIE

ÉVOLUTION COSMIQUE

STANCES DE DZYAN



Je dédie cet ouvrage à tous les vrais Théosophes de tout pays et de toute race.

Ce sont eux qui l’ont suscité, Et c’est pour eux qu’il fut écrit

HÉLÈNA-PETROWNA  BLAVATSKY


PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION

            L’auteur - ou plutôt celle qui écrit - sent qu’il lui est nécessaire de présenter des excuses pour le long retard qui s’est produit avant la publication de cet ouvrage. Les raisons en ont été des troubles de santé et l’ampleur de l’entreprise. Et les deux volumes actuellement publiés n’épuisent pas le plan, ni ne traitent de façon exhaustive les sujets qu’ils abordent. D’abondantes matières sont déjà préparées, parlant de l’histoire de l’occultisme, telle qu’elle se trouve dans la vie des Grands Adeptes de la Race Aryenne et montrant les répercussions de la philosophie occulte sur la conduite de la vie telle qu’elle est et telle qu'elle devrait être.  Si les volumes actuels rencontrent un accueil favorable, aucun effort ne sera épargné pour mener à bien le plan de l’ouvrage dans sa totalité.  Le troisième volume est entièrement prêt et le quatrième l’est presque.

            Ce plan, il faut le préciser, n’était pas envisagé quand on a fait la première annonce que ce livre était en préparation. Tout d’abord, on comptait que LA DOCTRINE  SECRÈTE serait une version amendée et augmentée d’Isis Dévoilée. On trouva cependant très vite que les explications qui pourraient être ajoutées à celles qui avaient déjà été présentées au monde par le premier livre et d’autres ouvrages traitant de la science ésotérique, étaient d’une nature qui exigeait une autre façon de procéder et, en conséquence, les volumes actuels ne contiennent, en tout, pas même vingt pages extraites d’ Isis Dévoilée.

L’auteur ne croit pas devoir demander l’indulgence de ses lecteurs ou critiques pour les nombreuses fautes de style, et l’anglais imparfait qu’on pourra trouver dans ses pages. Elle est étrangère et sa connaissance de la langue ne lui vint que tardivement, elle emploie l’anglais parce qu’il est le moyen le plus diffusé pour répandre les vérités qu’il est de son devoir de présenter au monde.

            Ces vérités ne sont nullement présentés comme une révélation et l’auteur n’a pas de prétention à être un révélateur de la science mystique qui est maintenant rendue publique pour la première fois dans l’histoire du monde. Car ce  que contient cet ouvrage se trouve dispersé dans des milliers de volumes incorporant les Écritures des grandes religions asiatiques et des débuts des religions d’Europe, cachés sous glyphes ou symboles, et jusqu’ici passé inaperçu à cause de ce voile. Ce qu’on essaie maintenant, c’est de rassembler les données les plus anciennes et d’en faire un tout harmonieux et cohérent. Le seul avantage que l’auteur ait sur ses prédécesseurs est de n’avoir pas besoin de recourir à la spéculation et aux théories personnelles. Car cet ouvrage est une déclaration partielle de ce qui lui a été enseigné par des étudiants plus avancés, augmentée seulement pour quelques petits détails des résultats de ses propres études et observations. La publication de beaucoup des faits ici exposés a été rendue nécessaire par les spéculations téméraires et fantaisistes auxquelles beaucoup de Théosophes et étudiants du Mysticisme se sont livrés, ces dernières années, dans leur effort, tel qu’ils l’imaginaient, pour édifier un système de pensée complet d’après les quelques faits communiqués antérieurement.

            Il est inutile d’expliquer que ce livre n’est pas la DOCTRINE SECRÈTE dans sa totalité, mais un nombre de fragments choisis dans ses données fondamentales, une attention spéciale étant apportée à quelques faits dont certains écrivains se sont emparés et les ont déformés hors de toute ressemblance avec la vérité.

            Mais il est peut-être souhaitable de déclarer sans aucune équivoque que ces enseignements, si fragmentaires et incomplets contenus dans ces volumes, n’appartiennent pas en exclusivité aux religions Hindoue, Zoroastrienne, Chaldéenne ni Égyptienne pas plus qu’au Bouddhisme, à l’Islam, au Judaïsme ou au Christianisme. La DOCTRINE SECRÈTE en est l’essence à tous. Les divers système religieux qui en ont jailli à leur origine sont maintenant appelés à se replonger dans leur élément originel d’où s’est développé tout mystère et tout dogme, en s’étendant et en se matérialisant.

            Il est plus que probable que ce livre sera regardé par une grande partie du public comme un roman de l’espèce la plus fantastique; car, qui a jamais entendu même parler du livre de Dzyan?

            L’auteur est donc pleinement préparée à prendre toute la responsabilité de ce qui est contenu dans ce livre et à être accusée d’avoir inventé le tout. Elle est pleinement consciente de ses nombreuses insuffisances; tout ce qu’elle réclame pour cet ouvrage, c’est que, si romancé qu’il puisse sembler à beaucoup, sa cohérence et sa consistance logiques donnent droit à cette nouvelle Genèse de se ranger tout au moins au niveau des « hypothèses de travail » si librement acceptées par la science moderne. De plus, elle demande qu’on le considère, non en vertu d’un appel à une autorité dogmatique, mais parce qu’il adhère étroitement à la nature et se conforme aux lois de l’uniformité et de l’analogie

            Le but de cet ouvrage peut être ainsi défini : montrer que la Nature n’est pas « un concours fortuit d’atomes »,et assigner à l’homme sa place réelle dans le plan de l’Univers; sauver de la dégradation les vérités archaïques qui sont la base de toutes les religions; découvrir jusqu’à un certain point, l’unité fondamentale dont toutes ont jailli;et finalement montrer que le côté Occulte de la Nature n’a jamais été considéré par la science de la civilisation moderne.

Si ces choses sont accomplies, si peu que ce soit, l’auteur est satisfait. Ce livre est écrit pour le service de l’humanité et c’est à l’humanité et aux générations futures qu’il appartient de le juger. Son auteur ne reconnaît la validité d’aucun tribunal de rang moindre. Elle est habituée à l’injure; la calomnie, elle la subit chaque jour; les attaques ne tirent d’elle qu’un sourire silencieux et méprisant.

De minimis non curat lex.

H.P.B.                                                                                                         

Londres,octobre 1888


PRÉFACE  À LA TROISIÈME ÉDITION

            En préparant cette édition pour l’imprimeur, nous avons cherché à corriger des points de détails mineurs dans la forme littéraire, sans toucher du tout aux matières plus importantes. Si H.P.B. avait vécu pour publier cette nouvelle édition, elle l’aurait sans doute corrigée et considérablement augmentée. Que cela ne soit pas fait  est une des pertes mineures que nous cause la perte majeure que nous avons subie.

            Des phrases maladroites, dues à une connaissance imparfaite de l’anglais ont été corrigées; la plupart des citations ont été vérifiées et les références exactes données --- ce qui a impliqué un lourd travail, car les références des précédentes éditions étaient souvent imprécises; un système uniforme de translittération des mots sanscrits a été adopté. Rejetant le système le plus courant chez les orientalistes d’Occident ---système pouvant dérouter le lecteur non spécialiste --- nous avons donné aux consonnes qui n’existent pas dans l’alphabet anglais des combinaisons qui expriment à peu près leur valeur phonétique et nous avons aussi marqué la quantité --- lorsqu’il y a lieu --- sur les voyelles. Il nous est arrivé, dans un petit nombre de cas, d’incorporer des notes aux textes, mais cela n’a été fait qu’avec grande réserve dans les seuls cas où il était évident qu’elles en faisaient partie.

            Nous avons ajouté un index copieux, pour aider les étudiants et l’avons relié séparément, afin qu’il soit plus facile à consulter. Pour la lourde tâche qu’il a nécessitée, nous, et tous les étudiants avec nous, sommes les débiteurs de M. A.J. Faulding.

 Annie Besant.                                                                                                                   

 G.R.S. Mead.                                                                                                                   

 Londres, 1893


PRÉFACE À LA QUATRIÈME ÉDITION DE LA DOCTRINE SECRÈTE

            Il est satisfaisant que le cinquantième anniversaire de la publication de LA DOCTRINE SECRÈTE soit marqué par la publication à Adyar d’une édition complète accessible au public en général, en six tomes maniables, à des conditions très avantageuses, en fait, au prix de revient.

            Pour avoir rendu possible cette édition, et pour des projets d’autres publications de littérature théosophique classique, nous devons remercier The Blavatsky Foundation, organisation vouée à la diffusion des grands enseignements théosophiques sous une forme aussi accessible que possible.

            Ce n’est qu’à Adyar qu’une telle édition de LA DOCTRINE SECRÈTE  pouvait être préparée, car elle a non seulement demandé les soins qualifiés de membres très compétents en Théosophie et en histoire de la Société Théosophique, mais encore plus la possibilité de consulter constamment les archives de la Société qui, seules, contiennent les documents originaux pour collationner le texte imprimé avec les manuscrits et pour assurer la mise au point d’une édition aussi conforme que possible aux intentions originales de H.P.Blavatsky.

            Aucune édition ne pourrait en aucun cas être complète sans qu’y soit inclus ce qu’on appelle le troisième volume [ Tomes V et VI des éditions françaises. ( Note du Traducteur ) ] et que certains ont, à tort, considéré comme ne faisant pas partie du travail personnel de H.P.Blavatsky. Il y a une évidence interne convenable que ce troisième volume est constitué par une masse de matières qu’elle avait assemblée en vue de publications à venir, et à Adyar nous avons la copie du manuscrit original, de la main de la Comtesse Wachtmeister, et peut-être d’autres personnes.

            Pour faciliter l’étude de cette oeuvre monumentale, nous avons ajouté les éléments suivants :
- Comment LA DOCTRINE SECRÈTE a été écrite, compilation d’après les archives et documents;
- H.P.Blavatsky, esquisse de sa vie;
- UN COURT GLOSSAIRE a été ajouté à l’Index;
- Les Index ont été révisés et un nouvel index tout à fait nouveau a été compilé pour le cinquième volume de la nouvelle édition;
- À chaque volume, les noms d’un certain nombre d’ouvrages de références scientifiques et autres ont été ajoutés.

Je suis très privilégié que le terme de mon mandat de Président soit marqué par la re-publication de la plus importante révélation de la Sagesse Éternelle existant dans le monde moderne, et à sa disposition, et j’exprime ma gratitude à tous ceux qui ont rendu cette publication possible. Tout d’abord, je veux remercier Mme Joséphine Ransom, qui a étudié LA DOCTRINE SECRÈTE avec tant de pénétration et s’est acquis de l’autorité en la matière, de s’être consacrée entièrement à la surveillance de la nouvelle édition depuis déjà beaucoup de temps. Cette édition aurait été impossible sans elle. À chaque étape, elle a examiné avec un soin scrupuleux les moindres détails afin que chaque mot de chaque page soit aussi fidèle que possible à son grand auteur. Mme Ransom a, en particulier, réussi à fusionner en une seule, les éditions de 1888 et de 1893, si bien que rien n’est perdu de l’édition de 1888, quoique la facilité de lecture qui constitue la principale différence entre les deux éditions, telles que modifications grammaticales ou typographiques y soient fidèlement incorporées dans l’édition d’Adyar. Cette édition constitue donc, en vérité, deux éditions en une.

Nous n’aurions pas rempli notre devoir envers les étudiants de LA DOCTRINE SECRÈTE si nous avions méconnu le dévouement érudit de deux des principaux élèves de H.P.Blavatsky : Annie Besant et G.R.S. Mead.

Un grand nombre d’étudiants ont aidé Mme Ransom dans son travail lourd de responsabilité et c’est très cordialement que nous les remercions tous.

Pour la préparation générale et la correction des épreuves, Mme Ransom avait la direction. Elle a été aidée par M. A.J. Harmester et M. Sidney Ransom pour la préparation. La charge de corriger les épreuves a surtout pesé sur les épaules de Mlle Ethelwyn M.Amery, aidée de quelques volontaires. M. Rohit Mehta a apporté une aide érudite pour préparer le nouvel Index, ce qui impliquait une pesante et fastidieuse tâche. Les recherches ont été faites par Mlle G.Watkin, bibliothécaire de la Bibliothèque d’Adyar; par les Pandits de cette Bibliothèque spécialement pour le Sanscrit, le Tibétain et le Chinois; et par divers amis d’ici ou de l’étranger, pour les textes Grecs, Latins ou Hébreux. M. Hirendranath Datta, Vice-président de la Société Théosophique, a donné une précieuse collaboration en ce qui concerne la Philosophie Hindoue et je dois aussi remercier plusieurs membres de la Société Théosophique d’Angleterre pour avoir vérifier des références à des ouvrages anciens absents de la Bibliothèque d’Adyar, et aussi pour des ouvrages scientifiques modernes.

La partie spécialement administrative de la publication de cette nouvelle édition a été assumée avec habilité par M.H.J.Nt. van de Poll, Directeur honoraire de The Theosophical Publishing House  d’Adyar, et par M.C.Subbarayudu, Directeur de The Vedanta Press  d’Adyar.

C’est ainsi que nous avons entrepris, au Quartier Général de la Société Théosophique, foyer même de H.P.Blavatsky, encore imprégné de la puissante atmosphère qu’elle a créée, et possédant tant de documents de ses travaux, la réincarnation de cette forte impulsion spirituelle qui était l’activité créatrice des deux Fondateurs Intérieurs de la Société Théosophique et de leur principal agent dans le monde extérieur, et qui prit, en 1888, la forme de LA DOCTRINE SECRÈTE. Dans l’Esprit du Second Logos, ils créèrent en 1875 la forme : la Société Théosophique. Dans l’Esprit du Troisième Logos, ils donnèrent en 1888 la vie : LA DOCTRINE SECRÈTE.

En 1893, cette vie fut renouvelée. En 1938, elle l’est encore une fois,

ainsi H.P.Blavatsky reste pour toujours la donatrice originelle, dirigée par les Fondateurs Intérieurs, de la vie qui, un jour, donnera plénitude et santé au monde nouveau.

En tant que messagère, elle a subi la persécution et a été vilipendée. Mais le jour viendra où elle sera reconnue pour ce qu’elle est réellement, celle qui a apporté la Lumière à l’âge nouveau.

George S. Arundale,
Président de la Société Théosophique,
Adyar
,1938.          
                                                       

                                                                      


ESQUISSE DE LA VIE DE H.P.BLAVATSKY

Héléna Pétrovna Blavatsky fut une des personnalités mondiales les plus frappantes du dernier quart du XIXe siècle. Elle était un tel cyclone, un tel défi aux orthodoxies, qu’elles soient Religieuses, Scientifiques, Philosophiques ou Psychologiques, qu’on ne pouvait l’ignorer. Elle était une véritable iconoclaste, taillant en pièces les oripeaux qui dérobaient le Réel à la vue. Mais comme la majorité s’attachait aux oripeaux de convention et méconnaissait le Réel, elle s’en prit à H.P.B. Et la calomnia à cause de son courage audacieux qui lui fit dévoiler ce qu’il semblait blasphématoire de révéler. Lentement, mais sûrement, les ans qui passent la justifient. Si injuriée qu’elle ait été, elle était satisfaite de travailler « au service de l’humanité » et montrait sa sagesse en laissant à des générations à venir le soin de juger de sa magnifique valeur, [ voir la préface de H.P.B. à l’édition de 1888, reproduite dans le  présent volume.]

                Héléna Pétrovna Hahn naquit prématurément  à minuit entre le 30 et le 31 juillet 1831 (12 août du calendrier russe) à Ekaterinoslav, province du même nom, en Russie du Sud. Tant d’étranges incidents se produisirent à sa naissance et à son baptême que les serviteurs russes lui prédirent une vie agitée.

            Héléna était une enfant volontaire, née d’une longue lignée d’hommes et de  femmes impérieux et puissants. L’histoire de ses ancêtres se confond avec celle de la Russie. Il y a des siècles, des Slaves nomades erraient dans l’Europe centrale et orientale. Ils avaient leurs propres formes de gouvernement, mais lorsqu’ils s’établirent à Novgorod ils furent déchirés par des rivalités qu’ils ne purent réduire par eux-mêmes. Ils demandèrent l’aide de Rurik qui était, en 862 de notre ère, le chef d’une des bandes errantes de « Russ » Nordmans ou Scandinaves, à la recherche de marchés et de puissance. Rurik vint édifier à Novgorod le premier gouvernement civil, centre opulent de commerce entre l’Est et l’Ouest. Il en fut le premier prince et régna quinze ans. De son vivant, son fils Igor et son neveu Oleg consolidèrent son pouvoir à l’Ouest et au  Sud. Kief devint une grande principauté, et celui qui y régnait était le souverain virtuel de la Russie. Au cours des siècles, les descendants de Rurik étendirent leurs conquêtes et leur autorité dans tout le pays. Wladimir Ier (+ 1015) adopta le Christianisme comme religion de son peuple , et le prétendu  « Paganisme » s’éteignit. Yaroslav le Sage (+1034) formula des codes et les « Droits  Russes ». Le sixième fils de Wladimir II (1,113-25) était Yuri à la longue main, celui qui saisit, ou « dolgorouki ». Cette appellation devint le nom de famille. Yuri fonda Moscou, et de lui sortirent les puissants Grands Ducs qui régnèrent et se combattirent avec rage. Les hordes Mongoles, en 1224, tirèrent avantage des divisions  et dominèrent les groupes turbulents, tous jaloux de la puissance et de la position des autres. Mais Ivan III, un Dolgorouki, rejeta, en 1480, le joug Mongol et Ivan IV exigea d’être couronné Tsar en s’emparant de l’autorité suprême. La longue et brillante dynastie des Dolgorouki s’éteignit avec son fils. Mais la famille continua à dominer sous les Romanoff, jusqu’au jour où la branche « aînée » des Dolgorouki, dont les Tsars Romanoff étaient regardés comme la branche cadette, s’éteignit en la personne de la grand-mère de Mme Blavatsky, la Princesse très douée et érudite Éléna Dolgorouki, qui épousa André Mikaelovitch Fadéef.

            La famille d’Hélène était donc au premier plan en Russie, ayant à soutenir  rang et tradition, et connue dans toute l’Europe. Héléna était une rebelle et depuis son enfance tournait constamment les conventions en dérision; elle avait pourtant  soin d’éviter que ses actes affectent sa famille ou portent atteinte à son honneur. Son père, le capitaine Peter Hahn, descendait d’une lignée de vieux croisés Mecklembourgeois, les Rottenstern Hahn. La mère douée d’un talent littéraire plein de finesse, était morte lorsque Héléna n’avait encore que onze ans; son enfance se passa chez les grands-parents Fadéef, dans une immense propriété de Saratov qui abritait de nombreux membres de la famille et beaucoup de serviteurs, le grand-père Fadéef étant Gouverneur de la province de Saratov.

            La nature d’Hélène était fortement marquée d’une aptitude psychique innée, à tel point que c’était sa caractéristique la plus évidente. Elle prétendait communiquer avec les habitants de mondes autres et plus subtils, que les hommes d’ordinaire ne voyaient pas, ainsi qu’avec des êtres humains dits « morts » et elle en donnait la preuve. Cette aptitude naturelle fut l’objet d’un entraînement et d’un développement qui dura toute sa vie. Son éducation fut influencée par la situation mondaine de sa famille et par les éléments de culture qui  prévalaient alors. C’est-à-dire qu’elle parlait plusieurs langues et était très habile musicienne ; sa grand-mère, très instruite, y ajouta un sens scientifique et de l’expérience,  et elle avait sa part des dons littéraires qui semblaient fréquents dans la famille.

            En 1848, à dix-sept ans, Héléna épousa le vieux général Nicéphore V. Blavatsky, Gouverneur de la province  d’Erivan. Plusieurs récits ont été faits sur la raison de ce mariage; mais elle témoigna dès le début à quel point ce mariage lui déplaisait. Au bout de trois mois, elle s’enfuit, retourna à sa famille qui l’envoya chez son père. Craignant d’être contrainte de retourner vers le général Blavatsky, elle faussa compagnie en route, et commença une vie d’errance et d’aventures qui dura cinq années. Son père restait en rapport avec elle et lui envoyait des fonds. Il semble qu’elle resta assez longtemps hors de Russie pour que sa séparation d’avec son mari devint légale.

            En 1851, Héléna - maintenant Mme Blavatsky ou H.P.B. - rencontra pour la première fois physiquement le Frère Aîné ou Adepte, qui avait toujours été son protecteur, la préservant de tout danger grave au cours de ses plus osées escapades puériles. Dès lors, et à jamais, elle devint sans réserve Son disciple, pleinement sensible à chacune de Ses indications ou ordres. Sous Sa direction, elle apprit à contrôler et à diriger les forces auxquelles elle était soumise du fait de sa nature particulière. Elle traversa des expériences d’une extraordinaire variété dans le domaine de la « Magie » ou de l’occultisme. Elle apprit à transmettre des messages de ses Instructeurs aux destinataires et, chemin faisant, à braver le danger et l’incompréhension. Suivre ses déplacements pendant ces années, c’est marcher à sa suite dans le monde entier. Pendant un certain temps, elle séjourna dans l’Himalaya, étudiant dans les monastères où sont conservés les enseignements de certains des plus savants Instructeurs Spirituels passés du monde. Elle étudia la Vie et les Lois des mondes intérieurs, et les règles qu’il faut observer pour avoir la possibilité d'y atteindre. En témoignage de cette période de son éducation occulte, elle nous a laissé une exquise traduction des axiomes spirituels de La Voix du Silence.

            En 1873, H.P.Blavatsky se rendit aux États-Unis d’Amérique pour faire le travail en vue duquel elle avait subi cet entraînement. Pour quelqu’un qui n’aurait pas eu son courage, la chose aurait pu paraître impossible. Femme russe inconnue, elle se lança dans le mouvement spirite qui agitait alors si fortement l’Amérique et d’autres pays à un moindre degré. Les esprits scientifiques avaient un grand désir de découvrir la signification de ces étranges phénomènes et trouvaient malaisé de se frayer un chemin dans la masse de fraude et de tromperie jusqu’à la vérité. De deux façons, H.P.Blavatsky essaya de faire voir l’explication qui y conduirait : 1°. en faisant la démonstration pratique de ses propres pouvoirs; 2°. en déclarant qu’il y avait un savoir antique concernant les lois les plus profondes de la vie, étudié et conservé par ceux qui pouvaient les utiliser en sécurité et pour de bonnes causes; des gens qui, dans leurs degrés supérieurs, étaient appelés des « Maîtres » bien que d’autres titres leur soient aussi donnés : Adeptes, Chohans, Frères Aînés, la Hiérarchie Occulte, et ainsi de suite.

            Pour donner corps à ses déclarations, H.P.B. écrivit en 1877 Isis Dévoilée et en 1888, LA DOCTRINE SECRÈTE, toutes deux « données » par les Maîtres. Dans Isis Dévoilée, elle brandit courageusement les preuves qu’elles avait assemblées dans les Écritures mondiales et autres archives, devant le visage de l’orthodoxie religieuse, du matérialisme scientifique, de la foi aveugle, du scepticisme et de l’ignorance. Elle rencontra le mépris, mais la pensée du monde en fut affectée et éclairée.

            Lorsque H.P.B. fut « envoyée » aux États-Unis, une de ses plus importantes tâches fut de former une Société qui, lors de sa fondation, fut nommée LA SOCIÉTÉ THÉOSOPHIQUE, « pour rassembler et diffuser la connaissance des  Lois qui gouvernent l’univers. [ Premier règlement, Chap. 11.] La Société faisait appel à la collaboration fraternelle de ceux qui peuvent comprendre l’importance de son champs de travail, et qui sont en sympathie avec les buts pour lesquels elle a été organisée » [ Premier préambule. ] Cette « fraternelle collaboration » devint le premier des Trois Buts du travail de la Société qui, depuis bien des années, ont été délimités comme suit :

Premier : Former un noyau de la Fraternité Universelle de l’Humanité sans distinction de race, croyance, sexe, caste ou couleur;

Deuxième : Encourager l’étude comparée des Religions, Philosophies et des Sciences;

Troisième : Explorer les lois inexpliquées de la Nature et les pouvoir latents en l’homme.

            Mme Blavatsky reçu l’ordre d’amener le Colonel Henry Steel Olcott à s’associer à elle pour former la Société. C’était un homme considéré et bien connu dans la vie publique d’Amérique. Tout comme H.P.B., il a tout sacrifié pour accomplir la tâche qui lui avait été confiée par les Maîtres.

            Ils se rendirent en Inde en 1879 et c’est là qu’ils posèrent les premières fondations solides de leur oeuvre. La Société se répandit rapidement d’un pays à l’autre, supportée avec vigueur par des hommes et des femmes convaincus par son attitude de service de l’humanité, sa largeur de vue, la logique et la clarté de sa philosophie et l’inspiration de sa direction spirituelle. H.P.B. Fut chargée par les Maîtres de la responsabilité de répandre LA DOCTRINE SECRÈTE ou Théosophie dans le monde; avant tout, c’était un instructeur. La tâche d’organiser la Société revint au Colonel Olcott, et il le fit avec un succès éclatant. Naturellement, ces deux pionniers rencontrèrent opposition et incompréhension, spécialement H.P.B. Mais elle était préparée à tous les sacrifices. Comme elle l’écrivit dans la préface de LA DOCTRINE SECRÈTE : « elle est habituée aux injures; la calomnie est son lot quotidien; les propos médisants la font sourire dans un mépris silencieux ».

            La période la plus brillante et la plus efficace de la vie d’H.P.B. Fut celle qu’elle passa en Angleterre de 1887 à 1891. Les effets de l’injuste Rapport de la Société des Recherches Psychiques de Londres en 1885, à propos de ses phénomènes, joints aux attaques des Missionnaires chrétiens en Inde s’étaient jusqu’à un certain point apaisés. Elle ajouta l’entraînement et l’instruction d’élèves chargés de poursuivre son oeuvre, à un travail incessant d’écrivain et à une abondante correspondance. C’est à cette fin qu’elle organisa, avec la sanction officielle du Président (Colonel Olcott), la Section Ésotérique de la Société Théosophique. En 1890, plus de mille membres dans de nombreux pays recevaient ses directives.

            LA DOCTRINE SECRÈTE est décrite par son titre. Elle présente « non  la DOCTRINE SECRÈTE dans sa totalité, mais un nombre choisi de fragments de ses données fondamentales ». a) Elle indique que, par la comparaison des Cosmogénèses des anciens, une perception des véritables Universaux peut être acquise; b) Elle donne l’indice pour retrouver l’histoire authentique des races de l’humanité; c) Elle soulève le voile de l’allégorie et du symbolisme pour révéler la beauté de la Vérité; d) elle présente à l’intellect avide, à l’intuition, et aux perceptions spirituelles, les « secrets » scientifiques de l’Univers. Ils restent pourtant des secrets tant qu’ils n’ont pas été pleinement assimilés et compris.

            H.P.B. mourut le 8 mai 1891 et laissa à la postérité un grand héritage de certaines des pensées les plus belles qui aient jamais été offertes au monde. Elle ouvrit les portes longtemps fermées des mystères; elle révéla une fois de plus la vérité sur l’Homme et la Nature; elle apporta le témoignage de la présence sur terre de la « Hiérarchie Occulte » qui garde et guide le monde. Elle est honorée par des milliers de gens, car elle a été, et elle est, un phare éclairant le sentier vers les hauteurs que tous doivent un jour gravir.

Joséphine Ransom.

Adyar, 1938.                                                                                                         

        


COMMENT FUT ÉCRITE LA DOCTRINE SECRÈTE

1879.- H.P.Blavatsky commença à “défricher le sol en vue de son nouveau livre”, le vendredi 23 mai 1879.[ Journal du Colonel Olcott. ] Le Colonel Olcott « donna à H.P.B.. le squelette d’un livre contenant des idées à l’état brut, telles qu‘elles se présentaient à quelqu’un qui ne devait pas en être l’auteur ».[ Ibid., 24 mai.] Le 25 mai, il « aida H.P.B. pour la  Préface d’un nouveau livre », [ Ibid ] . Et le mercredi 4 juin il « aida H.P.B. à finir la Préface… » [ Ibid. Voir aussi Histoire authentique de la Société Théosophique. ] Pendant plusieurs années, rien de plus ne fut fait, car H.P.B. et le Colonel Olcott étaient beaucoup trop occupés par l’établissement de la Société Théosophique, leur activité personnelle dans l’Inde, la publication de The Theosophist et une abondante correspondance.

            1884.- Dans The Theosophist, supplément de janvier, parut une annonce de LA DOCTRINE SECRÈTE, nouvelle version d’Isis Dévoilée. L’annonce disait que : « De nombreuses et urgentes demandes étaient venues de toutes les parties de l’Inde, d’établir un projet permettant de mettre à la disposition de ceux qui n’avaient pas les moyens d’acheter en une fois un livre aussi cher , les questions traitées dans Isis Dévoilée. D’autre part, beaucoup de personnes trouvant que les contour de la doctrine ainsi donnée étaient trop flous réclamaient « plus de lumière » et,  comprenant fatalement de manière erronée les enseignements, pensaient à tort qu’ils étaient en contradiction avec des révélations ultérieures, qui - en bien des cas - avaient été tout à fait mal saisies. Aussi l’auteur, conseillée par ses amis, se propose de faire paraître son ouvrage sous une forme plus claire et meilleure, en des cahiers mensuels. Tout ce qui est important dans Isis pour une compréhension totale des sujets occultes et autres sujets philosophiques qui y sont traités, sera retenu, mais avec un regroupement de textes, rapprochant autant que faire se peut, les matières se rapportant à chaque sujet…beaucoup de renseignements supplémentaires sur des sujets occultes, qu’il n’était pas souhaitable de mettre sous les yeux du public lors de la première version de l’ouvrage, mais pour lesquels le terrain a été déblayé durant les huit années écoulées, spécialement par la publication du « Monde Occulte » et du « Bouddhisme Ésotérique » et autres ouvrages théosophiques, ces renseignements donc, seront donnés maintenant. Des indications s’y trouvent aussi qui jetteront de la lumière sur beaucoup des enseignements jusqu’ici mal compris que l’on trouve dans les ouvrages susdits…On compte que chaque cahier comptera soixante-dix-sept pages en Royal (ou vingt-cinq pages de plus que chacun des vingt-quatre cahiers  de l’ouvrage original)…et que ce sera achevé en deux ans environ. Le premier cahier devrait sortir le 15 mars.

            Mme Blavatsky écrivit à M. A.P. Sinnett au début de cette année que, bien qu’il ait donné dans « Le Bouddhisme Ésotérique »(1883) « des miettes des doctrines occultes authentiques », elles n’étaient pourtant que des « fragments » et ne devaient pas être confondues avec la « totalité ». quoique très malade, elle « devait maintenant veiller pendant des nuits pour récrire tout Isis Dévoilée sous le nom de LA DOCTRINE SECRÈTE et faire trois ou quatre volumes des deux de l’origine, Subba Row m’aidant et écrivant la plus grande partie des commentaires et explications ». [ Lettres de H.P.Blavatsky to A.P. Sinnett, publiées par A.T.Barker (1925) ]

            L’annonce qui suivit parut dans le  supplément d’avril de The Theosophist, p.68, en ces termes : « LA DOCTRINE SECRÈTE, nouvelle version d’ Isis Dévoilée, avec une redistribution des sujets, d’importantes additions et de nombreuses notes et commentaires par H.P.Blavatsky, Secrétaire Correspondant de la Société Théosophique, assistée de Subba Row Garu, B.A.-B.L.-F.T.S. Conseiller de la Société Théosophique… » Le premier cahier devait « sortir le 15 juin ». L’annonce était répétée en juin, p.92, mais la date de la parution était reportée au 15 août, puis au 15 septembre - ensuite il n’y eut plus d’annonces.

            Le Dr Archibald Keightley dit que la première nouvelle qu’il eut de LA DOCTRINE SECRÈTE fut l’annonce dans The Theosophist. « On me dit en 1884 que Mme Blavatsky  était en train d’écrire un livre …qui s’appellerait LA DOCTRINE SECRÈTE,  que diverses personnes avaient été consultées quant à sa structure et que tous les points ardus de la philosophie Hindoue avaient été soumis à Subba Row qui avait aussi fait diverses suggestions quant à l’ensemble. Ensuite je constatai qu’il l’avait fait, esquissant un plan très rudimentaire, mais celui-ci ne fut  pas suivi ». [ Reminiscences of H.P.Blavatsky and the Secret Doctrine,par la Contesse C.Wachtmeister et autres, p.96 (1893).]

            quand H.P.B. se rendit en Europe, elle emporta le manuscrit et y  travailla à chaque instant de loisir. À Paris, d’avril à juin, elle écrivit à M. Sinnett qu’ « une des raisons pour lesquelles il (Mohini Chatterji) devait venir, est de m’aider pour les éléments sanscrits de LA DOCTRINE SECRÈTE …Je vous remercie de l’intention que vous avez eue d’écrire la Préface de LA DOCTRINE SECRÈTE  je ne vous ai pas demandé de la faire, mais les Mahatmas, Mohini ici et Subba Row là-bas, suffisent tout à fait à m’aider. Si vous ne pensez pas que le projet est réalisable tel qu’il est annoncé, j’en suis fâchée pour vous et votre intuition. Puisque le Gourou pense différemment, je prendrai le risque de suivre plutôt ses ordres et conseils que les vôtres… Dire que « j’agirais sagement en ordonnant le remboursement des souscriptions et en supprimant les annonces » est une pure sottise. Je n’ai pas entrepris de récrire et de m’engager dans les ennuis de ce livre infernal pour ma douce joie… Mais mes goûts personnels et mes désirs n’ont rien à faire avec mon devoir. Le Maître ordonne et veut qu’il soit récrit et je le ferai; tant mieux pour ceux qui m’aideront dans cette tâche fastidieuse, et tant pis pour ceux  qui ne le feront ni ne le voudront. Qui sait, si avec la bénédiction et l’aide de Dieu la chose ne deviendra pas, quand même « un splendide morceau »! Je ne serai non plus jamais d’accord avec vous que c’est folie d’essayer d’écrire un tel ouvrage en cahiers mensuels puisque le Gourou l’a ainsi décidé… Un chapitre, en tout les cas, sur les Dieux et Pitris, les Dévas et Daimons, les Élémentaires et les Élémentaux et autres semblables fantômes est fini. J’ai trouvé qu’on m’a donné une méthode très facile et je l’ai suivie et un chapitre après l’autre, un cahier après l’autre seront récrit très aisément. Votre suggestion qu’il ne doit pas « faire figure d’une simple réimpression d’Isis «  ne va nullement à l’encontre de l’annonce… puisqu’elle promet seulement « d’amener les matières traitées dans Isis à la portée de tous,  et d’expliquer, en le montrant, que les « révélations plus récentes, c’est-à-dire le Bouddhisme Ésotérique d’une part, et des articles de The Theosophist d’autre part, ne sont pas en contradiction avec les esquisses de la doctrine  donnée, si floue que soit celle-ci dans Isis, et de donner dans LA DOCTRINE SECRÈTE tout ce qui est important dans Isis, en regroupant les textes concernant les sujets traités au lieu de les laisser dispersés comme ils le sont dans les deux tomes - il s‘ensuit que je suis contrainte de donner des pages entières d’Isis, en les amplifiant seulement et en donnant des renseignements supplémentaires. Et à moins de donner de nombreuses citations d’Isis, cela deviendra Isis ou Horus - mais jamais ce qui a été promis à l’origine dans la « Note des Éditeurs »que je vous prie de lire ». [ Letters of H.P.B. to Sinnett,pp.87-89 ]

            M. W.Q. Judge, qui était aussi à Paris (mars-avril) fut, comme toute personne qui pensait pouvoir aider H.P.B., entraîné dans son travail. À la maison de campagne du Comte et de la Comtesse d’Adhémar, H.P.B. lui demanda de « relire soigneusement Isis Dévoilée afin de noter en marge quels sujets étaient traités…et…que cela lui fût extrêmement utile ».[ Reminiscences, p.102.] L’accumulation de documents pour le livre continua.

            1885.- Dans son journal, le 9 janvier, le Colonel Olcott écrit : « H.P.B. a reçu du (Maître M.) [ Son cryptogramme seulement dans le Journal. ] Le plan pour LA DOCTRINE SECRÈTE. Il est excellent. Oakley  et moi avons essayé quelque chose hier soir, mais cela est bien meilleur ». [ Oakley était M. A.J. Cooper-Oakley. Voir aussi Histoire Authentique de la S.T.]

            La conspiration des Coulomb  amena H.P.B. à quitter Adyar pour L’Europe en mars. Elle emporta le précieux manuscrit. « Quand je me préparais à aller sur le vapeur, Subba Row me dit d’écrire LA DOCTRINE SECRÈTE et de lui envoyer par votre intermédiaire chaque semaine ce que j’aurais écrit. Je le lui promis et je le ferai… puisqu’il doit faire les notes et commentaires, et qu’alors la S.T. la publiera. » [ The Theosophist, Mars 1925 p. 784.]

            C’est cette année que le Maître K.H. Écrivit : [ Lettres des Maîtres de Sagesse ( 2e série), transcrites et annotées par C.Jinarajadasa. ] « Quand LA DOCTRINE SECRÈTE sera prête, elle sera la triple production de M. …,d’Upasika et de Lui-même ». [ « Le Maître et le Kashmiri dictant à tour de rôle »,H.P.B. à H.S.O. (Henry Steel Olcott) , le 6 janvier 1886. ]

            Après un travail de quelques mois à Wurtzburg, dans la solitude, la Comtesse Constance Wachtmeister fur « envoyée » pour aider H.P.B. Qui lui dit que l’ouvrage, une fois fini, comporterait quatre tomes et « qu’il donnerait au monde autant de la doctrine ésotérique qu’il était possible au niveau actuel de l’évolution humaine ». H.P.B. dit que « ce ne serait qu’au siècle suivant que les hommes commenceraient à comprendre et discuter le livre de façon intelligente ». [ Reminiscences, page 23. ] La Comtesse « fut chargée de faire des copies au propre du manuscrit d’H.P.B. » .[ Ibid., « elle copie tout » écrivait H.P.B. à H.S.O., Le 6 janvier 1886.] Elle décrit combien H.P.B. Fut profondément blessée par le Rapport de la Société des Recherches Psychiques, et comment cela affecta son travail, l’obligeant à écrire jusqu’à douze fois la même page, parce que son état d’esprit troublé ne lui permettait pas de l’écrire correctement.[ Ibid., page 33.]

            La Comtesse raconte que la circonstance qui attira son attention et l’émerveilla le plus « c’est la pauvreté de la bibliothèque de voyage » de H.P.B. Pourtant « ses manuscrits étaient remplis à déborder de références, citations, allusions, d’une masse d’ouvrages rares et difficiles sur les sujets les plus variés ».Certains de ces ouvrages ou documents ne pouvaient être trouvés qu’au Vatican ou au British Museum. « Pourtant, elle n’avait besoin que de vérification… » La Comtesse fut capable d’obtenir, par des amis, la vérification de passages « qu’H.P.B. Avait vus dans la Lumière Astrale, avec le titre du livre, le chapitre, la page et les chiffres notés correctement ». Une fois dans la Bodleian Library d’Oxford et une fois dans un manuscrit du Vatican. [ Ibid., Page 35. Voir Lucifer, p. 355 (1888).]

                plusieurs fois, on a demandé à H.P.B. d’instruire quelques personnes comme elle l’avait fait pour le Col. Olcott et Mr. Judge, mais elle dit que s’il lui fallait s’occuper d’enseignement, elle devrait abandonner LA DOCTRINE SECRÈTE. [ Ibid., Page 41.]  Elle eut à subir la tentation d’un paiement élevé si elle consentait à écrire, sur n’importe quel sujet, pour des journaux russes. Elle refusa : pour « écrire un ouvrage comme la DOCTRINE SECRÈTE il faut que toutes mes pensées soient tournées dans la direction de ce courant ». [ Ibid., Page 48.] « Jour après jour, elle restait assise à écrire de longues heures durant. » [ Ibid., Page 55.]

            Au Col. Olcott, H.P.B. dit qu’elle était prête à envoyer les trois premiers chapitres terminés pour que Subba Row les revoie et « les corrige, ou ajoute, ou retranche… Mais il vous faudra reprendre l’Introduction. Sinnett…se propose tout le temps, je ne peux pas y consentir simplement à cause de l’élégance de son anglais et de ses bonnes idées sur l’arrangement mécanique, qui est littéraire, mais non métaphysique… ».- [ H.P.B. à H. S.O., 25 novembre 1885.]

1886.- De la lettre qu’elle envoya le 6 janvier au Col.Olcott, [ parue dans The Theosophist, août 1931, pp. 664/8. ] Il ressort que H.P.B. Avait abandonné l’idée que le nouveau livre serait une révision d’Isis Dévoilée. Il lui avait envoyé une sorte de Préface pour une Isis révisée, qu’elle mit rapidement au feu, et elle lui recommanda de puiser dans les deux tomes d’Isis tout ce qu’il voudrait, de le publier, en tirage à part, et d’en garder le produit pour la Société. Il s’agissait certainement de calmer les souscripteurs à qui on avait promis LA DOCTRINE SECRÈTE en cahiers mensuels. En ce qui la concernait, il lui fallait se hâter d’écrire LA DOCTRINE SECRÈTE qui devait être sa "justification". Il lui fallait cette DOCTRINE SECRÈTE pour montrer si les Maîtres existaient ou non, en réponse à la Société des Recherches Psychiques dont le Rapport, qui la présentait comme un imposteur, était encore dans toutes les mémoires. Elle pressait de nouveau le Col. Olcott de s’assurer de l’aide de Subba Row pour tous les points qui touchaient à l’Advaïtisme et à l’occultisme de l’antique Religion Aryenne.  Elle voulait son aide, des citations antiques et des significations occultes ajoutées à celles qu’elle donnait elle-même. La D.S. (DOCTRINE SECRÈTE) . devrait être vingt fois plus érudite, occulte et explicative. Elle disait qu’elle lui enverrait deux ou trois chapitres, et qu’autrement elle commencerait tout de suite la composition.

            Le 3 mars, H.P.B. Écrivit àSinnett qu’en ce qui touchait LA DOCTRINE SECRÈTE , il y avait un « développement et un paysage nouveaux chaque matin. Je vis de nouveau deux vies. Le Maître trouve que ça m’est trop difficile de regarder consciemment dans la Lumière Astrale pour ma D.S., aussi..... on me fait voir tout ce qu’il faut comme dans un rêve. Je vois des rouleaux de papier, longs et larges, sur lesquels des choses sont écrites et je me les rappelle. Ainsi tous les Patriarches d’Adam à Noé m’ont été donnés à voir - en parallèle avec les Rishis; et au milieu, entre eux, la signification de leur symboles ou personnifications. Seth, comme Brighu, représente la première sous-race de la Race Racine, par exemple, qui, anthropologiquement, est la première sous-race douée de la parole de la Troisième Race; et astronomiquement (ses années étant 912 ) signifiant en même temps la durée de l’année solaire dans cette période, le temps de sa race et bien d’autres choses. Enoch, finalement, signifiant l’année solaire quand notre durée actuelle fut fixée, 365 jours (Dieu le prit quand il eut 365 ans) et ainsi de suite.  C’est vraiment très compliqué, mais j’espère l’éclairer assez par les explications. J’ai fini un énorme chapitre d’Introduction ou Préambule, Prologue - appelez-le comme vous voudrez -  simplement pour montrer au lecteur que le texte, tel qu’il est, n’est pas une fiction, chaque Section commençant par une page de traduction du Livre de Dzyan  et du Livre Secret de Maitreya Bouddha. On m’a commandé de faire une rapide esquisse de ce qu’on savait effectivement en histoire et en littérature, dans les classiques comme dans les histoires sacrées ou profanes, pendant les 500 ans qui précèdent l’Ère Chrétienne et les 500 ans qui suivirent; de la Magie, d’une DOCTRINE SECRÈTE universellement connue des philosophes et des Initiés de tous pays et même de plusieurs pères de l’Église comme Clément d’Alexandrie, Origène et d’autres, qui avaient eux-mêmes été initiés. Aussi de décrire des mystères et certains rites, et je peux vous assurer que les choses les plus extraordinaires sont divulguées maintenant, toute l’histoire de la Crucifixion, etc., étant montrée comme  basée sur un vieux rite aussi vieux que le monde - la Crucifixion du candidat sur le Lathe - les épreuves, la descente aux enfers, etc., Qui sont toutes Aryennes. Toute l’histoire, passée jusqu’ici inaperçue des Orientalistes, y est trouvée même exotériquement dans les Puranas et les Brahmanas, puis expliquée et augmentée de ce que donnent les explications Ésotériques… J’ai des faits pour vingt volumes comme Isis; ce qui me manque c’est le langage, l’habileté du compilateur. Eh bien, vous verrez bien vite ce Prologue - qui couvre 300 pages de papier d’écolier ». [ Letters of H.P.B. to Sinnett, pp. 194/95. ] « Des tableaux, panoramas, scènes, drames antédiluviens et tout le reste ». [ Ibid.,  Page 244. ]

            Écrivant le 12 mars de Wurszbourg à Sinnett, la Comtesse Wachtmeister dit qu’elle avait été si « embarrassée avec les Stances » et les « Commentaires », qu’elle ne pouvait rien en tirer,  « Madame se mit alors à écrire les premières à l’encre rouge et les autres à l’encre noire, et ils sont maintenant plus faciles à saisir, puisqu’on évite la confusion des idées… » [ Ibid., Page 294. ]

            H.P.B. décida de passer l’été à Ostende. Elle emporta le manuscrit de LA DOCTRINE SECRÈTE. Il y eut des retards en route, mais elle arriva finalement le 8 juillet et trouva des chambres qui lui convenaient, s’y installa et devait y être rejointe encore, quelques mois plus tard, par la Comtesse. Elle écrivit le 14 juillet [ H.P.B. à H.S.O. , publié dans The Theosophist , mai 1908, p.756. ] au Col. Olcott qu’elle lui envoyait le manuscrit et qu’il ne fallait pas le garder plus d’un mois, que la publication en cahiers devait commencer cet automne et qu’on n’accepterait de paiement d’avance que pour ce qui était dans les mains des éditeurs. La publication devait en être faite simultanément par Redway [ George Redway, Éditeur Londres. ] en Angleterre et par Bouton [ éditeur d’Isis ( Mr. Judge conseilla à H.P.B. de protéger sa DOCTRINE SECRÈTE aux États-Unis; cela pouvait se faire parce qu’elle était citoyenne américaine (elle s’était fait naturaliser en 1879). Letters of H.P.B. to A.P.Sinnett, p. 244.) ] En Amérique. Elle lui enverrait  “l’avertissement au lecteur” et le premier chapitre de LA DOCTRINE SECRÈTE, elle-même. Il y a 600 pages et plus de papier d’écolier, comme livre Préliminaire d’Introduction », et elle répète ce qu’elle avait déjà écrit à Mr. Sinnett sur la nature de ce qu’on devait trouver dans cette ébauche. Elle l’enverrait si Subba Row approuvait le chapitre I qui consistait en « Sept Stances prises dans le Livre de Dzan (ou Dzyan )…et des commentaires ». Elle ne pouvait s’en séparer parce qu’elle n’avait pas de copie, ni personne pour copier.

            Mais il semble que la Comtesse revint à temps pour copier le plus gros, sinon le tout, de tout ce que H.P.B. Avait achevé. H.P.B. Écrivit à la fois à Mr. A.P. Sinnett le 21 septembre [ Letters of H.P.B. to A.P.Sinnett, p. 221. ] Et au Col. Olcott le 23 septembre, [ The Theosophist, mars 1909, p.588, «Échos du Passé ». ] disant qu’elle avait envoyé le volume I de la D.S. à Adyar et travaillait maintenant sur l’Archaïque. Elle lui apprend qu’il y a « dans le premier tome d’Introduction, 7 Sections ( ou chapitres) et 27 appendices étant rattachés à chaque Section de 1 à 6, etc. Or, tout cela fera plus d’un tome ou, à tout le moins un tome, et  ce n’est pas la D.S., mais une Préface. Elle est absolument nécessaire, sans quoi, si l’on se met à lire le volume Archaïque, le public deviendra fou à la lecture de pages trop métaphysiques…Elle lui permet une certaine liberté d’arrangement, mais le prie de ne pas perdre de pages ni de laisser mutiler le manuscrit…Rappelez-vous que c’est mon dernier grand ouvrage, et je ne pourrais pas, s’il était perdu, l’écrire à nouveau pour sauver ma vie, ou ce qui est plus, celle de la Société… » « Le tout ou presque a été donné par le « Vieux Gentleman » et le Maître «  .[ Le « Vieux Gentilhomme » était le Maître Jupiter, le Rishi Agastya. Lettre de H.P.B. à H.S.O., 21 octobre 1886.]

                Le manuscrit fut reçu le 10 décembre  [ Journal ] par le Col. Olcott qui dit, dans son Allocution Annuelle : [ General Report, 1886, page 8. ] « Le manuscrit du premier volume m’a été envoyé et est soumis à révision.. », ajoutant que ce premier tome ou tome d’introduction serait bientôt publié à Londres et à New York. Mais Subba Row refusa de faire autre chose que de le lire, « parce qu’il était si plein de fautes qu’il aurait à le récrire en entier ». [ Histoire authentique. ]

            Le manuscrit de 1886 est un document extraordinairement intéressant. Il est de la main de la Comtesse Wachtmeister et d’autres, et certaines des Stances sont écrites à l’encre rouge , comme elle l’avait suggéré. Il s’ouvre par une section intitulée « Aux lecteurs ». Le premier paragraphe commence par «L’erreur descend selon un plan incliné, tandis que la Vérité doit gravir péniblement sa voie montante ». [ Édition de 1888, p. XVII; édition 1893, page [. voirThe Theosophist août 1931, pp.601 où a été reproduite cette partie du texte primitif. ] La Section d’Introduction de l’ouvrage publié était considérablement accrue. Il y était ajouté la partie commençant par : « Le premier volume  d’Isis débute par une référence à un vieux livre « . Édition de 1888, p. XLII, 1893, page 25. ] Qui était le Section I du chapitre I dans le manuscrit bien qu’il ne soit utilisé que partiellement et avec modifications. Il traitait des Livres Hermétiques et autres de l’Antiquité, promis. La Section II sur la « Magie Blanche et Noire, en théorie et en pratique », fut publiée avec additions et variations dans le Troisième Volume en 1893 et est, essentiellement, et presque mot à mot, le même. La Section III sur l’Algèbre Transcendantale et les « caractères révélés par Dieu » dans les Noms Mystiques est la Section X, Volume III,  tandis que la sous-section 2 dans le manuscrit devient la Section XI - l’Hexagone avec le point central, etc., dans le Volume III.  Dans le manuscrit, celui-ci commence : « Discutant de la vertu des Noms (Baalshem), Molitorpense « , etc…La Section IV avec la sous-section I « qui était l’Adepte de Tyane », qui commence par : « -comme la plupart des héros historiques de l’Antiquité reculée… » est dans le Volume III, p.130. La sous-section 2 : « L’Église Romaine redoute la publication de la véritable vie d’Appolonius » est inachevée dans le manuscrit, s’arrêtant aux mots « ou Alexandre Sévère « … p. 136 du Volume III.

            La Section V , « Les Kabires ou Dieux de Mystères,  - ce que les anciens classiques en ont dit  » est donné Volume III, p. 315, sous le titre de Symbolisme du Soleil et des Étoiles, et commence de la même façon par la citation d’Hermès. Dans l’Appendice I sur « Le Culte des Anges Stellaires » dans l’Église Romaine, son rétablissement, sa croissance et son histoire », H.P.B. commence en disant que «  c’est compilé d’après plusieurs sources de documents dans les Archives du Vatican », etc. Il débute par : « au milieu du VIII e siècle, de notre ère, l’Archevêque Aldebert de Magdebourg… »  Cet Appendice a été publié dans Lucifer en  juillet 1888, p.355-56. H.P.B. l’amplifie et ajoute plus de notes.

            Il en a été assez dit pour permettre aux lecteurs de bien comprendre que le Volume III, publié en 1897, était fait de textes authentiques d’ H.P.B.

            En rapport avec le Centenaire d’H.P.B., En 1931, la Theosophical  Publishing House, d’Adyar, pensa publier pour la première fois cette première forme du Volume I de LA DOCTRINE SECRÈTE tel qu’il fut achevé en 1886 par H.P.B. Et envoyé au Col. Olcott pour être approuvé par Subba Row. Ce projet fut abandonné à cause des très grandes difficultés de préparer le Manuscrit pour la publication et de le corriger page par page pour le rendre aussi proche de l’original que possible, l’absence de méthode dans le manuscrit, l’emploi des guillemets, des tirets, etc., Et la grande difficulté de distinguer les points des virgules…[ The Theosophist, juillet 1931, p.429. Une série ultérieure a été publiée  dans The Theosophist, LIV, 1932, 33, pp. 27-140-265-397-538-623. ]

            La seconde partie du manuscrit de 1886 est intitulé LA DOCTRINE SECRÈTE, Première Partie, Période Archaïque, Chapitre I. Coup d’oeil dans l’Éternité. L’Évolution Cosmique en Sept Étapes.

            La Section I a pour titre : « Pages d’une Période Préhistorique » et s’ouvre avec les mots : « Un Manuscrit Archaïque, ensemble de feuilles de palmier rendues inaltérables à l’eau, au feu et à l’air, par un procédé scientifique inconnu, - est sous les yeux de l’auteur ». Il passe alors immédiatement au cercle avec le point au centre, mais ne mentionne pas le disque blanc immaculé. Au bout de vingt-quatre pages, la première STANCE est donnée et un glossaire général est promis pour chaque chapitre d’un appendice attaché. Les notes sur chaque STANCE sont en bas de page et non dans le texte comme dans l’édition de 1888. Le Commentaire sur cette STANCE s’ouvre par : « LA DOCTRINE SECRÈTE postule trois propositions fondamentales. » Ces mots se trouveront dans le Proème p. 14 de l’Édition 1888 et p. 42 de l’Édition 1893. Ce qui devient les Commentaires dans le volume publié suit alors et toutes les notes de chaque STANCE sont données à la suite et non Shloka par Shloka.

            Il n’y a que quelques pages - dix-neuf en tout - du Livre II dans le manuscrit. Elles sont intitulées « Chronologie Archaïque, Cycles, Anthropologie », et sont en partie l’ébauche des « Notes Préliminaires » du Volume publié, et en partie une brève indication de la ligne d’enseignement sur la Chronologie et les Races dont le Volume I doit traiter [ voirThe Theosophist, mars 1925, pp. 781/83, où Mr Jinarajadasa cite le contenu du manuscrit. ]

            Quand le Col. Olcott reçu le manuscrit, il annonça que « même une lecture superficielle avait fait admettre à de meilleurs critiques que moi, qu’il sera une des plus importantes contributions qui ait jamais été apportées au savoir philosophique et scientifique, un monument du savant auteur, et un honneur pour la Bibliothèque d’Adyar dont il est un des fondateurs ».[ The Theosophist, janvier 1887. Supplément page XLVII. ] Dans son Allocution Annuelle, il dit que l’ouvrage aurait à peu près cinq volumes dont le premier devait être publié à Londres et à New York.[ General Report, 1886, page 8. ]

                1887.- Écrivant le 4 janvier au Col. Olcott, H.P.B. Se dit heureuse qu’il ait aimé le Proème, mais que ce n’était qu’un volume préliminaire, et que la doctrine authentique allait suivre. Elle mentionne un jeune Anglais nommé E.D. Fawcett, qui l’avait aidée à Wurzburg et à Ostende, puis en Angleterre, spécialement dans les parties du second Volume traitant de l’hypothèse évolutionnaire. « Il a suggéré, corrigé et écrit, et plusieurs pages de son manuscrit furent incorporées par H.P.B. Dans son ouvrage ». Il fournit un grand nombre de citations  de livres scientifiques aussi bien que beaucoup de confirmations des Doctrines Occultes tirées de sources semblables ». [ Reminiscences, pp. 94-97. ]

                H.P.B. demanda de nouveau que Subba Row revoie le manuscrit et en fasse ce qu’il voudrait. « Je lui donne carte blanche. J’ai confiance en sa sagesse bien plus qu’en la mienne, car je peux avoir mal compris bien souvent le Maître et le Vieux Gentilhomme. Ils ne me donnent que des faits et dictent rarement de façon suivie… je sais que mes faits sont tous originaux et nouveaux… ». [ Reproduit dans The Theosophist, août 1931, page 683.]

                En janvier, elle écrivit à Mr Sinnett qu’elle lui avait envoyé la Doctrine Archaïque avant qu’elle ait été réellement prête, car elle la « récrivait, l’expédiait et la réexpédiait, effaçant et remettant des notes de mes Autorités. [ Letters of H.P.B. to A.P.Sinnett, pp. 226-227. ] On l’avait montré au Prof. (Sir) W. Crooke. H.P.B. Écrivit plus tard à Mr Sinnett que «  LA DOCTRINE SECRÈTE grandit, grandit, grandit ». [ Ibid., Page 224.]

            À Ostende, le labeur obstiné continuait, mais H.P.B. tomba malade et à l’article de la mort, et « elle pensa que le Maître la laisserait enfin être libre ». Elle était « très angoissée au sujet de LA DOCTRINE SECRÈTE » et dit à la Comtesse qu’elle devait être « très attentive à ses manuscrits et les passer au Col. Olcott avec l’ordre de les imprimer ». [ Reminiscences, page 73. ] Mais une fois de plus H.P.B. Fut guérie « miraculeusement ». Elle dit: « Le Maître est venu. Il m’a donné le choix entre mourir et être libre si je le voulais, ou bien je pouvais vivre et finir LA DOCTRINE SECRÈTE. …En pensant à ces étudiants à qui on me permettra d’enseigner quelque chose et à la Société Théosophique  en général, à qui j’ai déjà donné le sang de mon coeur, j’ai accepté le sacrifice… ».[ Ibid., Page 75. ]

            Le Dr. A. Keightley trouva H.P.B. à Ostende, en plein travail. Il dit : « On m’a passé une partie du Manuscrit avec prière de l’émonder, de trancher, changer l’anglais… en fait de le traiter comme s’il était à moi…Le manuscrit était alors en sections détachées, semblables à celles qui sont incluses sous les titres de « Symbolisme » et d’ « Appendice » dans les volumes publiés. Ce que j’ai vu était une masse de manuscrits sans arrangement défini, dont une grande partie avait été copiée par la Comtesse Wachtmeister. L’idée était alors d’en conserver une copie en Europe tandis que l’autre irait aux Indes,  pour correction par divers collaborateurs indigènes. La plus grande partie y alla effectivement plus tard, mais certaines raisons empêchèrent la collaboration. Ce qui m’a le plus frappé dans la partie que j’ai pu lire…était le nombre énorme de citations de divers auteurs. Je savais qu’il n’y avait pas de bibliothèque à consulter, et je pouvais voir que les livres de H.P.B. ne dépassaient pas la trentaine, dont plusieurs étaient des dictionnaires, et que plusieurs ouvrages comportaient deux tomes et plus. À ce moment, je n’ai pas vu les STANCES DE DZYAN, bien qu’il y ait eu plusieurs passages du Catéchisme Occulte inclus dans le Manuscrit. » [ Ibid., pp.96-97. ]

            Au printemps, H.P.B. Fut engagée par plusieurs membres anglais de la Société Théosophique à venir à Londres où on pourrait mieux s’occuper d’elle. Elle fit le déplacement le 1er mai avec tous les manuscrits, Pendant l’été, le couple Keightley s’employa à lire , relire, copier et corriger le manuscrit qui faisait une épaisseur de trois pieds. [ Près d’un mètre.(N. du T.) ] Après quelques mois à Norwood, H.P.B. s’installa à Londres, 17 Lansdowne Road en septembre. Elle remit la masse de manuscrits à deux jeunes hommes dévoués et capables, le Dr Keightley et son neveu Bertram Keightley,  pour le trier et faire des suggestions à son sujet, car à cette époque il n’avait ni plan ni suite. Ils recommandèrent finalement que le livre soit divisé en quatre tomes traitant : 1) de l’Évolution du Cosmos; 2) de l’Évolution de l’Homme; 3) des vies de quelques Grands Occultistes; 4) de l’Occultisme Pratique; et que chaque tome soit divisé en trois parties : 1) les Stances et Commentaires; 2) Symbolisme; 3) Science. Cela fut dûment approuvé par H.P.B.

            « Le pas suivant était de relire tout le manuscrit et de faire un réarrangement général de la substance des sujets se rapportant à la Cosmogonie et à l’Anthropologie, qui devaient former les deux premiers tomes de l’ouvrage. Quand cela eut été complété et qu’on eut obtenu la formelle approbation de H.P.B. Pour ce qui avait été fait, tout le manuscrit fut dactylographié par des professionnels, puis relu, corrigé et comparé au manuscrit original et toutes les citations grecques, hébraïques et sanscrites insérées par nous. Il apparut alors que la  totalité du Commentaire sur les Stances ne faisait pas vingt pages du présent ouvrage, car H.P.B. ne s’était pas étroitement tenu à son texte en écrivant. Nous eûmes donc un sérieux entretien avec elle et suggérâmes qu’elle écrivit un commentaire approprié ainsi qu’elle avait, dès le début, promis aux lecteurs de le faire… » La solution de ce problème fut : « chaque Shloka des Stances fut écrit (ou découpé ) dans le texte dactylographié et collé dans le haut d’une feuille de papier, et sur un billet qui lui était épinglé, furent écrites toutes les questions que nous eûmes le temps de trouver concernant ce Shloka…H.P.B. écarta nombre d’entre elles, nous fit écrire de plus complètes explications, ou nos propres  idées… de ce que ses lecteurs attendaient d’elle, et écrivit elle-même davantage, y incorpora le peu qu’elle avait elle-même écrit sur ce Shloka particulier et ainsi fut fait le travail… » [ Reminiscences, pp. 92-93. (Voir aussi The Theosophist, septembre 1931. ) Page 708, Reminiscences of H.P.B., par Bertram Keightley]

            Bertram Keightley écrivit: « Je n’ai que très peu à dire au sujet des phénomènes se rapportant à LA DOCTRINE SECRÈTE. Des citations avec pleine références de livres qui n’avaient jamais été dans la maison - citations vérifiées après des heures de recherches parfois au British Museum, pour un livre rare - de cela j’en ai vu et vérifié un bon nombre. En les vérifiant, il m’est arrivé de voir que les nombres de référence étaient inversés, par exemple p. 321 au lieu de 123, ce qui illustre l’inversion des objets vus dans la lumière astrale… » [ Ibid., Page 94.] Autrement, « elles étaient exactes au plus haut degré ». [ Archibald Keightley . The Theosophist, juillet 1881, page 598.]

Dans The Theosophist, [ The Theosophist, octobre 1887, page 62. ] Le Col. Olcott écrit : « Il est satisfaisant de savoir que LA DOCTRINE SECRÈTE grandit peu à peu. Mr Sinnett m’écrit que l’équivalent d’un des tomes d’Isis est déjà écrit…Bien que l’administration ait depuis longtemps offert  de rembourser les souscripteurs (à peu près 3.000 roupies), il n’y en a guère qui l’aient demandé… » Dans son Allocution Annuelle en décembre, le Colonel Olcott dit que H.P.B. lui avait envoyé « le manuscrit de quatre des cinq volumes probables de LA DOCTRINE SECRÈTE pour examen, et on s’attend à ce que le premier volume paraisse à Londres pendant le printemps qui vient ». [ General Report, 1887, page 9.]

            1888. - au début de cette année H.P.B. offrit de nouveau d’envoyer le manuscrit à Subba Row, mais avec le même résultat. En février, elle informa le Col. Olcott que Tookaram Tatya avait écrit que Subba Row était prêt à aider et à corriger « ma D.S. pourvu que j’en enlève toute référence aux Maîtres! »… « Entend-il  par là que je devrais renier les Maîtres, ou que je ne les comprends pas et que je brouille les faits qui me sont donnés… C’est moi qui ai introduit… la preuve de nos Maîtres au Monde et à la S.T. …Je l’ai fait parce qu’Ils m’ont envoyée pour faire le travail comme une expérience neuve au XIX e siècle et je l’ai fait aussi bien que je savais… ». [ D’une lettre des Archives, datée du 24 février 1888. ]

            Les refus répétés de Subba Row d’aider étaient alors connus. Un groupe d’Amérique, avec Mr Judge à sa tête, écrivit à H.P.B. disant avoir entendu qu’on lui demandait de retirer LA DOCTRINE SECRÈTE de la publication, pour la raison que cela pourrait déplaire à certains Pandits Indiens et qu’ils pourraient l’attaquer ou la ridiculiser. Ils demandaient qu’H.P.B. n’en tienne pas compte, mais qu’elle sorte LA DOCTRINE SECRÈTE le plus tôt possible. [ The Path, février 1888, pp.354-355. ] Un groupe d’Indiens, autour de N.D. Khandalavala et Tookaram Tatya saisit cette occasion pour dire que si H.P.B. Avait étéen Inde, le livre aurait depuis longtemps vu la lumière. Ils pensaient qu’H.P.B. n’avait pas été convenablement informée des suggestions de rendre le livre plus exact quant à ses allusions à la littérature Hindoue et que quelques amis qui sympathisaient pouvaient facilement faire le nécessaire pour qu’il soit révisé.[ The Path, juin 1888, pp. 97-98 ]

            Bertram Keightley écrivit de Londres que la publication de LA DOCTRINE SECRÈTE avait commencé et que dès que la grosseur et le prix du livre pourrait être évalué avec précision, on fixerait le prix de souscription et qu’une circulaire serait envoyée, donnant le choix entre le maintien de la souscription ou le remboursement de leurs versements qui étaient restés intacts en banque depuis qu’on les avait reçus. « LA DOCTRINE SECRÈTE est un thème si vaste et a tant de ramifications qu’elle implique un labeur énorme sans que l’on puisse à l’avance fixer le nombre et la grosseur des volumes nécessaires… ». [ The Theosophist, mai 1888, supplément page XXXVII. ]

            « …Quand le manuscrit de cet ouvrage n’avait pas encore quitté mon bureau, écrivait H.P.B. Et que LA DOCTRINE SECRÈTE était encore complètement inconnue du monde, on la dénonçait déjà comme le simple produit de mon cerveau. Ce sont les termes flatteurs qu’employait pour cette oeuvre inédite l’Evening Telegraph d’Amérique dans son numéro du 30 juin :… « Parmi les livres fascinants à lire en juillet, il y a le nouveau livre de Mme Blavatsky sur la Théosophie…(!) La DOCTRINE SECRÈTE. Mais le fait qu’elle puisse se plonger dans l’ignorance des Brahmines…? n’est pas la preuve que tout ce qu’elle dit est vrai… ». [ LA DOCTRINE SECRÈTE,  Vol. II, édition 1888, p.441, édition 1893, page 460, notes.]

                Quand le Colonel Olcott voyageait vers l’Angleterre, en août, il reçut dans sa cabine une lettre par laquelle le Maître K.H. disait : « J’ai aussi noté vos pensées au sujet de LA DOCTRINE SECRÈTE, soyez assuré que ce qu’elle n’a pas annoté en le prenant dans des ouvrages scientifiques ou autres, nous le lui avons donné ou suggéré. Toute faute ou notion erronée, corrigée ou expliquée par elle dans les oeuvres d’autres Théosophes, a été corrigée par moi ou sur mes indications. C’est un ouvrage qui a plus de valeur que son prédécesseur, un épitome de vérités occultes qui en feront une source de renseignements et d’instruction pour l’étudiant sérieux pendant bien des années à venir ». [ publié dans Lettres des Maîtres de la Sagesse, compilées par C. Jinarajadasa, page 54 (1919). ] À son arrivée à Londres, le Colonel Olcott trouva H.P.B. travaillant à son bureau du matin jusqu’au soir, préparant « la copie » et lisant les épreuves de LA DOCTRINE SECRÈTE. Les deux volumes devaient paraître ce même mois (août). Autour d’elle se groupaient des Théosophes dévoués qui avaient fait l’avance de £ 1.500 pour la publication de LA DOCTRINE SECRÈTE et autres livres. « Même pour LA DOCTRINE SECRÈTE, il y a une demie douzaine de Théosophes qui se sont employés à son édition, qui m’ont aidée à arranger les matières, à corriger le mauvais anglais et la préparer pour la presse. Mais ce qu’aucun d’eux ne réclamera comme sien, du premier au dernier, c’est la doctrine fondamentale, les conclusions et enseignements philosophiques. Je n’ai rien inventé de tout cela, mais j’ai simplement donné comme on m’avait appris. » [ H.P.B. Dans« Mes Livres ». Lucifer, mai 1891, page 246.]

            À ce moment H.P.B. était submergée de travail et sa santé était défaillante. « C’était une tâche croissante de se lever si tôt et de travailler si tard… Les devis de l’imprimeur furent examinés. Certaines exigences particulières telles que le format et les marges étaient importantes pour H.P.B. Tout comme l’épaisseur et la qualité du papier… Ces points tranchés, le livre alla à la presse… il passa par trois ou quatre mains encore, en dehors de H.P.B., sous forme d’épreuves, de galées, de jeux, aussi bien que pour les secondes épreuves. C’était elle son plus sévère correcteur et elle était capable de traiter les secondes épreuves comme un manuscrit, ce qui avait des résultats inquiétants quant à la note à payer pour le chapitre des corrections. Vint ensuite la rédaction de la Préface, et le livre sortit enfin!… » [ Reminiscences, page 94. ] « Trésor inégalé de sagesse occulte » [ The Theosophist, novembre 1888, page 69. ] « H.P.B. était heureuse ce jour-là » [ Reminiscences, pages 85.]

                Dans l’Introduction du Volume I, elle écrivait: « À mes juges passés et à venir…je n’ai rien à dire… Mais au public en général et aux lecteurs de LA DOCTRINE SECRÈTE je peux répéter ce que j’ai dit tout au long et que maintenant je revêts des mots de Montaigne: « Messieurs, je n’ai fait qu’un bouquet de fleurs, et n’ai rien fourni de moi-même que le lien qui les assemble ».[Édition 1888, page XLVI et Édition 1893, page 29.]

                En octobre LA DOCTRINE SECRÈTE, longtemps attendue, fut « publiée simultanément à Londres et à New York… La première Édition anglaise de 500 fut épuisée avant le jour de publication et on en prépara une deuxième ». [ The Theosophist, décembre 1888, page XXXa. ]

Cette édition sortit à la fin de l’année.

            Toute l’édition fut imprimée par The H.P.B. Press, imprimerie de la Société Théosophique; et l’Édition anglaise fut enregistrée à Stationer’s Hall, tandis que l’Édition américaine simultanée était « enregistrée selon l’Acte du Congrès de l’an 1888, par H.P.Blavatsky, au bureau du Bibliothécaire du Congrès de Washington D.C. ».

            Les journaux ne prêtèrent pas grande attention à LA DOCTRINE SECRÈTE . Mais la demande fut continue. « C’est curieux, remarquait le Star de Londres, considérant que le livre est d’un caractère plus occulte et plus difficile qu’aucun de ceux qui l’ont précédé. [ Cité dans Lucifer, décembre 1888, page 346.]

            Dans sa Préface, H.P.B. présentait ses excuses pour le long retard de publication de cet ouvrage, causé par la mauvaise santé et l’ampleur de l’entreprise. Elle écrivait : « et encore les deux volumes maintenant publiés ne complètent pas le schéma, et n’épuisent pas les sujets dont ils traitent… Si ces volumes actuels trouvent un accueil favorable, aucun effort ne sera épargné pour mener à bien le plan dans sa totalité. » Le troisième livre est entièrement prêt, et le quatrième presque». [ Vol. I, page VII. Dans l’Édition de 1893, cette dernière phrase est omise page XIX. Voir aussi page 369, éd. 1888 et page 386, éd. 1893, pour d’autres références au tome III. ]

            « Ce plan, on doit l’ajouter, n’était pas envisagé quand la préparation de l’ouvrage a été annoncé d’abord. H .P.B. parle alors de l’intention originale de faire de cet ouvrage une révision d’Isis Dévoilée ; mais, du fait de la différence de traitement nécessaire, les volumes actuels ne contiennent en tout pas même vingt pages tirées d’Isis Dévoilée. »

            Parlant des tomes encore à venir, elle écrit : « Dans le Volume III  de cet ouvrage (ce volume et le quatrième étant presque prêts) une courte histoire de tous les grands adeptes connus des anciens et des modernes, sera donnée dans l’ordre chronologique, ainsi qu’un coup d’oeil d’ensemble sur les Mystères, leur naissance, croissance, déclin et mort finale - en Europe. Cela n’aurait pu trouver place dans l’ouvrage actuel. Le Volume IV sera presque entièrement consacré aux Enseignements Occultes. » [ Vol. II, page 437. Édition 1888. ]

            Parlant des spéculations fausses des Orientalistes au sujet des « Dyani, Bouddhas et de leurs correspondances terrestres, les Manoushi-Bouddhas », H.P.B. Dit que « la donnée réelle est indiquée dans un Volume subséquent (voir le « Mystère au sujet du Bouddha ») et sera plus pleinement expliqué en lieu et place ».[ Vol. I, page 52. Éd. 1888, voir Vol. III,  1893 page 376 et suivantes. ] Cela se rapporte certainement au « Mystère de Bouddha ». [ Vol. III, page 359 et suivantes.] Il est probable que c’est ce qu’elle voulait dire vers 1888 par ces mots « Le Triple Mystère est révélé ». [ Reminiscences, page  68.]

            Les paroles par lesquelles elle concluait LA DOCTRINE SECRÈTE en 1888 étaient: « Un commencement a été fait pour abattre et déraciner les mortels arbres Upas [ Upas, arbre vénéneux des Indes. (N. du T.) ] de la superstition du préjugé et de l’ignorance vaniteuse, si bien que ces deux tomes devraient être pour l’étudiant un prélude convenable pour les volumes III et IV. Jusqu’à ce que le rebut des âges ait été déblayé du mental des Théosophes auxquels ces volumes sont dédiés, il est impossible que des enseignements plus pratiques, contenus dans le Tome III, puissent être compris. En conséquence, il dépend entièrement de l’accueil qui sera fait aux Volumes I et II par les Théosophes et Mystiques, que ces deux volumes soient jamais publiés, bien qu’ils soient presque achevés. » [ Vol. II, pp.797-798. Éd. 1888. ]

                La comparaison de ces déclarations avec les faits montre qu’il y a concordance, c’est-à-dire que les pages 1 à 425 du Vol. III donnent des esquisses de l’histoire de certains grands Adeptes du monde; et les pages 433 à 594 donnent l’Occultisme Pratique qu’H.P.B. enseignait à ses élèves et « faisait tout d’abord circuler en privé parmi un important groupe d’étudiants… Les papiers… étaient maintenant rendu publics et épuisent tous les restes littéraires d’H.P.B. [ G.R.S. Mead, dans Lucifer, juillet 1897, page 353. ]

            1890.- H.P.B., écrivant dans Lucifer, [ Mars 1890, page 7. ] dit que la demande pour une « information mystique » étaient devenue si grande qu’il était difficile d’y faire face. « Même LA DOCTRINE SECRÈTE, la plus abstruse de nos publications - en dépit de son prix prohibitif, de la conspiration du silence et des sarcasmes plein d’un mépris dédaigneux qui lui sont décochés par certains quotidiens - s’est montrée un succès financier. »

            1891. - À la fin  de 1891, la seconde édition de LA DOCTRINE SECRÈTE était épuisée. M. G.R.S. Mead et Mrs Annie Besant entreprirent une nouvelle édition. Mr Mead a été le secrétaire privé d’H.P.B. pendant quelques années et prétendait avoir publié, sous une forme ou une autre, tout ce qu’H.P.B. Avait écrit en anglais…[ G.R.S. Mead, dans Lucifer, 1888 page 354. ] C’était le chef d’équipe de la nouvelle édition et il usa de son érudition et de sa connaissance des désirs d’H.P.B. Pour amender les erreurs grammaticales ou autres du texte. Une « Notice importante » fut publiées dans les principaux journaux Théosophiques en ces termes : « Une Édition Revue de LA DOCTRINE SECRÈTE. La seconde édition du grand ouvrage d’H.P.B. Étant épuisé, une troisième édition doit être entreprise immédiatement. Tous les efforts sont faits pour réviser à fond la nouvelle édition et les éditeurs prient très sérieusement tous les étudiants qui pourraient lire cette notice d’envoyer des listes  aussi complètes que possible des ERRATA. La vérification des références et citations, fautes d’impression ou d’indexation, l’indication des passages obscurs, etc. Il est important que les ERRATA de la première partie du Volume I soient envoyés IMMÉDIATEMENT. -  Annie Besant, G.R.S. Mead. » [ Voir The Vahan,  décembre 1891, page 8; The Theosophist, déc. sup. p.XXXII,  The Path, déc. 1891, page 296. ]

            1895. - “ L’édition revue a été une tâche de grand labeur et tous les efforts ont été faits par les éditeurs pour vérifier chaque citation possible et corriger les nombreuses erreurs de forme des publications antérieures. Les éditeurs n’avaient pas le droit de toucher aux erreurs de fond….[ G.R.S. Mead, dans Lucifer, juillet 1897, page 353. ] L’index des première et deuxième Éditions n’était pas très adéquat. M. A.F.Faulding s’est consacré à la préparation d’un nouvel index copieux qui a été broché à part. « Pour ce grand travail, nous sommes endettés envers lui,et tous les étudiants le sont avec nous… » [ Préface de la Troisième Édition Revue, 1893. ] Cet index s’est, depuis, montré satisfaisant. Certaines additions ont été faites dans l’Édition Adyar, où un Index de tous les Volumes est rassemblé en un seul.

            1896. - Il y avait naturellement des portions du manuscrit de H.P.B. Qui restaient. Mrs Besant les prit en mains et les prépara pour être éditées. Au cours de cette préparation on découvrit quelques manuscrits qui ne semblaient pas faire partie de LA DOCTRINE SECRÈTE elle-même. Ils ont été publiés dans Lucifer : A) « Esprits » de diverses espèces; [ Juin 1896, page 273. ] B) Bouddhisme, Christianisme et Phallisme; [ Juillet 1896, page 361. ] C) Fragments, Idolâtrie, Avatars, Cycles et Erreurs Modernes. [ Août 1896, page 449 et suivantes. ]

            1897. - Ponctuellement et simultanément, le Troisième Volume était en vente le 14 juin à Chicago et à Londres. Il fut accueilli avec faveur et eut un débit régulier… [ voirThe Theosophist, septembre 1897, page 765. ]

            Quand M. Jinarajadasa explorait les Archives et rassemblait des documents dispersés, il découvrit une page d’un brouillon encore différent de l’écriture même de H.P.B., De commentaires et de notes sur la Stance I . Le fac-similé en a été publié dans The Theosophist . [ Août 1931, page 560, reproduit ici. ] Mrs Besant a dit au sujet de LA DOCTRINE SECRÈTE : « H.P.B. écrivait et récrivait, corrigeait même quand les épreuves définitives étaient prêtes pour le « Bon à tirer »… Les changements de mots, les omissions ou les réarrangements de texte par H.P.B. sont une étude passionnante pour les étudiants. Une audacieuse théorie a été mise en avant, récemment aux États-Unis, que la seconde édition (1893) de LA DOCTRINE SECRÈTE publiée par la T.P.H. De Londres après la mort de H.P.B. n’était pas ce que H.P.B. voulait. On insinua qu’H.P.B. était « éditée » par ceux qui étaient responsables de la seconde édition. Les dépositaires à qui elle avait confié la sauvegarde de ses manuscrits publiés et inédits étaient tous ses propres élèves qui avaient vécu avec elle pendant des années, et ils n’ont fait que les changements qu’elle avait elle-même ordonnés, qui consistent surtout en correction d’erreurs de termes ou de grammaire, et dans la présentation du contenu du Vol. III.

            « Pour rendre justice à M. Mead et à Mrs Besant …je veux déclarer, de ma connaissance personnelle, que les accusations renouvelées qu’ils auraient - ou l’un d’entre eux - fait des changements indus dans l’édition revue (troisième) de la D.S., pris des libertés avec le manuscrit du troisième Volume et supprimer le quatrième, sont entièrement fausses, ne s’appuyant sur aucun fait… comme j’ai été pendant quatre années au Quartier Général de Londres, que j’ai eu la charge du bureau d’impression et que j’ai imprimé la D.S. révisée, j’avais naturellement toute possibilité de savoir ce qu’il en était…

            « Le premier tirage de la D.S. Fut divisé en deux Éditions qui sont, par conséquent, identiques à l’exception des mots : Deuxième édition, sur la feuille de garde. Le tirage fut fait avec la composition, mais des matrices stéréotypées furent faites en vue d’un autre tirage éventuel. Cependant, quand le moment en vint, on découvrit que les matrices avaient été accidentellement détruites; et, pour ma part, avec d’autres, je me réjouis de leur perte puisque cela donnait l’occasion d’une révision très nécessaire des textes, lourde tâche qui fut entreprise par Mr. Mead et Mrs Besant… comme Mrs Besant ne pouvait distraire que très peu de temps de ses autres activités théosophiques, le travail de révision échut principalement à Mr. Mead, assisté d’autres membres de l’équipe, pour vérifier citations et références…

            « en révisant la première édition de la D.S., Il fit exactement; le travail qu’il avait fait précédemment sur ses manuscrits - cela seulement et rien de plus. Car il était évident, pour toute personne au courant des détails littéraires et techniques de la publication de livres, que le manuscrit de la D.S. n’avait pas été convenablement préparé pour l’imprimerie et que la correction des épreuves avait été faite avec tant de négligence que même de grossières fautes de grammaire, que l’auteur avait faites par inadvertance, avaient été respectées. Aucun changement ne fut fait par Mr. Mead ou par Mrs Besant si ce n’est ceux qui auraient dus être faits avant l’impression sur le manuscrit original.

            « Pour son travail savant et consciencieux de correction, Mr. Mead mérite la reconnaissance de tous les lecteurs de la D.S. doués de discernement comme aussi Mrs. Besant pour la part qu’elle a prise à cette lourde tâche.

            « Quand j’eus fini d’imprimer les Vol. I et II, Mrs Besant mit le manuscrit du Vol. III entre mes mains… H.P.B. Avait récrit à plusieurs reprises certaines pages, avec des ratures et des changements, mais rien qui pût indiquer quelle était la version définitive. Il fallut que Mrs. Besant décida du mieux qu’elle put.

            « Comme il contenait beaucoup moins de substances que chacun des deux autres, Mrs. Besant me dit qu’elle le grossirait en y ajoutant les instructions de l’E.E.T. puisque H.P.B. Lui avait dit qu’elle pourrait le faire. Remarquons que ces instructions couvrent le même champ que le quatrième Volume proposé, dont on ne retrouvera que quelques pages, juste assez pour marquer l’endroit où H.P.B.  Avait cessé d’écrire. Je suis enclin à croire qu’elle avait l’intention d’incorporer ces Instructions dans le Vol. IV et qu’elle avait cette idée en tête quand elle écrivait, avec trop d’optimisme, que les deux volumes étaient presque achevés. Une grande quantité de manuscrit fut aussi retrouvée après la mort de H.P.B., Mais on découvrit que ce n’était que le vieux manuscrit des deux premiers volumes, revenus de chez l’imprimeur. » [ James Morgan Pryse, dans The Canadian Theosophist, septembre 1926, pp.140-141. Mr Pryse dirigeait The Theosophical Publishing Company Ltd., Qui édita LA DOCTRINE SECRÈTE et d’autre littérature théosophique. ]

            Mrs. Besant écrivit dans Lucifer : [ Mai 1895, pp. 179-181. ] « La valeur de LA DOCTRINE SECRÈTE ne réside pas dans les éléments séparés, mais dans l’édification, avec eux, d’un tout relié, comme la valeur d’un plan d’architecte n’est pas diminué parce que le bâtiment est fait de briques manipulées par d’autres mains…H.P.B. n’a pas été stricte dans ses procédés littéraires, et utilisait des citations qui étayaient ses arguments, en les prenant à n’importe quelle source, physique ou astrale, sans avoir grand souci de mettre des guillemets. N’avons-nous pas beaucoup souffert, Mr. Mead et moi, de ces façons en publiant la dernière édition de LA DOCTRINE SECRÈTE?…Frères de tous pays, qui avez appris de grandes vérités d’H.P.B., vérités qui ont fait une réalité de la vie spirituelle, restons fermes dans sa défense, en ne la taxant pas d’infaillibilité, et en n’exigeant pas qu’elle soit acceptée comme une « autorité »; mais, en affirmant la réalité de son savoir, le fait de ses liens avec les Maîtres, le magnifique sacrifice de soi que fut sa vie, le service inestimable qu’elle a rendu à la cause de la spiritualité dans le monde. Quand toutes ces attaques seront oubliées, ses titres immortels à la reconnaissance de la postérité demeureront. »

Adyar 1938.

                                                                       Compilé par Joséphine Ransom.


LA DOCTRINE SECRÈTE


INTRODUCTION

                                                         « Écouter avec douceur, juger avec bonté. »

  Shakespeare. (Henry V, prologue.)

Depuis l’apparition de la littérature théosophique en Angleterre, on a pris l’habitude d’appeler ses enseignements « Bouddhisme ésotérique ». et une fois l’habitude prise, - comme dit un vieux proverbe fondé sur l’expérience quotidienne - « l’erreur descend un plan incliné, tandis que la vérité doit péniblement gravir la colline ».

            Les vieux truismes sont souvent les plus sages. Il est presque  impossible que l’esprit humain reste entièrement libre de préventions, et des opinions arrêtées se forment souvent avant examen complet d’une question sous tous ses aspects. Cela dit à propos de la double erreur courante qui, d’une part, limite la Théosophie au Bouddhisme, et, d’une autre, confond les données de la philosophie religieuse prêchée par Gâutama, le Bouddha, avec les doctrines esquissées à grands traits dans le Bouddhisme ésotérique. [ De A.P. Sinnett, 1883. ]. Il est difficile d’imaginer erreur plus grande. Elle a fourni à nos ennemis une arme efficace contre la Théosophie parce que, comme l’a nettement exprimé un éminent savant en Pali, il n’y avait, dans le volume en question, « ni Ésotérisme ni Bouddhisme ». Les vérités ésotériques présentées dans le livre de M. Sinnett cessaient d’être ésotériques du moment qu’elles étaient livrées au public; on n’y trouvait pas non plus la religion de Bouddha, mais tout simplement quelques données d’un enseignement jusqu’alors tenu caché, maintenant divulgué, et auquel beaucoup va être ajouté dans les présents volumes. Et même ces derniers, tout en livrant plusieurs données fondamentales tirées de LA DOCTRINE SECRÈTE orientale, ne soulèvent-ils qu’un coin du sombre voile qui les recouvre. Car personne, pas même le plus grand des Adeptes vivants, n’aurait la permission ni même la possibilité - s’il le voulait - de jeter, au hasard, dans un monde sceptique et railleur, ce qui a été si soigneusement conservé durant de longs âges et éons.

            Le Bouddhisme ésotérique était un ouvrage excellent avec un titre très mal choisi, quoiqu’il ne signifiât pas autre chose que le titre du présent ouvrage : La DOCTRINE SECRETE. Et, , si ce titre a été malheureux, c’est parce qu’on juge généralement les choses par leurs apparences plutôt que par leur signification, et que l’erreur s’est répandue à ce point que la plupart des membres de la Société Théosophique eux-mêmes en ont été les victimes. Dès le début, cependant, des Brâhmanes et bien d’autres ont protesté contre ce titre et, pour me justifier moi-même, j’ajouterai que le volume ne m’a été montré que terminé, et qu’on m’a laissée dans l’ignorance de la façon dont l’auteur se proposait d’écrire le mot « Boudh-isme ».

            La responsabilité de cette erreur incombe à ceux qui ayant, les premiers, attiré l’attention publique sur ces questions, ont négligé de faire remarquer la différence entre le « Bouddhisme », système religieux de morale prêché par le Seigneur Gâutama - tirant son nom du titre de Bouddha, l’ « Illuminé » - et « Budhisme », tiré de Boudha, la Sagesse ou Connaissance (Vidyâ), la faculté de connaître, venant de la racine sanscrite « Budh », connaître. Oui, c’est nous, les Théosophes de l’Inde, qui sommes les vrais coupables, bien que nous ayons fait alors notre possible pour corriger l’erreur. [ Cf. The Theosophist, juin 1884. ] Il était du reste, facile de supprimer le malentendu, en altérant l’orthographe du mot, en l’écrivant avec un seul d et en rappelant que le Bouddhisme, religion, devrait se prononcer Bouddhaïsme, et ses sectateurs, Bouddhaïstes.

            Cette explication est indispensable au début d’une oeuvre comme celle-ci. La Religion-Sagesse est l’héritage de toutes les nations du monde, en dépit de ce qui est déclaré dans la préface de l’édition originale du livre de M. Sinnett que « il y a deux ans (en 1883), ni l’auteur ni aucun autre Européen vivant ne connaissaient le b-a ba de la Science présentée ici, pour la première fois, sous une forme scientifique… ». Cette erreur doit s’être glissée là par inadvertance. Car l’auteur du présent livre savait tout ce qui est « divulgué » dans Le Bouddhisme ésotérique, et beaucoup plus, plusieurs années avant qu’il fût Devenu son devoir, en 1880, de communiquer une faible partie de la DOCTRINE Secrète àdeux Européens, dont l’un était précisément l’auteur du Bouddhisme ésotérique; et, assurément, le dit écrivain de la DOCTRINE SECRÈTE a l’indéniable, quoique selon elle assez équivoque privilège d’être Européenne de naissance et d’éducation. En outre, une partie considérable de la philosophie exposée par M. Sinnett a été enseignée en Amérique, avant même la publication d’Isis Dévoilée, à deux autres Européens et à mon collègue, le colonel H.S. Olcott. Des trois Instructeurs qu’a eus ce dernier, l’un était un Initié Hongrois, le second un Égyptien,  le troisième un Hindou. Par permission spéciale, le colonel Olcott a fait connaître, de diverses manières, quelques-uns de ces enseignements; si les deux autres n’en n’ont pas fait autant, c’est simplement parce qu’on ne le leur a pas permis, le temps de leur oeuvre publique n’étant pas encore arrivé, tandis qu’il l’était pour d’autres, comme le prouve les intéressants ouvrages de M, Sinnett. Il est en outre, très important  de bien se pénétrer du fait qu’aucun livre théosophique n’acquiert la moindre valeur supplémentaire en se réclamant d’une autorité prétendue.

            Adi ou Adhi Boudha, l’Unique ou Première et Suprême Sagesse, est un terme employé par Aryâsanga dans ses traités secrets, et actuellement aussi par tous les mystiques bouddhistes du Nord. C’est un mot sanscrit, une appellation donnée par les premiers Aryens à la Divinité Inconnue; le mot « Brahmâ » ne se trouvant pas dans les Védas  ni dans les premiers ouvrages. Il signifie la Sagesse Absolue, et Fitzedward Hall traduit Adhi bhûta par « la cause primordiale et incréée de tout ». Des oeons interminables ont dû s’écouler avant que l’épithète de Bouddha ne se fût pour ainsi dire humanisée au point que le terme pût s’appliquer à des mortels et pût  finalement être approprié à celui que ses vertus et sa science sans rivales rendirent digne du titre de « Bouddha de la Sagesse immuable ». Bôdha signifie la possession innée de l’intelligence ou de la compréhension divine; Bouddha est son acquisition par l’effort et le mérite personnels; tandis que Buddhi est la faculté de connaître, le canal par lequel la connaissance divine atteint l’Égo, le discernement du bien et du mal, et aussi la conscience divine, et l’Âme spirituelle qui est le véhicule d’Atmâ. « Quand Buddhi absorbe (détruit) notre Égo-ïsme avec tous ses Vikâras, Avalôkitéshvara se manifeste à nous, et Nirvâna, ou Mukti est atteint ».  Mukti est la même chose que Nirvâna, la délivrance des entraves de la Mayâ ou Illusion. Bôdhi est aussi le nom d’un état particulier de « transe » appelé Samâdhi, durant lequel le sujet atteint le summum de la connaissance spirituelle.

            Peu sages, ceux qui, par haine du Bouddhisme et, par contrecoup, du Budhisme - haine aveugle et déplacée à notre époque - en nient les enseignements ésotériques, qui sont aussi ceux des Brâhmanes, et cela simplement parce que ce nom est associé à des doctrines que leur qualité de Monothéistes leur fait considérer comme nuisibles! Peu sages est bien le terme à leur appliquer, car, seule, la philosophie ésotérique est capable de supporter les attaques répétées, à notre âge de matérialisme grossier et illogique, contre tout ce que l’homme estime de plus cher et de plus sacré, dans sa vie spirituelle intérieure. Le vrai philosophe, l’étudiant de la Sagesse Ésotérique, perd entièrement de vue les personnalités, les croyances dogmatiques et les religions particulières. En outre, la Philosophie Ésotérique concilie toutes les religions, dépouille chacune de ses vêtements extérieurs, humains, et montre qu’elle a la même racine que toutes les autres grandes religions. Elle prouve la nécessité d’un Principe Divin Absolu dans la Nature. Elle ne nie pas plus la Divinité que le soleil. La Philosophie Ésotérique n’a jamais rejeté Dieu dans la Nature, ni la Divinité comme Ens  absolu et abstrait. Elle refuse seulement d’accepter aucun des dieux des religions dites monothéistes, dieux créés par l’homme à sa propre image et ressemblance, - caricature pitoyable et sacrilège de l’A-Jamais-Inconnaissable. En outre, les documents que nous allons mettre sous les yeux du lecteur contiennent les données ésotériques du monde entier, depuis le commencement de notre humanité, et l’Occultisme bouddhiste n’y occupe que sa place légitime, rien de plus. En vérité, les parties secrètes du Dan ou Janna (Dhyâna) [ Dan, devenu, en phonétique chinoise et tibétaine, Chhan, est le nom général des écoles ésotériques et de leur littérature. Dans les vieux livres, le mot Janna est défini comme « la réforme de soi-même, par la connaissance et la méditation », une seconde naissance intérieure. De là, Dzan, phonétiquement Djan, « le livre de Dzyan ». voir Edkins,  Chinese Buddhism, p. 129, note. ] De la métaphysique de Gâutama - toutes grandes qu’elles paraissent, lorsqu’on ignore les doctrines de l’antique Religion-Sagesse - ne sont qu’une très petite partie du tout. Le réformateur hindou bornait ses enseignements à l’aspect purement physiologique et moral de la Religion-Sagesse, à l’Éthique et à l’Homme seulement. Quant aux choses « invisibles et incorporelles », au mystère de l’Être en dehors de notre sphère terrestre, le grand Instructeur n’y toucha jamais dans ses conférences publiques, réservant les Vérités cachées pour un cercle choisi de ses Arhats. Ces derniers recevaient l’Initiation dans la fameuse Grotte Saptaparna (Sattapanni de Mahâvansa), près du mont Baibhar (le Webhara des manuscrits Pali). Cette grotte était à Râjâgriha, l’ancienne capitale de Magadha; c’était la grotte Cheta, de Fa-hian, comme le soupçonnent à juste titre quelques archéologues. [ M.Beglor, ingénieur en chef à Buddhagâya, et archéologue distingué, fut, croyons-nous, le premier à faire cette découverte.]

            Le temps et l’imagination humaine altérèrent bientôt la pureté et la philosophie de ces enseignements, dès qu’ils furent transplantés hors du cercle secret et sacré des Arhats, au cours de leur oeuvre de prosélytisme, dans un sol moins préparé que l’Inde pour les conceptions métaphysiques, c’est-à-dire une fois qu’elle furent transportées au Siam, en Chine, au Japon et en Birmanie. On peut voir comment on a traité la pureté primitive de ces grandes révélations en étudiant quelques unes des écoles bouddhistes soi-disant « ésotériques » de l’antiquité, sous leurs vêtements modernes, non seulement en Chine ou dans les autres pays bouddhistes, en général, mais même dans plus d’une école du Tibet abandonnée aux soins de Lamas non initiés et d’innovateurs mongols.

            Le lecteur est donc prié de se bien pénétrer de l’importante différence qui existe entre le Bouddhisme orthodoxe, c’est-à-dire les enseignements publics de Gâutama, le Bouddha, et son Bouddhisme ésotérique. Sa DOCTRINE SECRÈTE, cependant, ne différait nullement de celle des Brâhmanes initiés de son temps. Le Bouddha était un enfant du sol aryen, un Hindou de naissance, un Kshatrya, et un disciple des « deux fois nés » (initiés brâhmanes) ou Dvijas. Ses enseignements ne pouvaient donc différer des leurs, car toute la réforme bouddhiste consistait à révéler une partie de ce qui avait été tenu secret pour tout le monde, sauf pour le cercle « enchanté » des ascètes et des initiés des temples. Incapable, à cause de ses serments, de dire tout ce qu’on lui avait appris, le Bouddha, bien qu’il enseignât une philosophie bâtie sur la trame de la vraie connaissance ésotérique, n’en donna au monde que le corps matériel extérieur et en réserva l’âme pour ses Élus. Plusieurs sinologues ont entendu parler de la « Doctrine-Âme », aucun ne semble en avoir saisi le vrai sens et l’importance.

            Cette doctrine était conservée secrètement dans le sanctuaire, - trop secrètement peut-être. Le mystère qui enveloppait son dogme principal et son aspiration - Nirvâna - a tellement éprouvé et irrité la curiosité des savants qui l’ont étudié, qu’incapables de le résoudre d’une manière logique et satisfaisante en dénouant le nœud gordien, ils ont coupé ce dernier, en déclarant que Nirvâna voulait dire annihilation absolue.

            Vers la fin du premier quart de ce siècle [ Le XIXe. ] apparut dans le monde un genre particulier de productions littéraires, dont les tendances s’affirmèrent plus distinctement d’année en année. Soi-disant fondées sur les savantes recherches des Sanskritistes et des Orientalistes, en général, elles passaient pour scientifiques. On faisait dire aux religions, mythes et emblèmes des Hindous, des Égyptiens et autres nations antiques, tout ce que les symbologistes voulaient y voir, et l’on faisait souvent passer la forme grossière et extérieure pour leur sens intérieur. Des ouvrages, très remarquables par leurs déductions et spéculations ingénieuses, circulo vicioso, - les conclusions préétablies changeant généralement de place avec les prémisses dans les syllogismes de plus d’un savant en Sanscrit et en Pali, - parurent en se suivant rapidement, submergeant les bibliothèques de dissertations sur le culte phallique et sexuel, bien plus que sur le vrai symbolisme, et toutes se contredisant entre elles.

            Telle est, peut-être, la véritable raison pour laquelle il est permis que l’esquisse de quelques-unes des vérités fondamentales de la DOCTRINE SECRÈTE des Âges Archaïques apparaisse aujourd’hui à la lumière, après de longs millénaires du silence et du secret les plus profonds. Je dis à dessein « quelques-unes  des vérités », car ce qui doit resté caché ne pourrait être dit en cent volumes comme celui-ci, et ne pourrait être transmis à la génération présente de Sadducéens. Mais, même le peu qui est maintenant donné vaut mieux qu’un silence complet sur ces vérités vitales. Le monde contemporain, dans sa course folle vers l’inconnu, que le Physicien est trop prêt à confondre avec l’inconnaissable, toutes les fois que le problème échappe à son emprise, progresse rapidement sur le plan contraire à celui de la spiritualité. Il est maintenant devenu une vaste arène, une véritable vallée de discorde et de lutte incessante, une nécropole où sont enterrées les plus hautes et les plus saintes aspirations de notre Âme-Esprit. À chaque génération nouvelle, cette âme se paralyse et s’atrophie de plus en plus. Les « aimables fidèles et libertins accomplis » de la société, dont parle Greely, se soucient peu de la renaissance des sciences mortes du passé; mais il y a une forte minorité d’étudiants sérieux qui méritent d’apprendre les quelques vérités qui peuvent leur être données maintenant, et c’est aujourd’hui plus nécessaire qu’il y a dix ans quand paru Isis Unveiled et même quand les tentatives ultérieures d’expliquer les mystères de la science ésotérique furent faites.

            Une des plus grandes et peut-être des plus sérieuses objections contre l’exactitude du présent ouvrage et la confiance qu’il mérite viendra peut-être à propos des STANCES préliminaires. Comment vérifier les déclarations qu’elles contiennent? À vrai dire, si une grande partie des oeuvres sanscrites, chinoises et mongoles, citées dans ces volumes, sont connues de quelques orientalistes, l’ouvrage principale - auquel sont empruntées les STANCES - n’est pas en la possession des bibliothèques européennes. Le LIVRE DE DZYAN ( OU « DZAN ) est entièrement inconnu de nos philologues, ou du moins ils n’en ont jamais entendu parler sous le nom actuel. C’est là, évidemment, un grand défaut pour ceux qui suivent dans leurs recherches les méthodes prescrites par la Science officielle; mais pour les étudiants de l’Occultisme, et pour tous les vrais Occultistes, cela sera de peu d’importance. Le corps principal des doctrines données se trouve éparpillé dans des centaines et des milliers de manuscrits sanscrits, les uns déjà traduits - et défigurés, comme d’habitude - les autres attendant leur tour. Tout savant a donc l’occasion de vérifier les déclarations faites ici, et de contrôler la plupart des citations. On trouvera quelques faits nouveaux, nouveaux seulement pour l’Orientaliste profane, et des passages cités des Commentaires, difficiles à suivre jusqu’à leur source. Plusieurs des doctrines, en outre, n’ont été jusqu’ici transmises qu’oralement, cependant, dans tous les cas, il leur est fait allusion dans les innombrables volumes conservés dans les temples Brâhmaniques, Chinois, et Tibétains.

            Quoi qu’il en soit, et quelque critique malveillante que l’on fasse à l’auteur, un fait est bien certain. Les membres de plusieurs écoles ésotériques - dont le centre est au-delà de l’Himâlaya, et dont on peut trouver des ramifications en Chine, au Japon, dans l’Inde, au Tibet et même en Syrie, sans compter l’Amérique du Sud - prétendent avoir en leur possession la somme totale des oeuvres sacrées et philosophiques, manuscrites ou imprimées, en fait, tous les ouvrages qui ont été écrits, en quelque langue ou caractère que ce soit, depuis les hiéroglyphes idéographiques jusqu’à l’alphabet de Cadmus et au Dévanâgari.

            Il a constamment été affirmé que, depuis la destruction de la bibliothèque d’Alexandrie, [ voir Isis Unveiled, vol,II, p. 27. ] toute oeuvre pouvant conduire le profane à la découverte ultime et à la compréhension de certains mystères de la Science Secrète et due aux efforts combinés des membres de ces Fraternités, a été soigneusement recherchée. Il est ajouté, en outre, par ceux qui savent, qu’une fois découverts, ces ouvrages ont été détruits, sauf trois exemplaires de chaque qui furent mis à l’abri. Dans l’Inde, les derniers de ces manuscrits précieux ont été trouvés et cachés, sous le règne de l’empereur Akbar.

Le professeur Max Müller montre que ni séduction ni menaces d’Akbar ne purent extorquer aux Brâhmanes le texte original des Védas. Il se vante pourtant ensuite, que les Orientalistes européens ont ce texte (Introduction to the Science of Religion, p. 23) . Mais il est très douteux que l’Europe possède effectivement ce texte complet; et l’avenir pourrait réserver de désagréables surprises aux Orientalistes à ce sujet.

            On prétend aussi que tout livre sacré de ce genre, dont le texte n’était pas suffisamment voilé de symbolisme, ou contenait quelque allusion trop directe aux anciens mystères, a d’abord été soigneusement copier en caractères cryptographiques capables de défier l’art du meilleur paléographe, puis détruit jusqu’au dernier exemplaire. Durant le règne d’Akbar, quelques courtisans fanatiques, mécontents de voir l’empereur porter un intérêt coupable aux religions des infidèles, aidèrent eux-mêmes les Brâhmanes à cacher leurs manuscrits. Tel était Badâoni, qui avait une horreur non dissimulée de la manie d’Akbar pour les religions idolâtres.

            Badâoni a écrit, dans son Muntakhad at Tawarikh :

            !  …comme  (les Shramana et les Brâhmanes ) surpassent les autres hommes instruits, dans leur traités de morale ou de sciences physiques et religieuses, et atteignent un haut degré dans leur connaissance de l’avenir, en puissance spirituelle et perfection humaine, ils ont produit des preuves fondées sur la raison et le témoignage… et inculqué leurs doctrines si fermement… qu’actuellement… personne ne pourrait soulever un doute dans l’esprit de Sa Majesté, dussent les montagnes crouler en poussière ou le ciel se déchirer… Sa Majesté a fait faire des enquêtes sur les sectes de ces infidèles, qui sont innombrables, et ont une quantité sans fin de livres révélés.   «  

                Cet ouvrage « fut gardé secret et n’a été publié que sous le règne de Jahângîr ».

            en outre, dans toutes les grandes et riches lamaseries, il y a des cryptes souterraines et des caves- bibliothèques, taillées dans le roc, toutes les fois que les Gonpa [ Ermitages. ] Et les Lakhang [ Temples. ] sont situés dans les montagnes. Au-delà du Tsaydam occidental, dans les solitaires défilés du Kuen-lun, [ Monts du Karakoram, Tibet occidental. ] Il y a plusieurs de ces cachettes. Le long de la crête de l’Altyn Tag, dont le sol n’a encore été foulé par aucun pied européen, il existe un certain hameau perdu dans une gorge profonde. C’est un petit groupe de maisons, hameau plutôt que monastère, avec un temple pauvre d’aspect, gardé seulement par un vieux lama, vivant en ermite à proximité. Les pèlerins disent que les galeries et salles souterraines de ce temple contiennent une collection de livres trop vaste, d’après les récits, pour trouver place même au British Museum.

            Selon la même tradition, les régions maintenant désolées et privées d’eau de Tarim - véritable désert au milieu du Turkestan - étaient jadis couvertes de cités riches et florissantes. À présent, quelques vertes oasis en parsèment à peine la redoutable solitude. Une d’entre elles, recouvrant le tombeau d’une vaste cité avalée par le désert, et enfouie sous ses sables, n’appartient à personne, mais est souvent visitée par des Mongols et des Bouddhistes. La même tradition parle d’immenses demeures souterraines, de vastes corridors remplis d’inscriptions sur argile et de cylindres. Ce n’est peut-être qu’une rumeur vaine, mais peut-être un fait réel.

            Il est probable que tout cela provoque un sourire de doute. Que le lecteur, cependant, avant de nier la véracité de ces récits, veuille bien s’arrêter pour réfléchir aux faits suivants qui sont bien connus. Les recherches collectives des Orientalistes, et, spécialement, les travaux accomplis dans ces dernières années par les étudiants de la philologie comparée et de la science des religions, les ont conduits à s’assurer de ce qui suit : Un nombre incalculable de manuscrits et même d’ouvrages imprimés, dont on connaissait l’existence, ne peuvent plus être retrouvés. Ils ont disparu sans laisser derrière eux la moindre trace. S’ils étaient des ouvrages sans importance, on aurait pu les laisser périr au cours naturel du temps, et leurs noms même se seraient effacés de la mémoire des hommes. Mais il n’en est pas ainsi, car, cela est maintenant prouvé, la plupart contenaient les véritables clefs d’ouvrages qui existent encore et qui sont actuellement incompréhensibles  pour la majeure partie de leurs lecteurs, sans ces volumes additionnels de commentaires et d’explication.

            Telles, par exemple, les oeuvres de Lao-tseu, prédécesseur de Confucius. On dit, en effet, qu’il écrivit 930 livres sur l’éthique et les religions, et 70 sur la magie, mille, au total. Son grand ouvrage, cependant, le Tao-te-King, coeur de sa doctrine ou écriture sacrée des Tao-sse, ne contient, comme le montre Stanislas Julien, qu’environ 5000 mots, [ Tao-te-King,  p. XXVII. ] à peine une douzaine de pages; pourtant le professeur Max Müller trouve que « le texte est inintelligible sans commentaires, et M.Julien a été obligé de consulter pour sa traduction plus de soixante commentateurs »,  les plus anciens remontant à l’année 163 avant l’ère chrétienne, et pas avant, comme nous le voyons. Pendant les quatre siècles et demi qui ont précédé cette époque des « plus anciens » commentateurs, on a eu largement le temps de voiler la vraie doctrine de Lao-tseu aux yeux de tous, sauf de ses prêtres initiés. Les Japonais, chez qui se trouvent aujourd’hui les plus instruits de prêtres et des fidèles de Lao-tseu, ne font que rire des suppositions et bévues des sinologues européens; et la tradition affirme que les commentaires, auxquels nos savants d’Occident ont accès, ne sont pas les vraies annales occultes, mais des voiles intentionnels, et que les vrais commentaires, aussi bien que tous les textes, ont depuis longtemps disparu  des yeux du profane.

            Des oeuvres de Confucius nous lisons :

            « Si nous considérons la Chine, nous trouvons que la religion de Confucius est fondée sur les cinq King et les quatre livres Shu , - considérablement étendus en eux-mêmes et entourés de volumineux commentaires sans lesquels les lettrés, même les plus savants, ne s’aventuraient pas à explorer la profondeur de leur canon sacré. [ Max Müller, op. Cit., p. 114. ]

            Mais ils ne l’ont pas explorée, et c’est ce dont se plaignent les Confucianistes, comme le faisait en 1881, à Paris, un membre très érudit de cette école.

            Si nos savants passent maintenant à l’ancienne littérature des religions sémitiques, aux Écritures Chaldéennes, soeur aînée et institutrice, sinon source, de la Bible Mosaïque et point de départ du Christianisme, que trouvent-ils? Pour perpétuer la mémoire des antiques religions de Babylone, pour consigner le vaste cycle d’observations astronomiques des Mages Chaldéens, pour justifier la tradition de leur littérature splendide et éminemment occulte : que reste-t-il maintenant? Rien, sinon quelques fragments attribués à Bérose.

            Encore ceux-ci sont-ils presque sans valeur, même comme fil conducteur pour retrouver le caractère des choses disparues, car ils ont passé par les mains de Sa Grandeur l’évêque de Césarée - qui s’était lui-même établi censeur et éditeur des archives sacrées des religions d’autrui - et ils portent sans doute encore la marque de sa plume éminemment véridique et digne de confiance. Quelle est, en effet, l’histoire de ce traité sur la religion, jadis si grande , de Babylone?

            Écrit en grec, pour Alexandre le Grand, par Bérose, prêtre du temple de Bel, et d’après les annales astronomiques et chronologiques conservées par les prêtres de ce temple, - annales qui embrassaient une période de 200.000 ans, -- ce traité est maintenant perdu. Dans le premier siècle avant Jésus-Christ, Alexandre Polyhistor en fit une série d’extraits, perdus aussi;  Eusèbe (270-340 de l’ère chrétienne) se servit de ces extraits pour écrire son Chronicon. Les points de ressemblance - presque d’identité - entre les Écritures des juifs et celles des Chaldéens [ Cette concordance n’a été découverte et démontrée que récemment, grâce aux travaux de Georges Smith (voir sa Chaldean Account of Genesis), de sorte que c’est la contrefaçon de l’Arménien Eusèbe qui a induit toutes les « nations civilisées », pendant plus de 1.500 ans, à accepter les dérivations Juives comme une révélation divine et directe ! ] rendaient ces dernières fort dangereuses pour Eusèbe, dans son rôle de défenseur et de champion de la foi nouvelle, qui avait adopté les écritures antérieures, et, avec elles, une chronologie absurde.

            Or, il est assez bien établi qu’Eusèbe n’épargna pas les tables synchroniques égyptiennes de Manéthon - à tel point que Bunsen [ Bunsen, Egypt’s Place in History, I, p. 200. ] l’accuse d’avoir mutilé l’histoire de la façon la moins scrupuleuse, et Socrates, historien du Ve siècle, ainsi que Syncellus, vice-patriarche de Constantinople, au début du VIIIe, le dénoncent tous deux comme le plus impudent des contrefacteurs. Est-il donc vraisemblable qu’Eusèbe ait agi avec plus de délicatesse envers les annales Chaldéennes qui menaçaient déjà la nouvelle religion, si hâtivement acceptée?

            À l’exception, donc, de ces fragments, plus que douteux, toute la littérature sacrée des Chaldéens a disparu aux yeux profanes, aussi complètement que l’Atlantide perdue. Quelques faits contenus dans l’histoire de Bérose sont donnés dans le second volume du présent ouvrage, et peuvent jeter une grande lumière sur la véritable origine des Anges Déchus, personnifiés par Bel et le Dragon.

            Passant maintenant à la plus vieille littérature aryenne, le Rig Véda, et suivant strictement ici les données des Orientalistes eux-mêmes, l’étudiant verra que, bien que le Rig Véda ne contienne qu’environ 10.580 versets ou 1.028 hymnes, néanmoins, et en dépit du secours des Brâhmanas et d’une masse de gloses et commentaires, il n’est pas encore, jusqu’à ce jour, correctement compris. Pourquoi? Évidemment, parce que les Brâhmanas, « ces traités scolastiques les plus anciens sur les hymnes primitifs », demandent eux-mêmes une clef que les Orientalistes n’ont pu se procurer.

            Que disent les savants de la littérature Bouddhiste?  La possèdent-ils entièrement, cette clef? Assurément non. En dépit des 325 volumes du Kanjur et du Tanjur des Bouddhistes du Nord, dont chaque volume, paraît-il, « pèse de quatre à cinq livres », rien, en vérité, n’est connu du Lamaïsme réel. Pourtant, on dit que le canon de l’église du Sud contient 29.368.000 lettres dans le Saddharmâlankâra, [ Spence Hardy, The Legends and Theories of the Buddhists, p. 66. ] ou, sans compter les traités et commentaires, cinq à six fois plus de matière que la Bible, celle-ci, d’après Max Müller, ne pouvant se vanter que de 3.567.180 lettres. Encore à propos de ces 325 volumes (il y en a en réalité 333 : le Kanjur contenant 108 volumes et le Tanjur 225), « les traducteurs, au lieu de nous fournir des versions correctes, les ont entremêlées avec leurs propres commentaires, afin de justifier les dogmes de leurs diverses écoles ». [ E. Schlagintweit, Buddhism in Tibet, p. 77. ] De plus, « d’après une tradition conservée par les écoles bouddhistes, par celles du Sud comme par celles du Nord, le canon bouddhiste sacré comprenait à l’origine 80.000 à 84.000 traités, mais la plupart furent perdus et il n’en resta que 6.000 «  - dit le professeur. Perdus, comme toujours - pour les Européens. Mais, est-il bien sûr qu’ils soient perdus aussi pour les Bouddhistes et les Brâhmanes?

            en considérant le caractère sacré, pour les Bouddhistes, de chaque ligne écrite sur le Bouddha et la Bonne Loi, la perte de 76.000 traités semble miraculeuse. Si le cas avait été inverse, tout homme connaissant la manière dont les choses se passent admettrait que, sur le nombre précité, 5.000 à 6.000 traités aient pu être détruits pendant les persécutions ou les émigrations qui ont eu lieu dans l’Inde. Mais comme il est établi que les Arhats Bouddhistes, afin de propager la foi nouvelle au-delà du Kasmir et des Himâlayas, commencèrent leur exode religieux dès 300 ans avant notre ère [ Lassen ( Ind. Altertumskunde, II, p. 1072) parle d’un monastère Bouddhiste établi dans la chaîne des Kailas,  137 ans avant Jésus-Christ, et le général Cunningham d’un autre encore plus encore plus ancien. ] Et atteignirent la Chine en l’an 61 avant Jésus-Christ, [ Rev. J. Edkins, Chinese Buddhism, p. 87. ] époque où Kâshyapa, sur l’invitation de l’empereur Ming-ti, y alla pour faire  connaître au « Fils du Ciel » les doctrines bouddhistes, il semble étrange d’entendre les Orientalistes parler d’une telle perte comme si elle était vraiment possible. Ils ne semblent pas admettre pour un moment la possibilité que les textes puissent n’être perdus que pour l’Ouest et pour eux-mêmes, ou que les peuples Asiatiques aient eu l’audace inouïe de garder leurs annales les plus sacrées hors de l’atteinte des étrangers, refusant de les livrer à la profanation et même à l’abus de races, même si « hautement supérieures ».

            Grâce aux nombreuses confessions et aux regrets exprimés par presque tous les Orientalistes, [ voir par exemple, les Conférences de Max Müller. ] Le public peut être convaincu, d’abord, que les étudiants des religions anciennes ont vraiment bien peu de données pour bâtir des conclusions, comme ils en ont l’habitude, au sujet des vieilles croyances, et, ensuite, que ce manque de données ne les empêche pas le moins du monde de dogmatiser. On pourrait s’imaginer que, grâce aux nombreuses annales de la théogonie égyptienne et des mystères conservés dans les classiques et nombre d’anciens auteurs, les rites et les dogmes de l’Égypte des Pharaons devraient au moins être bien compris; mieux, en tout cas, que les philosophies trop abstraites et le Panthéisme de l’Inde, puisque avant le commencement de ce siècle l’Europe n’avait, pour ainsi dire, aucune idée de la religion et du langage de ce pays. Le long du Nil, et sur toute la surface du pays, il y a en effet, maintenant des reliques qui disent éloquemment leur propre histoire, et on en exhume de nouvelles chaque jour. Pourtant, il n’en est pas ainsi. Le savant philologue d’Oxford, lui-même, avoue la vérité en disant :

            « Nous voyons les pyramides encore debout, et les ruines des temples et de leurs labyrinthes avec leurs murs couverts d’inscriptions hiéroglyphiques et d’étranges peinture de dieux et de déesses. Sur des rouleaux de papyrus, qui semblent défier les ravages du temps, nous avons même des fragments de ce qu’on peut appeler les livres sacrés des Égyptiens. Cependant bien qu’on ait déchiffré beaucoup de choses dans les annales antiques de cette race mystérieuse, le ressort principal de la religion égyptienne et l’intention originelle de son culte cérémoniel sont loin de nous être révélés complètement. » [ Op. cit. , p. 118.]

            Ici, encore, les mystérieux documents hiéroglyphes sont restés, mais les  clefs qui, seules, pouvaient les rendre intelligibles, ont disparu.

            (En fait, nos grands égyptologues connaissent si peu les rites funèbres des Égyptiens et les marques extérieures de différence sexuelle faites sur les momies, qu’ils se sont laissé aller aux erreurs les plus comiques. Il n’y a qu’un an ou deux, on en découvrit une de ce genre à Boulaq-Caire. La momie de ce qu’on croyait la femme d’un Pharaon sans importance s’est transformée, grâce à une inscription trouvée sur une amulette pendue à son cou, en celle de Sésostris, - le plus grand roi de l’Égypte! )

            Néanmoins, ayant trouvé qu’ « il y a un lien naturel entre le langage et la religion », et, en second lieu, « qu’il y avait une religion aryenne commune avant la séparation de la race aryenne; une religion sémitique commune avant la séparation de la race sémitique, une religion touranienne commune avant la séparation des Chinois et des autres tribus appartenant à la classe touranienne »; n’ayant découvert, au bout du compte, que « trois anciens centres de religion » et « trois anciens centres de langage », et bien qu’entièrement ignorant de ces religions et langages primitifs, comme de leur origine - le professeur n’hésite pas à déclarer « qu’une base vraiment historique, pour un examen scientifique de ces principales religions du monde », a été obtenue!

            Un « examen scientifique » du sujet n’est pas une garantie pour sa « base historique », et avec la rareté des données qui sont à sa portée, aucun philologue, même parmi les plus éminents, n’est justifié à donner ses propres conclusions à des faits historiques. Sans doute, l’éminent Orientaliste a prouvé, à la satisfaction du monde, que, d’après la loi phonétique de Grimm, Odin et Bouddha sont deux personnages différents, distincts l’un de l’autre, et il l’a prouvé scientifiquement. Lorsque, pourtant, sans s’arrêter, il saisit l’occasion de dire qu’ « Odin était adoré comme la divinité suprême durant une période bien antérieure à l’âge du Véda et d’Homère », [ Op. Cit.,  p. 318. ] cette déclaration n’a pas la moindre « base historique »,  car il subordonne l’histoire et les faits à ses propres conclusions: c’est peut-être très « scientifique » pour les savants de l’Orient, mais très loin de la vérité. En ce qui concerne les Védas et leur chronologie, les vues opposées de divers philologues et Orientalistes éminents, de Martin Haug à Max Müller lui-même, sont une preuve évidente que la théorie ne peut s’appuyer sur aucune « base historique », « l’évidence intrinsèque » étant plus souvent un feu follet qu’un phare digne de confiance. Et la science moderne de la Mythologie comparée n’est pas davantage en mesure de contredire les savants auteurs, qui, depuis un siècle environ, ont prétendu avec insistance qu’il a dû y avoir « des fragments d’une révélation primitive, accordée aux ancêtres de toute la race humaine… fragments conservés dans les temples de Grèce et d’Italie ». Car c’est là ce que tous les Initiés et Pandits de l’Orient ont périodiquement proclamé. D’autre part, un prêtre cingalais éminent nous a assuré, comme un fait certain, que les traités sacrés les plus importants du Canon sacré bouddhiste étaient déposés en des pays et des endroits inaccessibles aux pandits Européens; et feu Swâmi Dayânand Sarasvatî, le plus grand sanskritistes hindou de son temps, a affirmé la même chose à certains membres de la Société Théosophique, en ce qui concerne les anciens ouvrages brâhmaniques. Le saint et savant homme se prit à rire quand on lui dit que le professeur Max Müller avait déclaré aux auditeurs de ses conférences que la théorie « d’une révélation primordiale et préter-naturelle accordée aux pères de la race humaine ne trouve aujourd’hui qu’un petit nombre d’adhérents ». Sa réponse est suggestive : - « Si M. Moksh Mouller  (comme il prononçait son nom) était un Brâhmane et venait à moi, je pourrais le mener à une grotte gupta (crypte secrète) près d’Okhee Math, dans les Himâlayas, où il découvrirait bientôt que ce qui a traversé le Kâlapâni (les eaux noires de l’Océan), de l’Inde en Europe, ne sont que les fragments des copies rejetées de quelques passages de nos livres sacrés. Il existait une « révélation primordiale », et elle existe encore; et elle ne sera jamais perdue pour le monde, car elle y reparaîtra; seulement les Mléchchhas [ Étrangers.]devront attendre ».

            Pressé de questions sur ce point, il n’en voulut pas dire davantage. Cela se passait à Meerut, en 1880.

            Sans doute, la mystification dont, au siècle dernier, à Calcutta, le colonel Wilford et sir William Jones furent l’objet de la part des Brâhmanes, était cruelle. Mais elle était bien méritée, et nul n’était plus à blâmer dans l’affaire que les missionnaires et le colonel lui-même. Les premiers, d’après le témoignage de sir William Jones en personne, [ Asiatic Researches, I,  p. 272. ] étaient assez sots pour soutenir que « les Hindous, aujourd’hui même, étaient presque chrétiens, parce que leur Brahmâ, Vishnou, et Mâhèsha n’étaient autre chose que la trinité chrétienne ».[ voir Max Müller, op. Cit., pp. 288 et suivantes. Il s’agit ici de l’adroite fabrication, sur des feuillets insérés dans de vieux manuscrits Purâniques, en sanscrit correct et archaïque, de tout ce que les Pandits avaient entendu dire au colonel Wilford au sujet d’Adam, d’Abraham, de Noé et de ses trois fils, etc. ] C’était une bonne leçon. Elle a rendu les Orientalistes doublement prudents; peut-être même a-t-elle laissé trop de timidité à certains d’eux et la réaction a-t-elle fait revenir trop loin, en sens contraire, le pendule des conclusions préétablies. Car, « cette première fourniture du marché Brâhmanique », en réponse à l’exigence du colonel Wilford, a évidemment créé chez les Orientalistes le besoin et le désir de déclarer que presque tous les manuscrits sanscrits archaïques sont si modernes qu’ils justifient pleinement les missionnaires de saisir cette occasion pour s’en prévaloir. Qu’ils le fassent de toute la force de leur intelligence, est démontré par certaine tentative récente et absurde pour prouver que l’histoire de Krishna, qui se trouve dans les Purânas, a été un plagiat de la Bible par les Brâhmanes! Mais les faits cités par le professeur d’Oxford dans ses conférences, au sujet des interpolations devenues célèbres et faites d’abord au bénéfice du colonel Wilford, avant d’être cause de chagrin pour lui, ne s’opposent nullement aux conclusions qui s’imposent à quiconque étudie la DOCTRINE SECRÈTE. Car, si les résultats montrent que ni le Nouveau, ni même l’Ancien Testament, n’ont rien emprunté aux religions plus anciennes des Brâhmanes et des Bouddhistes, il ne s’ensuit pas que les Juifs n’aient pas emprunté tout ce qu’ils savaient aux Annales Chaldéennes, plus tard mutilées par Eusèbe. Quant aux Chaldéens, ils devaient assurément leur savoir primitif aux Brâhmanes, car Rawlinson montre, dans la mythologie de Babylone du début, une influence indubitablement védique; et le colonel Vans Kennedy a depuis longtemps, et avec raison, déclaré que la Babylonie fut, dès l’origine, le siège d’études sanscrites et brâhmaniques. Mais il faut croire que toutes les preuves de ce genre perdent leur valeur devant la dernière théorie élaborée par le professeur Max Müller.  Tout le monde la connaît. Le code des lois phonétiques est maintenant devenu un solvant universel pour toute identification et « connexion » entre les dieux de nombreuses nations. Ainsi, bien que la mère de Mercure (Budha, Thoth, Hermès, etc.) fût Maïa, la même que celle de Bouddha (Gâutama), Mâyâ, et celle de Jésus, Mâyâ, encore (illusion, car Marie est Mare, la Mer, symbole de la grande illusion), - pourtant, ces trois personnes n’ont et ne peuvent avoir aucun rapport, depuis que Bopp a « établi son code des lois phonétiques ».

            Dans leurs efforts pour réunir les nombreux écheveaux de l’histoire non écrite, nos Orientalistes font un pas bien hardi en niant a priori tout ce qui ne s’emboîte pas dans leurs conclusions spéciales. Ainsi, tandis qu’on découvre tous les jours l’existence, reculée dans la nuit des temps, de sciences et d’arts importants, on refuse à quelques-unes des nations les plus anciennes la simple connaissance de l’écriture, et on traite leur culture de barbarie. Pourtant, les traces d’une immense civilisation, même dans l’ Asie Centrale, peuvent encore se retrouver. Cette civilisation est incontestablement préhistorique. Et comment pourrait-il exister une civilisation sans une forme quelconque de littérature, sans annales ou chroniques? Le sens commun devrait suffire à remplacer les anneaux brisés dans l’histoire des nations disparues. La muraille gigantesque et ininterrompue des montagnes qui bordent tout le plateau du Tibet, depuis le cours supérieur de la rivière Khuan-Khé jusqu’aux collines de Kara-Korum, a vu une civilisation qui a duré des milliers d’années, et pourrait dire au genre humain d’étranges secrets. Il fut un temps où les parties orientales et centrales de cette région, - le Nan-Chang et l’Altyn-Tagh, - étaient couvertes de cités qui pouvaient rivaliser avec Babylone. Toute une période géologique a passé sur la terre depuis la dernière heure de ces cités, comme en témoignent les monticules de sable mouvant et le sol maintenant stérile et mort des immenses plaines centrales du bassin de Tarim, dont les bords seuls sont superficiellement connus des voyageurs. À l’intérieur de ces plateaux de sable il y a de l’eau; on y trouve de fraîches et florissantes oasis, où aucun Européen ne s’est encore aventuré, dont nul n’a foulé le sol maintenant dangereux. Parmi ces verdoyantes oasis, il y en a qui sont entièrement inaccessibles à tout voyageur profane, fût-il indigène. Les ouragans peuvent « déchirer les sables et balayer des plaines entières », ils sont impuissants à détruire ce qui est au-delà de leur atteinte. Bâtis profondément dans les entrailles de la terre, les magasins souterrains sont en sûreté; et comme leurs entrées sont cachées, il n’y a pas lieu de craindre qu’elles soient découvertes, lors même que plusieurs armées envahiraient les solitudes sablonneuses où

   Pas un étang, pas un buisson, pas une maison ne sont en vue,
   et les chaînes montagneuses, comme un écran déchiqueté,
   Entourant la platitude aride du désert sec et brûlé…

Mais il n’est pas besoin d’envoyer le lecteur dans le désert, alors que les mêmes preuves d’antique civilisation se trouvent dans les parties relativement peuplées du même pays. L’oasis de Tchertchen, par exemple, située à environ 1.200 mètres au-dessus du niveau de la rivière Tchertchen Darya, est entourée de tous côtés par les ruines de villes et cités archaïques. Il y a là quelque trois mille êtres humains qui représentent les reliquats d’environ cent nations et races éteintes et dont les noms mêmes sont actuellement inconnus de nos ethnologues. Un anthropologiste se trouverait plus qu’embarrassé pour les classer, les diviser et les subdiviser; d’autant plus que les descendants respectifs de toutes ces races et tributs antédiluviennes sont, eux-mêmes, aussi ignorants au sujet de leurs propres ancêtres que s’ils étaient tombés de la lune. Quand on les questionne sur leur origine, ils ne savent pas d’où leurs pères sont venus, mais ils ont entendu dire que les plus anciens étaient gouvernés par les grands Génies de ces déserts. Cela peut être mis sur le compte de l’ignorance et de la superstition. La DOCTRINE SECRÈTE admet cependant, d’après ses données, que cette réponse puisse provenir d’une tradition primordiale. C’est ainsi qu’une tribu du Khorassan prétend venir de ce qui est actuellement l’Afghanistan, bien avant le temps d’Alexandre, et appuie cette prétention d’un fond légendaire. Le colonel voyageur russe Prjevalsky (maintenant général) a trouvé, tout près de l’oasis de Tcherctchen, les ruines de deux cités énormes, dont la plus ancienne, d’après la tradition locale, fut détruite, il y a trois mille ans, par un héros géant, et l’autre par les Mongols du Xe siècle de notre ère.

« L’emplacement des deux cités est maintenant couvert, du fait des sables mouvants et du vent du désert, de reliques étranges et hétérogènes; de porcelaines brisées, d’ustensiles de cuisine et d’ossements humains. Les indigènes trouvent souvent des monnaies de cuivre et d’or, des lingots d’argent fondu, des diamants, des turquoises, et, ce qui est plus remarquable, du verre brisé…On trouve aussi des cercueils faits d’un bois ou d’une matière imputrescible, contenant des corps embaumés en parfait état de conservation… Toutes les momie mâles sont celles d’hommes grands et fortement bâtis, avec de longs cheveux ondulés…On a découvert un caveau dans lequel douze hommes se trouvaient assis. Une autre fois, dans un cercueil à part, nous avons trouvé une jeune fille. Ses yeux étaient fermés par des disques dorés, et les mâchoires solidement retenues par une bride dorée qui passait sous le menton et sur le sommet de la tête. Elle était vêtue d’une étroite tunique de laine, son sein était couvert d’étoiles dorées, et ses pieds étaient nus. » [ Extrait d’une conférence de N.M. Prjevalsky. ]

            Le fameux voyageur  ajoute que tout au long de la route, sur la rivière Tchertchen Darya, on racontait des légendes au sujet de vingt-trois villes ensevelies depuis des âges par les sables mouvants des déserts. La même tradition existe sur le Lob-nor et dans l’oasis de Kerya.

            Les traces d’une telle civilisation, ces traditions et les similaires nous donnent le droit d’admettre d’autres légendes affirmées par les natifs bien éduqués et instruits d’Inde et de Mongolie, qui parlent de bibliothèques immenses gagnées sur le sable, ainsi que de divers vestiges de l’ancienne science magique, qui ont tous été mis en sûreté.

            Récapitulons. La DOCTRINE SECRÈTE  était la religion universellement répandue dans le monde antique et préhistorique. Les preuves de sa diffusion, les annales authentiques de son histoire, une chaîne complète de documents montrant son caractère et sa présence en tous pays, ainsi que l’enseignement de ses grands Adeptes, existent encore maintenant dans les cryptes secrètes de bibliothèques appartenant à la Fraternité Occulte.

            Cette affirmation acquiert de la vraisemblance si l’on considère les faits suivants: la tradition que des milliers de parchemins ont été sauvés lors de la destruction de la bibliothèque d’Alexandrie; les milliers d’oeuvres sanscrites qui ont disparu en Inde sous le règne d’Akbar; la tradition universelle en Chine et au Japon que les antiques textes véritables, ainsi que les commentaires qui, seuls, les rendent compréhensibles, le tout s’élevant à plusieurs milliers de volumes, sont depuis longtemps hors d’atteinte des mains profanes; la disparition de la vaste littérature sacrée et occulte de Babylone; la perte de ces clefs qui, seules, pourraient résoudre les mille énigmes des annales hiéroglyphiques de l’Égypte; la tradition indienne que les commentaires véritables et secrets qui, seuls, rendent les Védas intelligibles, bien qu’ils ne soient plus visibles aux yeux profanes, demeurent accessibles à l’Initié, cachés dans des grottes et des cryptes secrètes; et, parmi les Bouddhistes, une croyance identique en ce qui concerne leurs livres secrets.

            Les Occultistes affirment que tous ces documents existent, à l’abri des mains spoliatrices des Occidentaux, pour reparaître dans un âge plus éclairé, que, d’après feu Swami Dayanand Sarasvati, « les Mléchchhas (les rejetés, les sauvages, ceux qui sont en dehors de la civilisation âryenne) auront à attendre ».

            Car, ce n’est pas la faute des Initiés si ces documents sont maintenant « perdus » pour le profane; et leur conduite n’a pas été dictée par l’égoïsme, ni par le désir de monopoliser la science vivifiante et sacrée. Il est certaines portions de la Science Secrète qui, pendant des âges incalculables, ont dû rester cachées aux regards profanes. Mais c’était parce que, découvrir à la multitude non préparée des secrets d’une importance aussi effrayante serait revenu au même que donner à un enfant une chandelle allumée dans une soute à poudre.

            Il est bon d’insister ici sur la réponse à une question qui s’est souvent posé dans l’esprit des étudiants, en face de déclarations de cette nature. On comprend bien, disent-ils, la nécessité de cacher à la foule des secrets comme celui du Vril, cette force dévastatrice découverte par J.W. Keely, de Philadelphie, mais on ne voit pas le danger qu’il y a à révéler une doctrine purement philosophique, comme, par exemple, l’évolution des Chaînes Planétaires.

            Le danger est celui-ci : des doctrines comme celle de la Chaîne Planétaire ou des sept Races donnent immédiatement une clef de la nature septuple de l’homme, car chaque principe est en corrélation avec un plan, une planète et une race; et les principes humains sont, sur chaque plan, en corrélation avec les septuples forces occultes, celles des plans supérieurs possédant un pouvoir effrayant. De sorte que toute division septénaire donne de suite la clef de terribles puissances occultes, dont l’abus causerait d’incalculables maux à l’humanité; clef qui, n’en n’est pas une pour la génération actuelle, - spécialement pour les Occidentaux, protégés par leur aveuglement même, par leur ignorance matérialiste et leur incrédulité à l’occulte, - mais qui, néanmoins, aurait eu une valeur réelle dans les premiers siècles de l’ère chrétienne alors que les gens étaient pleinement convaincus de la réalité de l’Occultisme, et entraient dans un cycle de dégradation qui les rendait mûrs pour l’abus des pouvoirs occultes et la sorcellerie de la pure espèce.

            Les documents furent cachés, il est vrai, mais la science elle-même et son existence toujours présente ne furent jamais traitées comme un secret par les Hiérophantes des Temples où les MYSTÈRES ont toujours été employés comme une discipline et un stimulant pour la vertu. Ce sont là de très vieilles nouvelles révélées bien des fois par les grands Adeptes, depuis Pythagore et Platon jusqu’aux Néoplatoniciens. C’est la nouvelle religion des Nazaréens qui opéra un changement - en pire - dans la politique des siècles.

            De plus, il est un fait bien connu, - et très curieux, qui  a été affirmé à l’auteur par une personne respectable et digne de foi, attachée pendant des années à une ambassade russe, - c’est qu’il existe, dans les Bibliothèques Impériales de Saint-Pétersbourg, plusieurs documents prouvant que, même à l’époque récente où la Franc-maçonnerie et les Sociétés Secrètes de Mystiques florissaient librement en Russie, c’est-à-dire à la fin du dernier siècle et au début du présent siècle, [ XVIIIe et XIXe s. ]plus d’un mystique russe alla au Tibet, en passant par les monts Ourals, pour y  chercher le savoir et l’initiation, dans les cryptes inconnues de l’Asie Centrale. Et plus d’un revint après des années, avec une riche provision de renseignements qu’il n’aurait pu se procurer nulle part en Europe. Nous pourrions citer plusieurs cas, et mettre en avant des noms bien connus, si ce n’était qu’une telle publicité pourrait gêner les survivants des familles de ces Initiés défunts. Quiconque veut s’assurer du fait n’a qu’à consulter les Annales et l’histoire de la Franc-maçonnerie dans les archives de la métropole russe.

            Ces faits corroborent ce qui a été déjà affirmé plusieurs fois, et malheureusement avec peu de discrétion. Au lieu de rendre service à l’humanité, les virulentes accusations d’inventions délibérées et d’imposture intéressée contre ceux qui affirmaient tel fait, aussi vrai que peu connu, n’ont engendré que du mauvais Karma pour les calomniateurs. Mais maintenant le mal est fait, la vérité ne doit plus être niée, qu’elles qu’en soient les conséquences.

            La Théosophie est-elle donc une nouvelle religion, nous demande-t-on? en aucune façon; ce n’est pas une « religion », sa philosophie n’est pas « nouvelle »; car, nous l’avons dit, elle est aussi vieille que l’homme pensant. Ses doctrines ne sont pas maintenant publiées pour la première fois, mais ont été prudemment révélées à plus d’un Initié européen, et enseignées par plusieurs d’entre eux - spécialement par feu Ragon.

            Plus d’un grand savant a déclaré qu’il n’y avait pas un seul fondateur de religion, Aryen, Sémite ou Touranien, qui ait inventé une nouvelle religion ou révélé une vérité nouvelle. Ces fondateurs étaient tous des transmetteurs, non des instructeurs originaux. Ils étaient les auteurs de formes et interprétations nouvelles, mais les vérités sur lesquelles celles-ci étaient fondées étaient aussi vieilles que le genre humain. Choisissant une ou plusieurs de ces grandes vérités, - réalités visibles seulement à l’oeil du vrai Sage et Voyant, - parmi le nombre de celles qui furent oralement révélées à l’homme au commencement, préservées et perpétuées dans l’Adyta des temples par l’initiation, durant les MYSTÈRES, par transmission personnelle, - ils révélèrent ces vérités aux masses. Ainsi, chaque nation reçut, à son tour, quelques unes des dites vérités, sous le voile de son symbolisme local et spécial, ce qui, au cours du temps, se développa en un culte plus ou moins philosophique, un Panthéon sous le déguisement mythique. Confucius, par exemple, un législateur très ancien dans la chronologie historique, bien que sage très moderne dans l’histoire du monde, est appelé par le docteur Legge, [ Lün-Yü, cité par Schott, Chinesische Literatur,  p. 7; cité par Max Müller. ] « un transmetteur, au plus haut degré, non un créateur », comme Confucius lui-même le dit: « Je ne fais que transmettre; je ne crée rien de nouveau. Je crois aux anciens; et, par conséquent, je les aime. » [ J. Legge,  Life and Teachings of Confucius,  vol. I, p. 95. ]

            L’auteur aussi aime et, par conséquent, croit, les anciens et les modernes héritiers de leur Sagesse. Et avec cette double foi, elle transmet maintenant ce qu’elle a reçu et appris elle-même, à tous ceux qui voudront l’accepter. Quant à ceux qui peuvent rejeter son témoignage, - la grande majorité, - elle ne leur en voudra pas, car en niant ils ont raison à leur manière, tout autant qu’elle en affirmant, puisque eux et elle regardent la vérité de deux points de vue entièrement différents. D’après les règles de la science critique, l’Orientaliste doit rejeter a priori  toute déposition qu’il ne peut pas vérifier entièrement lui-même. Et comment un savant occidental peut-il accepter, sur ouï-dire, des choses sur lesquelles il ne sait rien? À vrai dire, ce qui est donné dans les présents volumes est emprunté à l’enseignement oral autant qu’aux doctrines écrites. La première partie des doctrines ésotériques est fondée sur des STANCES, qui sont les annales d’un peuple inconnu de l’ethnologie. On affirme, ici, que ces STANCES sont écrites dans une langue absente de la nomenclature des langues et dialectes avec lesquels la philosophie est familière; on dit qu’elles émanent d’une source, l’Occultisme, répudié par la Science; et, enfin, elles sont  offertes par un intermédiaire constamment déprécié par tous ceux qui haïssent les vérités gênantes, ou luttent pour la défense de quelque marotte personnelle. Aussi faut-il s’attendre, et se soumettre d’avance, à ce que ces doctrines soient rejetées. Aucun de ceux qui s’intitulent « savants », dans quelque département que ce soit de la Science exacte, ne se permettra de les prendre au sérieux. Elles seront tournées en dérision et rejetées a priori dans le siècle actuel, mais dans ce siècle seulement. Car, au XXe siècle de notre ère, les savants commenceront à reconnaître que la DOCTRINE SECRÈTE n’a été ni inventée ni exagérée, mais au contraire, qu’elle a été à peine esquissée; et, enfin, que ses enseignements sont antérieurs aux Védas. [Ce n’est pas prétendre au don de prophétie; c’est une simple affirmation basée sur la connaissance des faits. En chaque siècle, on essaye de montrer au monde que l’Occultisme n’est pas une vaine superstition. Dès qu’on aura pu entrouvrir la porte, elle s’ouvrira de plus en plus, à chaque siècle nouveau. Les temps sont mûrs pour l’avènement d’une connaissance, encore très limitée, mais plus sérieuse que celle qu’il a été permis de donner jusqu’à présent.]

            Les Védas, du reste, n’ont-ils pas été tournés en dérision, rejetés, traités de « faux moderne », il n’y a pas plus de quelque cinquante ans? [ Écrit en 1887 ou 1888. ] N’a-t-on pas proclamé, à un certain moment, que le Sanscrit était un descendant, un dérivé du grec, d’après Lemprière et autres savants? Vers 1820, nous dit le professeur Max Müller, les livres sacrés des Brâhmanes, des Mages et des Bouddhistes « étaient à peine connus; on doutait même de leur existence, et il n’y avait pas un seul savant qui pût traduire une ligne du Véda… du Zend Avesta, ou… du Tripitaka  Bouddhiste. Et maintenant il est prouvé que les Védas sont l’oeuvre de la plus haute antiquité, et que leur conservation touche au merveilleux ». [ Conférence sur les Védas. ]

            On en dira autant de la DOCTRINE SECRÈTE Archaïque, quand des preuves indéniables de son existence et de ses annales auront été données. Mais des siècles devront s’écouler avant qu’il en soit donné beaucoup plus. À propos de la perte presque complète pour le monde de la clef des Mystères du Zodiaque, l’auteur remarquait dans Isis Dévoilée, il y a environ dix ans: « Cette clef doit être tournée sept fois avant que le système soit tout entier divulgué. Nous ne donnerons ici qu’un seul  tour, et nous permettrons ainsi au profane un coup d’oeil dans le mystère. Heureux celui qui comprendra l’ensemble! » [ Isis Unveiled, II,  p. 461. ]

            Il en est, du reste, de même de tout le Système Ésotérique. Un tour de clef, et pas plus, a été donné dans Isis Dévoilée. Beaucoup plus est expliqué dans ces volumes. À l’époque de cette publication, l’auteur connaissait à peine la langue dans laquelle elle écrivait, et la révélation de bien des choses, dont on parle maintenant ouvertement, était alors défendue. Au XXe siècle, quelque disciple plus instruit et beaucoup plus apte sera peut-être envoyé par les Maîtres de Sagesse pour donner les preuves finales et irréfutables qu’il existe une Science appelée Gupta Vidyâ; et que, comme les sources mystérieuses du Nil, la source de toutes les religions et philosophies actuellement connues, oubliée et perdue pendant des âges par l’humanité, est enfin retrouvée.

            L’introduction d’une oeuvre comme celle-ci ne devrait pas être une simple préface, mais bien un volume - et un volume donnant des faits, non de simples dissertations, car la DOCTRINE SECRÈTE n’est ni un traité, ni une série de théories vagues, mais un exposé de tout ce qui peut être donné au monde en ce siècle.

            Il serait plus qu’inutile de publier, dans ces pages mêmes, les portions des doctrines ésotériques qui ont échappé à la réclusion, si l’on établissait tout d’abord la vérité et  l’authenticité, ou au moins la probabilité, de l’existence de semblables enseignements. Les déclarations que nous allons faire doivent être appuyées de divers témoignages, entre autres ceux des anciens philosophes, des classiques, et même de certains Pères de l’Église instruits dont certains connaissaient ces doctrines parce qu’ils les avaient étudiées, parce qu’ils avaient vu et lu des ouvrages sur le sujet; et certains parce qu’ils avaient même été personnellement initiés aux anciens Mystères pendant l’accomplissement desquels les doctrines cachées étaient allégoriquement représentées. L’auteur devra donner des noms historiques et dignes de confiance; citer des auteurs, anciens et modernes, bien connus, de capacité indiscutée, de jugement sain, de véracité éprouvée; nommer aussi quelques-uns des plus avancés et des plus fameux adeptes des arts et sciences secrètes, et parler en même temps des mystères de ces dernières, à mesure qu’ils sont divulgués, ou plutôt, partiellement présentés au public sous leur forme étrange et archaïque.

            Comment s’y prendre? Quel est le meilleur moyen d’atteindre un tel objet? - C’est la question qui s’est sans cesse posée. Pour rendre notre plan plus clair, nous pouvons essayer une comparaison. Lorsqu’un touriste, venant d’une contrée parfaitement explorée, atteint soudain les frontières d’une terra incognita, environnée et cachée à la vue par une formidable barrière de rochers infranchissables, il peut refuser de se reconnaître battu dans ses plans d’exploration. L’accès lui est interdit. Mais s’il ne peut visiter en personne la mystérieuse région, il peut trouver le moyen de l’examiner d’aussi près que possible. Aidé par la connaissance des paysages qu’il a laissés derrière lui, il peut obtenir une idée générale et assez correcte de la région cachée en grimpant, par exemple, au sommet des hauteurs voisines. Une fois là, il peut regarder à loisir et comparer ce qu’il aperçoit vaguement avec ce qu’il vient de laisser en bas, à présent que, grâce à ses efforts, il a dépassé la ligne des brumes et des falaises ennuagées.

            Une occurrence de ce genre ne peut être donnée ici à ceux qui voudraient mieux comprendre les mystères des périodes pré-archaïques contenus dans les textes. Mais si le lecteur veut bien prendre patience, jeter un coup d’oeil sur l’état actuel des croyances de l’Europe, et les comparer à ce que l’histoire connaît des âges qui ont directement précédé ou suivi le commencement de l’ère chrétienne, il trouvera, dans un volume à venir du présent ouvrage, tous les renseignements nécessaires. [ Les mots de l’édition de 1888 sont : « dans le volume III de cet ouvrage ».]

            Nous donnerons dans ce volume une brève récapitulation des principaux Adeptes historiquement connus, et nous décrirons la décadence des Mystères, décadence après laquelle on commença à effacer systématiquement et à faire ensuite disparaître complètement de la mémoire des hommes la nature réelle de l’Initiation et de la Science Sacrée. À partir de cette époque, ses enseignements devinrent Occultes, et la Magie ne navigua que trop souvent sous les couleurs vénérables, mais souvent trompeuses, de la Philosophie Hermétique. De même que le Vrai Occultisme avait prévalu, chez les Mystique, durant les siècles qui précédèrent notre ère, ainsi, la Magie, ou plutôt la Sorcellerie, avec ses Arts Occultes, suivit la naissance du Christianisme.

            Malgré leur énergie et leur zèle, les efforts fanatiques, durant ces siècles primitifs, pour oblitérer toute trace du travail mental et intellectuel des Païens, restèrent sans effet; mais le même esprit du  sombre démon de bigoterie et d’intolérance a, toujours et systématiquement, depuis cette époque, dénaturé toutes les pages brillantes écrites durant les périodes pré-chrétiennes. Pourtant l’histoire, malgré l’imperfection de ses annales, a conservé assez de ce qui a survécu pour jeter sur le tout une lumière impartiale. Que le lecteur s’arrête donc un instant, avec nous, sur le point d’observation choisi. Nous attirons toute son attention sur ce millénaire qui a séparé les périodes pré-chrétienne et post-chrétienne par l’an Un de la Nativité. Cet événement - qu’il soit historiquement exact ou non - a été néanmoins employé comme un premier signal pour l’érection de remparts multiples, destinés à prévenir tout retour possible, et même tout coup d’oeil en arrière vers les religions odieuses du Passé: religions haïes et craintes, parce qu’elles jettent une lumière trop vive sur l’interprétation nouvelle, et voilée à dessein, de ce qu’on appelle aujourd’hui la « Nouvelle Dispensation ».

            Les efforts surhumains des Pères de l’Église pour effacer la DOCTRINE SECRÈTE de la mémoire même de l’homme ont échoué. La Vérité ne peut être tuée; c’est pour cela qu’ils n’ont pas réussi à balayer entièrement de la surface de la terre les vestiges de l’antique Sagesse, ni à garrotter et bâillonner tous ceux qui lui portaient témoignage. Que l’on pense seulement aux milliers, et peut-être aux millions de manuscrits brûlés; aux monuments réduits en poussière parce qu’ils portaient des inscriptions trop indiscrètes ou des peintures d’un symbolisme trop instructif; aux bandes d’ermites et d’ascètes qui, de bonne heure, ont erré parmi les cités ruinées de la haute et basse Égypte, dans les déserts et les montagnes, dans les vallées et les hautes terres, cherchant anxieusement, pour les détruire, tout obélisque ou pilier, tout rouleau ou parchemin, portant le symbole du Tau, ou tout autre signe que la foi nouvelle avait emprunté et s’était approprié - et l’on verrait clairement comment il se fait qu’il soit resté si peu des archives du passé. En vérité, l’esprit démoniaque de fanatisme des premiers siècles et du moyen-âge chrétiens et islamiques s’est complu à se confiner, dès le début, dans l’obscurité et l’ignorance, et a rendu

            « …le soleil comme du sang et fait de la terre une tombe,
              De la tombe un enfer, et de l’enfer une ombre plus profonde! »

            Ces deux religions ont acquis leurs prosélytes à la pointe de l’épée;  toutes deux ont bâti leurs églises sur des hécatombes de victimes humaines entassées jusqu’au ciel. Sur la porte du premier siècle de notre ère brillaient ces mots fatals et sinistres: « LE KARMA D’ISRAËL ». Sur celle du nôtre, [ XIXe  s. ] le futur voyant pourra discerner d’autres mots, indiquant le Karma de l’Histoire habilement inventée, des événements pervertis à dessein, des grands hommes calomniés par la postérité, broyés jusqu’à n’être plus reconnaissables entre les deux chars de Jagannâtha, - la Bigoterie et le Matérialisme, l’un acceptant trop, l’autre niant tout. Saga est celui qui sait se tenir dans le milieu doré, confiant en l’éternelle justice des choses!

            D’après Faigi Dîwân, « témoin des discours merveilleux d’un libre penseur qui appartient à mille sectes :
               « au jour de la résurrection, quand seront pardonnées les choses passées, les péchés de la Ka’bah seront effacés grâce à la poussière des églises chrétienne. »

                À quoi le professeur Max Müller réplique:

            « Les  péchés d’Islam n’ont pas plus de valeur que la poussière du Christianisme. Au jour de la résurrection, les mahométans, comme les chrétiens, verront la vanité de leurs doctrines religieuses. Sur la terre, les hommes se battent pour la religion; au ciel, ils découvriront qu’il n’y a qu’une seule religion vraie : l’adoration de l’Esprit de Dieu. » [ Op. Cit.,  p. 257. ]

            En d’autres termes: « IL N’Y A PAS DE RELIGION [OU DE LOI ] PLUS ÉLEVÉE QUE LA VÉRITÉ. » - (Satyât Nâsti Paro Dharmah ) - suivant la devise des Mahârâjahs de Bénarès, adoptée par la Société Théosophique.

            Nous avons dit dans la Préface que La DOCTRINE SECRÈTE n’était pas une autre version d’Isis Dévoilée, comme l’avait été notre première intention. C’est plutôt un ouvrage servant à expliquer l’oeuvre précédente, un corollaire indispensable de cette dernière bien qu’indépendant d’elle. Plus d’une question présentée dans Isis ne pouvait guère être comprise par les Théosophes de cette époque; La DOCTRINE SECRÈTEjettera de la lumière sur bien des problèmes laissés sans solution dans le premier ouvrage, spécialement sur ses premières pages qui n’ont jamais été comprises.

            N’ayant à nous occuper que des philosophies qui rentrent dans nos temps historiques, et du symbolisme respectif des nations disparues, nous ne pouvions, dans les deux volumes d’Isis, jeter qu’un rapide coup d’oeil sur le panorama de l’Occultisme. Dans le présent ouvrage, nous donnons une cosmogonie détaillée de l’évolution des quatre races humaines qui ont précédé l’Humanité de la Cinquième, - la nôtre, - et les gros volumes actuels expliqueront ce qui est simplement déclaré à la première page d’Isis Dévoiléeet  dans quelques allusions trouvées çà et là dans le livre. Nous ne pourrions, dans les présents volumes, entreprendre le vaste catalogue des Sciences archaïques, avant d’avoir déblayé les problèmes aussi colossaux que ceux de l’Évolution cosmique et planétaire, et du développement graduel des mystérieuses humanités et races qui ont précédé notre Humanité Adamique. Aussi, l’effort fait actuellement pour élucider quelques mystères de la philosophie Ésotérique n’a, en réalité, rien à faire avec l’ouvrage précédent. Que l’on permette à l’auteur de la prouver par un exemple.

            Le premier volume d’Isis commence par une allusion à « un vieux livre »,

            « Si vieux que nos antiquaires modernes pourraient indéfiniment méditer sur ses pages, sans pouvoir se mettre d’accord au sujet de la nature de ce tissu sur quoi il est écrit. C’est la seule copie originale existant actuellement. Le plus ancien document Hébreu sur la science occulte, - le Siphrah Dzéniutha - a été compilé d’après ce vieil ouvrage, et cela à une époque où il était déjà considéré comme une relique littéraire. Une de ses illustrations représente l’Essence Divine émanant d’ADAM [ Ce nom est employé ici au sens du mot grec αυΘρωπος ] sous forme d’un arc lumineux formant un cercle; ayant atteint le plus haut point de sa circonférence, la Gloire ineffable, il se replie et revient à la terre, apportant dans son tourbillon un type supérieur d’humanité. À mesure qu’elle se rapproche de notre planète, l’Émanation devient de plus en plus ténébreuse, et enfin, touchant terre, elle est noire comme la nuit. »

            Ce très «vieux livre» est l’oeuvre originale, d’après laquelle furent compilés les nombreux volumes de Kiu-ti. Non seulement ce dernier, ainsi que le Siphrah Dzeniutha, mais encore le Sepher Jezirah [ Rabbi Jehoshua Ben Chananea, mort vers 72 ans avant Jésus-Christ, déclarait ouvertement qu’il avait accompli des « miracles » au moyen du livre Sepher Jezirah, et défiait tous les sceptiques. Franck, citant Talmud babylonien, nomme deux autres thaumaturges, les Rabbis Chanina et Oshoi (V. le Talmud de Jerusalem, Sanhedrin , ch. VII, etc.,  Et Franck, Die Kabbala, pp. 55-56).  beaucoup d’Occultistes, Alchimistes et Kabalistes du moyen âge prétendirent  la même chose; et le Mage moderne lui-même, feu Éliphas Lévi, l’affirme  et l’écrit publiquement dans ses livres sur la Magie. ] - que les Kabalistes hébreux attribuent à leur patriarche Abraham (!), le livre de Shu-King, Bible primitive de la Chine, les volumes sacrés du Thoth-Hermès Égyptien, les Pouranas de l’Inde, le Livre des Nombres Chaldéen et même le Pentateuque, sont tous dérivés de cet unique petit volume. La tradition dit qu’il fut écrit en Sen-zar, c’est-à-dire dans le langage sacerdotal secret, sous la dictée des Êtres Divins qui le révélèrent aux Fils de la Lumière, dans l’Asie Centrale, au commencement même de notre Cinquième Race; car il fut un temps où ce langage (le Sen-zar)  était connu des Initiés de toutes les nations, et compris par les ancêtres des Toltèques aussi facilement que par les habitants de l’Atlantide disparue; ces derniers le tenaient des sages de la Troisième Race des Mânoushis, qui l’avaient appris directement des Dévas de la Seconde et de la Première races. L’illustration dont il est parlé dans Isis a rapport à l’évolution de ces Races et à celle de notre humanité des Quatrième et Cinquième Races, dans le Manvantara ou « Ronde » de Vaivasvata. Chaque Ronde se compose des Yougas des sept périodes de l’Humanité, quatre desquelles sont maintenant passées dans notre cycle de vie, le point moyen de la Cinquième étant presque atteint. Cette figure est symbolique, comme on peut aisément le comprendre, et trouve son application dès le début. Le vieux livre, après avoir décrit l’Évolution Cosmique et expliqué l’origine de tout ce qu’il y a sur la terre, y compris l’homme physique, après avoir donné la véritable histoire des Races, de la Première à notre Cinquième, ne va pas plus loin. Il s’arrête court au commencement du Kali-Yuga, c’est-à-dire il y a quatre mille neuf cent quatre-vingt-neuf ans (en 1888), à la mort de Krishna le brillant Dieu-Soleil qui fut jadis un héros et réformateur vivant.

            Mais il existe un autre livre. Aucun de ses possesseurs ne le regarde comme très ancien, car il date seulement de l’Âge Noir, c’est-à-dire de cinq mille ans environ. Dans neuf ans, ou à peu près, finiront donc les cinq premiers millénaires du cycle qui a commencé avec la grande période du Kali-Yuga. [ H.P.B. Écrivit dans le Vâhan, déc. 1890, p.2, « …Si vous voulez réellement aider la noble cause, il faut le faire maintenant : car, dans quelques années vos efforts comme les nôtres seront vains… Nous sommes au milieu même des ténèbres Égyptiennes du Kali-Yuga, l’Âge Noir, dont les 5.000 premières années, son premier cycle sombre, vont se fermer sur le monde entre 1897 et 1898.  À moins que d’ici là, nous réussissions à placer la S.T. du bon côté du courant spirituel, elle sera balayée sans retour dans l’Abîme des Échecs, et les froides vagues de l’oubli se refermeront sur sa malheureuse tête; ainsi aura péri sans gloire la seule association dont les buts, les règles et l’objet d’origine répondent dans le moindre détail - s’ils sont strictement appliqués - à la pensée fondamentale la plus intime de tout grand Adepte Réformateur, le beau rêve d’une FRATERNITÉ UNIVERSELLE DE L’HOMME ». - Ed. ] Et alors, la dernière prophétie contenue dans ce livre - le premier des Annales prophétiques de l’Âge Noir - sera accomplie. Nous n’avons pas beaucoup à attendre, et plusieurs d'entre nous verront l'aurore du cycle nouveau à la fin duquel maint compte sera réglé et mis au net entre les races. Le second volumes des prophéties est presque prêt, commencé à l’époque de Shankarâchârya, le grand successeur de Bouddha.

            Il faut remarquer un autre point important que l’on rencontre dès le début de la série des preuves données en faveur de l’existence d’une Sagesse primordiale et universelle - point important, en particulier, pour les étudiants de la Kabale chrétienne. Les doctrines en étaient connues, en partie du moins, de plusieurs Pères de l’Église. L’on affirme, sur une base purement historique, qu’Origène, Synésius et même Clément d’Alexandrie avaient été initiés aux Mystères avant d’ajouter, sous un voile chrétien, le néoplatonisme des Gnostiques à celui de l’École d’Alexandrie. Il y a plus. Quelques-unes des données des écoles secrètes, mais pas toutes, loin de là, furent conservées au Vatican et ont depuis été incorporées aux Mystères sous forme d’additions défigurées, ajoutées par l’Église Latine au programme chrétien primitif. Tel le dogme maintenant matérialisé de l’Immaculée Conception. Cela explique les grandes persécutions pratiquées par l’Église Catholique Romaine contre l’Occultisme, la Maçonnerie et le Mysticisme hétérodoxe, en général.

            L’époque de Constantin fut le dernier tournant de l’histoire, la période de lutte suprême qui aboutit à l’étranglement des vieilles religions dans le monde occidental, en faveur de la religion nouvelle, bâtie sur leurs cadavres. Dès lors, les échappées sur l’antique Passé, sur les périodes précédant le Déluge et le jardin de l’Éden, furent closes par tous les moyens, bons ou mauvais, et dérobées aux recherches indiscrètes de la postérité. Toutes les issues furent obstruées, toutes les annales sur lesquelles on put mettre la main furent détruites. Et pourtant, il reste encore assez de ces annales pour nous autoriser à dire qu’elles contiennent toute l’évidence possible de l’existence d’une Doctrine-Mère. Des fragments ont échappé aux cataclysmes géologiques et politiques, pour dire leur histoire, et tout  ce qui a survécu prouve que la Sagesse, maintenant secrète, était jadis l’unique fontaine, la source incessante et inépuisable, à laquelle s’alimentaient tous les ruisseaux, - les religions postérieures de toutes les nations, - de la première jusqu’à la dernière. Cette période qui commence avec Bouddha et Pythagore et se termine avec les Néo-Platoniciens et les Gnostiques, est le seul foyer laissé dans l’histoire, vers lequel convergent, pour la dernière fois, sans être obscurcis par la main de la bigoterie et du fanatisme, les brillants rayons de lumière venus des Oeons du temps passé.

            Cela explique la nécessité où s’est trouvée constamment l’auteur de rendre compte des faits tirés du passé le plus vénérable en les appuyant sur des preuves empruntées à la période historique. Il n’y avait pas d’autre moyen à sa portée et elle court le risque d’être encore une fois accusée de manque de méthode et d’absence de système. Mais il faut que le public soit informé des efforts faits par nombre d’Adeptes mondiaux, nombre de poètes, d’auteurs et de classiques Initiés de tous les âges, pour préserver dans les annales de l’Humanité le souvenir, tout au moins, de l’existence d’une semblable Philosophie, sinon la connaissance de ses principes. Les initiés de 1888 seraient vraiment un mythe incompréhensible, un problème sans solution possible, s’il n’était prouvé que d’autres Initiés ont vécu à toutes les époques de l’histoire. Et l’on ne peut le prouver qu’en nommant le chapitre et la ligne des livres où il est parlé de ces grands personnages, lesquels ont été précédés et suivis d’une longue et interminable série d’autres fameux Maîtres ès arts, anté et post-diluviens. Ainsi seulement pourrait-on montrer, d’après ces témoignages semi-traditionnels, semi-historiques, que la connaissance de l’Occulte et les pouvoirs qu’elle confère à l’homme ne sont pas tout à fait des fictions, mais des faits aussi vieux que le monde.

            À mes juges passés ou futurs, je n’ai donc rien à dire, - qu’ils soient de sérieux critiques littéraires ou de ces derviches hurleurs de la littérature qui jugent un livre d’après la popularité ou l’impopularité du nom de son auteur et qui, regardant à peine le contenu, s’attachent comme des bacilles aux points les plus faibles du corps. Je ne m’occuperai pas non plus des calomniateurs au cerveau fêlé, - heureusement peu nombreux, - qui, espérant attirer l’attention publique en jetant le discrédit sur tout écrivain dont le nom est mieux connu que le leur, écument et aboient après leur ombre même. Pendant des années d’abord, ils ont soutenu que les doctrines enseignées dans The Theosophist et exposées dans Le Bouddhisme ésotérique avaient été inventées par le présent auteur; maintenant, c’est autre chose, ils dénoncent Isis Dévoilée comme un plagiat d’Eliphas Levi (!), de Paracelse (!), et, mirabile dictu, du Bouddhisme et du Brâhmanisme (!). Autant accuser Renan d’avoir voler sa Vie de Jésus dans l’Évangile, et Max Müller ses Livres sacrés de l’Orient ou ses Glanes dans les philosophies des Brâhmanes et de Gautama, le Bouddha. Mais au public, en général, et au lecteurs de La DOCTRINE SECRÈTE, en particulier, je puis répéter ce que j’ai toujours dis et que je répète en empruntant les paroles de Montaigne: « Messieurs, JE N’AI FAIT ICI QU’UN BOUQUET DE FLEURS CHOISIES, ET N’AI RIEN FOURNI DE MOI QUE LE LIEN QUI LES ATTACHE. » Coupez la « corde » ou effilochez-la, si bon vous semble. Quant aux FAITS, vous ne pourrez jamais les détruire. Vous pouvez les ignorer, rien de plus.

            Nous pouvons terminer par un mot au sujet de ce premier volume. Dans l’Introduction d’un ouvrage qui traite surtout de Cosmogonie, quelques-uns des points cités pourront paraître déplacés, mais plusieurs raisons m’ont conduite à m’en occuper. Inévitablement, chaque lecteur jugera nos déclarations du point de vue de ses propres connaissances, de son expérience et de sa conscience, fondant son jugement sur ce qu’il a déjà appris. Nous sommes obligée de tenir constamment compte de ce fait; de là, dans ce premier livre, les fréquentes allusions à des sujets qui, à proprement parler, appartiennent à une partie ultérieure de l’ouvrage, mais qui ne pourraient être passés sous silence, sans courir le risque de voir considérer l’oeuvre comme un vrai conte de fée, - la fiction d’un cerveau moderne.

            Le Passé aidera à comprendre le Présent, et celui-ci à mieux apprécier le Passé. Les erreurs du jour doivent être expliquées et balayées. Pourtant, il est plus probable - il est certain, en l’occurrence - qu’une fois encore le témoignage des âges et de l’histoire ne laissera d’impression que sur les hommes fortement intuitifs - c’est-à-dire sur le très petit nombre. Mais comme dans tous les cas analogues, les gens sincères pourront se consoler en présentant aux sceptiques Sadducéens modernes, le témoignage mathématique et historique de la permanence de l’obstination et de l’étroitesse de vue humaine. Il existe, dans les archives de l’Académie des Sciences de Paris, un célèbre travail sur les probabilités concluant à la formule suivante. Si deux personnes témoignent d’un fait, chacune lui communiquant ainsi 5/6  de certitude, le fait lui-même en possèdera 35 /36 , c’est-à- dire que sa probabilité sera à son improbabilité dans le rapport de 35 à 1. - Si trois témoignages de ce genre sont réunis, la certitude deviendra 215/ 216. - L’accord de dix personnes donnant chacune ½ de certitude produira 1023 /1024, etc. L’Occultiste peut se tenir pour satisfait et n’en pas demander davantage.


PRÉFACE

Pages  d’archive  préhistorique

            Un manuscrit archaïque - assemblage de feuilles de palmier rendues, par un procédé inconnu, inaltérables à l’eau, au feu et à l’air - se trouve sous les yeux de l’auteur. Sur la première page l’on voit un disque blanc immaculé, sur fond noir. Sur la page suivante, il y a un disque semblable, avec un point au centre. L’étudiant sait que le premier représente le Kosmos dans l’Éternité, avant le réveil de l’Énergie encore assoupie, émanation de l’Univers en des systèmes postérieurs. Le point dans le cercle jusqu’alors immaculé, l’Espace et l’Éternité en Pralaya, indique l’aurore de la différenciation. C’est le Point dans l’oeuf du Monde, le Germe qu’il contient deviendras l’Univers, le Tout, le Kosmos illimité et périodique, - ce Germe étant périodiquement et tour à tour latent et actif. Le cercle unique est l’Unité divine, dont tout procède, où tout retourne: sa circonférence - symbole forcément limité, de par les limites mêmes de l’esprit humain - indique la PRÉSENCE abstraite, à jamais inconnaissable, et son plan, l’Âme Universelle, bien que les deux ne fassent qu’un. Cependant la surface du disque est blanche et le fond qui l’entoure noir : cela montre clairement que ce plan est la seule connaissance - quelque embrumée qu’elle soit encore - qui soit accessible à l’homme. C’est sur ce plan que commencent les manifestations manvantariques; car c’est dans cette ÂME que dort, durant le Pralaya, la Pensée Divine, [ Il est à peine nécessaire de rappeler au lecteur que le terme Pensée Divine, comme celui de mental universel, ne doivent pas être considérés comme ayant un rapport même lointain avec les opérations intellectuelles de l’homme. L’Inconscient, d’après von Hartmann, est arrivé au vaste plan de la création, ou plutôt de l’évolution, « par une sagesse clairvoyante supérieure à toute conscience », ce qui, en langage Védântin, signifierait la Sagesse absolue. Ceux-là seuls qui comprennent combien l’intuition plane au-dessus des lents processus de la pensée rationalisante peuvent se former une très vague conception de cette Sagesse absolue qui transcende les idées de Temps et d’Espace. Le mental, tel que nous le connaissons, peut se résoudre en états de conscience, variant en durée, intensité, complication, etc., mais au bout du compte, tous fondés sur la sensation qui est toujours Mâyâ. À son tour, la sensation implique nécessairement des limites. Le Dieu personnel du Théisme orthodoxe perçoit, pense et s’émeut; il se repent et ressent « une grande colère ». Mais la notion de pareils états mentaux implique clairement l’impensable postulat de l’extériorité des stimulus d’excitation, pour ne rien dire de l’impossibilité d’attribuer l’immuabilité à un être dont les émotions ondoient avec les événements des mondes qu’il préside. La conception d’un Dieu Personnel, considéré comme immuable et infini, est donc anti-psychologique, et, ce qui est pis, antiphilosophique. ] où gît caché le plan de toutes Cosmogonie et Théogonie futures.

            C’est la VIE UNIQUE, éternelle, invisible et pourtant omniprésente; sans commencement ni fin, et pourtant régulière dans ses manifestations périodiques – entre lesquelles règne le sombre mystère du Non-Être; inconsciente, et pourtant conscience absolue; incompréhensible, et pourtant la seule Réalité par soi-même existante; vraiment, « un Chaos pour les sens, un Kosmos pour la raison ». Son attribut unique et absolu, qui est Elle-même l’éternel et incessant Mouvement, est appelé, en langage ésotérique, « le Grand Souffle »; [ Platon prouve sa qualité d’Initié, en disant dans le Cratyle que Θεειν  est dérivé du verbe  Θεειν, se mouvoir, courir, car les premiers astronomes qui observèrent les mouvements des corps célestes appelèrent les planètes  Θεσι, les dieux. Plus tard, le mot produisit un autre terme  αληΘεια,  le souffle de Dieu. ] c’est le mouvement  perpétuel de l’Univers, dans le sens d’Espace sans limites et à jamais présent. Ce qui est immobile ne peut être Divin. Mais, en fait et en réalité, il n’y a rien d’absolument immobile dans l’Âme Universelle.

            Près de cinq siècles avant J.-C., Leucippe, précepteur de Démocrite, maintenait que l’Espace était éternellement rempli d’atomes animés d’un mouvement incessant, lequel, en temps voulu, lorsque ces atomes s’agrégèrent, engendra un mouvement rotatoire, par des collisions mutuelles qui produisirent des mouvements latéraux. Épicure et Lucrèce enseignèrent la même doctrine, ajoutant seulement au mouvement latéral des atomes l’idée de leur affinité, - enseignement Occulte.

            Depuis le commencement de l’héritage humain, depuis la première apparition des architectes du globe sur lequel nous vivons, la Divinité non-révélée fut reconnue et considérée sous son unique aspect philosophique - le Mouvement Universel, le frisson du Souffle créateur dans la Nature. L’Occultisme résume ainsi l’Existence Unique: « La Divinité est un arcane, un FEU vivant (ou mouvant), et les éternels témoins de cette Présence Invisible, sont la Lumière, la Chaleur et l’Humidité », - cette trinité incluant tous les phénomènes de la Nature et en étant la cause. [ Les Nominalistes prétendant, avec Berkeley, qu’ « il est impossible… de se faire une idée abstraite du mouvement séparé du corps en mouvement » ( Principes de la Connaissance humaine),  pourront demander : Quel est ce corps, producteur de mouvement? Est-ce une substance? Alors vous croyez à un Dieu personnel ? etc. Nous répondrons plus tard, dans un appendice; en attendant, nous réclamons nos droits de Conceptionalistes, en opposition avec les vues matérialistes de Roscellini sur le Réalisme et le Nominalisme. « Est-ce que la science  - demande un de ses meilleurs avocats, Edward Clodd - a rien révélé qui porte atteinte ou s’oppose aux anciennes paroles où est donné l’essence de toutes les religions passées, présentes ou futures; agir justement, aimer la pitié, marcher humblement devant ton Dieu ? » Il suffit que nous comprenions, par le mot Dieu, non pas le grossier anthropomorphisme qui forme encore la charpente de notre théologie courante, mais la conception symbolique de ce qui est la Vie et le Mouvement de l’Univers; connaître cela, dans l’ordre physique, c’est connaître le temps passé, présent et à venir dans la succession des phénomènes; le connaître, dans l’ordre moral, c’est connaître ce qui a été, ce qui est, et ce qui sera, dans la conscience humaine. ( Voir Science and Emotions, conférence faite à South Place Chapel, Finsbury, Londres, le 27 décembre 1885.] Le mouvement Intra-Cosmique est éternel et incessant; le mouvement cosmique - celui qui est visible ou perceptible - est fini et périodique. Comme abstraction éternelle, c’est le TOUJOURS PRÉSENT; comme manifestation, il est fini et dans la direction de l’avenir et dans la direction du passé, les deux étant l’Alpha et l’Oméga des reconstructions successives. Le Kosmos - le Noumenon - n’a rien à faire avec les relations causales du Monde phénoménal. C’est seulement par rapport à l’Âme intracosmique, au Kosmos idéal dans l’immuable Pensée Divine, que nous pouvons dire : « Il n’a jamais eu de commencement et n’aura jamais de fin. » En ce qui concerne son corps, ou l’organisation cosmique, bien qu’on ne puisse dire que jamais il ait eu une première construction ou doive en avoir une dernière, cependant, à chaque nouveau Manvantara, son organisation peut être regardée comme la première et la dernière de son espèce, car il évolue chaque fois sur un plan supérieur…

            Nous disions, il y a quelques années : [ « De nombreuses modifications de mots ont été apportées par H.P.B. dans les citations qu’elle fit d’Isis Dévoilée  et nous les respectons entièrement. » ]

            La doctrine ésotérique enseigne, comme le Bouddhisme, le Brâhmanisme et même la Kabale, que l’Essence une, infinie et inconnue existe de toute éternité, et devient tour à tour passive et active, en successions régulières et harmonieuses. Dans le langage poétique de Manou, ces conditions sont appelées les Jours et les Nuits de Brahmâ. Celui-ci est « éveillé » ou « endormi ». Les Svâbhâvikas ou philosophes de la plus vieille école de Bouddhisme ( qui existe encore au Népal) bornent leurs spéculations à la condition active de cette « Essence », qu’ils appellent Svabhâvat, et pensent qu’il est insensé de faire des théories sur la puissance abstraite et « inconnaissable » dans sa condition passive. Aussi sont-ils appelés Athées par les théologiens chrétiens et les savants modernes qui ne comprennent pas la logique profonde de leur philosophie. Les théologiens ne veulent pas admettre d’autre Dieu que la personnification des puissances secondaires qui ont façonné l’univers visible, et qui, pour eux, sont devenues le Dieu anthropomorphique des chrétiens, - le mâle Jéhovah, rugissant au sein des éclairs et du tonnerre. De son côté, la science rationaliste salue les Bouddhistes et les Svâbhâvikas comme les « Positivistes » des âges archaïques. Si l’on n'envisage la philosophie de ces derniers que d’un côté, nos matérialistes peuvent avoir raison à leur manière. Les Bouddhistes  soutiennent qu’il n’y a pas de Créateur, mais un nombre infini de puissances créatrices, dont l’ensemble forme la substance une et éternelle, dont l’essence est inscrutable - et ne peut , par conséquent, être un sujet de spéculation pour un véritable philosophe. Socrate refusa toujours de discuter sur le mystère de l’être universel, et pourtant, nul n’aurait songé à l’accuser jamais d’athéisme, sauf ceux qui avaient juré sa perte. Au début d’une période active, dit la DOCTRINE SECRÈTE, une expansion de cette Essence Divine a lieu,  de dehors en dedans et de dedans en dehors, en vertu de la loi éternelle et immuable, et l’univers phénoménal ou visible est le résultat ultime de la longue chaîne des forces cosmiques ainsi progressivement mises en mouvement. De même, en retournant à la condition passive, la divine essence se contracte, et l’oeuvre antérieure de la création est graduellement et progressivement défaite.  L’Univers visible se désintègre, ses matériaux se dispersent, et, seules « les ténèbres » couvrent une fois de plus la face de « l’abîme ». Pour employer une métaphore des livres secrets, qui rendra l’idée encore plus claire, une expiration de « l’essence inconnue » produit le monde, et une inspiration le fait disparaître. Ce processus a été en action de toute éternité, et notre univers actuel n’est que l’un des termes d’une série infinie qui n’a pas eu de commencement et qui n’aura pas de fin. [ Isis Unveiled,  II, pp. 264-265. Voir aussi  The Days and Nights of Brahmâ,  Part. II, Sect. 7. ]

            Ce passage sera expliqué, autant que possible, dans le présent ouvrage. Bien que ne contenant rien d’essentiellement nouveau sous cette forme pour un Orientaliste, son interprétation ésotérique peut contenir bien des choses jusqu’ici inconnues de l’étudiant occidental.

Disque sans point disque avec point disque avec diametre disque avec croix
croix seul swastika  

La première figure était un simple disque ; la seconde dans le symbole archaïque, - un disque avec un point au milieu, - première différenciation dans les manifestations périodiques de la nature toujours éternelle, l’insexuelle et infinie « Aditi dans CELA », [ Rig Véda. ] Le point dans le cercle, ou l’Espace potentiel dans l’Espace abstrait. À la troisième phase, le point se transforme en un diamètre : c’est le symbole de la Mère-Nature, divine et immaculée, dans l’Infinité absolue et qui embrasse tout. Quand ce diamètre est croisé par un autre diamètre vertical , nous avons la croix du monde. L’humanité a atteint sa Troisième Race-Racine; c’est le signal du commencement de la Vie humaine. Quand la circonférence disparaît et ne laisse que la croix, c’est le signe que la chute de l’homme dans la matière est complète, et la Quatrième Race commence. La croix dans le cercle est un symbole purement Panthéiste; lorsqu’on supprime le cercle circonscrit, le symbole devient phallique. Il avait le même sens, et d’autres encore, sous la forme  de Tau inscrit dans un cercle, ou comme Marteau de Thor, la croix dite Jaina, ou simplement le Svastika dans le cercle

Le troisième symbole - le cercle divisé en deux par la ligne horizontale du diamètre - signifiait la première manifestation de la Nature créatrice - encore passive parce que féminine.  La première perception vague de l’homme, en ce qui concerne la procréation, est féminine, parce que l’homme connaît plus sa mère que son père.  Aussi les divinités féminines étaient-elles plus sacrées que les masculines. La Nature est donc féminine, et, jusqu’à un certain point, objective et tangible, et le Principe Spirituel qui la fait fructifier est caché. [ D’après ce que disent les mathématiciens occidentaux et quelques Kabalistes américains, en Kabale aussi « la valeur du nom de Jéhovah est celle du diamètre d’un cercle ». Ajoutez à cela que Jéhovah est la troisième Séphiroth, Binah, mot féminin, et vous aurez la clef du mystère. Par certaines transformations kabalistiques, ce nom, androgyne dans les premiers chapitres de la Genèse, devient entièrement masculin,  Caïnite et phallique. Le choix d’une divinité par les dieux païens dont on fait un dieu spécial et national, appelé le « Dieu Un et Vivant », le « Dieu des Dieux », et de proclamer alors son culte monothéiste, ne suffit pas à changer cette divinité en ce Principe UNIQUE dont « l’Unité n’admet pas de multiplication, de changement ni de forme », spécialement dans le cas d’une divinité priapique comme il est maintenant démontré que c’est le cas pour Jéhovah ] En ajoutant une ligne perpendiculaire au diamètre horizontal du cercle on formait le TAU,  - T, - la plus vieille forme de cette lettre. C’était le glyphe de la Troisième Race-Racine jusqu’au jour de la Chute symbolique, - quand la séparation des sexes eut lieu par évolution naturelle, - alors la figure devint [diagramme-1-], le cercle ou vie insexuelle, modifiée et divisée - un double glyphe

 [diagramme-1-],  [diagramme-2-]  [diagramme-3-]  [diagramme-4-]-

ou symbole. Avec les sous-races de notre Cinquième Race, il devint en symbologie, le Sacr’ , et en Hébreu N’cabvah, des races primitivement formées, [ voir l’intéressant ouvrage  The Source of Measures,  où l’auteur explique le vrai sens du mot « Sacré », d’où sont dérivés « sacré, sacrement », devenus synonymes de sainteté, bien que purement phalliques par leur étymologie !  [ H.P.B. prit pour références de  The Source of Measures dans un manuscrit portant la mention : « I Ralston Skinner, 10 janvier 1887, enverrai ce manuscrit original à Mme Blavatsky, Ostende « . Ed.] puis il se transforma, chez les Égyptiens en  [diagramme-2-], emblème de vie, et, plus tard encore, en  [diagramme-3-]  , le signe de Vénus. Puis vient le Svastika le Marteau de Thor, ou la croix hermétique actuelle), entièrement séparée de son cercle, et devenue ainsi purement phallique. Le symbole ésotérique du Kali Yuga est l’étoile à cinq branches renversée,  [diagramme-4-]- le signe de la sorcellerie humaine, - avec ses deux pointes (cornes) tournées vers le ciel, position que tout occultiste reconnaîtra comme appartenant à la magie de « la main gauche », et employée en magie cérémonielle.

            Il faut espérer que la lecture du présent livre modifiera les idées, généralement erronées, du public en ce qui concerne le Panthéisme. C’est une erreur de regarder les Bouddhistes et les Occultistes Advaïtas comme des Athées. S’ils ne sont pas tous philosophes, ils sont du moins tous logiciens; leurs objections et leurs arguments sont fondés sur un raisonnement rigoureux. En vérité, si l’on prend le Parabrahman des Hindous comme représentant les divinités cachées et sans nom des autres nations, on trouvera que ce Principe absolu est le prototype dont furent tirées toutes les autres. Parabrahman n’est pas « Dieu », parce que ce n’est pas un Dieu. « C’est ce qui est suprême et non suprême (Paravara) ». [ Mândûkya Upanishad,  I, 28. ] Cela est “suprême “ comme Cause, non comme effet. Parabrahman est simplement comme « Réalité sans seconde », le Kosmos qui contient tout, -  ou plutôt, l’Espace Cosmique infini, - au sens spirituel le plus élevé, naturellement. Brahman  (neutre), étant la Racine immuable, pure, libre, incorruptible et suprême, Unique existence vraie, « Paramârthika », et le Chit et Chaïtanya (Intelligence, Conscience) absolu, ne peut être connaisseur, « car CELA ne peut avoir aucun sujet de cognition». La Flamme peut-elle être appelée l’Essence du Feu? Cette essence est « LA VIE ET LA LUMIÈRE  de l’Univers; le feu et la flamme visibles ne sont que destruction, mort et mal ». Le Feu et la Flamme détruisent le corps d’un Arhat, leur Essence le rend immortel. » [ Bôdhimûr , II. ] « La connaissance de l’Esprit absolu n’est, comme la splendeur du soleil, ou la chaleur dans le feu, autre chose que l’Essence absolue même », dit Sankarâchârya, CELA est « l’Esprit du Feu », non le Feu même; aussi « les attributs de ce dernier» et Chaleur ou Flamme, ne sont pas les attributs de l’Esprit, mais de ce dont l’Esprit est  la cause inconsciente ». La phrase ci-dessus n’est-elle pas la véritable note fondamentale de la philosophie Rosicrucienne postérieure?  Parabrahman est, en résumé, l’agrégation collective du Kosmos dans son infini et dans son éternité, le « CELA «  et le « CECI » auxquels ne peuvent s’appliquer les agrégats distributifs. [ Voir  Védânta  Sâra,  par le Major G.A. Jacob, et les Aphorismes de Sandilya, traduits par Cowell,  p.42. ] « Au commencement CECI était le Soi, un seulement; [ Aitereya Upanishad. ] Le grand Sankarâchârya explique que « CECI » se rapporte à l’Univers (Jagat); le sens des mots « au commencement » est : avant la reproduction de l’Univers phénoménal.

            Lors donc que les Panthéistes font écho aux Upanishads, qui déclarent, ainsi que la DOCTRINE SECRÈTE,  que « Ceci » ne peut créer, ils ne nient pas un Créateur, ou plutôt une agrégation collective de créateurs, mais seulement refusent, très logiquement, d’attribuer la « création » et spécialement la formation, c’est-à-dire quelque chose de fini, à un Principe Infini. Pour eux,  Parabrahman est une Cause passive, parce qu’elle est absolue, la Muktâ inconditionnée. Ils lui refusent seulement l’omniscience et l’omnipotence limitées, parce que ce sont encore des attributs, tels qu’ils sont réfléchis dans les perceptions de l’homme; et parce que Parabrahman étant le Tout Suprême, l’Esprit et l’Âme à jamais invisibles de la Nature, immuable et éternel, ne peut avoir d’attributs, l’Absolu excluant tout naturellement tout rapport avec l’idée de fini ou de conditionné. Et quand les Védantins affirment que les attributs appartiennent simplement à son émanation qu’ils appellent Ishvara plus Mâya et Avidyâ (Agnosticisme ou Nescience plutôt qu’Ignorance), il est difficile de trouver de l’Athéisme dans cette conception. [ Néanmoins, certains Orientalistes chrétiens prévenus et plutôt fanatiques voudraient prouver que c’est là du pur Athéisme. Voir Védântâ Sarâ  du Major Jacob. Et pourtant, toute l’antiquité répétait cette maxime védique :

                Omnis enim per se divum natura necesse est
                Immortali aevo summa cum pace fruatur.

comme Lucrèce ( De Natura Rerum,  II, 646-647) le dit - pure conception Védique. (Traduction libre : C’est dans la nature des Dieux de jouir de l’immortalité - en même temps que de la plus haute paix.) ] Puisqu’il ne peut y avoir deux Infinis ni deux Absolus dans un Univers supposé sans limites, on ne peut guère concevoir cette Soi-Existence créant personnellement. Aux sens et aux perceptions d’ « ÊTRES » finis, CELA est Non-Être, parce que c’est l’Unique ÊTRE-TÉ; car, dans ce TOUT gît cachée son émanation coéternelle et contemporaine ou son rayonnement inhérent, qui, devenant périodiquement Brahmâ ( la Potentialité mâle-femelle), s’éprend en l’Univers manifesté. « Nârâyana porté sur les Eaux (abstraites) de l’Espace » devient les eaux de la substance concrète mise en mouvement par lui, c’est-à-dire le Verbe ou Logos manifesté.

            Les Brâhmenes orthodoxes, ceux qui s’élèvent le plus contre les Panthéistes et les Advaïtas qu’ils appellent Athées, sont forcés, si Manou a quelque autorité en la matière, d’accepter la mort de Brahmâ, le Créateur, à l’expiration de chaque Âge de cette divinité (créatrice) - cent Années Divines, période qui, en années ordinaires, ne peut s’exprimer que par un nombre de 15 chiffres. Pourtant, aucun de leurs philosophes ne comprend cette « mort » autrement  que par une disparition temporaire du plan manifesté de l’existence ou comme un repos périodique.

            Les Occultistes sont donc d’accord avec les Philosophes Védantins Advaïtas sur cette doctrine. Ils montrent l’impossibilité d’accepter, sur le terrain philosophique, l’idée du TOUT absolu créant ou même évoluant l’oeuf Doré dans lequel on dit qu’il entre pour se transformer en Brahmâ, -  le Créateur, dont l’expansion postérieure constitue les Dieux et tout l’Univers visible. Ils disent que l’Unité absolue ne peut devenir une Infinité, l’Infinité présuppose l’extension illimitée de quelque chose et la durée de ce quelque chose; et le Tout Un n’est - comme l’Espace, qui est la seule représentation mentale et physique sur cette terre, sur notre plan d’existence - ni un objet ni un sujet de perception. Si l’on pouvait supposer que le Tout Éternel et Infini, que l’Unité Omniprésente, au lieu d’être dans l’Éternité, devienne, par des manifestations périodiques, un Univers varié ou une Personnalité multiple, cette Unité cesserait d’en être une. L’idée de Locke, que « le pur espace n’est capable ni de résistance ni de mouvement », est incorrecte. L’espace n’est ni un « vide sans limites » ni une « plénitude conditionnée », mais l’un et l’autre; c’est aussi - sur le plan de l’abstraction absolue, la Divinité à jamais inconnaissable qui n’est vide que pour les esprits finis, [ Les noms même des deux principales divinités, Brahmâ et Vishnou, devraient depuis longtemps avoir suggéré leur signification ésotérique. Car la racine de Brahman, ou Brahm, est, au dire de certains,  Brih, « grandir », ou « s’étendre » (Revue de Calcutta,  LXVI, p.14). et celle de Vishnou est  Vis, pénétrer, entrer dans la nature de l’essence; Brahmâ-Vishnou est cet Espace infini dont les Dieux, les Rishis, Manous et tout ce qui existe dans cet Univers sont simplement les puissances ( Vibhutayah). ] et sur celui de la perception mâyâvique, le Plenum, le Contenant absolu de tout ce qui est, manifesté ou non manifesté : c’est, par conséquent ce TOUT ABSOLU. Il n’y a pas de différence entre ce que dit l’Apôtre Chrétien : « en lui nous vivons, nous nous mouvons et avons notre être », et ce que dit le Rishi Hindou : « L’Univers vit dans Brahmâ, procède de Brahmâ, et retournera à Brahmâ »; car Brahman (neutre), le non manifesté est cet Univers in abscondito, et Brahmâ, le manifesté, est le Logos, représenté comme mâle-femelle [ voir aussi, dans Manou, l’histoire de Brahmâ divisant son corps en mâle et femelle; cette dernière partie est la Vâch femelle, en qui il crée Virâj. Comparer aussi avec l ‘ésotérisme des chap. II, III, IV  de la Genèse. ] dans les dogmes symboliques orthodoxes, le Dieu de l’Initié Apôtre et du Rishi étant à la fois l’Espace Invisible et Visible. L’Espace est appelé, en symbolisme ésotérique : « Mère-Père Éternel aux Sept Peaux ». Il est composé de sept couches, de sa surface non différenciée à sa surface différenciée.

            Qu’est-ce qui a été, qui est et qui sera, qu’il y ait un Univers ou non, qu’il y ait des dieux ou qu’il n’y en ait pas? », demande le catéchisme ésotérique Senzar. Et l’on répond : « C’est l’Espace ! »

            Ce n’est pas le Dieu Un et inconnu,  toujours présent dans la Nature, ou la Nature in abscondito, qui est rejeté, mais le Dieu du dogme humain et son « Verbe » humanisé!  Dans son immense suffisance et dans sa vanité, l’homme l’a formé lui-même, de sa main sacrilège, avec les matériaux qu’il a trouvés dans sa petite matrice cérébrale, et l’a imposé au genre humain comme une révélation directe de l’Espace unique et non révélé. [ L’Occultisme est vraiment « dans l’air » à la fin de notre siècle. Entre autres ouvrages récemment publiées, nous en signalerons un aux étudiants de l’Occultisme théorique qui ne veulent pas s’aventurer au-delà du domaine spécial de notre plan humain : New Aspects of Life and Religion,  du docteur Henri Pratt  [ M.S.T.]. Ce livre est plein de dogmes ésotériques et de philosophie, celle-ci un peu limitée cependant, dans les derniers chapitres, par ce qui nous paraît être un esprit positivisme conditionné. Néanmoins, ce qui est dit de l’Espace comme « la Cause Première Inconnue » mérite d’être cité.

    « Ce quelque chose d’inconnu, que nous venons d’identifier avec l’incarnation primitive de la simple unité, est invisible et impalpable [l’espace abstrait, nous l’accordons]; et, s’il est invisible et impalpable, il est par conséquent inconnaissable. Et c’est parce qu’il est inconnaissable qu’est née l’erreur qui consiste à le supposer comme un simple vide, une simple capacité réceptrice. Mais, même quand on le considère comme un vide absolu, il faut admettre ou bien  que l’Espace est soi-existant, infini et  éternel, ou bien  qu’il a une première cause en dehors, derrière, ou au-delà de lui-même.

                « Et pourtant, si une telle cause pouvait être trouvée et définie, cela ne nous amènerait qu’à lui transférer les attributs qui, autrement, s’appliquent à l’espace, et ne ferait que rejeter d’un pas de plus la difficulté d’origine, sans que nous obtenions aucune supplément de lumière quant à la causation primaire. » ( Op. Cit., pp. 4-5.)

                C’est là précisément ce qu’ont fait des croyants en un créateur anthropomorphe, en un Dieu extra-cosmique, au lieu d’intra-cosmique. Beaucoup - nous pouvons dire la plupart - des aperçus du docteur Pratt sont de vieilles idées et théories kabalistiques qu’il présente sous un vêtement moderne - « Nouveaux Aspects » de l’Occulte de la Nature, en vérité. L’espace, cependant, regardé comme une Unité Substantielle - la Source vivante de la Vie - la Cause Inconnue et sans Cause, est le plus vieux dogme de l’occultisme, antérieur de milliers d’années au Pater-Aether des Grecs et des Latins. Il en est de même de « la Force et la Matière, comme Potentialités de l’Espace, inséparables, et révélatrices inconnues de l’Inconnu ». On les trouve toutes dans la philosophie aryenne, personnifiées par Vishvakarman, Indra, Vishnou, etc. Pourtant, elles sont exprimées très philosophiquement, et sous nombre d’aspects inusités, dans l’ouvrage en question. ]

L’Occultiste accepte la révélation comme venant d’êtres divins mais encore finis, des vies manifestées, jamais de la VIE UNIQUE qui ne peut se manifester; de ces entités, appelées Homme primordial, Dhyâni-Buddhas, ou Dhyân-Chôhans, les « Rishi-Prajâpati » des Hindous, les Elohim ou « Fils de Dieu », les Esprits  planétaires de toutes les nations, qui sont devenus des Dieux pour les hommes. Il regarde aussi l’Adi-Shakti, - l’émanation directe de Mûlaprakriti, le Racine éternelle de CELA, et l’aspect femelle de la Cause créatrice, Brahmâ, sous sa forme Akâshique d’Âme Universelle, -philosophiquement comme une Mâyâ, et cause de la Mâyâ humaine. Mais cette manière de voir ne l’empêche pas de croire à son existence tant qu’elle dure, c’est-à-dire pour un Mahâ Manvantara; ni d’employer pour des fins pratiques Akâsha, le rayonnement de Mûlaprakriti, [ Par opposition à l’univers manifesté de la matière, le terme Mûlaprakriti ( de  Mûla, racine, et de Prakriti, nature ), ou la matière primordiale non manifestée -appelée par les alchimistes occidentaux Terre d’Adam - est appliqué par les Védântins à Parabrahman. La Matière est double dans la métaphysique religieuse, et, dans les doctrines ésotériques, septuple, comme tout le reste dans l’Univers. Comme Mûlaprakriti, elle est indifférenciée et éternelle; comme Vyakta, elle devient différenciée et conditionnée, suivant la Svétâshvatara Upanishad,1,8, et le Dévi Bhâgavata Purâna.  L’auteur des « Conférences sur la Bhâgavad Gîtâ »   dit, en parlant de Mûlaprakriti… « au point de vue objectif du Logos, Parabrahma apparaît à ce Logos sous l’aspect de Mûlaprakriti… Naturellement, cette Mûlaprakriti est matérielle pour lui, comme tout objet matériel l’est pour nous… Parabrahman est une réalité inconditionnée et absolue, et Mûlaprakriti est une sorte de voile jeté par-dessus lui. » (The Theosophist,  VIII, p.304, fév.-mars-avril 1887.) [Voir p. 14, The Philosophy of Bâgavad Gîtâ, 3e édition Adyar, pour ces conférences publiées en volume en 1931.] car l’Âme du Monde est reliée à tous les phénomènes naturels, connus ou inconnus de la science.

            Les plus vieilles religions du monde - exotériquement, car leur racine ou fondation ésotérique est une - sont celles des Indiens, des Mazdéens et des Égyptiens. Puis vient celle des Chaldéens, rejeton des précédentes, entièrement perdue pour le monde actuel, sauf dans le Sabéisme défiguré, interprété à présent par les archéologues. Ensuite, en passant par-dessus nombre de religions dont nous parlerons plus tard, nous arrivons à la juive, qui, ésotériquement, telle qu’elle est dans la Kabale, suit la voie du Magisme Babylonien, et, exotériquement, telle qu’elle est dans la Genèse et le Pentateuque, n’est qu’une collection de légendes allégoriques. Lus à la lumière du Zohar, les quatre premiers chapitres de la Genèse sont des fragments d’une page hautement philosophique de la Cosmogonie du Monde. Laissés sous leur déguisement symbolique, ils ne sont plus qu’un conte de fée, une vilaine épine dans le flanc de la science et de la logique, effet évident du Karma. En les laissant servir de prologue au Christianisme, les Rabbis se vengèrent cruellement, eux qui savaient bien ce que voulait dire leur Pentateuque. C’était une protestation silencieuse contre la spoliation dont ils étaient l’objet, et les juifs ont certainement le dessus sur leurs traditionnels persécuteurs. Les croyances ésotériques en question seront expliquées à la lumière de la doctrine universelle au cours de notre exposé.

            Le catéchisme occulte contient les traits suivants :
           
« Qu’est-ce qui est toujours? » - « l’Espace, l’éternel Anupâdaka » [ C’est-à-dire le « sans parents » ; voir plus loin. ] « Qu’est-ce qui fut toujours? » - « Le Germe dans la Racine ». - « Qu’est-ce qui, sans cesse, va et vient? » - « Le Grand Souffle ». - « Il y a donc trois Éternels? » - « Non, les trois sont un.  Ce qui est toujours est un, ce qui fut toujours est un, ce qui est et devient sans cesse est un aussi : et c’est l’Espace ».

            « Explique, ô Lanou (disciple). » - « L’Un est un Cercle (Anneau) sans circonférence, car il est partout et n’est nulle part; l’Un est le Plan sans bornes du Cercle, manifestant un Diamètre pendant les périodes manvantariques seulement; l’Un est le Point indivisible trouvé nulle part, perçu partout durant ces périodes; c’est la Verticale et l’Horizontale, le Père et la Mère, le sommet et la base du Père, les deux extrémités de la Mère n’atteignant en réalité nulle part, car l’Un est l’Anneau comme aussi les anneaux qui sont dans cet Anneau. C’est la Lumière dans l’Obscurité et l’Obscurité dans la Lumière : « le Souffle qui est éternel ». Il procède du dehors au dedans, quand il est partout, et du dedans au dehors quand il n’est nulle part (c’est-à-dire Mâyâ [ La philosophie ésotérique, regardant comme Mâyâ (ou l’illusion de l’ignorance) toute chose finie, doit évidemment  envisager sous le même jour toute planète et tout corps Intra-Cosmique, car ils sont quelque chose d’organisé, et par conséquent fini. Aussi, la phrase « il procède du dehors au dedans, etc. « , Se rapporte, dans sa première partie, à l’aurore du Mahâmanvantara, ou grande révolution après l’une des complètes dissolutions périodiques de toute forme composée dans la Nature, de la planète à la molécule, en son essence ou élément ultime; et, dans la seconde, au Manvantara partiel ou local, qui peut être solaire ou même planétaire. ] l’un des centres). [ Centre veut dire un centre d’énergie ou un foyer cosmique; lorsque la prétendue « création » ou formation d’une planète est accomplie par cette force que les Occultistes appellent VIE et les Savants « énergie », alors le processus a lieu du dedans au dehors, chaque atome, paraît-il, contenant, en lui-même l’énergie créatrice du Souffle divin. Aussi, tandis qu’après un Pralaya Absolu, ou quand le matériel préexistant ne consiste qu’en Un Élément, et que le Souffle « est partout », ce dernier agit du dehors au dedans, après un Pralaya mineur, tout étant resté en statu quo - à l’état réfrigéré, pour ainsi dire, comme la lune - au premier frisson du Manvantara, la planète ou les planètes commencent leur résurrection à la vie du dedans au dehors. ]. l s’épand et se contracte [exhalation et inhalation]. quand il s’épand, la Mère se diffuse et s’éparpille; quand il se contracte, la Mère se retire et se rassemble. Cela Produit les périodes d »Évolution et de Dissolution, Manvantara et Pralaya. Le Germe est incisible et ardent : la Racine [le Plan du Cercle] est fraîche; mais durant l’Évolution et le Manvantara, son vêtement est froid et rayonnant. Le Souffle chaud est le Père qui dévore la progéniture de l’élément aux nombreuses faces [hétérogène] et laisse ceux qui n’ont qu’une seule face [homogènes]. Le Souffle frais est la Mère qui les conçoit, les forme, les enfante et les reprend dans son sein, pour les reformer à l’Aurore [ du jour de Brahmâ, ou Manvantara]. »

            Pour mettre le lecteur ordinaire mieux à même de comprendre, nous devons dire que la Science Occulte reconnaît sept Éléments Cosmiques - quatre entièrement physiques et le cinquième (Éther) semi-matériel; ce dernier deviendra visible dans l’Air vers la fin de notre Quatrième Ronde, pour régner suprême sur les autres éléments durant toute la cinquième. Les deux autres sont encore absolument au-delà de l’horizon de perception humaine. Ces derniers cependant apparaîtront, comme des pressentiments, durant les Sixième et Septième Races de la Ronde actuelle, et  deviendront connus respectivement dans les Sixième et Septième Rondes. [ Il est curieux de remarquer comment, dans l’évolution cyclique des idées la pensée antique semble se réfléchir dans la spéculation moderne. Herbert Spencer avait-il lu et étudiéles anciens philosophes Hindous, lorsqu’il écrivit certains passages de ses  Premiers principes (p. 482 ) ? Ou est-ce un éclair indépendant de perception intérieure qui lui fait dire, partie à tord, partie à raison : « Le mouvement, aussi bien que la matière, étant fixe en quantité [?] , il semblerait que le changement qu’effectue le mouvement dans la distribution de la matière, arrivant à une limite, dans quelque direction qu’il soit poussé [?], l’indestructible mouvement nécessite alors un renversement de distribution. Apparemment, les forces universellement coexistantes de l’attraction et de la répulsion qui, nous l’avons dit, nécessitent le rythme dans tous les changements secondaires effectués dans l’Univers entier, nécessitent également le rythme dans la totalité de ses changements - et produisent tantôt une période immense durant laquelle les forces d’attraction, étant prédominantes, causent une concentration universelle, tantôt une immense période durant laquelle les forces de répulsion, étant prédominantes, causent une diffusion universelle - c’est-à-dire des ères alternatives d’évolution et de dissolution. » ] Ces sept éléments avec leurs sous-éléments innombrables, beaucoup plus nombreux que ceux connus par la science, sont simplement des modifications conditionnelles et des aspects de l’élément UN  et unique. Celui-ci n’est pas l’Éther, [ Quelles que soient les vues de la Science Physique, à ce sujet, la Science Occulte a enseigné, depuis des siècles, que l’Akâsha (dont l’Éther est la forme la plus grossière), le cinquième principe cosmique universel -  auquel correspond et dont procède le Manas humain - est, cosmiquement, une matière radiante, fraîche, diathermane et plastique, créatrice dans sa nature physique, corrélative dans ses aspects et portions les plus grossières et immuable dans ses principes supérieurs. Dans la condition créatrice, il est appelé la Sous-Racine; et en conjonction avec la chaleur radiante, il rappelle « les mondes morts à la vie ». Dans son aspect supérieur, c’est l’Âme du Monde; dans son aspect inférieur le DESTRUCTEUR. ] ni même l’Akâsha, mais leur source. Le Cinquième Élément, que la Science tend actuellement à admettre, n’est  pas l’Éther hypothétique de Newton - bien qu’il lui donne ce nom, le tenant sans doute pour l’Aether, le « Père-Mère » de l’antiquité. Comme le dit avec intuition Newton : « La Nature travaille perpétuellement en cercles, engendrant des fluides par des solides, des choses fixes par des choses volatiles, et des choses volatiles par des choses fixes, des choses subtiles par des choses grossières et des choses grossières par des choses subtiles… ainsi, peut-être, toutes choses ont-elles leur origine dans l’Éther. » (Hypothèse 1675).

            Le lecteur ne doit pas perdre de vue que les Stances données dans cet ouvrage traitent seulement de la cosmogonie de notre propre système planétaire et de ce qui est visible autour de lui après un Pralaya Solaire. Les données secrètes concernant l’évolution du Kosmos Universel ne peuvent être données parce qu’elles ne pourraient même pas être comprises par les plus grands esprits de notre âge, et il semble y avoir peu d’Initiés, même parmi les plus élevés, à qui il soit permis de spéculer sur ce sujet. En outre, les Instructeurs déclarent franchement que les plus hauts Dhyâni-Chohans eux-mêmes n’ont pas pénétré les mystères au-delà des frontières qui séparent les myriades de systèmes solaires de ce que l’on appelle le Soleil Central. Aussi, ce qui est donné ne se rapporte qu’à notre Cosmos visible, après une Nuit de Brahmâ.

            Avant que le lecteur porte son intérêt aux Stances du Livre de Dzyan, stances qui forment la base de cet ouvrage, il est absolument nécessaire de lui faire connaître les quelques conceptions fondamentales qui soutiennent et pénètrent tout le système de pensée sur lequel nous appelons son attention. Ces idées basiques sont en petit nombre, mais leur claire compréhension importe absolument à ce qui suit. Il n’y a donc pas à s’excuser de lui demander de se familiariser avec celles-ci, avant de s’attaquer à l’ouvrage lui-même.

            La DOCTRINE SECRÈTE établit trois propositions fondamentales.

I- Un PRINCIPE Omniprésent, Éternel, Illimité et Immuable, sur lequel toute spéculation est impossible puisqu’il transcende la puissance de conception humaine et ne pourrait être que rapetissé par toute expression ou comparaison. Ce principe est au-delà de l’horizon et de la portée de la pensée, - d’après les paroles de la Mandûkya, [ Upanishad. ] « inconcevable et innommable ». [ Ou indéfinissable; « imprononçable » dans le manuscrit de 1886. ]

Afin de comprendre ces idées plus clairement, que le lecteur parte de ce postulat qu’il existe une Seule Réalité Absolue, qui précède tout Être manifesté et conditionné. Cette Cause Infinie et Éternelle, vaguement formulée dans l’ « Inconscient » et l’ « Inconnaissable » de la philosophie européenne courante, - est la Racine-Sans-Racine de « tout ce qui fut, est, ou sera jamais ». Elle est naturellement dépourvue de tout attribut et essentiellement sans relations avec l’Être manifesté et fini. C’est « l’Être-té », plutôt que l’Être, en sanscrit Sat, et c’est au-delà de toute pensée ou spéculation.

            Cet Être-té est symbolisé, dans la DOCTRINE SECRÈTE, sous deux aspects. D’un côté, l’Espace Abstrait, absolu, représentant la pure subjectivité, la seule chose qu’aucun mental humain ne puisse ni exclure d’aucune conception, ni concevoir par lui-même. De l’autre, le Mouvement Abstrait absolu, représentant la Conscience Inconditionnée. Nos penseurs occidentaux eux-mêmes ont prouvé que la conscience, distincte du changement, nous est inconcevable, et que le mouvement est le meilleur symbole du changement, sa caractéristique essentielle. Ce dernier aspect de l’Unique Réalité est aussi symbolisé par le terme « le Grand Souffle », symbole assez expressif pour n’avoir pas à être élucidé. Ainsi, le premier axiome fondamental de la DOCTRINE SECRÈTE est cet UN ABSOLU métaphysique - l’ÊTRE-TÉ - que l’intelligence limitée a symbolisé par la Trinité théologique.

            Il se pourrait, cependant, que quelques explications complémentaires fussent encore utiles.

            Herbert Spencer a récemment modifié son Agnosticisme au point d’affirmer que la nature de la « Cause Première », [ Le mot « Premier » présuppose naturellement quelque chose qui  est  « le premier né », « le premier dans le temps, l’espace et le rang, c’est-à-dire quelque chose de fini et de conditionné. Le « premier » ne peut être l’Absolu, car c’est une manifestation. Aussi, l’Occultiste oriental appelle-t-il le Tout Abstrait « la Cause Unique et sans Cause », « la Racine sans Racine », et limite-t-il la « Première Cause » au Logos, dans le sans que Platon donne à ce terme. ] que l’Occultiste, plus logique, dérive de la « Cause sans Cause », l’Éternel », « l’Inconnaissable », pouvait être essentiellement la même que celle de la conscience qui a sa source en nous; en un mot, que la Réalité impersonnelle qui pénètre le Kosmos est le pur noumène de la pensée. Ce pas en avant l’amène bien près des doctrines Ésotériques et Védântiques. [ Voir les quatre savantes conférences de Subba Row sur la Bhagavad Gîtâ dans The Theosophist  de 1887. [ Également, pp. 11-14, The Philosophy of the Bhagavad Gîtâ. ] ]

            Parabrahman, l’Unique Réalité, l’Absolu, est le champ de la Conscience Absolue, c’est-à-dire de cette Essence qui est hors de toute relation avec l’existence conditionnée, et dont l’existence consciente est un symbole conditionné. Mais une fois que nous sortons, en pensée, de cette Négation (pour nous) Absolue, la dualité survient dans le contraste de l’Esprit (ou Conscience) et de la Matière, du Sujet et de l’Objet.

            L’Esprit (ou conscience) et la Matière doivent cependant être considérés, non comme des réalités indépendantes, mais comme les deux symboles ou aspects de l’Absolu Parabrahman, lesquels constituent la base de l’Être conditionné, soit subjectif, soit objectif.

            Si nous considérons cette triade métaphysique comme la Racine dont procède toute manifestation, le Grand Souffle assume le caractère de l’Idéation Pré-cosmique. C’est le fons et origo de la Force et de toute Conscience individuelle, et il fournit l’intelligence qui guide le vaste thème de l’Évolution cosmique. D’autre part, la Substance Radicale Pré-cosmique (Mulaprakriti) est cet aspect de l’Absolu qui est le substratum de tous les plans objectifs de la Nature.

            De même que l’Idéation Pré-cosmique est la racine de toute Conscience individuelle, ainsi la Substance Pré-cosmique est le substratum de la Matière dans ses divers degrés de différenciation.

            D’où il apparaîtra que le contraste de  ces deux aspects de l’Absolu est essentiel à l’existence de « l’Univers Manifesté ». Séparée de la Substance Cosmique, l’Idéation Cosmique ne pourrait se manifester comme Conscience individuelle, puisque ce n’est qu’à travers un véhicule (Upâdhi) de matière que la Conscience jaillit comme « je suis Moi », une base physique étant nécessaire pour concentrer un Rayon du Mental Universel à un certain degré de complexité. Et à son tour, séparée de l’Idéation Cosmique, la Substance Cosmique resterait une abstraction vide, et aucune apparition de Conscience n’en pourrait résulter.

            L’Univers Manifesté est donc pénétré par la dualité qui est, pour ainsi dire, l’essence même de son EX-istence comme «Manifestation ». Mais, de même que les pôles opposés de Sujet et d’Objet, d’Esprit et de Matière, ne sont que des aspects de l’Unité dans laquelle ils sont synthétisées, ainsi, dans l’Univers Manifesté, il y a « ce » qui lie l’Esprit à la Matière, le Sujet à l’Objet.

            Ce quelque chose actuellement inconnu de la spéculation occidentale est appelé par les occultistes Fohat. C’est le « pont » au moyen duquel les Idées qui existent dans la Pensée Divine sont imprimées sur la Substance Cosmique comme « Lois de la Nature ». Fohat est donc l’énergie dynamique de l’Idéation Cosmique; ou bien, si on le regarde de l’autre côté, c’est le médium intelligent, le pouvoir qui guide toute manifestation, la « Pensée Divine » transmise et manifestée à travers les Dhyân-Chôans, [ Appelés Archanges, Séraphins, etc., par la Théologie chrétienne. ] les Architectes du monde visible. Ainsi, de l’Esprit ou Idéation Cosmique, vient notre Conscience; de la Substance Cosmique viennent les divers véhicules dans lesquels cette Conscience est individualisée et arrive à la Soi-conscience ou conscience réfléchissante; tandis que Fohat, dans ses diverses manifestations, est le mystérieux lien entre l’Esprit et le Matière, le principe animateur qui électrifie tout atome et lui donne la vie.

            Le résumé suivant donnera une idée plus claire au lecteur :

1.       L’ABSOLU, le Parabrahman des Védântins ou Unique Réalité, Sat, qui est, comme le dit Hegel, à la fois Être Absolu et Non-Être.

2.       Le Premier Logos : l’impersonnel et , en philosophie, le Logos non manifesté, précurseur du manifesté. - C’est la « Cause Première », « l’Inconscient » des Panthéistes européens.

3.       Le Second Logos : Esprit-Matière, Vie; l’ « Esprit de l’Univers », Purusha et Prakriti.

4.       Le Troisième Logos : Idéation Cosmique, Mahat ou Intelligence, l’Âme Universelle du Monde; le Noumène Cosmique de la Matière, la base des opérations intelligentes de la Nature et dans la Nature, appelé aussi Mahâ-Bouddhi.

La RÉALITÉ UNIQUE;  ses aspects doubles, dans l’Univers conditionné. [ Ces trois Logoï Subjectifs ne doivent pas être confondueavec les trois Logoï Objectifs de la manifestation, quand le Troisième Logos Subjectif devient le Premier Logos Objectif; le Mental Universel Mahat infusant à toutes choses la qualité d’Intelligence.  Voir Étude sur la Conscience,  par Annie Besant, Section sur les Origines. - Éd. ]

La DOCTRINE SECRÈTE affirme en outre :

II . - L’Éternité de l’Univers, in toto, comme plan illimité qui, périodiquement, est « le terrain de jeu d’innombrables Univers se manifestant et disparaissant incessamment », appelés « Étoiles qui se Manifestent » et « Étincelles d’Éternité. « L’éternité du Pèlerin [ « Pèlerin » est le nom donné à notre Monade(les Deux en Un) durant son cycle d’incarnation. C’est le seul Principe immortel, éternel en nous, une partie indissoluble du tout intégral - l’Esprit Universel, dont il émane et en qui il s’absorbe à la fin du cycle. Quand on dit qu’il émane de l’Esprit Unique, c’est une expression incorrecte et maladroite, mais l’expression exacte manque aux langues occidentales. Les Védântins l’appellent Sutrâtmâ ( l’Ame-Fil), mais leur explication diffère un peu de celle des Occultistes. C’est aux Védântins à expliquer la différence. ] est comme un clin d’oeil de la Soi-existence », dit le LIVRE DE DZYAN. « L’apparition et la disparition des mondes est comme le retour régulier du flux et du reflux »

            La seconde assertion de la DOCTRINE SECRÈTE est l’universalité absolue de cette loi de périodicité, de flux et de reflux, de marée montante et descendante, que la science physique a observée et notée dans tous les départements de la nature. Les alternatives du jour et de la nuit, de la vie et de la mort, du sommeil et de la veille, sont des choses si communes, si parfaitement universelles et sans exception, qu’il est facile de comprendre que nous y voyions des Lois fondamentales de l’Univers.

            La DOCTRINE SECRÈTE affirme encore :

            III. - L’identité fondamentale de toutes les Âmes avec la Sur-Âme Universelle, celle-ci étant elle-même un aspect de la Racine Inconnue; et le pèlerinage obligatoire pour toute Âme - étincelle de la première - à travers le Cycle d’Incarnation, ou de Nécessité, d’accord avec la Loi Cyclique et Karmique durant le terme entier. Autrement dit, aucun Buddhi purement spirituel (Âme Divine) ne peut avoir une existence (conscient) indépendante avant que l’étincelle issue de la pure Essence du Sixième Principe Universel - ou la Sur-Âme -n’ait a) passé par toutes les formes du monde phénoménal de ce Manvantara, et b) acquis l’individualité, d’abord par impulsion naturelle, puis par des efforts personnels, volontaires et résolus, modifiés par les restrictions de son Karma, montant ainsi par tous les degrés de l’intelligence, du Manas le plus bas jusqu’au plus élevé, du minéral et la plante, jusqu’au plus saint des Archanges (Dyâni-Buddha). La doctrine-pivot de la Philosophie Ésotérique n’admet pas de privilèges, ni de dons spéciaux pour l’homme, sauf ceux qui sont gagnés par son propre Égo à force d’effort et de mérite personnels, au cours d’une longue série de métempsycoses et de réincarnations. C’est pour cela que les Hindous disent que l’Univers est Brahman et Brahmâ, car Brahman est dans tout atome de l’Univers, les six principes de la Nature procédant tous - étant les aspects différents et différenciés -  DU PRINCIPE SEPTIÈME ET UN,  l’unique Réalité de l’Univers, tant cosmique que microcosmique; et c’est pour cela aussi que les permutations psychiques, spirituelles et physiques, sur le plan de la manifestation et de la forme du Sixième Principe ( Brahmâ véhicule de Brahman) sont regardées, par antiphrase métaphysique, comme illusoires et mâyâviques. Car, bien que la racine de chaque atome individuellement, et de toute forme, collectivement, soit ce Septième Principe, ou l’Unique Réalité, pourtant, sous son apparence manifestée, phénoménale et temporaire, il n’est rien de plus qu’une éphémère illusion de nos sens. [ Voir Vol. 2, Part. 3, Section 14, Dieux, Monades et Atomes. ]

                Dans son état absolu, l’Unique Principe sous ses deux aspects Parabrahman et Mulaprakriti, est insexuel, inconditionné et éternel. Son émanation périodique, manvantarique, ou rayonnement primordial, est Une, aussi, androgyne, et phénoménalement finie. Quand cette radiation rayonne à son tour, tous ses rayonnements sont encore androgynes, mais deviennent des principes mâles et femelles dans leurs aspects inférieurs. Après un Pralaya, soit le grand Pralaya, soit le Pralaya mineur qui laisse les mondes in statu quo [ Ce ne sont pas les organismes physiques, encore moins leurs principes psychiques qui demeurent in statu quo, durant les grands Pralayas Cosmiques ou même Solaires, mais seulement leurs « photographies » akasiques ou astrales. Mais durant les Pralayas Mineurs, une fois surprises par la « Nuit », les planètes restent intactes bien que mortes, comme un gros animal, pris et enveloppé par les glaces polaires, reste tel quel pendant des âges. ] - le premier Principe qui se réveille à la vie active est le plastique Akâsha, Père-Mère, Esprit et Âme de l’Éther, ou le Plan du Cercle. L’Espace est appelé la Mère avant son activité cosmique, et Père-Mère au premier stage de son réveil. Dans la Kabale aussi, il est Père-Mère-Fils. Mais, tandis que dans la Doctrine Orientale, ceux-ci sont le Septième principe de l’Univers manifesté, ou son  « Atmâ-Buddhi-Manas » (Esprit, Âme, Intelligence), la Triade se ramifiant en sept branches, qui sont les sept principes cosmiques et les sept Principes humains, dans la Kabale  occidentale des Mystiques judéo-chrétiens, c’est la Triade ou Trinité, et pour ces Occultistes, le Jéhovah mâle-femelle, Jah-Havah. C’est en cela que consiste toute la différence entre les Trinités Ésotérique et Chrétiennes. Les Mystiques et les Philosophes, les Panthéistes d’Orient et d’Occident synthétisent leur Triade prégénétique dans la pure abstraction divine. Les orthodoxes l’anthropomorphisent. Hiranyagarba, Hari et ShanKara, - les trois Hypostases de la manifestation de l’ « Esprit Suprême », titre sous lequel Prithivî, la Terre salue Vishnou dans son premier Avatâr, - sont les qualités abstraites et purement métaphysiques de Formation, de Conservation et de Destruction; ce sont aussi les trois Avasthâs (Hypostases) divines de ce qui « ne périt pas avec les choses créées » ou Achyuta, nom de Vishnou; quant au chrétien orthodoxe, il sépare sa Divinité Personnelle Créatrice en les trois Personnes de la Trinité et n’admet pas de Divinité supérieure. Celle-ci, pour l’Occultiste, est le Triangle abstrait, et pour l’orthodoxe, le Cube parfait. Le dieu créateur, ou plutôt la collectivité des dieux créateurs, est regardée par le philosophe oriental comme Bhrantidarsanatah, « fausses apparences », quelque chose « conçu en raison d’apparences trompeuses, comme une forme matérielle », et l’on explique que ces dieux naissent de la conception illusoire de l’âme égotiste personnelle et humaine (Cinquième  Principe, inférieur). Cela est superbement exprimé dans une nouvelle traduction dans les notes de Fitzedward ajoutées à la traduction de Wilson, du Vishnu Purâna. « Ce Brahmâ, dans sa totalité, possède essentiellement l’aspect de Prakriti évoluée et non évoluée [ Mûlaprakriti], et aussi l’aspect d’Esprit et l’aspect de Temps. L’Esprit, ô deux fois né, est l’aspect dominant du suprême Brahma. [ Ainsi Spencer - qui pourtant, comme Schopenhauer et Von Hartmann, ne fait que refléter un aspect des vieux philosophes ésotériques et, de là, transporte ses lecteurs sur la froide rive du désespoir agnostique - formule respectueusement le grand mystère : « Ce qui reste immuable en quantité, quoique toujours changeant de forme, sous ces apparences sensibles que l’Univers nous présente, est un pouvoir inconnu et inconnaissable, que nous sommes obligés de reconnaître comme étant sans limites dans l’Espace, et sans commencement ni fin dans le Temps. » C’est la Théologie effrontée - jamais la Science ou la Philosophie - qui cherche à jauger l’infini et à dévoiler l’Insondable et l’Inconnaissable. ] Le suivant est un aspect double - Prakriti, à la fois évolué et non évolué, - et le temps est le dernier. » Kronos [le temps] est aussi représenté, dans la Théogonie Orphique, comme un dieu ou agent engendré.

            À cette période du réveil de l’Univers, le symbolisme sacré le représente comme un Cercle parfait avec le Point (la Racine) au centre. Ce signe était universel; aussi le rencontrons-nous également dans la Kabale. Pourtant, la Kabale occidentale, actuellement entre les mains des Mystiques chrétiens, l’ignore entièrement, bien qu’il soit clairement marqué dans le Zohar. Ces sectaires commencent à la fin, et prennent pour symbole du Kosmos prégénétique le et l’appellent « l’Union de la Rose et de la Croix », le grand mystère de la génération occulte - d’où le nom de Rose-croix!  Comme on peut en juger, cependant, d’après les plus importants et les mieux connus des symboles des Rose-croix, il en est un qui n’a jamais encore été compris, même des Mystiques modernes. C’est celui du Pélican qui déchire sa poitrine pour nourrir ses sept petits -vrai Credo des Frères de la Rose-croix et direct rejeton de la DOCTRINE SECRÈTE orientale.

            Brahman (neutre) est appelé Kâlahamsa, ce qui, d’après les rientalistes d’Occident, veut dire le Cygne  Éternel ou l’oie, et il en est de même pour Brahmâ, le Créateur. Nous sommes ainsi conduits à relever une grande erreur : c’est de Brahman(neutre) qu’on devrait parler comme Hamsa-Vâhana (celui qui emploie le Cygne pour Véhicule), et non de Brahmâ le Créateur; car ce dernier est le vrai Kâlahamsa, tandis que Brahman (neutre) est Hamsa et A-hamsa, comme cela sera expliqué dans les Commentaires. Il faut bien comprendre que les termes Brahmâ et Parabrahman sont employés ici non parce qu’ils appartiennent à notre nomenclature Ésotérique, mais simplement parce qu’ils sont plus familiers aux étudiants occidentaux. Tous deux sont les parfaits équivalents de nos termes à une, trois et sept voyelles, qui s’appliquent au TOUT UN et à l’Unique « TOUT DANS TOUT ».

            Telles sont les conceptions fondamentales sur lesquelles repose la DOCTRINE SECRÈTE.

            Ce n’est pas le moment d’en prendre la défense ou de donner des preuves de leur caractère inhérent raisonnable, non plus que de démontrer qu’elles sont, en fait, contenues - quoique trop souvent sous une apparence trompeuse, - dans tout système de pensée ou de philosophie digne de ce nom.

            Du moment que le lecteur en a acquis une claire compréhension, et saisi la lumière qu’elles jettent sur chaque problème de la vie, elles ne demanderont pas d’autres justification à ses yeux, parce que leur vérité leur apparaîtra aussi évidente que le soleil dans les cieux. Je passe donc aux sujets traités dans les STANCES données dans ce volume, en les faisant précéder d’une esquisse structurale pour faciliter la tâche de l’étudiant en lui résumant l’ensemble.

            L’histoire de l’Évolution Cosmique, telle qu’elle est traitée dans les STANCES, est, en quelque sorte, la formule algébrique abstraite de cette évolution. L’étudiant ne doit donc pas s’attendre à y trouver un compte rendu de toutes les étapes et transformations intervenues entre les premiers commencements de l’Évolution Universelle et notre état actuel. Donner un tel résumé serait aussi impossible qu’il serait incompréhensible à des hommes qui ne peuvent saisir la nature du plan d’existence le plus voisin de celui où, pour le moment, leur conscience est limitée.

            Les STANCES donnent donc une formule abstraite, applicable, mutatis mutandis, à l’évolution entière : à celle de notre petite Terre, à celle de la Chaîne des Planètes à laquelle appartient cette Terre, à l’Univers Solaire dont cette Chaîne fait partie, et ainsi de suite, dans une échelle ascendante, jusqu’à ce que l’esprit chancelle et s’épuise dans l’effort.

            Les sept STANCES données dans ce volume représentent les sept termes de cette formule abstraite. Elles décrivent les sept grandes étapes du processus évolutif dont il est parlé, dans les Purânas, comme les « Sept Créations », et, dans la Bible, comme des « Jours » de la Création.

            La STANCE I décrit l’état du TOUT UNIQUE pendant le Pralaya, avant la première vibration de la manifestation en voie de réveil.

            Un instant de réflexion montre qu’un tel état ne peut être que symbolisé; le décrire est impossible. Il ne peut même être symbolisé que négativement, car, puisque c’est l’état de l’Absolu, per se, il ne peut posséder aucun de ces attributs spécifiques qui servent à décrire les objets en termes positifs. Cet état ne peut donc être suggéré que par les négatifs de tous ces attributs abstraits que les hommes sentent, plutôt qu’ils ne conçoivent, comme les limites les plus éloignées que leur pouvoir de conception puisse atteindre.

            La STANCE II décrit un état qui, pour un esprit occidental, est si rapproché de celui de la STANCE I que la seule expression de leur différence comporterait un volume. Il faut donc laisser à l’intuition et aux facultés supérieures du lecteur la tâche de saisir, autant que possible, la signification des phrases allégoriques qui s’y trouvent. En somme, ces Stances font plus appel aux facultés internes qu’à l’intelligence ordinaire du cerveau physique.

            La STANCE III décrit le Réveil de l’Univers à la vie, après le Pralaya. Elle peint l’émergence des « Monades » de leur état d’absorption dans l’UN; c’est la première et la plus haute étape dans la formation des « Mondes », - le terme Monade pouvant s’appliquer aussi bien aux vastes Systèmes Solaires qu’au plus petit atome.

            La STANCE IV expose la différenciation du « Germe » de l’Univers en la Hiérarchie Septénaire des Pouvoirs  Divins conscients qui sont les manifestations actives de l’Énergie Une et Suprême. Ce sont le mouleurs, les modeleurs et finalement les créateurs de tout l’Univers manifesté, et cela au seul sens compréhensible du mot « créateur »; ils lui donnent une forme et le guident; ils sont les Êtres intelligents qui ajustent et contrôlent l’évolution, incorporant en eux-mêmes ces manifestations de la LOI UNE que nous connaissons comme les « Lois de la Nature ».

            Génériquement, ils sont connus sous le nom de Dhyân Chôhans, bien que chaque groupe distinct ait sa désignation propre dans la DOCTRINE SECRÈTE.

            Dans la mythologie hindoue, on nomme cette étape de l’Évolution la « Création des Dieux ».

            La STANCE V décrit le processus de la formation du monde. D’abord, se présente la Matière Cosmique diffuse, puis le « Tourbillon de Feu », première étape de la formation d’une nébuleuse. Cette nébuleuse se condense, et, après avoir passé par diverses transformations, forme un Univers solaire, une Chaîne Planétaire, ou une seule Planète, selon le cas.

            La STANCE VI indique les étapes suivantes de la formation d’un « Monde », et décrit l’évolution d’un tel Monde jusqu’à sa quatrième grande période correspondant à celle dans laquelle nous vivons maintenant.

            La STANCE VII continue cette histoire et trace la descente de la vie jusqu’à l’apparition de l’Homme : là s’arrête le Premier Livre de la DOCTRINE SECRÈTE.

            Le développement de l’homme, depuis sa première apparition sur cette terre, pendant cette Ronde, jusqu’à l’état où nous le trouvons maintenant, fait le sujet des volumes 3 et 4.

            Les STANCES qui forment la thèse de chaque section sont reproduites dans leur version moderne, car il serait plus qu’inutile de compliquer le sujet en y introduisant la phraséologie archaïque de l’original, avec son style et ses termes déroutants. On donne des extraits des traductions chinoises, tibétaines et sanscrites du texte Senzar original des Commentaires et Gloses sur le LIVRE DE DZYAN. C’est la première fois que ces documents sont présentés en langage européen. Il est d’ailleurs presque inutile de dire qu’il n’est donné qu’une partie des sept STANCES, parce que leur texte entier ne serait compris par personne, si ce n’est quelques hauts Occultistes. Et l’auteur de ces pages, ou plutôt l’humble rédacteur de cette œuvre, ne les comprendrait pas non plus davantage que la plupart des profanes.  Pour faciliter la lecture de l’ouvrage et diminuer le nombre des notes marginales, il a été jugé à propos de placer côte à côte les textes et les commentaires, et d’employer - là où il le fallait - des noms sanscrits et tibétains, plutôt que des noms originaux. Et ce d’autant plus que tous ces termes sont des synonymes acceptés, les derniers n’étant guère employés qu’entre Maître et ses Chélâs(disciples).

            C’est ainsi que si l’on voulait traduire le premier verset, en ne se servant que des termes techniques employés dans l’une des versions tibétaines et Senzar, le Shloka I se lirait ainsi :

            Tho-ag en Zhi-gyu dormit sept Khorlo. Zodmanas zhiba. Tout Nyug sein. Pas Konch-og; pas Thyan-Kam, pas Lha-Chohan; pas Tenbrel Chugnyi; Dharmakâya cessèrent; Tgen-chang ne devient pas; Barnang et Ssa en Ngovonyidj; seul Tho-og Yinsin dans la nuit de Sun-chan et Yong-grub [Paranishpanna], etc.

            Ce serait un pur Abracadabra.

            Comme cet ouvrage est écrit pour l’instruction des étudiants de l’Occultisme et non pour les Philologues, nous pouvons éviter d’employer de tels termes étrangers, partout où c’est possible. Les termes intraduisibles seuls, incompréhensibles sans explication, sont conservés, mais rendus dans leur forme sanscrite. Le lecteur se rappellera que ceux-ci sont, d’ailleurs, presque toujours, le développement ultérieur de ce dernier langage, et qu’ils appartiennent à la Cinquième Race-Racine. Le sanscrit, tel qu’on le connaît maintenant, n’était pas la langue des Atlantes; et la plupart des termes philosophiques employés dans les systèmes de l’Inde de la période Post-Mahâbhâratique ne se trouvent pas dans les Védas, ni dans les STANCES originales - mais il y a leurs équivalents. Le lecteur non théosophe peut, si bon lui semble, regarder tout ce qui suit comme un conte de fée, ou du moins, comme une spéculation sans preuve de rêveur, ou encore, comme une nouvelle hypothèse à ajouter aux nombreuses hypothèses scientifiques de tous les temps, les unes condamnées, les autres en simple position d’attente; celles-ci ne sont pas, dans tous les cas, moins scientifiques que bien d’autres théories prétendues scientifiques et sont en tout cas plus philosophiques.

            Vu le grand nombre de notes et d’explications nécessaires, les renvois au bas des pages sont marqués comme d’ordinaire, tandis que les phrases impliquant des commentaires sont spécifiés par des lettres. L’on trouvera de plus grands développements dans les chapitres sur le Symbolisme; quelques-uns de ces derniers contiendront même plus d’informations que les Commentaires.


Première Partie

L’évolution cosmique


Sept stances traduites du livre secret de Dzyan avec commentaires

Il n’existait rien : ni le ciel clair,
Ni la large voûte des cieux étendue au-dessus de nos têtes.
Qu’est-ce qui couvrait tout? Qu’est-ce qui abritait? Qu’est-ce qui cachait?
Était-ce l’abîme sans fond des eaux?
Il n’y avait pas de mort – cependant rien n’était immortel;
Il n’y avait rien qui divisât le jour de la nuit;
L’Un seul respirait sans souffle, de lui-même :
Depuis, il n’y a eu rien que lui
Les ténèbres régnaient, et tout, au commencement, était voilé
Dans une obscurité profonde – océan sans lumière.
Le germe qui sommeillait encore dans l’enveloppe
S’entrouvrit sous l’influence de la chaleur ardente, en forme de Nature Une.
..............................................................................................................................
Qui connaît le secret? qui l’a proclamé ici?
D’où, d’où vint cette création multiple?
Les Dieux eux-mêmes vinrent plus tard à l’existence.
Qui sait d’où vint cette création immense?
qui connaît cela, d’où vint cette grande création,
Si Sa Volonté créa ou s’abstint?
Le plus haut voyant qui est au sommet des cieux
Le sait sans doute – ou peut être ne le sait-il pas, lui non plus … »
« Abîmant ton regard dans l’éternité
Avant que les fondations du monde fussent établies.
....................................................................................................................
Tu existais. Et lorsque la flamme souterraine
Rompra sa prison et détruira la charpente du monde,
Tu seras encore, comme tu étais autrefois;
Tu ne connaîtras aucun changement quand le temps ne sera plus.
O pensée sans fin, divine Éternité! [ V. Rig Véda, traduction Langlois, 2e édit. Revue et corrigée par Foucaux, Paris-maisonneuve, 1872, p. 594. Section VIII. Lecture VII. Hymne X, intitulé « Paramatma »; Richi-Prajapati.! ]


L’évolution cosmique
en Sept stances tirées du livre de Dzyan
Stance I

1. L'Éternelle Ancêtre, enveloppée dans ses Robes à jamais Invisibles, avait de nouveau sommeillé pendant Sept Éternités.

2. Le Temps n’était pas, car il dormait dans le Sein Infini de la Durée.

3. Le Mental Universel n’était pas, car il n’y avait pas de Ah-hi pour le contenir.

4. Les Sept Chemins de Béatitude n’étaient pas. Les Grandes Causes de la Misère n’étaient pas, car il n’y avait personne pour les produire, ni pour tomber dans leur piège.

5. Les Ténèbres seules remplissaient le Tout sans Bornes, car le Père, la Mère et le Fils étaient de nouveau un, et le Fils ne s’était pas encore réveillé pour la Roue nouvelle et son Pèlerinage sur elle.

6. Les Sept Seigneurs Sublimes et les Sept Vérités avaient cessé d’être, et l’Univers, Fils de la Nécessité, était plongé en Paranishpanna, pour être exhalé, par le souffle de ce qui est, et cependant n’est pas. Rien n’était.

7. Les Causes de l’Existence avaient été éliminées; le Visible qui avait été, et l’Invisible qui est, reposaient dans le Non-Être Éternel, - l’Être Unique.

8. Seule, l’Unique Forme d’Existence s’étendait sans bornes, infinie, sans cause, dans un Sommeil sans Rêves; et la Vie vibrait inconsciente dans l’Espace Universel, partout en cette Présence Absolue qui est ressentie par l’Oeil Ouvert de Dangma.

9. Mais où était Dangma lorsque l’Alaya de l’Univers était en Paramârtha, et que la Grande Roue était Anupâdaka?

Stance -II-

1. … Où étaient les Constructeurs, les Fils Lumineux de l’Aurore Manvantarique? … Dans les Ténèbres Inconnues, dans leur Ah-hi Paranishpanna. Les Producteurs de la Forme depuis la Non-Forme, - la Racine du Monde, - Dévamâtri et Svabhâvat, reposaient dans la Félicité du Non-Être.

2. … Où était le Silence? Où se trouvaient les oreilles pour le percevoir? Non, il n’y avait ni Silence, ni Son : rien que le Souffle Éternel, qui ne cesse jamais, qui ne se connaît pas lui-même.

3. L’Heure n’avait pas encore sonné; le Rayon n’avait pas encore jailli dans le Germe; la Mâtripadma ne s’était pas encore gonflée.

4. Son Coeur ne s’était pas encore ouvert pour laisser entrer le Rayon Unique et le laisser tomber ensuite, comme Trois en Quatre, dans le Sein de Mâyâ.

5. Les Sept n’étaient pas encore nés du Tissu de la Lumière. Les Ténèbres seules étaient Père-Mère, Svabhâvat : et Svabhâvat était dans les Ténèbres.

6. Ces Deux-là sont le Germe, et le Germe est Un. L’Univers était encore caché dans la Pensée Divine et dans le Sein Divin.

Stance -III-

1. … La dernière Vibration de la Septième Éternité tressaille à travers l’Infini. La Mère se gonfle, elle croît de dedans en dehors, comme le Bouton du Lotus.

2. La Vibration se propage soudain, touchant de son Aile rapide tout l’Univers et le Germe qui réside dans les Ténèbres, les Ténèbres qui soufflent sur les Eaux sommeillantes de la Vie.

3. Les Ténèbres rayonnent la Lumière, et la Lumière laisse tomber un Rayon solitaire dans les Eaux, dans l’Abîme-Mère. Le Rayon traverse rapidement l’Oeuf Vierge; il fait frissonner l’Oeuf Éternel, qui laisse tomber le Germe non éternel, qui se condense en l’Oeuf du Monde.

4. Les Trois tombent dans les Quatre. L’Essence Radieuse devient Sept en dedans et Sept en dehors. L’Oeuf  Lumineux, qui en lui-même est Trois, se coagule et s’étend en caillots blancs comme du lait dans les Profondeurs de la Mère, la Racine qui croît dans les Profondeurs de l’Océan de Vie.

5. La Racine demeure, la Lumière aussi, les Caillots également, et cependant Oeaohu est Un.

6. La Racine de la Vie était en chaque Goutte de l’Océan de l’Immortalité, et l’Océan était la Lumière Radieuse, qui était Feu, Chaleur et Mouvement. Les Ténèbres disparurent et ne furent plus; elles disparurent dans leur propre Essence, le Corps de Feu et d’Eau, du Père et de la Mère.

7. Vois, ô Lanou, l’Enfant Radieux des Deux, la Gloire resplendissante sans pareille : l’Espace Brillant, Fils de l’Espace Obscur, qui émerge des Profondeurs des grandes Eaux Sombres. C’est Oeaohu, le plus Jeune, le ***. Il resplendit comme le Soleil. Il est le Dragon de Sagesse, Flamboyant, et Divin; l’Eka [ Eka = un, Chatur = quatre, Tri = trois, Sapta = Sept; Tridasha : Tri = trois X par dasha (dix) = trois dizaines, ou une armée.] est Chatur, et Chatur s’approprie Tri, et l’Union produit le Sapta, en qui sont les Sept qui deviennent le Tridasha, les Armées et les Multitudes. Vois-le, relevant le Voile et le déployant, de l’Orient à l’Occident. Il cache ce qui est en Dessus, et laisse voir le Dessous comme la Grande Illusion. Il désigne leurs places aux êtres Lumineux, change le Dessus en une Mer de Feu sans rivages, et change l’Un manifestéen les Grandes Eaux.

8. Où était le Germe, où étaient alors les Ténèbres? Où est l’Esprit de la Flamme qui brûle dans ta Lampe, ô Lanou? Le Germe est Cela, et Cela est la Lumière, le Blanc et Brillant Fils du Père Obscur et Caché.

9. La Lumière est la Flamme Froide, et la Flamme est le Feu, et le Feu produit la Chaleur qui donne l’Eau, - l’Eau de Vie dans la Grande Mère.

10. Le Père-Mère tisse une Toile dont l’extrémité supérieure est attachée à l’Esprit, - la Lumière des Ténèbres-Unes, - et l’extrémité inférieure à son ombre, la Matière. Cette toile est l’Univers, tissé avec les Deux Substances combinées en Une, qui est Svabhâvat.

11. Cette Toile s’étend lorsque le Souffle de Feu la couvre; elle se contracte lorsque le Souffle de la Mère la touche. Alors, les Fils se séparent et se dispersent pour rentrer dans le Sein de leur Mère, à la fin du Grand Jour, et redevenir un avec elle. Lorsqu’elle se refroidit, elle devient rayonnante. Ses fils se gonflent et se contractent par leur propre Soi et par leur Coeur; ils embrassent l’Infini.

12. Alors Svabhâvat envoie Fohat pour durcir les Atomes. Chacun est une partie de la Toile. Réfléchissant « le Seigneur Existant par Lui-même », comme un Miroir, chacun devient, à son tour, un Monde.

Stance IV

1. … O Fils de la Terre, écoutez vos Instructeurs – les Fils du Feu. Apprenez-le : il n’y a ni premier ni dernier; car tout est le Nombre Unique, issu du Non-Nombre.

2. Apprenez ce que, nous, issus des Sept Primordiaux, nous qui sommes nés de la Flamme Primordiale, avons appris de nos Pères …

3. De la splendeur de la Lumière, - Rayon des Ténèbres Éternelles, - surgirent dans l’Espace les Énergies réveillées; L’Unique de l’Oeuf, le Six et le Cinq. Puis le Trois, l’Un, le Quatre, le Un, le Cinq, au Total, les deux fois Sept. Et ce sont là les Essences, les Flammes, les Éléments, les Constructeurs, les Nombres, l’Aroûpa, le Roûpa, et la Force, ou l’Homme Divin, qui en est la somme totale. Et de l’Homme Divin émanèrent les Formes, les Étincelles, les Animaux Sacrés et les Messagers des Pères Sacrés contenus dans les Saints Quatre.

4. C’était l’armée de la Voix, - la Mère Divine des Sept. Les Étincelles des Sept sont les sujets et les serviteurs du Premier, du Second, du Troisième, du Quatrième, du Cinquième, du Sixième et du Septième des Sept. Ces Étincelles sont nommées Sphères, Triangles, Cubes, Lignes et Modeleurs; car c’est ainsi que se tient l’Éternel Nidâna, - le Oi-Ha-Hu. [ Ou Oeaohu ]

5. Le Oi-Ha-Hu, qui est les « Ténèbres », le Sans-Bornes, ou le Non-Nombre, Adi-Nidâna, Svabhâvat, le O.
I. Le Adi-Sanat, le Nombre, car il est Un.
II. La Voix du Verbe [ Seigneur dans l’édition de 1888. ] , Svabhâvat, les Nombres, car il est Un et Neuf.
III. Le « Carré sans Forme ».
et ces Trois, inclus dans le , sont le Quatre sacré : et les Dix sont l’Univers Arûpa. Alors viennent les « Fils », les Sept Combattants, le Un, le Huitième laissé de côté, et son Souffle qui est faiseur de Lumière.

6. … Viennent alors les Sept Seconds qui sont les Lipika, produits par les Trois. Le Fils rejeté est Un. Les Soleils-Fils sont innombrables.

Stance -V-

1. Les Sept Primordiaux, les Sept Premiers Souffles du Dragon de Sagesse, produisent à leur tour, de leurs Souffles Giratoires sacrés, le Tourbillon Ardent.

2. Ils en font le Messager de leur Volonté. Le Dzyu devient Fohat; le Fils agile des Fils Divins, dont les Fils sont les Lipika, fait des courses circulaires. Fohat est le Coursier, et la Pensée le cavalier. Il passe comme un éclair à travers les nuages de feu; il fait Trois, Cinq et Sept pas à travers les Sept Régions supérieures et les Sept inférieures. Il élève la Voix, appelle les Étincelles innombrables et les réunit.

3. Il est l’Esprit qui les guide et les conduit. Lorsqu’il commence son travail, il sépare les Étincelles du Royaume Inférieur, qui flottent et vibrent de joie dans leurs demeures lumineuses, et il forme les Germes des Roues. Il les place dans les Six Directions de l’Espace, et en laisse Une au milieu, - la Roue Centrale.

4. Fohat trace les lignes spirales pour unir le Sixième au Septième, - la Couronne. Une armée de Fils de Lumière se tient à chaque angle; les Lipika dans la Roue du Centre. Ils disent : « Cela est bon. » Le Premier Monde Divin est prêt : le Premier [ « Le premier étant le second » - lit-on dans le manuscrit de 1886. « Le Premier est maintenant le Second » - est le texte de l’édition de 1888. ], Le Second. Alors « l’Arûpa Divin » se réfléchit dans le Chhâyâ Lôka, le Premier Vêtement d’Anupâdaka.

5. Fohat fait cinq pas, et construit une roue ailée à chaque coin du carré pour les Quatre Très Saint… et leurs Armées.

6. Les Lipika circonscrivent le Triangle, le Premier Être, le Cube, le Second Être, et le Pentacle dans l’Oeuf. C’est l’Anneau appelé « Ne Passe Pas », pour ceux qui descendent et qui montent; et aussi pour ceux qui, durant le Kalpa, s’avancent vers le grand Jour « Sois Avec Nous » … ainsi furent formés l’Arûpa et le Rûpa : d’Une Lumière, Sept Lumières; de chacune des Sept, sept fois Sept Lumières. Les Roues surveillent l’Anneau.

Stance -VI-

1. Par le pouvoir de la Mère de Merci et de Connaissance, Kwan-Yin, - le « Triple » de Kwan-Shaï-Yin, demeurant en Kwan-Yin-Tien, - Fohat, le Souffle de leurs Descendants, le Fils des Fils, ayant appelés de l’Abîme inférieur la Forme Illusoire de Sien-Tchan et les Sept Éléments.

2. L’Être Rapide et Radieux produit les sept Centres Laya, contre lesquels nul ne prévaudra jusqu’au Grand Jour « Sois Avec Nous »; et il place l’Univers sur ces Fondations Éternelles, entourant Sien-Tchan des Germes Élémentaires.

3. Des Sept, d’abord Un est manifesté, Six cachés; Deux manifestés, Cinq cachés; Trois manifestés, Quatre cachés; Quatre produits, Trois cachés; Quatre et Un Tsan révélés, Deux et demi cachés; Six devant être manifestés. Un mis de côté. Finalement, Sept Petites Roues tournent, l’une donnant naissance à l’autre.

4. Il les construit sur le modèle des Roues plus anciennes, les plaçant sur les Centres Impérissables.

Comment Fohat les construit-il? Il rassemble la Poussière de Feu. Il forme des Boules de Feu; passe à travers, et autour d’elles, leur infusant la vie, et il les met ensuite en mouvement; les unes dans un sens, les autres dans un autre. Elles sont froides, il les réchauffe. Elles sont sèches, il les humecte. Elles brillent, il les évente et les refroidit. Ainsi agit Fohat, d’un Crépuscule à l’autre, pendant sept Éternités.

5. À la Quatrième, les Fils reçoivent l’ordre de créer leurs Images : Un Tiers refuse. Deux obéissent.

La Malédiction est prononcée. Ils naîtront dans la Quatrième; ils souffriront et causeront de la souffrance. C’est la Première Guerre.

6. Les Roues les plus Anciennes tournèrent en bas et en haut … Le Frai de la Mère remplit le tout. Il y eut des Combats entre les Créateurs et les Destructeurs, et des Combats pour l’Espace; la Semence apparaissant et réapparaissant continuellement.

7. Fais tes calculs, ô Lanou, si tu veux savoir l’âge exact de la Petite Roue. Son Quatrième Rayon est notre Mère. Atteins le Quatrième « Fruit » du Quatrième Sentier de Connaissance qui conduit à Nirvâna, et tu comprendras car tu verras …

Stance -VII-

1. Vois le commencement de la Vie sensible et sans forme.

D’abord, le Divin, le Un issu de l’Esprit-Mère; puis le Spirituel : les Trois issus de l’Un, les Quatre de l’Un, et le Cinq, d’où les Trois, les Cinq et les Sept. Voilà le Triple et la Quadruple, en descendant; les Fils, nés du Mental du Premier Seigneur, les Sept Radieux. Ce sont eux qui sont toi, moi, lui, ô Lanou; eux qui veillent sur toi et sur ta mère, Bhumi.

2. Le Rayon Unique multiplie les Rayons moindres. La Vie précède la Forme et survit au dernier atome. À travers les Rayons innombrables, le Rayon de la Vie, l’Unique passe comme un Fil à travers bien des Perles.

3. Lorsque l’Un devient Deux, le Triple apparaît, et les Trois sont Un; c’est notre Fil, Lanou, le coeur de la Plante-Homme appelé Saptaparna.

4. C’est la Racine qui ne meurt jamais; la Flamme à Trois Langues des Quatre Mèches. Les Mèches sont les Étincelles qui émanent de la Flamme aux Trois Langues projetées par les Sept, - leur Flamme, - les Rayons et les Étincelles d’une Lune unique réfléchie dans les Flots agités de tous les Fleuves de la Terre.

5. L’Étincelle est suspendue à la Flamme par le fil le plus délié de Fohat. Elle voyage à travers les Sept Mondes de Mâyâ. Elle s’arrête dans le Premier, et y est un Métal et une Pierre; elle passe dans le Second, et voilà – une Plante; la Plante tourbillonne à travers sept changements et devient un Animal Sacré. Des attributs combinés de ce qui précède, Manu, le Penseur, est formé. Qui le forme? – Les Sept Vies et la Vie Une. Qui le complète? – Le Quintuple Lha. Et qui perfectionne le dernier Corps? – Le Poisson, Sin et Soma …

6. Depuis le Premier-né, le Fil qui unit le Veilleur Silencieux à son Ombre, devient plus fort et plus radieux à chaque changement. La lumière Solaire du matin s’est changée en l’éclat glorieux de midi.

7. « Voilà ta Roue actuelle, dit la Flamme à l’Étincelle. Tu es moi-même, mon image et mon ombre. Je me suis vêtue de toi, et tu es mon Vâhan jusqu’au Jour « sois avec Nous », où tu redeviendras moi-même et d’autres, toi-même et moi. » Alors les Constructeurs, s’étant revêtus de leur première Enveloppe, descendent sur la Terre rayonnante, et règnent sur les Hommes, - qui sont eux-mêmes…

Tel est le fragment d’histoire archaïque, sombre et confus, presque incompréhensible. On va maintenant essayer d’éclairer ces ténèbres et de faire comprendre ces apparents non-sens.



Commentaires

Des sept stances et de leurs termes, selon leur numération en stances, et slokas

  Stance I (1)

1. – L’Éternelle Ancêtre (l’espace), enveloppé dans ses Robes à jamais Invisibles, avait de nouveau sommeillé pendant Sept Éternités.

La Mère, L’espace, est la Cause éternelle, toujours présente, de tout, - la Divinité incompréhensible, dont les « Robes Invisibles » sont la Racine mystique de toute matière, et de l’Univers. L’Espace est la seule chose éternelle que nous soyons capables d’imaginer facilement, immuable dans son abstraction, aussi ininfluencé par la présence que par l’absence en lui d’un Univers objectif. Il est sans dimensions, dans tous les sens, et soi-existant. L’Esprit est la première différenciation de Cela, la Cause sans Cause de l’Esprit et de la Matière. Comme il est enseigné dans le Catéchisme Ésotérique, il n’est ni le « vide sans bornes », ni « la plénitude conditionnée », mais les deux à la fois. Il fut et sera toujours.

Ainsi, les « Robes » représentent le noumène de la Matière Cosmique non différenciée. Ce n’est pas la matière telle que nous la connaissons, mais l’essence spirituelle de la matière, et elle est coéternelle et même un avec l’Espace dans son sens abstrait. La Nature-Racine est aussi la source des subtiles propriétés invisibles de la matière visible. C’est pour ainsi dire, l’Âme de l’Esprit Unique et Infini. Les Hindous l’appellent Mulaprakriti, et disent que c’est la Substance primordiale qui est la base de l’Upâdhi ou Véhicule de chaque phénomène, qu’il soit physique, psychique ou mental. C’est la Source d’où rayonne Akâsha.

Par les « Sept Éternités » on veut dire des aeons ou périodes, Éternité, telle qu’elle est comprise dans la théologie chrétienne, n’a pas de signification pour l’oreille asiatique, sauf dans son application à l’Existence Unique. Le mot « sempiternel », qui indique l’Éternité seulement dans l’avenir, n’est autre chose qu’un terme impropre [ Il est dit, au Livre II, chap. VIII, du Vishnu Purâna : On entend par immortalité l’existence jusqu’à la fin du Kalpa »; et Wilson, le traducteur, dit en note : « Voilà, selon les Védas, tout ce qu’on doit comprendre au sujet de l’immortalité [ou éternité ] des dieux; ils périssent à la fin de la dissolution universelle [ou Pralaya]. » et la Philosophie Ésotérique dit : « Ils ne « périssent » pas, mais ils sont de nouveau absorbés. » ] .

De tels mots n’existent pas, ne peuvent pas exister dans la métaphysique philosophique, et n’étaient pas connus avant le Christianisme ecclésiastique. Les Sept Éternités, signifient les sept périodes, ou un laps de temps répondant, dans sa durée, aux sept périodes, d’un Manvantara, allant d’un bout à l’autre d’un Mahâkalpa ou « Grand Âge » (100 Années de Brahma) lequel est d’un total de 311.040.000.000.000 d’années. Chaque Année de Brahmâ est composée de 360 jours et du même nombre de Nuits de Brahmâ (supputation par le Chandrâyana, ou année lunaire) et un  jour de Brahmâ comprend 4.320.000.000 de nos années mortelles. Ces Éternités relèvent des calculs les plus secrets et dans lesquels, afin d’arriver au total exact, chaque chiffre doit être 7x, l’exposant x variant selon la nature du cycle, dans le monde subjectif ou réel; il faut aussi que tout nombre représentant les cycles différents ou s’u rapportant, - du plus grand au plus petit, - dans le monde objectif ou non-réel, soit nécessairement multiple de 7. Il est impossible de donner la clef de ces opérations parce qu’elle cache le mystère des calculs ésotériques, et qu’en matière de calculs ordinaires elle n’a pas de sens. « Le nombre 7, dit la Kabale, est le grand nombre des Mystères Divins. » Le nombre 10 est celui de toute connaissance humaine (Décade de Pythagore); 1.000 est la troisième puissance de 10, et, par conséquent, le chiffre 7.000 est symbolique aussi. Dans la DOCTRINE SECRÈTE le chiffre 4 est le symbole mâle, mais seulement sur le plan le plus élevé de l’abstraction; sur le plan de la matière, 3 est le masculin, et 4 le féminin, - la verticale et l’horizontale dans le quatrième stage du symbolisme, lorsque les symboles deviennent les glyphes des pouvoirs générateurs sur le plan physique.

Stance I (2)

2. Le Temps n’était pas, car il dormait dans le Sein Infini de la Durée.

« Le Temps » n’est qu’une illusion produite par la succession de nos états de conscience, à mesure que nous voyageons à travers la Durée Éternelle. Il ne peut pas exister lorsqu’il n’y a plus de conscience dans laquelle cette illusion puisse être produite; dans ce cas « il gît endormi ». Le Présent n’est qu’une ligne mathématique qui sépare cette partie de la Durée Éternelle que nous appelons l’Avenir, de cette partie que nous appelons le Passé. Rien, sur la terre, n’a une durée réelle, car rien ne reste sans changement – ou dans le même état – durant un milliardième de seconde; et la sensation que nous avons de l’actualité de cette division du Temps connue sous le nom de Présent vient de l’imprécision de cet aperçu momentané, ou de cette succession d’aperçus des choses que nous donnent les sens, à mesure que ces choses passent de la région de l’idéal que nous appelons l’Avenir, à celle du souvenir, que nous appelons le Passé. De même, nous recevons l’impression d’une sensation de durée dans le cas de l’étincelle électrique instantanée, par suite de l’impression obscure et continue qu’elle produit sur la rétine. La personne ou la chose réelle ne consiste pas entièrement en ce qu’on en voit à un moment donné; elle se compose de la somme de toutes ses diverses conditions changeantes, depuis son apparence dans la forme matérielle jusqu’à sa disparition de la terre. Ce sont ces « sommes totales » qui existent de toute éternité dans l’Avenir, et qui passent par degrés à travers la matière pour exister éternellement dans le Passé. Personne ne dirait qu’une barre de métal tombant dans la mer commence à exister du moment où elle quitte l’atmosphère et cesse d’exister en rentrant dans l’eau et que la barre elle-même ne consiste qu’en sa section, qui, à un moment donné, a pu coïncider avec le plan mathématique qui sépare et unit en même temps l’atmosphère et l’océan. Il en va de même pour les personnes et les choses qui, tombant du « sera » dans le « a été », c’est-à-dire de l’Avenir dans le Passé, présentent momentanément à nos yeux une section, pour ainsi dire de leurs sois totaux, en passant à travers le Temps et l’Espace (en tant que matière), dans leur voyage d’une éternité à une autre; et ces deux éternités constituent cette « Durée » dans laquelle seulement les choses ont une existence réelle, si nos sens avaient la capacité de la percevoir.

Stance I (3)

3. Le Mental Universel n’était pas, car il n’y avait pas de Ah-hi [ Êtres célestes. ]Pour le contenir[ et, par conséquent, pour le manifester. ]

« Le mental » est le nom donné à la somme des États de Conscience qui sont groupés sous les mots de Pensée, Volonté et Sentiment. Pendant le sommeil profond, l’idéation cesse sur le plan physique, et la mémoire est suspendue; pendant ce temps, par conséquent, « le mental n’est pas », parce que l’organe à travers lequel l’Ego manifeste l’idéation et la mémoire sur le plan matériel a temporairement cessé de fonctionner. Un noumène ne peut devenir phénomène, sur un plan quelconque d’existence, qu’en se manifestant sur ce plan au moyen d’une base ou véhicule approprié, et, pendant la longue Nuit de repos appelée Pralaya, lorsque toutes les existences sont dissoutes, le « Mental Universel » reste comme une possibilité permanente d’action mentale, ou comme cette Pensée abstraite et absolue dont le mental est la manifestation concrète et relative. Les Ah-hi (Dhyân-Chohans) sont la multitude collective des Êtres spirituels – les Légions d’Anges des Chrétiens, les Elohims et les « Messagers » des Juifs – qui sont le Véhicule de la manifestation de la Pensée et de la Volonté Divine ou Universelle. Ils sont les Forces Intelligentes qui impriment les « Lois » de la Nature et les réalisent en elle, tandis qu’elles défèrent elles-mêmes à des Lois qui leur sont imposées de façon analogue par des Pouvoirs plus élevés encore; mais elles ne sont pas les « personnifications » des Pouvoirs de la Nature, comme on le pense à tort. Cette Hiérarchie d’Êtres spirituels, à travers laquelle vient agir le Mental Universel, ressemble à une armée, - une multitude, en vérité, - par laquelle se manifeste le pouvoir combattant d’une nation et qui est composée de corps d’armée, de divisions, de brigades, de régiments et ainsi de suite, chacun avec son individualité ou sa vie, avec sa liberté d’action limitée et ses responsabilités limitées; chacun contenu dans une individualité plus grande, à laquelle ses propres intérêts sont subordonnés, et chacun enfin, contenant en lui-même de moindres individualités.

Stance I (4)

4. Les Sept Chemins de Béatitude [ Nirvâna. En chinois, Nippang; en birman, Neibban; dans l’Inde, Môsksha. ] n’étaient pas (a). Les Grandes Causes de la Misère n’étaient pas [ Nidâna et Mâyâ. Les « Douze » Nidânas (en tibétain, Ten-brel chugnyi) sont les causes principales de l’existence, effets générés par un enchaînement de causes produites. ], car il n’y avait personne pour les produire, et personnes pour tomber dans leur piège (b).

a) Il y a « Sept Sentiers » ou « Voies » conduisant à la « Béatitude » de la Non-Existence, qui est l’Être, l’Existence et la Conscience absolue. Ils n’étaient point, parce que l’Univers était jusqu’alors vide, et n’existait que dans la Pensée Divine.

b) Car ce sont les douze Nidânas, ou Causes de l’Être. Chacune est l’effet de la cause antécédente, et, à son tour, la cause de son successeur; la somme totale des Nidânas est basée sur les Quatre Vérités, doctrine qui caractérise spécialement le système Hînayâna.[ Voir Wassilief. Der Buddismus, pp. 91-128. ]Elles appartiennent à la théorie qui dit que tout subit le courant de la loi, loi inéluctable qui produit le mérite et le démérite, et finalement met Karma en pleine action. C’est un système basé sur la grande vérité qu’on doit redouter la réincarnation parce que l’existence dans ce monde n’apporte aux hommes que souffrance, misère et douleur; la mort même étant incapable d’en délivrer les hommes, puisque la mort n’est qu’une porte par laquelle ils passent à une autre vie sur la terre, après un peu de repos sur son seuil, - le Dévachan. Le Système Hînayâna, ou École du Petit Véhicule, date de temps très anciens, tandis que le Mahâyâna, ou École du Grand Véhicule, est d’une période plus récente; il a commencé après la mort de Bouddha. Cependant les doctrines de cette dernière école sont aussi vieilles que les montagnes qui ont été le siège de pareilles écoles depuis des temps immémoriaux, et, en réalité, l’École Hînayâna et l’École Mahâyâna enseignent toutes les deux la même doctrine. Yâna, ou véhicule (sanscrit, Vahan) est une expression mystique, les deux « Véhicules » inculquent la doctrine que l’homme peut éviter les souffrances d’une renaissance, et même la fausse béatitude du Dévachan, en obtenant la Sagesse et la Connaissance qui, seules, peuvent dissiper les Fruits de l’Illusion et de l’Ignorance.

Mâyâ, ou Illusion, est un élément qui entre dans toutes les choses finies, car tout ce qui existe n’a qu’une réalité relative et non absolue, puisque l’apparence, que le noumène caché revêt pour un observateur donné, dépend du pouvoir de discernement de ce dernier. Pour l’oeil non exercé du sauvage, une peinture est d’abord une confusion dépourvue de sens, de lignes et de taches de couleur, tandis qu’un oeil cultivé y voit tout de suite un visage ou u paysage. Rien n’est permanent, à l’exception de l’unique Existence cachée et absolue qui contient elle-même les noumènes de toutes réalités. Les existences appartenant à chaque plan d’être, jusqu’aux Dhyân Chôhans les plus élevés, sont, comparativement, comme les ombres jetées par une lanterne magique sur un écran incolore. Néanmoins, toutes ces choses sont relativement réelles, car l’observateur est, lui aussi, une réflexion, et les choses perçues lui sont donc aussi réelles que lui-même. Pour savoir quelle réalité possèdent les choses, il faut les considérer avant ou après qu’elles ont passé comme un éclair à travers le monde matériel; car nous ne pouvons pas en connaître directement, tant que nous possédons des instruments, des sens qui n’apportent à notre conscience que les éléments de l’existence matérielle. Sur quelque plan que notre conscience agisse, les choses qui appartiennent à ce plan sont, comme nous-même, pour le moment, nos seules réalités. Mais, à mesure que nous nous élevons sur l’échelle du développement, nous nous apercevons que, dans les étapes par lesquelles nous avons passé, nous avons pris des ombres pour des réalités, et que le progrès ascendant de l’Ego est une série d’éveils progressifs, chaque pas en avant apportant avec lui l’idée que maintenant nous avons, enfin atteint la « réalité »; mais ce n’est seulement que lorsque nous aurons atteint la Conscience absolue et fusionné la nôtre en elle, que nous serons délivrés des illusions produites par Mâyâ.

Stance I (5)

5. Les Ténèbres seules remplissaient le Tout sans Bornes (a), car le Père, la Mère et le Fils étaient de nouveau un, et le Fils ne s’était pas encore réveillé pour la Roue [ Le terme « Roue » est l’expression symbolique pour désigner un monde ou un globe; de ce qui montre que les anciens savaient bien que notre Terre était un globe en révolution, et non pas un carré immobile, comme l’ont écrit quelques-uns des Pères de l’Église. La « Grande Roue » est la durée entière de notre Cycle d’Être ou Mahâkalpa, c’est-à-dire la révolution entière de notre Chaîne spéciale de sept planètes [Globes] ou Sphères, du commencement à la fin; les « Petites Roues » signifient les Rondes, au nombre de Sept aussi. ] nouvelle et son Pèlerinage sur elle (b).

a) « Les Ténèbres sont Père-Mère : la Lumière est leur Fils », dit un ancien proverbe oriental. La lumière est inconcevable, si elle ne vient pas de quelque source qui en soit la cause; et comme dans le cas de la Lumière Primordiale, cette source est inconnue, quoique si exigée par la raison et la logique, nous l’appelons, au point de vue intellectuel, « Ténèbres ». Quant à la lumière secondaire ou empruntée, quelle que soit sa source, elle ne peut avoir qu’un caractère temporaire ou mâyâvique. Les Ténèbres donc sont la Matrice Éternelle dans laquelle les Sources de Lumière apparaissent et disparaissent. Sur ce plan, qui est nôtre, rien n’est ajouté aux ténèbres pour en faire de la Lumière, et rien non plus à la lumière pour en faire les ténèbres. Les deux sont interchangeables et, scientifiquement, la lumière n’est qu’un mode des ténèbres, et vice-versa. Cependant, toutes les deux sont les phénomènes du même noumène, - qui est, pour l’esprit scientifique, l’obscurité absolue; pour la perception du Mystique ordinaire, un crépuscule gris; mais, pour l’oeil spiritualisé de l’Initié, la lumière absolue. Le degré de lumière que nous percevons dans les ténèbres dépend de nos pouvoirs de vision. Ce qui est, pour nous, la lumière est, pour certains insectes, l’obscurité, et l’oeil du clairvoyant voit l’illumination là où l’oeil normal ne perçoit que le noir. Lorsque l’Univers entier était plongé dans le sommeil, - lorsqu’il était revenu à son unique élément primordial, - il n’y avait ni centre de luminosité ni l’oeil pour percevoir la lumière, et par conséquent les ténèbres remplissaient le « Tout sans Bornes ».

b) Le « Père-Mère » est les principes mâle et femelle dans la Nature-Racine, les pôles opposés qui se manifestent en toute chose, sur chaque plan du Kosmos – ou, à un point de vue allégorique, l’Esprit et la Substance, dont la résultante est L’Univers ou le « Fils ». Ils sont « de nouveau Un », lorsque, dans la Nuit de Brahmâ, pendant le Pralaya, tout dans l’Univers objectif est revenu à sa cause une, primordiale et éternelle, pour reparaître à l’Aurore suivante, - comme cela se fait périodiquement. Kârana – la Cause Éternelle – était seule. Pour l’expliquer plus clairement, nous dirons : Kârana est seule pendant les Nuits de Brahmâ. Le précédent Univers objectif s’est dissous dans sa seule Cause, primordiale et éternelle; il est, pour ainsi dire, resté en dissolution dans l’Espace, pour se différencier de nouveau et se cristalliser une fois de plus à l’Aurore Manvantarique suivante, laquelle est le commencement d’un nouveau Jour ou d’une nouvelle activité de Brahmâ, - symbole d’un Univers. En langage ésotérique, Brahmâ est Père-Mère-Fils, ou Esprit, Âme et Corps, à la fois; chaque personnage étant le symbole d’un attribut, et chaque attribut ou qualité étant une émanation graduée du Souffle Divin dans sa différenciation, cyclique, involutive et évolutive. Dans le sens cosmico-physique, c’est l’Univers, la Chaîne Planétaire et la Terre; dans le sens purement spirituel, c’est la Divinité Inconnue, l’Esprit Planétaire, et l’Homme, - le fils des deux, créature de l’Esprit et de la Matière, l’une de leurs manifestations dans ses apparences périodiques sur Terre, pendant les « Roues » ou Manvantaras.

Stance I (6)

6. Les Sept Seigneurs sublimes, et les Sept Vérités avaient cessé d’être (a) et l’Univers, Fils de la Nécessité, était plongé en Paranishpanna [ La Perfection absolue. Paranirvâna, qui est Yong-Grüb. ] (b), pour être exhalé par le souffle de qui est, et cependant n’est pas. Rien n’était (c).

a) Les « Sept Seigneurs sublimes » sont les Sept Esprits Créateurs, les Dhyân-Chôhans, qui correspondent aux Élohim hébreux. C’est la même Hiérarchie d’Archanges à laquelle appartiennent dans la Théogonie chrétienne saint Michel, saint Gabriel et autres. Toutefois, la Théologie dogmatique romaine affecte, par exemple, saint Michel à la garde de tous les golfes et des promontoires, tandis que, d’après l’Ésotérisme, les Dhyânis veillent successivement sur l’une des Rondes, et sur les grandes Races-Racines de notre Chaîne Planétaire. On dit, en outre, qu’ils envoient leurs Bôdhisatvas, correspondants humains des Dhyâni-Buddhas, pendant chaque Ronde et chaque Race. Des « Sept Vérités » ou Révélations, ou plutôt, secrets révélés, il ne nous en est encore parvenu que quatre, parce que nous ne sommes que dans la Quatrième Ronde, et c’est pour la même raison que le monde n’a eu jusqu’ici que quatre Bouddhas. C’est là, du reste, une question très complexe, qui recevra ultérieurement de plus amples développements.

Jusqu’ici donc, disent les Hindous et les Bouddhistes, « il n’existe que Quatre Vérités, et Quatre Védas ». C’est pour la même raison qu’Irénée insistait sur la nécessité de Quatre Évangiles. Mais comme chaque nouvelle Race-Racine, au commencement d’une Ronde, doit avoir sa révélation et ses révélateurs, la Ronde prochaine apportera la Cinquième révélation, la suivante la Sixième, et ainsi de suite.

b) « Paranishpanna » est la Perfection Absolue qu’atteignent toutes les Existences à la fin d’une grande période d’activité, ou Mahâ-manvantara, et dans laquelle elles se reposent durant la période suivante de repos. On l’appelle, en tibétain, « Yong-Grüb ». Jusqu’à l’époque de l’École Yogâ-chârya, la vraie nature du Paranirvâna était enseignée publiquement, mais, depuis, elle est devenue entièrement ésotérique; c’est ce qui a donné naissance à tant d’interprétations contradictoires. Il n’y a, du reste, qu’un véritable Idéaliste qui puisse la comprendre. Pour comprendre cet état et saisir comment le Non-Ego, le Vide, et les Ténèbres sont Trois dans Un, seuls parfaits, et Soi-existants, il faut tout envisager comme idéal, à l’exception de Paranirvâna. Ce n’est absolu, pourtant, qu’à un point de vue relatif, car cela doit faire place à une perfection plus absolue encore et d’un degré d’excellence plus élevé dans les périodes d’activité suivantes, comme – si un tel mode d’expression était permis – une fleur parfaite doit cesser d’être fleur parfaite et mourir afin de devenir un fruit parfait.

La DOCTRINE SECRÈTE enseigne le développement progressif de toute chose, des mondes aussi bien que des atomes, et ce merveilleux développement n’a ni commencement concevable, ni fin imaginable. Notre « Univers » n’est qu’une unité dans un nombre infini d’Univers, lesquels sont tous « Fils de Nécessité » tous des anneaux de la grande chaîne cosmique des Univers, et chacun dans la relation d’effet par rapport à celui qui le précède et de cause pour celui qui le suit.

L’apparition et la disparition de l’Univers sont dépeintes comme un expir et un inspir du « Grand Souffle » qui est éternel, et qui, étant Mouvement, est l’un des trois symboles de l’Absolu, - L’espace Abstrait et la Durée étant les deux autres. Lorsque le Grand Souffle est projeté, il s’appelle le Souffle Divin, et on le considère comme la respiration de la Divinité Inconnaissable, - l’Existence Une, - qui expire, pour ainsi dire, une pensée qui devient tout le Kosmos. Il en est de même lorsque le Souffle Divin est inspiré : l’Univers disparaît dans le sein de la Grande Mère qui dort alors, « enveloppée dans ses Robes à jamais Invisibles ».

c) Par « ce qui est, et cependant n’est pas », on entend le Grand Souffle lui-même, auquel nous ne pouvons donner que le nom d’Existence Absolue, mais que nous ne pouvons représenter à notre imagination comme une forme quelconque d’Existence pouvant être distinguée de la Non-existence. Les trois périodes – le Présent, le Passé et l’Avenir – sont, dans la Philosophie Ésotérique, un temps composé; car les trois ne sont un nombre composé qu’en ce qui concerne le plan phénoménal, tandis que dans le royaume des noumènes, ils n’ont pas de validité abstraite. Comme disent les Écritures, « le Passé et le Présent, et aussi l’Avenir, qui, quoi qu’il n’existe pas encore, cependant, est », selon un enseignement du Prasanga Madhyamika, dont les dogmes sont connus depuis qu’il s’est séparé des écoles purement ésotériques [ voir Dzungarian, Mani Kumbum, le « Livre des 10.000 Préceptes ». Consulter aussi Wassilief, Der Buddhismus, p. 327 et 357, etc. ]. en résumé, nos idées sur la durée et le temps sont toutes dérivées de nos sensations, d’après les lois d’associations des idées. Inextricablement liées à la relativité du savoir humain, ces idées ne peuvent cependant avoir d’existence  que dans l’expérience de l’Ego individuel, et elles périssent lorsque sa marche évolutive dissipe la Mâyâ de l’existence phénoménale. Qu’est-ce, par exemple, que le temps, sinon la succession panoramique de nos états de conscience? Voici, à ce sujet, les paroles d’un Maître : « Je répugne à me servir de ces trois mots impropres : passé, Présent et Avenir, - pauvres conceptions des phases objectives du tout subjectif; ils conviennent aussi peu à leur objet qu’une hache au travail d’une fine ciselure. » Il faut acquérir Paramârtha pour ne pas devenir une proie trop facile de samvriti, c’est un axiome philosophique. [ Pour parler plus clairement : On doit acquérir la vraie Soi-Conscience pour comprendre Samvriti, ou « l’origine de l’illusion ». Paramârtha est le synonyme du terme sanscrit Svasemvédanâ, ou la « réflexion qui s’analyse elle-même ». Il y a une différence dans l’interprétation de la signification de Paramârtha entre les Yôgâchâryas et les Madhyamikas, mais aucune de ces deux Écoles n’explique le vrai sens ésotérique de cette expression. [ Lit : Sva – soi, samvedanâsam et la racine vis – connaître; c'est-à-dire connaissance complète du Soi.] Voir plus loin, Sloka 9. ]

Stance I (7)

7. Les causes de l’existence (a) avaient été éliminées. Le Visible qui avait été, et l’Invisible qui est, se reposaient dans le Non-Être Éternel, Être Unique (b).

a) « Les Causes de l’Existence » signifient non seulement les causes physiques connues de la Science, mais les causes métaphysiques, dont la principale est le désir d’exister, produit de Nidâna et de Mâyâ. Ce désir d’une vie sensible se montre en tout, de l’atome au soleil, et c’est une réflexion de la Pensée Divine projetée dans l’existence objective comme loi qui veut que l’Univers existe. Selon l’enseignement ésotérique, la cause réelle de ce désir supposé et de toute existence reste à jamais cachée, et ses premières émanations sont les abstractions les plus complètes que le mental puisse concevoir. Il nous faut postuler ces abstractions comme cause de cet Univers matériel qui se présente aux sens et à l’intelligence; elles doivent nécessairement être sous-jacentes aux pouvoirs secondaires et subordonnés de la Nature, que la multitude de tous les âges a anthropomorphisés et adorés comme « Dieu » et « dieux ». Il est impossible de concevoir quoi que ce soit sans une cause; essayer de le faire serait réduire le mental à zéro. C’est virtuellement l’état dans lequel le mental doit finalement se trouver lorsque nous essayons de remonter la chaîne des causes et des effets; mais la Science et la Religion se jettent beaucoup plus vite dans cet état qu’il n’est nécessaire, car elles ignorent les abstractions métaphysiques qui sont les seules causes concevables des concrétisations physiques. Ces abstractions deviennent de plus en plus concrètes jusqu’à mesure qu’elles s’approchent de notre plan d’existence, jusqu’à ce que, finalement, elles deviennent phénoménales, sous forme d’Univers matériel, par un procédé de conversion de métaphysique en physique analogue à celui par lequel la vapeur se condense en eau, et l’eau se congèle en glace.

b) L’idée de « l’Éternel Non-Être qui est « l’Être Unique » paraîtra un paradoxe à quiconque ne se rappelle pas que nous limitons nos idées d’Être à notre conscience présente de l’Existence, en faisant un terme spécifique plutôt que générique. Un enfant non encore né, s’il pouvait penser, dans l’acception que nous donnons à ce mot, limiterait nécessairement de la même manière sa conception de l’Être à la vie intra-utérine, - la seule qu’il connaisse, - et s’il cherchait à exprimer à sa conscience l’idée de la vie après la naissance (pour lui, la mort), il arriverait probablement, faute de données de bases et de facultés pour comprendre celles-ci, à exprimer cette vie comme le « Non-Être qui est l’Être Réel ». Dans notre cas, l’Être Unique est le noumène de tous les noumènes que nous savons être sous-jacents à tous les phénomènes et leur donner le peu d’ombre de réalité qu’ils possèdent, mais pour lesquels nous manquons des sens et de l’intelligence nécessaire à leur connaissance. Les atomes impalpables d’or parsemés à travers la substance d’une tonne de quartz aurifiée sont peut-être imperceptibles à l’oeil Nu du mineur, cependant celui-ci sait que non seulement ils y sont, mais qu’eux seuls donnent à son quartz une valeur appréciable; et cette relation entre l’or et le quartz ne peut que faiblement esquisser celle qui existe entre le noumène et le phénomène. Mais le mineur sait ce que sera l’or extrait, tandis que le mortel ordinaire ne peut avoir aucune conception de la réalité des choses séparée de la Mâyâ qui les voile et où elles sont cachées. L’Initié seul, riche de la science acquise par les nombreuses générations de ses devanciers, dirige « l’Oeil de Dangma » vers l’essence des choses sur lesquelles Mâyâ ne peut avoir d’influence. C’est ici que les enseignements de la Philosophie ésotérique, dans ses relations avec les Nidânas et les Quatre Vérités, deviennent d’une grande importance, mais ils sont secrets.

Stance I (8)

8. Seule, l’unique forme de l’Existence (a) s’étendait sans Bornes, infinie, sans cause, dans son sommeil sans Rêve (b), et la Vie vibrait inconsciente dans l’Espace universel, partout en cette Présence Absolue qui est ressentie par l’Oeil Ouvert de Dangma. [ Aux Indes, on l’appelle « l’Œil de Shiva », mais au-delà des Grandes Montagnes, il est connu, dans la phraséologie ésotérique, comme « l’Œil Ouvert de Dangma ». Dangma signifie une âme purifiée, celle qui est devenue un Jivanmukta, l’Adepte le plus élevé ou, pour mieux dire, un Mahâtmâ. Son « Oeil Ouvert » est l’oeil spirituel interne du voyant, et la faculté qui en résulte n’est pas la clairvoyance dans son acception ordinaire, c'est-à-dire la possibilité de voir à distance, mais plutôt la faculté d’intuition spirituelle au moyen de laquelle la connaissance directe et certaine est obtenue. Cette faculté est intimement liée au « troisième oeil » que la tradition mythologique attribue à certaines races d’hommes. ]

a) La tendance de la pensée moderne est de recourir à l’idée très ancienne d’une base homogène pour des choses en apparence très différentes – l’hétérogénéité développée et l’homogénéité. Les biologistes cherchent en ce moment leur protoplasme homogène, et les chimistes leur protyle, tandis que la Science cherche la force dont l’électricité, le magnétisme, la chaleur, etc., sont les différenciations. La DOCTRINE SECRÈTE porte cette idée dans la métaphysique, et postule une « Seule Forme d’Existence » comme base et source de toutes choses. Mais peut-être que la phrase une « Seule Forme d’Existence » n’est pas tout à fait correcte. Le mot sanscrit est Prabhavâpyaya, « l’endroit [ou plutôt le plan] d’où tout sort et dans lequel tout rentre », comme dit un commentateur. Ce n’est pas la « Mère du Monde », comme le traduit Wilson,[ Vishnu Purâna. I. Chap. II ] car Jagad Yôni, ainsi que le montre Fitzeward Hall, n’est pas tant la « Mère du Monde », ou « Matrice du Monde »,[ Ibid. I. II. ] que la « Cause Matérielle du Monde »Les commentateurs Purâniques l’interprètent par Kârana, « Cause », mais la Philosophie Ésotérique en fait l’esprit idéal de cette cause. Dans son étape secondaire, c’est la Svabhâvat du philosophe bouddhiste, la Cause et l’Effet Éternels, omniprésents et cependant abstraits, l’Essence plastique soi-existante et la Racine de toutes choses, regardées sous le même double jour que celui sous lequel le Védantin regarde son Parabrahman et sa Mulaprakriti, l’un sous deux aspects. Il paraît, en vérité, extraordinaire de trouver de grands savants spéculant sur la possibilité que le Védânta, et surtout l’Uttara Mimânsâ, aient été « évoquées par les enseignements des Bouddhistes », lorsqu’au contraire c’est le Bouddhisme, l’enseignement de Gâutama Bouddha, qui a été « évoqué » et entièrement construit sur les données de la DOCTRINE SECRÈTE dont on essaye de donner ici une esquisse partielle et sur laquelle aussi on fait reposer les Upanishads [ et cependant, une personne qui prétend être une autorité, Sir Monnier Williams Boden, professeur de sanscrit à Oxford, vient de nier le fait. Voici ce qu’il a enseigné à son auditoire, le 4 juin 1888, dans son allocution annuelle à l’Institut Victoria de Grande-Bretagne : « À l’origine le Bouddhisme se montra opposé à l’ascétisme solitaire … pour parvenir aux hauteurs sublimes de la connaissance. Il n’avait pas de système occulte ni ésotérique caché aux hommes ordinaires. » (!!!) Et encore : « Lorsque Gâutama Bouddhâ commença sa carrière, la forme dernière et inférieure de Yôga paraît avoir été très peu connue. » Et alors, se contredisant, le savant conférencier enseigne à son auditoire que « nous apprenons du Lalista Vistara que des formes variées de torture corporelles, de macérations et d’austérités, étaient communes au temps de Gautama » (!!!). Mais le conférencier paraît ne pas savoir que cette espèce de torture et de macération est précisément la forme inférieure de Yôga, le Hatha Yôga, système qui, d’après le conférencier, « était très peu connu », et cependant si « commun » au temps de Gautama! ]. Selon les enseignements de Shrî Shankarâchârya, il est impossible de nier notre assertion.[ On prétend même que les six Darshanas ou Écoles de Philosophie présentent des traces de l’influence de Bouddha, traces dérivées soit du Bouddhisme, soit des enseignements grecs. (Voir Weber, Max Muller, etc.) Nous nous rappelons heureusement que Colebrooke, « la plus grande autorité sur de tels sujets », a, depuis longtemps, tranché la question, en démontrant que « les hindous furent, dans ce cas, les maîtres et non des élèves ». ]

b) Le « Sommeil sans Rêve » est un des sept états de conscience connus dans l’Ésotérisme Oriental. Dans chacun de ces états, une partie différente du mental se met en action; ou, comme dirait un Védântin, l’individu est conscient sur un plan différent de son être. Le terme « Sommeil sans Rêve », dans ce cas, est appliqué allégoriquement à l’Univers pour exprimer une condition un peu analogue à cet état de conscience en l’homme qui, ne donnant lieu à aucun souvenir à l’état de veille, paraît n’avoir pas existé; de même que le sommeil d’un sujet magnétisé lui paraît avoir été dépourvu de conscience lorsqu’il retourne à sa condition normale, quoi qu’il vienne de parler et d’agir comme l’aurait fait un individu conscient.

Stance I (9)

9. Mais où était Dangma lorsque l’Alaya de l’Univers [ L’âme, comme base de tout, l’Anima Mundi. ]était en Paramârtha (a) [ L’Être Absolu et la Conscience absolue qui sont le Non-Être Absolu et l’Inconscience Absolue. ] Et que la grande Roue était Anupâdaka (b)?

a) Nous avons ici le sujet qui fit, pendant des siècles, le fond des disputes scolastiques. Les deux termes « Alaya » et « Paramârtha » ont été la cause d’une foule de discussions dans les écoles et de l’éclatement de la vérité en un plus grand nombre d’aspects que cela n’a été le cas pour d’autres mots mystiques. Alaya est l’Âme du Monde, ou Anima Mundi – la Sur-Âme d’Emerson – qui, selon l’enseignement ésotérique, change périodiquement de nature. Quoique Alaya soit éternelle et sans changement, dans son essence interne sur les plans que ne peuvent atteindre ni l’homme ni même les dieux cosmiques (Dhyâni-Bouddhas), elle change pourtant pendant la période de vie active par rapport aux plans inférieurs, y compris les nôtres. Pendant ce temps, non seulement les Dhyâni-Bouddhas sont un avec Alaya, en Âme et en Essence, mais l’homme même qui est puissant en Yôga (Méditation Mystique) « est capable de plonger son âme avec elle », comme le dit Aryâsanga, de l’école Yôgâchârya. Ce n’est pas le Nirvâna, mais une condition qui en est voisine. De là, le désaccord. Ainsi, pendant que les Yôgâchâryas de l’École Mahâyâna disent qu’Alaya (en tibétain, Nyingpo et Tsang) est la personnification de la Vacuité, et cependant la base de toutes choses visibles et invisibles, et que, quoique éternelle et immuable dans son essence, elle se réfléchit dans chaque objet de l’Univers, « comme la lune dans l’eau claire et tranquille », d’autres écoles contestent cette proposition. De même pour Paramârtha. Les Yôgâchâryas interprètent ce terme comme ce qui dépend aussi d’autres choses (paratantra); et les Madhyamikas disent que Paramârtha est limité à Paranishpanna ou Perfection Absolue; c’est-à-dire que, dans l’exposition de ces « Deux Vérités » parmi les quatre, les premiers croient et maintiennent qu’au moins sur ce plan, il n’existe que Samvritisatya ou la vérité relative; et les derniers enseignent l’existence de Paramârthasatva, la Vérité Absolue.[ « Paramârthasatya » est la soi-conscience, Svasamvédanâ, la réflexion qui s’analyse, - de parama, au-dessus de tout, et artha, compréhension. Satya veut dire l’être absolu et vrai, ou esse. En tibétain, Paramârthasatya est Don-dampai-denpa. L’opposé de cette réalité absolue est Samvritisatya, - la vérité relative seulement, - Samvriti signifiant « conception fausse » et étant l’origine de l’illusion, Mâyâ. En Tibétain Kundzab-chi-denpa, « l’apparence qui crée l’illusion » ] .« Aucun Arhat, ô mendiants, ne peut atteindre la connaissance absolue avant d’être un avec Paranirvâna. Parikalpita et Paratantra sont ses deux grands ennemis.» [ Aphorismes des Boddisattvas. ] Parakalpita (en tibétain, Kun-tag) est l’erreur commise par ceux qui sont incapables de réaliser la nature vide et illusoire de tout et qui croient qu’une chose inexistante existe – par exemple le Non-Ego.Et Paratantra, quoi qu’il en soit, est ce qui existe seulement par un lien dépendant ou accidentel, et qui doit disparaître dès que la cause dont il procède a disparu, comme la flamme par rapport à la mèche. Détruisez ou éteignez-la, et la lumière disparaît.

La philosophie Ésotérique enseigne que tout vit et est conscient, mais non que toute vie et toute conscience soient semblables à celles des êtres humains, ou même des animaux. Nous regardons la vie comme la Forme Unique de l’Existence, se manifestant dans ce qu’on appelle Matière; ou dans ce que (les séparant à tort)  nous nommons, dans l’homme, l’Esprit, l’Âme et la Matière. La matière est le Véhicule pour la manifestation de l’Âme sur ce plan d’existence et sur un plan plus élevé l’Âme est le Véhicule pour la manifestation de l’Esprit, et les trois forment une Trinité synthétisée par la Vie qui les pénètre tous. L’idée de la Vie Universelle est une de ces conceptions anciennes qui, dans ce siècle, sont en train de revenir dans le mental humain comme résultat de sa libération de la Théologie anthropomorphique. Il est vrai que la Science se contente de tracer ou de postuler les signes de cette Vie Universelle et n’a pas encore été assez hardie pour proférer le mot « Anima Mundi »! L’idée de la « vie cristalline », familière maintenant à la science, aurait été rejetée avec mépris il y a un demi-siècle. Les botanistes cherchent en ce moment les nerfs des plantes, non parce qu’ils supposent que les plantes peuvent sentir et penser comme les animaux, mais parce qu’ils croient qu’une organisation semblable aux nerfs de la vie animale est nécessaire pour expliquer la croissance et la nutrition des végétaux. Il paraît presque impossible que la science se contente du simple usage de termes tels que « force » et « énergie » et tarde plus longtemps à reconnaître que les choses qui ont de la vie sont des choses vivantes, qu’elles soient atomes ou planètes.

Mais le lecteur peut demander quelle est la croyance des Écoles Ésotériques intérieures? Quelles sont les doctrines enseignées sur ce sujet par les « Bouddhistes » Ésotériques? avec eux, nous répondrons : Alaya a une signification double et même triple. Dans le système Yôgâchârya de l’École Mahâyâna contemplative, Alaya est, en même temps, l’Âme Universelle, Anima Mundi, et le Soi d’un Adepte avancé. « Celui qui est puissant dans le Yôga peut introduire à volonté son Alaya, au moyen de la méditation, dans la vraie nature de l’Existence. » « L’Alaya a une existence absolue et éternelle », dit Aryâsanga, le rival de Nâgârjuna. [ Aryâsanga était un Adepte pré-chrétien; il fonda une école bouddhiste ésotérique, quoique Csoma de Korös place, pour une raison qui lui est personnelle, au VIIe siècle après J.-C.. Il y eut un autre Aryâsanga qui vécut pendant les premiers siècles de notre ère, et il est probable que le savant Hongrois confond les deux. ] Dans un sens, c’est Pradhâna, qui est définie, dans le Vishnu Purâna de la façon suivante : «  Ce qui est la cause non évoluée est appelée énergiquement, par les sages les plus éminents, Pradhâna, base originelle, qui est Prakriti subtile, c’est-à-dire ce qui est éternel et ce qui, en même temps, est [ou contient ce qui est ] et [ce qui ] n’est pas, ou n’est qu’un simple processus ».[ Vishnu Purâna, I, II, p. 20, note. ] [« La cause indiscrète, qui est uniforme, qui est cause et effet, et que ceux qui connaissent les premiers principes appellent Pradhâna et Prakriti, est le Brahmâ inconnaissable qui était avant tout [ Vishnu Purâna, Wilson, I, chap.  II, p. 21. Cité du Vayu Purana. ] », ce qui veut dire que Brahmâ n’évolue ni ne crée, mais expose seulement des aspects divers de lui-même; l’un d’eux est Prakriti, aspect de Pradhâna.« Prakriti », cependant est un mot incorrect, et Alaya expliquerait mieux la chose, car Prakriti n’est pas le « Brahma inconnaissable ». C’est la faute de ceux qui ne savent rien de l’Universalité des doctrines occultes conservées depuis le berceau des races humaines, c’est surtout des savants qui rejettent l’idée même d’une « révélation primordiale » d’enseigner, à tort, que l’Anima Mundi, la Vie Une ou Âme Universelle a été découverte par Anaxagore ou à son époque. Ce philosophe n’a produit cet enseignement que pour contrebalancer les conceptions trop matérialistes de Démocrite sur la Cosmogonie, conceptions basées sur la théorie exotérique d’atomes mus aveuglément. En fait Anaxagore de Clazomène ne fut l’inventeur de la doctrine précitée, mais seulement son vulgarisateur, - de même que Platon. Ce qu’il appelait l’intelligence du monde. Nous (Νους), principe qui, selon lui, est absolument séparé et libre de la matière et qui agit avec un but préconçu, était nommé Mouvement, Vie Une, ou Jivâtmâ, dans l’Inde, longtemps avant le cinquième siècle de l’ère pré-chrétienne. Mais les philosophes âryens n’ont jamais doué ce principe, qui pour eux est infini de l’attribut « fini » de la « pensée ». [Je veux dire ici la soi-conscience finie. Comment, en effet, l’Absolu pourrait-il l’atteindre autrement que comme aspect, le plus haut de ces aspects qui nous soit connu est la conscience humaine? ]

cela conduit naturellement à « l’Esprit Suprême » d’Hegel et des transcendantalistes allemands – contraste qu’il est peut être utile d’indiquer.  Les Écoles de Schelling et de Fichte se sont grandement écartées de la conception primitive et archaïque d’un Principe Absolu, et n’ont reflété qu’un aspect de l’idée fondamentale du Védânta. Même l’« Absoluter Geist », esquissé par von Hartmann, dans sa philosophie pessimiste de l’« Inconscient »,  tout en étant peut-être l’approximation la plus étroite de l’Advaïtisme hindou qu’ait atteinte la spéculation européenne, est lui-même encore très loin de la réalité.

Selon Hegel, l’ « inconscient » n’aurait jamais entrepris la tâche si vaste et si laborieuse d’évoluer l’Univers, si ce n’est dans l’espoir d’arriver à la Soi-Conscience. À ce propos, il faut se rappeler qu’en qualifiant l’Esprit – mot que les Panthéistes européens emploient comme équivalent de Parabrahman – d’Inconscient, ils n’attachent pas à cette expression la signification qu’elle comporte ordinairement. Ils l’emploient parce qu’ils n’ont pas de meilleur terme pour symboliser un mystère profond.

Ils nous disent que « la Conscience Absolue, qui est derrière le phénomène » et qui n’est appelée inconscience que parce qu’il n’y a en elle aucun élément de personnalité, transcende la conception humaine. L’homme, impuissant à former le plus petit concept autrement qu’en termes de phénomènes empiriques, est incapable, par la constitution même de son être, de soulever le voile qui cache la majesté de l’Absolu. L’Esprit libéré, seul, est capable de saisir faiblement la nature de la source d’où il est sorti, et où il doit, à la longue, revenir. Comme cependant le Dhyân-Chôhan le plus élevé ne peut que se courber, dans son ignorance, devant le mystère terrible de l’Être Absolu, et puisque, même à ce point culminant de l’existence consciente, - « l’individu se fondant dans la conscience universelle », pour se servir d’une phrase de Fichte, - le Fini ne peut concevoir l’Infini, ni ne peut lui appliquer ses propres étalons d’expériences mentales, comment peut-on même dire que l’Inconscient et l’Absolu peuvent avoir une impulsion instinctive, ou l’espoir d’arriver à la claire Soi-Conscience [ voir le Handbook of the History of Philosophy de Schwegler, dans la traduction de Sterling, p. 28. ]– Un Védântin, de plus, n’admettrait jamais cette idée Hégelienne, et un occultiste dirait qu’elle s’applique parfaitement au Mahat éveillé, - c’est-à-dire au Mental Universel déjà projeté dans le monde phénoménal comme premier aspect de l’immuable Absolu, - mais jamais à ce dernier. On nous enseigne que « l’Esprit et la Matière, ou Purusha et Prakriti ne sont que les deux aspects primitifs de l’Un qui est sans Second ».

Le « Nous qui fait mouvoir la matière, l’Âme qui anime, immanente dans chaque atome, manifestée dans l’homme, latente dans la pierre, a différents degrés de pouvoir; et cette idée Panthéiste d’une Âme-Esprit générale, pénétrant toute la Nature, est la plus ancienne de toutes les notions philosophiques. L’Archée ne fut une découverte ni de Paracelse ni de son élève Van Helmont, car ce même Archée est « l’Éther-Père », - base et source manifestée des phénomènes innombrables de la vie, - localisée. Toute la série des spéculations sans nombre de ce genre ne sont que des variations sur le même sujet, et la tonique en a été donnée dans cette « révélation primordiale ».

b) Le terme « Anupâdaka », sans parents, ou sans progéniteurs, est une désignation mystique, ayant, dans notre philosophie plusieurs significations. Par ce nom, on désigne ordinairement les Êtres célestes, les Dhyân-Chôhans, ou Dhyâni-Buddhas. Ces derniers correspondent mystiquement aux Bouddhas et aux Bôdhisattvas humains, connus sous le nom de Mànushi (Humains) Bouddhas et qui, plus tard, sont désignés sous le titre d’Anupâdaka, - lorsque leur personnalité entière est fondue dans leurs Sixième et Septième Principes associés, ou Atmâ-Buddhi, et qu’ils sont devenus les « Âmes-Diamant » (Vajrasattvas, ou Mahâtmas complets [ Vajrapâni ou Vajradhara signifie le possesseur du diamant; en tibétain, Dorjesempa, sempa signifiant l’âme; sa qualité adamantine se rapporte à son indestructibilité dans l’au-delà. L’explication de l’Anupâdaka donnée dans la Kata Chakra, - la première, dans la division Gyut du Kanjur, - est à moitié ésotérique. Elle a entraîné des Orientalistes à des spéculations erronées sur les Dhyâni-Bouddhas et leurs correspondants terrestres, les Mânushi-Bouddhas. La vraie teneur sera donnée à demi-mots dans l’un des volumes suivants du présent ouvrage, et sera plus complètement expliquée, le moment venu. ] )Le « Seigneur Caché » (Sangbai Dag-po), « celui qui est immergé dans l’Absolu », ne peut pas avoir de parents puisqu’il est Soi-Existant et un avec l’Esprit Universel (Svayambhû) [ Pour citer encore une fois Hegel, qui, avec Schelling, accepta en principe la conception Panthéiste d’Avatârs périodiques (incarnations spéciales de l’Esprit du Monde dans l’Homme, comme chez tous les grands réformateurs religieux) : « L’essence de l’homme est l’esprit … ce n’est qu’en se dépouillant de son état fini, et s’abandonnant à la soi-Conscience pure, qu’il peut atteindre à la Vérité. L’Homme-Christ, comme homme en qui l’Unité de l’Homme-Dieu [identité de l’individu avec la Conscience Universelle, comme l’enseignement les Védântins et quelques Advaïtas] apparut a, dans sa mort et dans son histoire en général, présenté lui-même l’histoire éternelle de l’Esprit, - histoire que chaque homme doit accomplir en lui-même, afin d’exister comme Esprit. » - Philosophy of History. Traduction anglaise de Sibrée, p. 340.], Le Svabhâvat dans son aspect le plus élevé. Le mystère de la Hiérarchie de l’Anupâdaka est grand; son sommet est l’Âme-Esprit universelle et sa base le Mânushi-Bouddha; et chaque homme même doué d’une âme est un Anupâdaka à l’état latent. Aussi disons-nous, - lorsque nous parlons de l’Univers, dans sa condition sans forme, éternelle ou absolue, avant qu’il ait été façonné par les constructeurs, - la grande Roue (Univers) était Anupâdaka ».

Stance II (1)

1. Où étaient les Constructeurs, les Fils Lumineux de l’Aurore Manvantarique (a)? Dans les Ténèbres Inconnues, dans leur Ah-HI [ Chôhanique, Dhyâni-Buddhique. ] Paranishpanna. Les Producteurs de la Forme [ Rupa. ] depuis la Non-Forme [ Arupa.], - la Racine du Monde, - Dévamâtri [ « La Mère des Dieux », Aditi, ou l’Espace Cosmique. Dans le Zohar elle s’appelle Séphira, la mère des Séphiroth, et Shekinah, dans sa forme primordiale, in abscondito .] et Svabhâvat, reposaient dans la Félicité du Non-Être (b).

a) « Les Constructeurs », les « Fils de l’Aurore Manvantarique » sont les vrais créateurs de l’Univers; et dans cette doctrine, qui ne s’occupe que de notre Système Planétaire, ils sont ainsi appelés, en leur qualité d’architectes de ce système, les « Veilleurs » des Sept Sphères, qui, exotériquement, sont les sept planètes et, ésotériquement, les sept mondes ou sphères (Globes) de notre Chaîne. La phrase qui, au début de la Stance I, mentionne les « Sept Éternités », s’applique en même temps au Mahâkalpa, ou (Grand) « Âge de Brahmâ », au Pralaya Solaire, et à la résurrection subséquente de notre Système Planétaire sur un plan plus élevé. Il y a de nombreuses sortes de Pralaya (dissolution d’une chose visible), comme on le montrera ailleurs.

b) Il faut se rappeler que le « Paranishpanna » est le summum bonum, l’Absolu, donc la même chose que Paranirvâna. C’est non seulement l’état final, mais encore cette condition de subjectivité qui, sur son propre plan, n’a de relation avec rien si ce n’est avec l’Unique Vérité Absolue (Paramârthasatya). C’est cet état qui conduit à apprécier correctement la pleine signification du Non-Être, qui, comme on l’explique, est l’Être Absolu. Tôt ou tard, tout ce qui, maintenant, paraît exister, sera en réalité et en fait dans l’état de Paranishpanna. Mais il y a une grande différence entre l’Être conscient et l’Être inconscient. La condition de Paranishpanna sans Paramârtha la Conscience qui s’analyse elle-même (Svasamvédâna) n’est pas la félicité, mais simplement l’extinction pendant Sept Éternités. Par exemple, si on place une boule de fer sous les rayons brûlants du soleil, la chaleur la pénétrera, mais elle ne sentira ni n’appréciera la chaleur, tandis qu’un homme le fera. Ce n’est qu’avec un esprit clair non assombri par la Personnalité, et avec une assimilation du mérite de multiples existences dévouées à l’Être dans sa collectivité (tout l’Univers vivant et sentant), que l’on se débarrasse de l’existence personnelle et que l’on se mêle à cet Absolu [ Donc le Non-Être est « l’Existence Absolue » dans la Philosophie Ésotérique. Dans les enseignements de cette dernière, Adi-Buddha même (la Sagesse Première ou Primordiale) est, en un sens, - pendant qu’elle est manifestée, - une illusion, Mâyâ, puisque tous les dieux, y compris Brahmâ, doivent mourir à la fin de l’âge de Brahmâ; l’abstraction nommée Parabrahman, - que nous l’appelions Ain Suph, ou, avec Herbert Spencer, l’Inconnaissable, - est l’Unique Réalité Absolue. L’Existence Unique, sans Seconde, est Advaïta (« sans Seconde ») et tout le reste est Mâyâ : tel est l’enseignement de la Philosophie Advaïta. ], tout en restant dans la pleine possession de Paramârtha.

Stance II (2)

2. Où était le Silence? Où se trouvaient les oreilles pour le percevoir? Non, il n’y avait ni Silence, ni Son (a); rien que le Souffle Éternel [ Mouvement. ], Qui ne cesse jamais, qui ne se connaît pas lui-même (b).

a) L’idée que les choses peuvent cesser d’exister sans cesser d’Être est fondamentale dans la psychologie de l’Orient. Sous cette contradiction apparente de termes, il y a un fait de la Nature, qu’il est plus important de saisir par le mental que d’en discuter les mots. Un exemple vulgaire d’un paradoxe semblable nous est donné dans une combinaison chimique.  La question n’est pas encore résolue de savoir si l’hydrogène et l’oxygène cessent d’exister lorsqu’ils se combinent pour former de l’eau : les uns disent que, puisqu’on les retrouve lorsque l’eau est décomposée, il faut qu’ils y aient été tout le temps; d’autres prétendent que, puisqu’ils se transforment à ce moment en quelque chose d’entièrement différent, il faut qu’ils cessent d’exister, comme tels, pendant ce temps; mais ni les uns ni les autres n’ont pu former la moindre conception de la condition actuelle d’une chose, qui est devenue autre et qui, pourtant n’a pas cessé d’être elle-même. Pour l’oxygène et l’hydrogène, l’existence – comme eau - peut être appelée un état de Non-Être, qui est un « Être plus réel » que leur existence comme gaz, et cela peut faiblement symboliser la condition de l’Univers lorsqu’il s’endort, ou cesse d’être, durent les Nuits de Brahmâ, - pour se réveiller et réapparaître lorsque l’aurore du nouveau Manvantara le rappelle à ce que nous appelons l’existence.

b) Le « Souffle » de l’Existence-Unique est une expression que l’Ésotérisme Archaïque n’emploie qu’en ce qui concerne l’aspect spirituel de la Cosmogonie; dans les autres cas, elle le remplace par son équivalent sur le plan matériel, - le Mouvement. L’Élément Unique Éternel, ou Véhicule contenant l’élément, est l’Espace, l’espace qui est sans dimensions dans tous les sens : avec quoi coexistent la Durée sans Fin, la Matière Primordiale (et par conséquent indestructible) et le Mouvement, - le « Mouvement Perpétuel » Absolu, qui est le « Souffle » de l’Élément « Unique ». Ce souffle, comme on l’a vu, ne peut jamais cesser, pas même pendant les Éternités Pralayiques.

Mais le nom de « Souffle de l’Existence Unique » ne s’applique cependant pas à la Cause Une sans Cause, ou « Tout-Êtreté », par opposition au « Tout-Être », qui est Brahmâ ou l’Univers. Brahmâ, le dieu aux quatre faces, qui, après avoir tiré la Terre des eaux, « accomplit la création », - est tenu pour la Cause Instrumentale seulement, ce qui implique clairement qu’on ne le considère pas comme la Cause Idéale. Aucun Orientaliste, jusqu’ici, ne paraît pas avoir complètement compris le sens réel des versets qui traitent de la « création » dans les Purânas.

Brahmâ y est la cause des pouvoirs qui doivent être plus tard générés pour l’oeuvre de la « création ».  Par exemple, dans le Vishnu Purâna [ Wilson, I, IV, note p. 66 ], cette partie de la traduction qui dit : « et de lui procèdent les pouvoirs qui doivent être créés après qu’ils sont devenus la cause réelle », serait peut-être mieux rendue ainsi : « et de CELA procèdent les pouvoirs qui créeront en devenant la cause réelle [sur le plan matériel] . » À l’exception de cette Cause Unique (sans Cause) et Idéale, il n’est pas de cause à laquelle on puisse rapporter l’Univers. « Cette cause est le plus parfait des ascètes, et c’est par son pouvoir (par le pouvoir de cette cause), que tout ce qui est créé se développe par la nature qui lui est propre ou inhérente. » Si, « dans le Védânta et le Nyâya, nimitta est la cause efficiente opposée à Upâdâna, la cause matérielle (et),  dans le Sânkhya, pradhâna implique les fonctions des deux réunies »; dans la Philosophie Ésotérique, qui réconcilie tous ces systèmes et dont la meilleure interprétation est le Védânta telle qu’il est expliqué par les Védântistes Advaïtistes, on ne peut faire de spéculations que sur l’oupâdâna. Ce que les Vaîhnavas (partisans du Visishthadvaïtisme) tiennent pour l’idéal, par opposition au réel, - ou Parabrahman et Ishvara, - ne peut trouver place dans aucune spéculation publiée, puisque cet idéal même est un terme trompeur lorsqu’il s’applique à ce qu’aucune raison humaine, pas même celle d’un Adepte ne peut concevoir.

Se connaître soi-même nécessite que la conscience et la perception soient connues, et ces deux facultés sont limitées par rapport à n’importe quel sujet, sauf Parabrahman. C’est pourquoi l’on dit que « le Souffle Éternel ne se connaît pas ». L’infini ne peut comprendre le Fini. Le sans Bornes ne peut avoir de relations avec le Borné et le Conditionné. Dans la donnée Occulte, l’Inconnu et le MOTEUR Inconnaissable, ou le Soi-Existant c’est l’Essence Divine Absolue. Et du moment que c’est la Conscience Absolue et le Mouvement Absolu, - pour les sens limités de ceux qui essaient de décrire ce qui est indescriptible, - c’est l’inconscience et l’Immuabilité. La conscience concrète ne peut être l’attribut de la conscience abstraite, pas plus que le mouillé n’est une qualité inhérente à l’eau, - l’humidité est son propre attribut et la cause de la qualité humide en d’autres choses. Conscience implique limitations et qualifications : quelque chose dont il y ait à être conscient, et quelqu’un pour en être conscient. Mais la Conscience Absolue contient celui qui connaît, la chose connue et la connaissance; les trois choses sont à la fois en elle et ne font qu’un. Nul n’est conscient que de la partie de sa connaissance qui peut, à un moment donné, être rappelé à son mental; mais le langage humain est si pauvre que nous n’avons pas de termes pour distinguer la connaissance que nous n’évoquons pas de celle que nous ne pourrions pas rappeler à la mémoire. Oublier est synonyme de ne pas se souvenir. Combien plus difficile nous est-il, dès lors, de trouver des termes pour décrire et distinguer les faits métaphysiques abstraits, et leurs différences! Il ne faut pas oublier, non plus, que nous nommons les choses selon les apparences qu’elles présentent pour nous. Nous appelons la Conscience Absolue « inconscience » parce qu’il nous semble qu’il doit en être nécessairement ainsi; de même que nous appelons l’Absolu « Obscurité », parce que, à notre compréhension finie, cela semble absolument impénétrable; mais nous reconnaissons pleinement que notre perception de ces choses ne leur rend pas justice. Nous distinguons involontairement dans notre mental, par exemple, entre la Conscience Absolue inconsciente, et l’Inconscience, en donnant secrètement à la première une certaine qualité indéterminée qui correspond, sur un plan plus élevé que celui que nos pensées peuvent atteindre avec ce que nous connaissons comme la conscience en nous-mêmes. Mais ce n’est pas là un genre de conscience que nous puissions distinguer de ce qui nous apparaît comme inconscience.

Stance II (3)

3. L’Heure n’avait pas encore sonné; le Rayon n’avait pas encore jailli dans le Germe (a); la Mâtripadma [ Le Lotus-Mère.] ne s’était pas encore gonflée (b).

a) Le « Rayon » du « Toujours Obscur » devient, dans son émission, un Rayon de Lumière rayonnante ou de Vie, et pénètre dans le « germe » - le Point dans l’Oeuf du Monde [ Terme peu poétique, mais très expressif. ], représenté par la Matière dans son sens abstrait. Mais il ne faut pas appliquer ce terme (le Point) à un point particulier de l’Espace, car un germe existe dans le centre de chaque atome, et ceux-ci, collectivement, forment « le Germe »; ou plutôt, comme aucun atome ne peut être rendu visible à notre oeil physique, leur collectivité (si on peut appliquer ce terme à quelque chose qui est sans bornes et infini) forme le noumène de la Matière éternelle et indestructible.

b) L’une des formes symboliques du Double Pouvoir Créateur dans la Nature (la matière et la force sur le plan matériel) est « Padma », le nénuphar de l’Inde. Le Lotus est le résultat de la chaleur (feu), et de l’eau (vapeur ou éther), - le feu représentant dans tout système philosophique et religieux, même dans le christianisme, l’Esprit de la Divinité [ voir vol.2, 2e partie, Section 3. Substance Primordiale et Pensée Divine. ], Le principe actif, mâle, générateur; et l’éther ou l’âme de la matière, la lumière du feu, représentant le principe féminin, passif, dont tout a émané dans cet Univers. Par conséquent, l’éther ou l’eau est la Mère, et le feu est le Père. Sir William Jones – et avant lui la botanique archaïque – démontra que la graine de Lotus contient – même avant  sa germination – des feuilles parfaitement formées, véritable miniature de la plante qui en sortira après complet développement : la nature nous donnant ainsi un exemple de la préformation de ses produits … car les semences de tous les phanérogames ont des fleurs qui contiennent une petite plante embryonnaire déjà formée [ Gross, The Heathen Religion, p. 195 ]. cela explique la phrase « La Mâtri-Padma n’avait pas encore gonflé », car la forme est ordinairement sacrifiée, dans la symbologie archaïque, à l’idée mère ou intérieure.

Le Lotus, ou Padma est, en outre, un symbole favori, très ancien du Kosmos, et aussi de l’homme. Les raisons populaires qui en sont données sont : d’abord, le fait que l’on vient de citer, que la semence du Lotus contient en elle une miniature parfaite de la plante future, ce qui est typique du fait que les prototypes spirituels de toutes choses existent dans le monde non matériel, avant que ces choses soient matérialisées sur la terre; ensuite, l’autre fait que la plante du Lotus pousse dans l’eau, ayant ses racines dans l’Ilus ou la boue et étendant sa fleur dans l’air qui est au-dessus. Le Lotus est ainsi le type de la vie de l’homme et de celle du Kosmos; car la DOCTRINE SECRÈTE enseigne que les éléments des deux sont les mêmes, et que l’un et l’autre se développent dans la même direction. La racine du Lotus enfoncée dans la boue représente la vie matérielle, la tige qui passe à travers l’eau symbolise l’existence dans le monde astral, et la fleur qui flotte sur l’eau et s’ouvre au ciel est l’emblème de l’être spirituel.

Stance II (4)

4. Son Coeur ne s’était pas encore ouvert pour laisser entrer le Rayon Unique, et le laisser tomber ensuite comme Trois en Quatre, dans le Sein de Mâyâ.

 La Substance Primordiale n’avait pas encore quitté son état latent précosmique, pour l’objectivité différenciée; elle n’était même pas devenue le Protyle de la Science, encore invisible (à l’homme jusqu’à présent). Mais dès que « l’heure sonne » et qu,elle devient réceptive à l’impression Fohatique de la Pensée Divine, - le Logos ou l’aspect mâle de l’Anima Mundi, l’Alaya, - son « Coeur » s’ouvre. Il se différencie et les trois (Père, Mère, Fils) sont transformés en Quatre. Ici se trouve l’origine du double mystère de la Trinité et de l’Immaculée Conception. Le dogme premier et fondamental de l’Occultisme, c’est l’Unité (ou Homogénéité) Universelle sous trois aspects. Cela conduit à une conception possible de la Divinité qui, comme Unité absolue, doit rester toujours incompréhensible aux intellects finis.

« Si tu veux croire au Pouvoir qui agit dans la racine d’une plante, ou imaginer la racine qui est cachée sous le sol, tu dois penser à sa tige ou tronc, à ses feuilles et à ses fleurs. Tu ne peux pas imaginer ce Pouvoir indépendamment de ces objets. La vie ne peut être connue que par l’Arbre de Vie…[ Precepts for Yôga. ]. »

L’idée de l’Unité Absolue serait entièrement détruite dans notre conception si nous n’avions pas devant nous quelque chose de concret pour contenir cette Unité. Et la Divinité étant absolue, est nécessairement omniprésente; par conséquent, il n’existe pas d’atome qui ne contienne CELA en lui. Les racines, le tronc et ses nombreuses branches sont trois objets distincts, et cependant ils ne sont qu’un seul arbre. Les Kabalistes disent : La Divinité est une, parce qu’Elle est infinie. Elle est triple, parce qu’Elle est toujours en manifestation.» Cette manifestation est triple dans ses aspects, car il faut, comme dit Aristote, trois principes pour que chaque corps naturel devienne objectif : la privation, la forme et la matière [ Un Védântin de la Philosophie Visishthadvaïta dirait que, quoique étant la seule Réalité indépendante, Parabrahman est inséparable de Sa Trinité. Qu’il est trois, « Parabrahman, Chit et Achit », les deux derniers étant des réalités dépendantes, incapables d’exister séparément; ou, pour plus de clarté, que Parabrahman est la SUBSTANCE – immuable, éternelle et inconnaissable, - et Chit (Atma) et Achit (Anâtmâ), ses qualités, comme la forme et la couleur sont les qualités de n’importe quel objet. Les deux sont le vêtement ou corps, ou plutôt l’aspect (sharira) de Parabrahman. Mais un Occultiste trouverait beaucoup à dire contre cette assertion et le Védântin Advaïta aussi. ]. La Privation signifiait, dans le mental du grand philosophe, ce que les Occultistes nomment les prototypes imprimés sur la Lumière Astrale, - le dernier plan et monde de l’Anima Mundi. L’union de ces trois principes dépend d’un quatrième, - la Vie, - qui rayonne des sommets de l’Inapprochable, pour devenir une Essence d’une diffusion Universelle sur les plans manifestés de l’Existence. Et ce QUATERNAIRE (Père, Mère, Fils, comme Unité, et Quaternaire comme manifestation vivante) a été le chemin qui a conduit à l’Idée archaïque de l’Immaculée Conception, idée finalement cristallisée maintenant en dogme de l’Église chrétienne, laquelle a incarné cette idée métaphysique au-delà de tout sens commun. On n’a qu’à lire la Kabale, en effet, et étudier ses méthodes d’interprétation numérique pour trouver l’origine de ce dogme qui est purement astronomique, mathématique, et surtout métaphysique : l’Élément Mâle dans la Nature (personnifié par les divinités mâles et les Logoi  - Virâj ou Brahmâ, Horus ou Osiris, etc.) est né par, et non pas de, une source immaculée, personnifiée par la << Mère>> ; en effet, ce Mâle ayant une Mère ne peut avoir un « Père » - car la Divinité Abstraite est sans sexe, n’est même pas un Être, mais l’Étreté ou la Vie elle-même. Exprimons cela dans le langage mathématique de l’auteur de The Source of Measures. En parlant de la « Mesure d’un Homme » et de sa valeur numérique (kabalistique), il dit que, dans la Genèse, IV, I,

« C’est appelé la Mesure « de l’Homme et même de Jéhovah » et qu’on l’obtient de la façon suivante : 113 X 5 = 565; et le nombre 565 peut être exprimé par 56,5 X 10. Ici le nombre-Homme 113 devient un facteur de 56,5 X 10, et l’interprétation(kabalistique) de cette dernière expression est Yod, He, vau, He ou Jéhovah … le développement de 565 en 56,5 X 10 sert à démontrer l’émanation du principe mâle (Jod) du principe femelle (Eva); ou, pour ainsi dire, la naissance d’un élément mâle d’une source immaculée, en d’autres termes, une immaculée conception. »

Voilà comment se répète, sur la terre, le mystère qui s’accomplit selon les voyants, sur le plan divin. Le « Fils » de Vierge Immaculée et Céleste (ou le Protyle Cosmique non différencié, la Matière dans son infini) est né encore une fois sur la terre comme Fils de l’Ève terrestre, notre mère la Terre, et devient l’Humanité entière, - passée, présente et future, - car Jéhovah ou Jod-Hé-Vau-Hé, est androgyne, ou mâle et femelle à la fois. En haut, le Fils est le KOSMOS entier; en bas, il est l’HUMANITÉ. La Triade ou Triangle devient la Tétraktys, le nombre sacré pythagoricien, le Carré parfait, et, sur la terre, un cube à six faces. Le Macroposope (la Grande Face) est alors Microposope (la Petite Face), ou, comme disent la Kabalistes, l’Ancien des Jours, descendant sur Adam Kadmon, dont il se sert comme véhicule de manifestation, se transforme en Tétragramme. Il est alors dans « le Sein de Mâyâ », la Grande Illusion, et entre lui et la Réalité se trouve la Lumière Astrale, le grand Trompeur des sens bornés de l’homme, à moins que la Connaissance, par le moyen de Paramârthasatya, ne vienne à son aide.

Stance II (5)

5. Les Sept [ Le fils. ]n’étaient pas encore nés du Tissu de la Lumière. Les Ténèbres seules étaient Père-Mère, Svabhâvat : et Svabhâvat était dans les Ténèbres.

Dans les Stances ici données, la DOCTRINE SECRÈTE s’occupe principalement, sinon entièrement, de notre Système Solaire, et surtout de notre Chaîne Planétaire. Par conséquent, les « Sept Fils » sont les créateurs de cette dernière. On développera cela plus tard [ voir 2e Partie, Section 12 : La Théogonie des Dieux Créateurs. ].

Svabhâvat, « L’Essence Plastique » qui emplit l’Univers est la racine de toutes choses. Svabhâvat est, pour ainsi dire, l’aspect Bouddhiste concret de l’abstraction qui est appelée, dans la philosophie hindoue, Mûlaprakriti. C’est le corps de l’Âme, et ce que serait L’Éther à l’Akasha, ce dernier étant le principe même qui anime le premier. Les mystiques chinois en ont fait le synonyme de « L’Être ». Dans la traduction chinoise de l’Ekashloka-Shastra de Nâgârjuna (le Lung-shu de la Chine) appelé Yihshu-lu-kia-lun, on dit que le terme « Être » ou « Subhâva » (Yu [ Litt. Existence ] en chinois) signifie « la Substance donnant la substance à elle-même »; l’auteur ou traducteur l’explique aussi comme signifiant « sans action et avec action », « la nature qui n’a pas de nature propre ».Subhâva, dont Svadhâvat est dérivé, se compose de deux mots : su, joli, beau, bon; et bhâva, être, ou états d’être

Stance II (6)

6. Ces Deux-là sont le Germe, et le Germe est Un. L’Univers était encore caché dans la Pensée Divine et dans le Sein Divin.

La « Pensée divine » n’implique pas l’idée d’un Penseur Divin. L’Univers, non seulement passé, présent et futur – idée humaine et finie, rendue par une pensée finie – mais l’univers total, le at (terme intraduisible), l’Être Absolu avec le Passé et l’Avenir cristallisés dans un éternel Présent, voilà cette Pensée, réfléchie dans une cause secondaire ou manifestée. Brahman (neutre), comme Mysterium Magnum de Paracelse, est un mystère absolu pour le mental humain. Brahmâ, le mâle-femelle, aspect et réflexion anthropomorphiques de Brahman, est concevable aux perceptions de la foi aveugle quoique rejeté par l’intellect humain parvenu à sa majorité [ voir vol. 2, Partie 2, Section 3 : Substance Primordiale et Pensée Divine. ].

C’est pourquoi il est dit que pendant le prologue, pour ainsi dire, du drame de la création, ou le commencement de l’évolution cosmique, l’Univers, ou le « Fils », est encore caché « dans la Pensée Divine » qui n’avait pas encore pénétré le « Sein Divin ». Cette idée – qu’on le remarque bien – se trouve à la base et forme l’origine de toutes les allégories au sujet des « Fils de Dieu » nés de vierges immaculées.

Stance III (1)

1. La dernière Vibration de la Septième Éternité tressaille à travers l’Infini (a). La Mère se gonfle, elle croît de dedans en dehors, comme le Bouton du Lotus (b).

a) L’emploi en apparence paradoxal du terme « Septième Éternité », terme qui divise ainsi l’indivisible, est sanctifié dans la Philosophie Ésotérique. Cette dernière divise la Durée sans bornes en Temps inconditionné, éternel et universel (Kâla), et en Temps conditionné (Khandakâla). L’un est l’abstraction ou le noumène du Temps infini, l’autre son phénomène apparaissant périodiquement comme effet de Mahat – l’Intelligence Universelle, limitée par la durée manvantarique. Dans quelques écoles, Mahat est le premier-né de Pradhâna (la Substance non différenciée, ou aspect périodique de Mûlaprakriti, la Racine de la Nature), laquelle (Pradhâna) est appelée Mâyâ, Illusion. Sur ce point, je crois que l’enseignement Ésotérique diffère de la doctrine Védântine des écoles Advaïta et Visishthadvaïta. Car il est dit que, tandis que Mûlaprakriti, le noumène, est soi-existant et sans origine, - en un mot, sans parents, Anupâdaka, un avec Brahman, - Prakriti, son phénomène, est périodique et simplement le fantôme du premier; de même, Mahat, le premier-né de Jnâna (ou Gnôsis), la Connaissance, la Sagesse, le Logos, - est un fantôme réfléchi du Nirguna Absolu (Parabrahman), la Réalité Unique, « sans attributs, ni qualités »; tandis que, selon quelques Védântins, Mahat serait une manifestation de Prakriti ou Matière.

b) Par conséquent, « la dernière Vibration de la Septième Éternité » n’était pas « prédestinée » par aucun Dieu, mais se présentait  comme résultat d’une Loi éternelle et immuable qui est la cause des grandes périodes d’Activité et de Repos appelées si expressément, et en même temps si poétiquement, les Jours et les Nuits de Brahmâ. L’expansion «  de dedans en dehors » de la Mère, appelée ailleurs les « Eaux de l’Espace », « la Matrice universelle », etc., ne fait pas allusion à l’expansion d’un petit centre ou foyer, mais signifie le développement d’une subjectivité sans limites devenant objectivité sans plus de limites, et cela sans référence à une question de dimensions de bornes ou d’étendue. « La Substance (pour nous) toujours invisible et immatérielle, qui est présente dans l’éternité, jeta son Ombre périodique, de son plan dans le Sein de Mâyâ. » Cela implique que cette expansion, n’étant pas une augmentation de dimension, - car l’extension infinie n’admet pas d’augmentation, - était un changement de condition. Elle s’épanouit « comme le bouton du Lotus »; car la plante du Lotus n’existe pas seulement en embryon miniature dans sa graine (ce qui est sa caractéristique physique), mais son prototype est présent en une forme idéale dans la Lumière Astrale, depuis « l’Aurore » jusqu’à la « Nuit », pendant la période manvantarique, comme tout, du reste, dans cet Univers objectif, - de l’homme à la mîte, de l’arbre géant au brin d’herbe le plus infime.

Tout cela, nous dit la Science cachée, n’est que la réflexion temporaire, l’ombre du prototype éternel idéal qui repose dans la Pensée Divine; et notez que le mot « Éternité » m’a ici que la signification d’ « Aeon », c’est-à-dire ce qui dure à travers ce qui paraît interminable, bien que ce ne soit que le cycle d’activité que nous appelons Manvantara. Quelle est, en effet, la signification réelle et ésotérique du mot Manvantara, ou plutôt Manuantara? Il signifie, littéralement, « entre deux Manous »; il y a quatorze Manous dans chaque Jour de Brahmâ, et chacun de ces derniers comprend mille fois les quatre Âges; mille « Grands Âges » ou Mahâyugas. Analysons maintenant le mot de Manou. Les Orientalistes, dans leurs dictionnaires, nous disent que le terme « Manu » vient de la racine man, « penser »; c’est, par conséquent, « l’homme pensant ». Mais, ésotériquement, chaque Manou – véritable anthropomorphisé du cycle spécial (ou Ronde) auquel il préside – n’est que l’idée personnifiée de la « Pensée Divine » (comme le Pymandre Hermétique), le dieu particulier, le créateur, le façonneur de tout ce qui apparaît pendant le cycle ou Manvantara qui lui est propre. Fohat est le serviteur des Manus (ou Dhyân-Chôhans), et est cause que les prototypes idéaux s’épanouissent de dedans en dehors, c’est-à-dire traversent peu à peu, sur une échelle descendante, tous les plans, de celui des noumènes à celui des phénomènes, le plus bas, pour fleurir sur ce dernier en pleine objectivité comme summum de l’illusion, ou de la matière dans son état le plus grossier.

Stance III (2)

2. La Vibration se propage soudain, touchant [ simultanément. ]De son Aile rapide tout l’Univers et le Germe qui réside dans les Ténèbres, les Ténèbres qui soufflent [ se meuvent. ]sur les Eaux sommeillantes de la Vie.

La Monade pythagoricienne est dite aussi habiter dans la solitude et les « Ténèbres », comme le « Germe ». L’idée du « Souffle » des Ténèbres se mouvant sur les « Eaux sommeillantes de la Vie » - qui sont la Matière Primordiale contenant l’Esprit latent – rappelle le premier chapitre de la Genèse. Son original est le Narâyana brahmanique (celui qui se meut sur les Eaux), personnification du Souffle Éternel du Tout inconscient (ou Parabrahman) des Occultistes orientaux. Les Eaux de la Vie, ou le Chaos – en symbolisme le principe féminin – sont le vide (pour notre vue mentale) dans lequel se trouvent à l’état latent l’Esprit et la Matière. C’est ce qui fit dire à Démocrite, d’après son précepteur Leucippe, que les principes primordiaux de tout étaient des atomes et un vide – vide au sens d’espace, mais non d’espace vide, car la « Nature a horreur du vide », selon les Péripatéticiens et tout philosophe de l’antiquité.

Dans toutes les Cosmogonies, « l’Eau » joue le même rôle important. Elle est la base et la source de l’existence matérielle. Les savants, prenant le mot pour la chose, ont compris par là qu’il s’agissait de la combinaison chimique définie par l’oxygène avec l’hydrogène et ont donné ainsi une signification spécifique à un terme dont les Occultistes se servent dans un sens générique, et auquel on donne, en Cosmogonie, un sens mystique et métaphysique. La glace n’est pas l’eau, la vapeur non plus, les trois pourtant ont la même composition chimique.

Stance III (3)

3. Les Ténèbres rayonnent la Lumière, et la Lumière laisse tomber un Rayon solitaire dans les Eaux, dans l’Abîme-Mère. Le Rayon traverse rapidement l’Oeuf Vierge; il fait frissonner l’Oeuf Éternel, qui laisse tomber le Germe non éternel [ périodique ], qui se condense en l’Oeuf du Monde.

Le « Rayon solitaire » tombant dans « l’Abîme-Mère » peut être pris comme signifiant la Pensée Divine, ou l’Intelligence imprégnant le Chaos. C’est ce qui se passe sur le plan de l’abstraction métaphysique, ou plutôt sur le plan où ce que nous appelons une abstraction métaphysique est une réalité. L’ « Œuf Vierge »  étant, en un sens, l’Ovarité abstraite, c’est-à-dire le pouvoir de se développer par la fécondation, est éternel et à jamais le même. Et comme la fécondation d’un oeuf a lieu avant qu’il soit pondu, de même le Germe non éternel, périodique, qui devient plus tard, dans le symbolisme, l’Œuf du Monde, contient en lui-même, lorsqu’il sort dudit symbole, « la promesse et la puissance » de tout l’Univers. Quoique l’idée per se soit, naturellement, une abstraction, un mode d’expression symbolique, elle est un vrai symbole, car elle suggère l’infinité comme un cercle sans fin. Elle met devant les yeux du mental le tableau du Kosmos émergeant de l’Espace sans bornes, et en lui, Univers également sans rivage dans son étendue, sinon aussi éternel dans sa manifestation objective. Le symbole de l’oeuf exprime encore le fait enseigné dans l’Occultisme, que la forme primordiale de toute chose manifestée, de l’atome au globe, de l’homme à l’ange, est sphéroïdale, la sphère étant, dans toutes les nations, l’emblème de l’éternité et de l’infini – un serpent avalant sa queue. Toutefois, pour réaliser cette signification, il faut penser à la sphère telle qu’elle serait vue du centre. Le champ de la vision ou de la pensée, est comme une sphère dont les rayons  vont de soi dans toutes les directions et s’étendent dans l’espace, ouvrant tout autour d’eux des aperçus sans bornes. C’est le cercle symbolique de Pascal et des Kabalistes, « dont le centre est partout, et la circonférence nulle part » - conception qui s’ajuste à l’idée complexe de cet emblème.

L’ « Oeuf du Monde » est peut-être un des symboles le plus universellement adopté, et il est hautement suggestif, tant dans le sens spirituel que dans le sens physiologique et cosmologique. On le trouve, par conséquent, dans toute théogonie du monde, et il y est amplement associé au symbole du serpent, ce dernier étant partout, dans les philosophies comme dans le symbolisme religieux, l’emblème de l’éternité, de l’infini, de la régénération aussi bien que de la sagesse [voir Partie 2, Section 10. Culte de l’arbre, du serpent et du crocodile. ].Le mystère de la soi-génération apparente et de l’évolution par son propre pouvoir créateur, répétant en petit, dans l’oeuf, le processus de l’évolution Cosmique, - processus dus tous les deux à la chaleur et à l’humidité vitalisées par le rayonnement de l’esprit créateur invisible, - justifie pleinement le choix de ce symbole expressif. L’ « Oeuf Vierge »  est le symbole microcosmique du prototype macrocosmique la « Vierge-Mère », le Chaos ou l’Abîme Primordial. Le Créateur mâle (sous n’importe quel nom) fait sortir de la Vierge féminine la Racine Immaculée, fructifiée par le Rayon. Quel est l’individu versé dans les sciences astronomiques et naturelles qui ne verra pas combien cela est suggestif? Le Kosmos, considéré comme la nature réceptive, est un oeuf fructifié – et cependant laissé immaculé; du moment qu’il est regardé comme sans bornes, il ne peut être représenté autrement que par un sphéroïde. L’Œuf d’Or était entouré de sept Éléments naturels (l’éther, le feu, l’air, l’eau), « quatre apparents et trois secrets ». On trouvera cela dans le Vishnu Purâna où les éléments sont traduits par le mot « enveloppes », et où l’on y ajoute un élément secret – Ahamkâra [ Wilson, Vishnu Purâna, I, 40. ]. Le texte original ne porte pas d’Ahamkâra; il parle des sept Éléments sans spécifier les trois derniers.

Stance III (4)

4. Les Trois tombent [ Triangle. ]dans les Quatre[ Quaternaire. ]. L’Essence Radieuse devient Sept en dedans et Sept en dehors (a). L’Œuf  Lumineux [ Hiranayagarbha. ] , Qui en lui-même est Trois [ Les triples hypostases de Brahmâ, ou Vishnu, les trois Avasthâs. ], Se coagule et s’étend en caillots blancs comme du lait dans les Profondeurs de la Mère, la Racine qui croît dans les Profondeurs de l’Océan de Vie (b).

a) Il faut expliquer l’emploi des figures géométriques et les fréquentes allusions à des chiffres qui se trouvent dans toutes les Écritures antiques : dans les Purânas, dans le Livre des Morts des Égyptiens et même dans la Bible. Dans le Livre de DZYAN, comme dans la Kabale, il y a deux sortes de nombres à étudier : les Chiffres, souvent de simples leurres, et les Nombres Sacrés, dont la valeur est connue des Occultistes au moyen de l’Initiation. Les premiers ne sont que des glyphes de convention; les derniers sont les symboles fondamentaux de tout. C’est-à-dire les uns sont purement physiques, les autres purement métaphysiques, les deux étant dans la même relation réciproque que la Matière et l’esprit – pôles extrêmes de la Substance Unique.

Comme dit quelque part Balzac, l’Occultiste inconscient de la littérature française, le Nombre est au Mental ce qu’il est à la Matière : « Un agent incompréhensible. » Il en est sans doute ainsi pour le profane, mais non pour l’initié. Le Nombre, comme le pensait le grand écrivain, est une Entité, et en même temps un Souffle émanant de ce qu’il appelait Dieu, et de ce que nous appelons le TOUT; le Souffle qui seul pouvait organiser ce Kosmos physique, « où rien n’obtient sa forme que par la Divinité, laquelle est un effet du nombre ». Il est intéressant de citer, à ce sujet, les paroles de Balzac :

« Les moindres créations comme les plus grandes, ne se distinguent-elles pas entre elles par leurs quantités, leurs qualités, leurs dimensions, leurs forces et leurs attributs, tous éléments procédant du Nombre? L’infini des Nombres est un fait prouvé par notre mental, mais dont la preuve ne peut pas être donnée physiquement. Le mathématicien nous dira que l’infini des nombres existe, mais qu’on ne peut pas le démontrer. Dieu est Nombre doué de mouvement qu’on sent, mais qu’on ne peut démontrer. Comme Unité, il commence les Nombres, mais il n’a rien de commun avec eux … L’existence du Nombre dépend de l’Unité, qui, sans un seul Nombre, les engendre tous… Eh quoi! Incapables de mesurer la première abstraction qu’offre la Divinité, ou seulement de la comprendre, vous espérez quand même soumettre à vos mesures le mystère des Sciences Secrètes qui émanent de cette Divinité?... Qu’éprouveriez-vous donc si je vous plongeais dans les abîmes du Mouvement, la Force qui organise les Nombres? Que penseriez-vous si j’ajoutais que le Mouvement et le Nombre [ Le Nombre, soit, mais jamais le Mouvement. C'»est le mouvement qui engendre le Logos, le Verbe, en Occultisme. ] sont engendrés par le Verbe, la Raison Suprême des Voyants et des Prophètes qui, dans les anciens temps, sentirent le Souffle puissant de Dieu, comme en témoigne l’Apocalypse? [ Ce texte est traduit de la citation anglaise, et non le texte original de Balzar– (N. du Traducteur.) ] »

b) « L’Essence Radieuse se caille et s’étend à travers les Profondeurs » de l’Espace. Au point de vue astronomique, cette figure est facile à expliquer : c’est la Voie Lactée, l’Étoffe dont est fait le Monde, la Matière Primordiale dans sa première forme. Il est toutefois plus difficile, au point de vue de la science occulte et du symbolisme, d’expliquer ce point en peu de mots, car c’est le plus compliqué des glyphes. C’est le réceptacle de plus d’une douzaine de symboles. Et d’abord il contient tout le panthéon des objets mystérieux. [ Les « quatorze choses précieuses ». L’histoire ou l’allégorie se trouve dans le Shatapatha Brâhmana et ailleurs. La Science Secrète des japonais, des Mystiques Bouddhistes, les Yamabushi, a « sept choses précieuses ». Nous en parlerons plus loin. ], dont chacun possède une signification Occulte définie, tirée de l’allégorie hindoue du « Barattage de l’Océan » par les Dieux.C’est ainsi qu’Amrita, l’eau de vie ou d’immortalité et Surabhi, « la vache d’abondance » appelée « la fontaine de lait caillé », procèdent de cette « Mer de lait ». De là, le culte universel de la vache et du taureau, spécifiant, l’un , le pouvoir producteur, l’autre, le pouvoir générateur dans la Nature : symboles reliés aux divinités Solaires et Cosmiques. Les propriétés spécifiques, pour l’usage Occulte, des « quatorze choses précieuses » n’étant expliquées qu’à la quatorzième Initiation, ne peuvent être données ici; mais il convient de faire les remarques suivantes. On déclare dans le Shatapatha Brâhmana que le barattage de l’ « Océan de lait » eut lieu pendant le Satya Yuga, le premier Âge qui suivit immédiatement le « Déluge ». Comme, cependant, ni le Rig Veda, ni Manu – tous les deux antérieurs au Déluge de Vaïsvasvata, celui qui anéantit la plus grande partie de la Quatrième race – ne parlent de ce déluge, il est évident que celui dont on parle ici n’est ni un Grand Déluge, ni celui qui emporta Atlantis, ni même celui de Noé. Ce « barattage » se rapporte à une période antérieure à la formation de la terre et s’applique directement à une autre légende universelle dont les versions diverses et contradictoires trouvèrent leur expression maximum dans le dogme chrétien de la « Guerre dans le Ciel », et de la « Chute des Anges ». Les Brâhmanas, que les orientalistes accusent d’être des versions sur le même sujet, ne s’accordant pas ensemble, sont au plus haut degré des ouvrages occultes, et, par conséquent, servant de voiles. On ne leur a permis de rester à l’usage et en la propriété du public que parce qu’ils étaient et sont absolument incompréhensibles aux masses. Sinon, on les aurait supprimés depuis longtemps, dès le temps d’Akbar.

Stance III (5)

5. La Racine demeure, la Lumière aussi, les Caillots également, et cependant Oeaohu (a) est Un (b).

a) Dans les commentaires, on traduit OEAOHU par « le Père-Mère des Dieux », ou le SIX EN UN, ou la Racine septénaire dont tout procède. Tout dépend de l’accent qu’on donne à ces sept voyelles, on peut les prononcer comme une, trois, et même sept syllabes; en ajoutant un e après le o final. Ce nom mystique n’est d’ailleurs divulgué que parce que, sans une maîtrise parfaite de sa triple prononciation, il reste à jamais sans effet.

b) « Est Un » se rapporte à la Non-Séparativité de tout ce qui vit et existe, à l’état actif ou passif. Dans un sens, OEAOHU est la « Racine sans Racine de Tout » et, par conséquent, un avec Parabrahman. Dans un autre sens, c’est un nom de la Vie Une manifestée, l’Unité éternelle et vivante. « Racine » signifie, comme on l’a déjà expliqué, la Connaissance Pure (Sattva) [ « Le terme original qui exprime la « Compréhension » est Sattva, que Shankara traduit par Antaskarana « purifié par les sacrifices, et par d’autres opérations sanctifiantes ». Dans la Katha, page 148, Sattva est traduit, par Shankara, par le mot Buddhi, et c’est là l’usage ordinaire du mot (Bhagavad-gitâ, etc., traduite par Kathinath Trimbak Telang. M. A., éditée par Max Müller, p. 195). Quelque signification que les diverses écoles puissent lui attribuer, Sattva est le nom donné par les étudiants occultistes de l’École Aryâsanga à la Monade double, ou Atmâ-Buddhi, et Atmâ-Buddhi, sur ce plan-là, correspond à Parabrahman et à Mûlaprakriti sur le plan supérieur. ], la Réalité éternelle non conditionnée (nitya), ou at (Satya), qu’on appelle Parabrahman ou Mûlaprakriti, car ces derniers ne sont que les deux symboles de l’Un.La « Lumière » est le même Rayon Spirituel Omniprésent qui est entré dans l’oeuf Divin, l’a maintenant fécondé, et invite la matière cosmique à commencer sa longue série de différenciations. Les « Caillots » sont la première différenciation et se rapportent probablement à cette matière cosmique, que l’on suppose être l’origine de la Voie Lactée – la matière que nous connaissons. Cette « matière », qui, selon la révélation reçue des premiers Dhyânis-Buddhas, est pendant le sommeil périodique de l’Univers, de la ténuité la plus grande que puisse concevoir l’oeil du Bodhissattva parfait, - cette matière radieuse et froide se trouve, au premier réveil du mouvement cosmique, éparpillée à travers l’Espace, apparaissant, vue de la Terre, en mottes et en masses semblables aux grumeaux de lait caillé. Ce sont les semences des mondes futurs, « l’étoffe Stellaire ».

Stance III (6)

6. La Racine de la Vie était en chaque Goutte de l’Océan de l’Immortalité [ Amrita. ], Et l’Océan était la Lumière Radieuse, qui était Feu, Chaleur et Mouvement. Les Ténèbres disparurent et ne furent plus; elles disparurent dans leur propre Essence, le Corps de Feu et d’Eau, du Père et de la Mère.

L’Essence des Ténèbres étant la Lumière Absolue, les Ténèbres sont prises pour la représentation allégorique appropriée à la condition de l’univers pendant le Pralaya, lequel paraît à notre mental borné comme une période de Repos Absolu ou de Non-Être. « Le feu, la Chaleur, et le Mouvement » dont il est question ici, ne sont pas, bien entendu, le feu, la chaleur et le mouvement de la Science physique, mais leurs abstractions sous-jacentes, les noumènes, l’âme de l’essence de ces manifestations matérielles, - « les choses en elles », qui, d’après l’aveu de la Science moderne, échappent entièrement aux instruments de laboratoire, et que le mental même ne peut saisir, quoiqu’il ne puisse guère éviter de conclure à l’existence de ces essences comme substratum des choses. On peut expliquer « le Feu et l’Eau, le Père et la Mère » [ voir« Kivan-Shi-Yin ». Le nom réel du texte ne peut être donné. ] comme signifiant ici le Rayon divin et le Chaos.« Par cette union avec l’Esprit, le Chaos obtenant la raison, rayonna de plaisir, et ainsi fut produit le Protogonos (la Lumière première-née) », dit un fragment d’Hermès. Dramascius l’appelle Dis, en Théogonie le « disposeur de toutes choses [ Anciens Fragments de Cory, p. 314. ] ».

Selon les données des Rose-croix, dont l’interprétation par les profanes est assez correcte sinon complète, « la Lumière et les Ténèbres sont identiques entre elles, car elles ne sont séparables que dans le mental humain », et, selon Robert Fludd, « les Ténèbres s’emparèrent de l’Illumination pour se rendre visibles [ Ou Rosenkranz. ] ».D’après l’enseignement de l’Occultisme oriental, les Ténèbres sont la seule vraie réalité, la base et la racine de la Lumière, sans laquelle cette dernière ne pourrait jamais se manifester, ni même exister. La Lumière est matière, et les TÉNÈBRES pur Esprit. Les Ténèbres, dans leur base radicale et métaphysique, sont la Lumière subjective et absolue, tandis que cette dernière, lorsqu’elle est dans tout son éclat et sa gloire apparente, n’est qu’une masse d’ombres, parce qu’elle ne peut jamais être éternelle, et n’est simplement qu’Illusion ou Mâyâ.

Même dans la Genèse [ Chap. I, vers. 2. ] , si déroutante et fatigante pour la science, la lumière est issue des ténèbres – « et les ténèbres sont la face de l’abîme », et non vice versa.« En lui [dans les ténèbres] était la vie; et la vie était la lumière des hommes [ Jean, I, 4. ]. Le jour viendra, peut-être, où les yeux des hommes seront ouverts; ils comprendront alors mieux que maintenant le verset de l’Évangile de Jean qui dit : « et la lumière brilla dans les Ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas comprise. » Ils verront alors que le mot « ténèbres » ne s’applique pas à la vision spirituelle de l’homme mais véritablement aux « Ténèbres », à l’Absolu, qui ne comprend pas (ne peut pas connaître) la Lumière passagère, quelque transcendante qu’elle puisse paraître aux yeux humains. Demon est Deux inversus. L’Église donne maintenant au Diable le nom de Ténèbres, quoique dans la Bible (Livre de Job) [ I, 6. ], il soit appelé le « Fils de Dieu », l’étoile brillante du matin, Lucifer [ Isaïe, XIV, 12. ]. Il existe toute une philosophie dogmatique dans la raison qui fit que le premier Archange qui monta des profondeurs du Chaos fur appelé Lux (Lucifer), le « Fils Lumineux du Matin », - de l’Aurore Manvantarique. L’Église l’a transformé en Lucifer ou Satan, parce qu’il est plus élevé et plus ancien que Jéhovah, et qu’il dut être sacrifié au nouveau dogme.[ Voir vol. 3 et 4. ]

Stance III (7)

7. Vois, ô Lanou [ Le Lanou est un étudiant, un chélâ qui étudie l’ésotérisme pratique. ], l’Enfant Radieux des Deux, la Gloire resplendissante sans pareille : l’Espace Brillant, Fils de l’Espace Obscur, qui émerge des Profondeurs des grandes Eaux Sombres. C’est OEAOHU, le plus Jeune, le *** [ Que tu connais maintenant comme Kwan-Shaï-Yin. – Commentaire. ] (a). Il resplendit comme le Soleil. Il est le Dragon de Sagesse, Flamboyant, et Divin; l’Eka [ Eka est un, Chatour quatre, Tri trois et Sapta sept. ] est Chatur, et Chatur s’approprie Tri, et l’Union produit le Sapta, en qui sont les Sept qui deviennent le Tridasha [ Tridasha ou Trente, trois fois dix en nombre rond, ou, pour mieux préciser, 33, - nombre sacré, - se rapporte aux divinités védiques. Ce sont les Adityas, les 8 Vasus, les 11 Rudras et les 2 Ashwins, fils jumeaux du Soleil et du Ciel. C’est le nombre-racine du Panthéon hindou, qui compte 33 crores, c’est-à-dire 330 millions de dieux et déesses. ], les Armées et les Multitudes (b). Vois-le, relevant le Voile et le déployant, de l’Orient à l’Occident. Il cache ce qui est en Dessus, et laisse voir le Dessous comme la Grande Illusion. Il désigne leurs places aux êtres Lumineux [ Les Étoiles. ], change le dessus [ L’Espace. ] En une Mer de Feu sans rivages (c), et l’Un manifesté[ Élément. ] En les Grandes Eaux.

a) « L’Espace brillant, Fils de l’Espace Obscur », correspond au Rayon tombé, à la première vibration de la nouvelle Aurore, dans les grands abîmes Cosmiques, d’où il ressort différencié comme « Oeaohu le plus jeune » (la « Nouvelle Vie »), - pour devenir jusqu’à la fin du Cycle de Vie le Germe de toutes choses. C’est « l’Homme Incorporel qui contient en lui l’Idée Divine », - le générateur de LA Lumière et de la Vie, pour nous servir d’une expression de Philon le Juif. On le nomme le « Dragon de Sagesse Resplendissant » parce que, d’abord, il est ce que les philosophes grecs nommaient le Logos, le Verbe de la Pensée Divine; et, deuxièmement, parce que, dans la Philosophie Ésotérique, cette première manifestation, étant la synthèse ou la somme de la Sagesse Universelle, Oeaohu – le « Fils du Soleil » - contient les Sept Armées Créatrices (les Sépiroth) et est ainsi l’essence de la Sagesse manifestée. « Celui qui se baigne dans la lumière d’Oeaohu ne sera jamais trompé par le voile de Mâyâ. »

« Kwan-Shaï-Yin » est identique à l’Avalôhitéskvara sanscrit, et, comme tel, est une divinité androgyne, comme le Tetragrammaton et tous les Logoï de l’antiquité. Il n’est anthropomorphisé que par quelques sectes en Chine, et est représenté alors avec des attributs féminin [ Aucun symbole religieux ne peut échapper à la profanation ou même à la dérision dans nos jours de politique et de science. Dans l’Inde du Sud l’auteur a vu un indigène converti faisant le pouja avec des offrandes devant une statue de Jésus vêtu en femme et avec un anneau dans le nez. À la demande, sur le sens de cette mascarade, on nous répondit que c’était Jésus-Marie en un seul et que c’était fait avec la permission des missionnaires, parce que le zélé converti n’avait pas les moyens d’acheter deux statues ou « idoles » comme les appela un témoin, hindou aussi, mais non converti. Si blasphématoire que cela puisse sembler à un chrétien dogmatique, le Théosophe et l’Occultiste doivent donner la palme de la logique à l’Hindou converti. Le Christos ésotérique est naturellement sans sexe, mais dans la Théologie exotérique il est masculin et féminin. ]; sous son aspect femelle, il devient Kwan-Yin, la Déesse de Miséricorde, appelée aussi « la Voix Divine » [ La Sophia gnostique, « la Sagesse », qui est la « mère » de l’Ogdoade (dans un certain sens, Aditi avec ses huit fils) est le Saint-Esprit et le Créateur de tout, comme dans les systèmes anciens. Le « Père » est une invention bien plus récente. Le premier Logos manifesté était partout féminin – la mère des sept pouvoirs planétaires.].Cette dernière est la divinité protectrice du Tibet et de l’île de Puto en Chine, où les deux divinités ont maint couvent [ voirChinese Buddhism, par le Révérend Joseph Edkins, qui donne toujours les faits corrects, quoique ses conclusions soient souvent erronées. Voir vol. 2, Partie 2, Section 15 : Sur Kwan-Shaï-Yin et Kwan-Yin. ].

[Les dieux les plus élevés de l’antiquité sont toujours les « Fils de la Mère » avant de devenir les « Fils du Père ». Les Logoï, comme Jupiter ou Zeus, fils de Kronos-Saturne, « le Temps Infini » (Kâla), étaient originairement représentés comme Mâles-femelles. Zeus est nommé la « belle Vierge », et Vénus est représentée barbue. Apollon était d’abord bisexuel comme l’est aussi Brahmâ-Vâch dans Manu et les Purânas. On peut changer Osiris et Isis l’un pour l’autre, et Horus est des deux sexes. Enfin, dans la vision de saint Jean, dans l’Apocalypse, le Logos, qu’on associe maintenant avec Jésus, est hermaphrodite, car on le décrit comme ayant des seins de femme. Il en est de même pour le Tétragrammaton = Jéhovah. Mais en Ésotérisme, il y a deux Avalôkitéshvaras : le Premier et le Second Logos.]

b) Le « Dragon de Sagesse » est l’Un, l’ « Eka » ou Saka. Il est intéressant de remarquer que le nom de Jéhovah en Hébreu, est aussi Un, Achad. « Son nom est Achad », disent les Rabbins. Les Philologues devraient décider lequel des deux termes est dérivé de l’autre, au point de vue linguistique et symbolique; ce n’est certes pas le sanscrit. L’ « Un » et le « Dragon » sont des expressions dont les anciens se servaient en parlant de leurs Logoï respectifs. Jéhovah (en tant qu’Elohim) – ésotériquement parlant – est aussi le Serpent ou Dragon qui tenta Ève; et le Dragon est un ancien glyphe pour la Lumière Astrale (Principe Primordial), « qui est la Sagesse du Chaos ». La Philosophie archaïque ne reconnaissait ni le Bien ni le Mal comme pouvoir fondamental ou indépendant, mais prenant pour point de départ le TOUT ABSOLU (la Perfection Éternellement Universelle), nous montre ces deux forces comme les aspects de la pure Lumière qui se condense graduellement en forme et, de là, devient Matière, ou Mal. Ce fut le fait des ignorants Pères des débuts de l’Église de dégrader l’idée philosophique et hautement scientifique de cet emblème, pour en faire l’absurde superstition appelée le « Diable ». Ils empruntèrent aux derniers zoroastriens qui voyaient, dans les Dévas hindous, des Diables ou le Mal, et le mot Evil [ en anglais : le mal. ] est devenu par une double transmutation D’Evil (Diabolos, Diable, Diavolo, Teufel). Mais les Païens ont toujours montré un discernement philosophique dans leurs symboles. C’est ainsi que le symbole primitif du serpent désignait la Sagesse et la Perfection divines, et a toujours représenté la Régénération et l’Immortalité psychiques. C’est pourquoi Hermès appelait le Serpent le plus spirituel de tous les êtres; Moïse, initié dans la Sagesse d’Hermès, dit la même chose dans la Genèse; le Serpent Gnostique, avec les sept voyelles sur sa tête, était l’emblème des Sept Hiérarchies de Créateurs Septénaires ou Planétaires. De là, aussi, l’idée du Serpent hindou, Shésha ou Amanta, « l’Infini », un nom de Vishnou, dont il est le premier Vâhan ou Véhicule sur les Eaux Primordiales. [Comme les Logoï et les Hiérarchies de Pouvoirs, ces Serpents doivent pourtant être distingués l’un de l’autre. Shésha ou Ananta, la « Couche de Vishnu », est une abstraction allégorique, symbolisant le Temps infini dans l’Espace qui contient le Germe et en projette périodiquement l’efflorescence, l’Univers manifesté; tandis que l’Ophis Gnostique contient le même symbolisme triple, dans ses sept voyelles que l’Oeaohu de la doctrine Archaïque, avec ses une, trois et sept syllabes, c'est-à-dire le premier Logos non manifesté, le Second ou manifesté, le Triangle qui se concrétise dans le Quaternaire ou Tétragrammaton, et les Rayons de ce dernier sur le plan matériel.]

Les anciens firent, cependant, toujours une différence entre le bon et le mauvais Serpent (la Lumière Astrale des Kabalistes), - entre le premier, incorporation de la Sagesse divine, dans la région du Spirituel, et le Second, le Mal, sur le plan de la Matière). Car la Lumière astrale ou Éther des anciens Païens – le nom de Lumière Astrale est tout moderne – est Esprit-Matière qui, procédant du plan purement spirituel, devient plus grossier en descendant, jusqu’à constituer la Mâyâ ou le Serpent tentateur et trompeur sur notre plan.)

Jésus accepta le serpent comme synonyme de Sagesse, et cela forma une partie de son enseignement : « Soyez aussi sages que les serpents », dit-il. « Au Commencement, avant que la Mère devint Père-Mère, le Dragon Ardent se mouvait seul dans l’Infini [ Livre de Sarparâjni. ] . »Le Aïtareya Brâhmana appelle la terre Sarparâjni, la « Reine-Serpent » et la « Mère de tout ce qui se meut ». [ [voirDas Kaushitaki Brahmana (texte sanscrit) édité par B. Lindner. Ph. D., p. 132 (1887) et Rigvedas Brahmanas, traduits par A. Berriedale Keith. D. Litt., p. 511, note 2 (1920)] ] Avant que notre globe devint ovoïde (et l’Univers aussi), « une longue traînée de poussière cosmique (ou brouillard de feu) s’agitait et se tordait comme un serpent dans l’Espace ». « L’Esprit de Dieu se mouvant sur le Chaos » a été symbolisé, dans chaque nation, sous la forme d’un serpent ardent soufflant la flamme et la lumière sur les eaux primordiales, jusqu’à ce qu’il eût incubé la matière cosmique et lui eût fait prendre la forme annulaire d’un serpent se mordant la queue – ce qui symbolise, non seulement l’éternité et l’infini, mais aussi la forme globuleuse de tous les corps formés, dans l’Univers, par ce brouillard ardent. L’Univers, la Terre et l’Homme rejettent périodiquement, comme fait le Serpent, leurs vieilles peaux, pour en prendre de nouvelles après un temps de repos. Le serpent n’est certes pas une image moins gracieuse ou moins poétique que la chenille ou la chrysalide d’où sort le papillon, emblème grec de Psyché, l’âme humaine! Le « Dragon » fut aussi le symbole du Logos chez les Égyptiens, comme chez les Gnostiques. Dans le Livre d’Hermès, Pymandre, le plus ancien et le plus spirituel Logoï du Continent occidental, apparaît à Hermès sous la forme d’un Dragon Ardent de « Lumière », de Feu et de Flamme ». Pymandre, personnification de la « Pensée Divine », dit :

La lumière c’est Moi : je suis Nous [le mental ou Manu]; je suis ton Dieu, et je suis bien plus ancien que le principe humain qui s’échappe de l’ombre [les Ténèbres ou la Divinité cachée]. Je suis le germe de la pensée, le Verbe resplendissant, le Fils de Dieu. Tout ce qui voit et entend en toi, c’est le Verbe du Maître; c’est la Pensée (Mahat) qui est Dieu, le Père [ Par « Dieu, le Père », on veut certainement dire ici le septième principe dans l’Homme et dans le Kosmos, ce principe étant inséparable, dans son Essence et sa Nature, du septième principe Cosmique. Dans un sens, c’est le Logos des Grecs et l’Avalôkitéshvara des Bouddhistes ésotériques. ]. L’Océan céleste, l’Aether …, est le Souffle du Père, le principe qui donne la vie, la Mère, le Saint-Esprit… car ceux-ci ne sont pas séparés, et leur union est la Vie [ voir The Divine Pymander, trad. Dr Everard (1650) et réédité par Hargrave Jennings (1884), pp. 8-9. ]

Nous trouvons ici l’écho évident de l’archaïque DOCTRINE SECRÈTE que nous exposons en ce moment. Seulement, cette dernière ne place pas à la tête de l’Évolution de la Vie le « Père », qui prend la troisième place et qui est le « Fils de la Mère », mais elle y place «  le Souffle Éternel et Incessant du Tout ». Mahat (la Compréhension, le Mental Universel, la Pensée, etc.) avant de se manifester comme Brahmâ ou Shiva, apparaît comme Vishnou, dit la Sâmkhya Sâra [ Édition de Fitzedward Hall, dans Bibliotheca Indica, p. 16. ]; Il a donc plusieurs aspects, comme le Logos.Mahat est appelé le Seigneur, dans la Création Primaire, et il est, dans ce sens, la Cognition Universelle ou Pensée Divine; mais « ce Mahat qui fut produit le premier est (plus tard) appelé Ego-isme, lorsqu’il est né comme (la sensation elle-même) « Moi »; c’est là ce qu’on nomme la création seconde [ Anugîtâ, ch. XXVI. Traduction de K,T. Télang, p. 333.».Et le traducteur (Brâhmane instruit et intelligent, non un Orientaliste européen) explique en note que (lorsque Mahat se développe en la sensation de soi-conscience – Je – il prend le nom d’égoïsme », qui traduit dans notre langage Ésotérique, veut dire – lorsque Mahat est changé en Manas humain (ou même en celui des dieux finis) et revêt l’état d’Aham. On expliquera, plus loin (volume 2) pourquoi il est appelé le Mahat de la Création Secondaire (où la Neuvième, celle de Kumâra, dans le Vishnu-Purâna).

c) La « Mer de Feu » est donc la Lumière Supra-Astrale (c'est-à-dire nouménale), la première radiation de la Racine, Mûlaprakriti, la Substance Cosmique non Différenciée, qui devient la Matière Astrale. Elle est appelée aussi le « Serpent de Feu », comme on l’a déjà dit. Si l’étudiant veut bien se rappeler qu’il n’y a qu’un Élément Universel qui est infini, non-né, ne mourant pas, et que tout le reste – comme dans le monde des phénomènes – n’est que des aspects variés, multiples, différenciés et transformés (ce qu’on appelle maintenant des corrélations) de cet Un, depuis les produits du macrocosme, jusqu’à ceux du microcosme, depuis les êtres surhumains jusqu’aux êtres humains et subhumains, en un mot la totalité de l’existence objective, - alors la première et la plus grande difficulté disparaîtra, et la Cosmologie Occulte pourra être comprise [ ainsi, dans les Théogonies égyptiennes et indiennes, il y avait une Divinité Cachée, l’Un, et un dieu créateur Androgyne : Shu, le dieu de la création, et Osiris qui, dans sa forme primaire originale, est le Dieu dont « le nom est inconnu ». (voir l’Abydos de Mariette, II, 63, et III, 413, 414, no 1122.) ].

Tous les Kabbalistes et Occultistes, orientaux et occidentaux, reconnaissant (a) l’identité du « Père-Mère » avec l’Aether Primordial, ou Akasha (la Lumière Astrale); et (b) son homogénéité avant l’évolution du « Fils », le Fohat cosmique, car ce dernier est l’Électricité Cosmique. « Fohat durcit et éparpille les Sept Frères [ Livre de Dzyan, III. ] ) »; ce qui veut dire que l’Entité Électrique Primordiale – car les Occultistes orientaux affirment que l’Électricité est une Entité – donne la vie par la force électrique, et sépare la substance primordiale ou la matière prégénétique en atomes qui sont eux-mêmes la source de toute vie et de toute conscience.« Il existe un agent unique Universel de toutes les formes et de la vie; il s’appelle Od, Ob, et Aur [ Od est la Lumière pure qui donne la vie, - le fluide magnétique; Ob est le messager de la mort dont les sorciers se servent, le fluide néfaste; Aur est la synthèse des deux, la vraie Lumière Astrale. Les Philologues peuvent-ils nous dire pourquoi Od, - un terme dont Reichenbach s’est servi pour désigner le fluide vital, - est aussi un mot Tibétain qui signifie lumière, éclat, brillance? Dans un sens Occulte, il signifie aussi le « ciel ». D’où vient la racine du mot? D’autre part, Akâsha n’est pas exactement l’Éther, mais quelque chose de bien plus élevé, comme on le démontrera. ], est actif et passif, positif et négatif, comme le jour et la nuit : c’est la première lueur dans la Création » (Eliphas Lévi) – la première Lumière de l’Élohim primordial, l’Adam « mâle et femelle », ou (scientifiquement) l’Électricité et la Vie.

Les anciens le représentaient par un serpent, car « Fohat siffle en se glissant çà et là », en zigzags. La Kabale le désigne par la lettre hébraïque Teth, ט, dont le symbole est le serpent qui joua un rôle si important dans les Mystères. Sa valeur universelle est neuf, car c’est la neuvième lettre de l’alphabet et la neuvième des cinquante portes qui mènent aux mystères cachés de l’être. C’est l’agent magique par excellence, et spécifie, dans la philosophie Hermétique, « la Vie infusée dans la Matière Primordiale », l’essence qui compose toutes choses, et l’esprit qui détermine leur forme. Mais il y a deux opérations hermétiques secrètes : l’une spirituelle, l’autre matérielle-corrélative et à jamais unies. Comme le dit Hermès :

« Tu sépareras la terre du feu, le subtil de l’épais … ce qui monte de la terre au ciel et redescend du ciel sur la terre. Cela la lumière subtile] est la force de toute force, car cela conquiert toute chose subtile, et pénètre tout solide. Ainsi fut formé le Monde. »

Zénon, le fondateur des Stoïciens, ne fut pas seul à enseigner que l’Univers évolue, et que sa substance primaire est changée de l’état de feu en celui d’air, puis en celui d’eau, etc. Héraclite d’Éphèse maintint que l’unique principe sous-jacent à tout phénomène dans la Nature est le feu. L’intelligence qui met l’Univers en mouvement est le feu, et le feu est de l’Intelligence. Et tandis qu’Anaximène dit la même chose de l’air, et Thalès de Milet (600 avant J.-C.) de l’eau, la Doctrine Ésotérique réconcilie tous ces philosophes, en démontrant que, quoique chacun séparément ait raison, aucun de leurs systèmes n’est complet


Stance III (8)

8. Où était le Germe, où étaient alors les Ténèbres? Où est l’Esprit de la Flamme qui brûle dans ta Lampe, ô Lanou? Le Germe est cela, et cela est la Lumière, le Blanc et Brillant Fils du Père Obscur et Caché.

La réponse à la première question, suggérée par la seconde, qui est la réponse de l’instructeur à l’élève, contient, dans une seule phrase, une des vérités les plus essentielles de la Philosophie Occulte. Il indique l’existence des choses imperceptibles à nos sens physiques, choses qui sont bien plus importantes, bien plus réelles et bien plus permanentes que celles qui font appel à ses sens. Avant que le Lanou puisse espérer comprendre le problème de métaphysique transcendantale contenu dans la première question, il doit être capable de répondre à la seconde, et la réponse qu’il donnera à la seconde lui fournira l’indice pour trouver la réponse exacte de la première.

Dans le Commentaire Sanscrit de cette STANCE, les termes employés pour le Principe caché et non révélé sont nombreux. Dans les premiers manuscrits de la littérature indienne, cette Divinité Abstraite et non Révélée n’a pas de nom. On l’indique ordinairement par « cela » (en sanscrit, Tad), mot qui signifie tout ce qui est, fut, sera, ou ce qui peut être ainsi conçu par le mental humain.

Parmi ces appellations qui ne sont naturellement données que par la Philosophie Ésotérique – expressions telles que « Ténèbres Insondables », « Tourbillon », etc. – Se trouve aussi celle de « cela du Kâlahamsa », « Kala-ham-sa » et même « Kâli-Hamsa » (Cygne Noir). Ici m et n sont interchangeables et tous deux ont le son nasal des syllabes françaises an ou am [ Ou plutôt de la syllabe « un » et non pas « an ». – (N. du T.) ].Il arrive dans le Sanscrit, comme dans la Bible en Hébreu, que bien des noms mystérieux et sacrés ne disent pas plus à l’oreille profane qu’un mot quelconque, vulgaire même parce que ces mots sont cachés par anagramme ou autrement. Le mot Hansa, ou Hamsa, en est un exemple. Hamsa est semblable à « A-ham-sa », trois mots qui signifient « Je suis lui », tandis que, divisé d’une autre façon, on peut y lire « Sô-ham », « lui [est] moi » - Soham équivalant Sah, « lui » et aham « Je » ou « Je suis lui », Dans ce seul mot  est contenu, pour celui qui comprend le langage de la sagesse, le mystère universel, la doctrine de l’identité de l’essence de l’homme avec l’essence de dieu. De là, le glyphe et l’allégorie de Kâlahansa (ou Hamsa), et le nom donné à Brahman (neutre) et, plus tard, au Brahmâ mâle de Hamsa-Vâhana, « celui qui se sert de Hamsa comme véhicule ». On peut lire aussi le même mot « Kâlaham-sa », ou « Je suis Moi », dans l’éternité du temps, ce qui correspond à la phrase Biblique, ou plutôt Zoroastrienne, « Je suis ce que Je suis ». la même doctrine se trouve dans la Kabale, comme en témoigne la citation suivante d’un manuscrit non publié de M. S. Liddell McGregor Mathers, l’érudit kabaliste :

On se sert des trois pronoms, אוח, חתא, יכא, Hua, Ateh, Ani, - Il, Tu, Je, - pour symboliser les idées de Macroposope et de Microposope dans la Qabale hébraïque. Hua, « Il », s’applique au Macroposope caché; Ateh, « Tu », au Microposope, et Ani, « Je », à ce dernier, lorsqu’on le représente comme parlant (voirLesser Holy Assembley, 204 et seq.). Il est à noter que chacun de ces noms comprend trois lettres; Aleph א A , forme la fin du premier mot, Hua, et le commencement de Ateh et de Ani, comme si c’était le lien entre eux. Mais Aleph, א, est le symbole de l'Unité, et par conséquent, de l'Idée invariable du Divin opérant à travers ces lettres. Derrière Aleph א dans Hua, sont les lettres Vau, ו, et Hé, ה, symbole des nombres Six et Cinq, le Mâle et la Femelle, l’Hexagramme et le Pentagramme. Et les nombres de ces trois mots, Hua, Ateh, Ani sont 12, 406 et 61, nombres résumés dans les nombres-clefs 3, 10, et 7, par la Qabale des Neuf Chambres, qui est une forme de la règle exégétique de Temura.

Il est inutile d’essayer d’expliquer entièrement ce mystère. Les matérialistes et les hommes de la Science moderne ne le comprendront jamais, puisque, pour en obtenir une perception claire, on doit, d’abord, admettre le postulat d’une Divinité éternelle, omniprésente et universellement répandue dans la nature; ensuite, avoir sondé le mystère de l’électricité dans sa véritable essence; et, en troisième lieu, admettre que l’homme est le symbole septénaire, sur le plan terrestre, de la Seule Grande Unité, le Logos, qui est lui-même le signe aux sept voyelles, le Souffle cristallisé dans le Verbe [ C’est encore semblable à la doctrine de Fichte et des Panthéistes allemands. Le premier vénère Jésus comme le grand instructeur qui insista sur l’unité de l’esprit de l’homme avec l’Esprit-Dieu ou Principe Universel (doctrine Advaïta). Il est difficile de trouver une seule spéculation dans la métaphysique de l’Occident qui n‘ait pas été anticipée par la Philosophie Orientale archaïque. Depuis Kant jusqu’à Herbert Spencer, c’est presque toujours plus ou moins un écho déformé des doctrines Dvaïta, Advaita et Védântines. ]. celui qui croit à tout cela doit aussi croire à la combinaison multiple des sept planètes de l’Occultisme et de la Kabale avec les douze signes du Zodiaque; et attribuer, comme nous le faisons, à chaque planète et à chaque constellation une influence, qui, ainsi que le dit Ely Star (Occultiste français), « lui est propre, bonne ou mauvaise, et cela, selon l’esprit planétaire qui la gouverne, lequel, à son tour, est capable d’influencer les hommes et les choses qui se trouvent en harmonie avec lui, et avec qui il a des affinités. » Pour ces raisons et puisque peu de personnes croient en ce qui précède, tout ce qu’on peut dire maintenant, c’est que, dans les deux cas, le symbole Hansa (que ce dernier soit Je, lui, Oie ou Cygne) est un symbole important, représentant, par exemple, la Sagesse Divine, la Sagesse dans les Ténèbres au-delà de la portée des hommes. Pour tous les usages exotériques, Hansa, comme le sait chaque Hindou, est un oiseau fabuleux qui (dans l’allégorie), lorsqu’on lui offrait du lait mêlé à de l’eau, séparait les deux, buvait le lait et laissait l’eau, montrant ainsi une sagesse particulière – le lait représente symboliquement l’esprit, et l’eau la matière.

Que cette allégorie soit très ancienne, et date d’une des premières périodes archaïques, se voit à la façon dont on parle, dans la Bhâgavata Purâna, d’une certaine caste nommée Hamsa, ou Hansa, et qui était la « seule caste » par excellence, lorsque, bien loin en arrière, dans les brumes d’un passé oublié, il n’y avait, chez les Hindous, qu’ « Un Véda, Une Divinité et Une Caste ». Il y a aussi une partie de l’Himâlaya nommée Hamsa, décrite dans les vieux livres comme étant située au nord du mont Mérou, et reliée à certains épisodes appartenant à l’histoire des initiations et des mystères religieux. Quant à ce que Kâlahansa soit, comme le disent les textes exotériques et les traductions des Orientalistes, le Véhicule de Brahmâ-Prajâpati, c’est une erreur. Brahman le neutre est appelé par eux Kâla-Hansa, et Brahmâ le Mâle, Hansa-Vâhana, parce que, sans doute, « son véhicule est un cygne ou une oie [ Comparez avec le Dictionary of Hindu Mythology de Dowson, p. 57. ] ».C’est purement une glose exotérique. Ésotériquement et logiquement, si Brahman, l’infini, est tout ce que les Orientalistes dépeignent, et en accord aussi avec les textes védântins, c’est-à-dire une divinité abstraite, nullement caractérisé par des attributs humains, si l’on soutient, en même temps, qu’il est appelé Kâla-Hansa – comment peut-il devenir le Vâhan de Brahmâ, dieu fini et manifesté? C’est justement le contraire. Le « Cygne ou l’Oie » (Hansa) est le symbole de la divinité mâle ou temporaire, Brahmâ, l’émanation du rayon primordial et sert de Vâhan ou Véhicule pour ce rayon Divin, qui, sans cela, ne pourrait pas se manifester dans l’Univers puisque, par antiphrase, il est lui-même une émanation des Ténèbres – du moins pour notre intelligence humaine. C’est Brahmâ, alors, qui est Kâlahansa, et le Rayon est Hansa-Vâhana. Quant à l’étrange symbole ainsi choisi, il est aussi très suggestif; sa véritable signification mystique c’est l’Idée d’une Matrice Universelle, figurée par les Eaux Primordiales de l’Abîme ou l’ouverture pour la réception, et, plus tard, pour la sortie de ce Rayon Unique (le Logos) qui contient en lui les Sept autres Rayons ou Pouvoirs Procréateurs (les Logoï ou Constructeurs). C’est de là que vient le choix, comme symbole, par les Rose-croix de l’oiseau aquatique – que ce soit le cygne ou le pélican [ Que l’espèce de l’oiseau soit cygnus anser ou pelicanus, cela ne fait rien, du moment que c’est un oiseau aquatique nageant ou flottant sur les eaux, comme l’Esprit, et sortant ensuite de ces eaux pour donner naissance à d’autres êtres. La vraie signification du symbole du Dix-huitième Degré des Rose-croix c’est précisément cela, bien que, plus tard, on  l’ait poétiquement transformé en le sentiment maternel du pélican déchirant son flanc pour nourrir de son sang ses sept petits. ] – Avec ses sept petits comme symbole modifié et adapté aux religions de tout pays. Le Livre des Nombres donne le nom de [ La raison pour laquelle Moïse défend qu’on mange le pélican et le cygne (Deutéronome, XIV, 16, 17), et classe ces deux oiseaux parmi les animaux impurs, tandis qu’il permet de manger « le scarabée et les sauterelles de toute espèce » (Lévitique, XI, 22), est purement physiologique, et ne se rapporte à la symbologie mystique qu’en ce que le mot « impur », comme tout autre mot, ne doit pas être pris dans son sens littéral, car il est ésotérique comme tout le reste et peut signifier aussi bien « sacré » que le contraire. C’est un « voile », particulièrement suggestif dans le cas de certaines superstitions, - chez les Russes, par exemple, qui ne mangent pas le pigeon, non parce qu’il est « impur », mais parce qu’on dit que le « Saint-Esprit » est apparu sous la forme d’une colombe. Voir vol. 2, 2e partie, Section 5. Sur la Divinité cachée, ses Symboles et ses Glyphes. ] Ain Soph à « l’Âme Ardente du Pélican ». Apparaissant avec chaque Manvantara, comme Nârâyana, ou Svâyambhuva, le Soi-Existant, et pénétrant  dans l’Œuf du Monde, il en sort à la fin de l’Incubation divine comme Brahmâ, ou Prajâpati, le progéniteur de l’Univers futur dans lequel il s’épand. Il est Purusha (esprit), mais il est aussi Prakriti (Matière). Donc, ce n’est qu’après s’être séparé en deux moitiés – Brahmâ-Vâch (la femelle) et Brahmâ-Virâj (le mâle) que le Prajâpati devient le Brahmâ mâle.

Stance III (9)

9. La Lumière est la Flamme Froide, et la Flamme est le Feu, et le Feu produit la Chaleur qui donne l’Eau, - l’Eau de Vie dans la Grande Mère [ Le Chaos. ].

Il faut se rappeler que les mots « Lumière », « Flamme » et « Feu » ont été adoptés par les traducteurs du vocabulaire des vieux « Philosophes du Feu » [ Pas les Alchimistes du moyen âge, mais les Mages et Adorateurs du Feu, à qui Rose-croix ou Philosophes per ignem, successeurs des Théurgistes, empruntèrent toutes leurs idées au sujet du Feu, comme élément mystique et divin. ], afin de rendre plus clairement la signification des termes et symboles archaïques employés dans l’original. Sinon, ils auraient été entièrement incompréhensibles au lecteur européen. Pour un étudiant de l’Occulte, cependant, ces termes seront suffisamment clairs.

La « Lumière », la « Flamme », le « Froid », le « Feu », la « Chaleur », «l'eau», ’ « Eau de Vie » sont tous, sur notre plan, les rejetons ou, comme dirait un Physicien moderne, les corrélations de l’ÉLECTRICITÉ. Mot puissant, et symbole encore plus puissant! Générateur sacré d’une progéniture non moins sacrée : du Feu, créateur, conservateur, destructeur; de la Lumière, essence de nos ancêtres divins; de la Flamme, âme des choses. L’Électricité, c’est-à-dire la Vie Unie, sur l’échelon le plus élevé de l’Être, et le Fluide Astral, l’Athanor des Alchimistes, sur le plus bas; DIEU et le DIABLE, le BIEN et le MAL….

Pourquoi, maintenant, appelle-t-on dans les STANCES la Lumière la « Flamme Froide »? Parce que, dans l’ordre de l’Évolution Cosmique (comme l’enseignent les Occultistes), l’énergie qui actionne la matière, après sa primitive formation en atomes, est générée sur notre plan par la Chaleur Cosmique : et parce que, avant cette période, le Kosmos, pris au sens de matière dissociée, n’était pas. La première Matière primordiale éternelle, coexistante à l’espace, « qui n’a ni commencement ni fin, [n’est] ni chaude ni froide, mais possède une nature propre spéciale », dit le Commentaire. La chaleur et le froid sont des qualités relatives, et appartiennent au domaine des mondes manifestés, qui procèdent tous de l’Hylé manifesté; ce dernier, dans son aspect absolument latent, est désigné sous le titre de « Vierge-Froide », et, lorsqu’il est réveillé à la vie, reçoit le titre de « Mère ». Les anciens mythes des cosmogonies occidentales disent qu’au commencement il n’y avait que le brouillard froid (le Père) et la boue prolifique (la Mère, Ilus ou Hylé), d’où sortit le Serpent du Monde (la Matière) [ Isis Unveiled, vol. I, p. 146. ].La Matière Primordiale, donc, avant qu’elle sorte du plan de ce qui ne se manifeste jamais, et qu’elle se réveille à l’action vibratoire, sous l’impulsion de Fohat, n’est qu’un « rayonnement froid, sans couleur, sans goût, dépourvu de qualité et d’aspect ». et ses premiers-nés sont de même – les « Quatre Fils » qui « sont Un, et deviennent Sept » - les Entités dont les qualifications et les noms servirent aux anciens Occultistes orientaux pour nommer quatre des sept « centres de Force » primaires, ou atomes, qui se développent plus tard en les grands « Éléments Cosmiques actuellement répartis dans les soixante-dix et quelques sous-éléments connus de la Science moderne. Les quatre « Natures Primaires » des premiers Dhyân-Chôhans sont appelées (faute de meilleurs noms) Akâshique, Éthérée, Aqueuse et Ignée, expressions correspondant, dans la terminologie de l’Occultisme pratique, à des définitions scientifiques de gaz qui – pour être compris à la fois des Occultistes et du public ordinaire – doivent être nommés Parahydrogéniques [ « Para », au sens de au-delà, en dehors. ], Paraoxygéniques, Oxyhydrogéniques et Ozoniques ou peut-être Nitrozoniques (qui sont , en Occultisme, supra-sensibles, quoique atomiques), qui possèdent leur maximum d’activité lorsqu’elles oeuvrent sur le plan d’une matière plus grossièrement différenciée.Ces éléments sont, à la fois, électropositifs et électronégatifs. [Chacun d’eux, et bien d’autres encore, sont probablement les liens manquants de la Chimie. Dans l’Alchimie et chez les Occultistes pratiques, ils sont connus sous d’autres noms. C’est en combinant et recombinant, ou dissociant les « Éléments » à l’aide du Feu Astral, qu’on produit les plus grands phénomènes.]

Stance III (10)

10. Le Père-Mère tisse une Toile, dont l’extrémité supérieure est attachée à l’Esprit [ Purusha. ], - la Lumière des Ténèbres-Unes, - et l’extrémité inférieure à son ombre, la Matière [ Prakriti. ]. Cette toile est l’Univers, tissé avec les Deux Substances combinées en Une, qui est Svabhâvat.

Dans la Mândukya Upanishad [ I-1-7. ], Il est écrit : Comme une araignée étend et retire sa toile, comme les plantes surgissent de terre… de même, l’Univers est dérivé de celui qui n’a pas de déclin », Brahmâ, car le « Germe des Ténèbres inconnues » est la matière dont tout évolue et se développe, « comme la toile de l’araignée et l’écume de l’eau », etc..Ce n’est expressif et vrai que si le terme Brahmâ, le « Créateur », est dérivé de la racine Brih, augmenter ou s’étendre. Brahmâ « s’étend » et devient l’Univers tissé de sa propre substance. La même idée a été bien exprimée par Goethe lorsqu’il dit : « ainsi je travaille au rouet du Temps. Et je tisse pour Dieu le vêtement sous lequel tu Le vois. »

Stance III (11)

11. Cette toile s’étend lorsque le Souffle de Feu [ Le Père. ] la couvre; elle se contracte lorsque le Souffle de la Mère [ La racine de la Matière. ] la touche. Alors, les Fils [ Les Éléments avec leurs Pouvoirs ou Intelligences respectifs. ] Se séparent et se dispersent, pour rentrer dans le Sein de leur Mère, à la fin du Grand Jour et redevenir un avec elle. Lorsqu’elle [ La Toile. ] Se refroidit, elle devient rayonnante. Ses fils se gonflent et se contractent par leur propre Soi et par leur Coeur; ils embrassent l’Infini.

L’expansion de l’Univers sous le « Souffle du Feu » est très suggestive si on la considère à la lumière de la période du « brouillard de Feu » dont la science moderne parle tant et dont, en réalité, elle sait si peu.

Une grande chaleur sépare les éléments composés et résout les corps célestes en leur Élément Primordial Unique – voilà ce qu’explique le Commentaire :

« Du moment qu’un corps, mort ou vivant, s’est décomposé en ses constituants de base, en se mettant dans la zone d’attraction et d’action d’un foyer ou centre de chaleur (énergie), - et plusieurs de ces centres sont promenés çà et là dans l’espace, - ce corps est réduit en vapeur et gardé dans le « Sein de la Mère » jusqu’à ce que Fohat, recueillant quelques-unes des parcelles de la Matière Cosmique (nébuleuse), lui donne une impulsion, le mette de nouveau en mouvement, développe la chaleur nécessaire, et le laisse suivre sa nouvelle croissance. »

L’expansion et la contraction de la « Toile » - c’est-à-dire l’étoffe ou atomes dont est fait le Monde – exprime ici le mouvement de pulsation; car c’est la contraction et l’expansion régulières de l’Océan infini et sans rivage de ce que nous pouvons appeler le noumène de la Matière, émané par Svabhâvat qui est la cause de la vibration universelle des atomes.Mais cela suggère autre chose aussi. Cela montre que les anciens savaient ce qui intrigue de nos jours beaucoup de Savants, et surtout beaucoup d’Astronomes, - la cause de la première ignition de la matière ou étoffe dont est composé le monde, le paradoxe de la chaleur produite par la contraction réfrigérante, et d’autres énigmes cosmiques, - car cela démontre, à ne pas s’y méprendre, que les anciens avaient la connaissance de ces phénomènes. « Il y a, dans chaque atome, la chaleur interne et la chaleur externe », disent les Commentaires manuscrits dont l’auteur a eu communication : « le Souffle du Père [Esprit] et le Souffle [ou Chaleur] de la Mère [Matière] »; et ces documents donnent des explications qui montrent que la théorie moderne de l’extinction des feux solaires, conséquence de la perte de chaleur due à la radiation, est erronée. Les savants eux-mêmes conviennent de la fausseté de l’assertion, car, ainsi que le fait remarquer le Professeur Newcomb [ Popular Astronomy, pp. 507 – 508. ], « en perdant sa chaleur un corps gazeux se contracte, et la chaleur générée par la contraction dépasse celle qu’il a eue à perdre pour produire la contraction ».Ce paradoxe qu’un corps devient plus chaud à mesure que la contraction produite par le refroidissement devient plus grande a été la cause de bien des discussions. On a prétendu, en effet, que l’excès de chaleur se perd par radiation et que déclarer que cette température ne s’abaisse pas pari passu avec la diminution de volume, sous une pression constante, c’est abolir la loi de Charles [ Nebular Theory (Winchell). ] Il est vrai que la contraction développe de la chaleur; mais la contraction (causée par le refroidissement) n’est capable ni de développer la quantité de chaleur existant à un moment donné dans la masse, ni même de maintenir un corps à une température constante, etc. Le professeur Winchell essaie d’expliquer le paradoxe, - paradoxe qui n’est qu’apparent, comme le démontre J. Homer Lane [ American Journal of Science, juillet 1870. ] - en suggérant qu’il existe « quelque chose en dehors de la chaleur ».« Ne serait-ce pas, dit-il, tout simplement une répulsion entre les molécules, qui varierait selon une loi des distances? » [ World-Life or Comparative Geology, par Alexander Winchell LL. D., page 85 (1883) ]Mais l’accord ne pourra se faire que si ce « quelque chose qui existe en dehors de la chaleur » est appelée « la Chaleur sans Cause », le « Souffle de Feu », la Force omnicréatrice plus l’INTELLIGENCE ABSOLUE ; ce qui est peu probable que la Science physique accepte.

Quoiqu’il en soit, la lecture de cette Stance montre que, malgré sa phraséologie archaïque, elle est plus scientifique que la Science moderne elle-même.

Stance III (12)

12. Alors Svabhâvat envoie Fohat pour durcir les Atomes. Chacun [ Des atomes. ] est une partie de la Toile [ L’univers.]. Réfléchissant « le Seigneur Existant par Lui-même [ La Lumière primordiale. ] », comme un Miroir, chacun devient, à son tour, un Monde[ Ceci se dit parce que la flamme d’un feu quelconque est en elle-même inépuisable, et que l’on pourrait allumer les Lumières de tout l’Univers à une simple veilleuse, sans en diminuer la flamme ].

Fohat durcit les Atomes, c'est-à-dire en leur infusant de l’énergie, il disperse les « Atomes », ou Matière Primordiale. « Il se disperse lorsqu’il disperse la Matière en Atomes » (Commentaires manuscrits).

C’est par le moyen de Fohat que les idées du mental Universel sont imprimées sur la Matière. On peut avoir une faible idée de la nature de Fohat en l’appelant « L’Électricité Cosmique », comme on le fait quelquefois; mais il faut alors ajouter d’autres attributs à ceux qui sont ordinairement reconnus à l’électricité; y compris l’intelligence. Il est intéressant de noter que la Science moderne vient enfin de reconnaître que toute activité cérébrale est accompagnée de phénomènes électriques [ Pour plus de détail sur Fohat, voir Stances et commentaires. ].

Stance IV (1)

1.  O Fils de la Terre. Écoutez vos Instructeurs – les Fils du Feu (a). Apprenez-le : Il n’y a ni premier ni dernier; car tout est le Nombre Unique issu du Non-Nombre (b).

a) Les termes « Fils du Feu », « Fils du Brouillard de Feu » et autres semblables demandent une explication. Ils ont été reliés à un grand mystère primordial, universel et qu’il n’est pas facile d’expliquer. Il est un passage de la Bhagavad-Gitâ où Krishna, parlant symboliquement et ésotériquement, dit :

Je dirai les temps [conditions] … où les dévots, en parlant [de ce monde], ne reviennent jamais (pour renaître), ou reviennent [se réincarner]. Le feu, la flamme, le jour, la quinzaine [heureuse], de la lune croissante, les six mois où le soleil est au Nord, voilà le temps où ceux qui connaissent Brahman [Yôgis] vont à lui La fumée, la nuit, la quinzaine [néfaste] du déclin de la lune, les six mois où le soleil est au Sud, c’est alors que le dévot [mourant] va dans la lumière lunaire [ou demeure, et aussi la Lumière Astrale] et revient [renaît]. Ces deux sentiers, l’un éclairé, l’autre obscur, sont dits éternels dans ce monde [ou Grand Kalpa, (Âge)]. Par l’un [l’homme] s’en va pour ne jamais revenir, par l’autre il revient [ Chap. VIII, p. 80. Traduction de Trimbak Telang, Sacred Books of the East. ].

Ces termes « Feu », « Flamme », « Jour », « Quinzaine éclairée, » etc., « Fumée », « Nuit », et ainsi de suite, ne conduisant qu’au bout du Sentier Lunaire ne sont compréhensibles qu’avec la connaissance de l’Ésotérisme. Ce sont les noms des diverses divinités qui dirigent les Puissances Cosmophychique. Nous parlons souvent de la Hiérarchie des « Flammes », des « Fils du Feu », etc., Shankarâchârya, le plus grand des Maîtres Ésotériques de l’Inde, dit que le Feu signifie une divinité qui préside au Temps (Kâla). Le savant traducteur de la Bhagavad-Gitâ, Kashinâth Trimbak Télang. M.A., de Bombay avoue qu’il n’a « aucune idée claire de la signification de ces versets ». Il en va tout autrement pour qui connaît la doctrine Occulte. Ces versets se rapportent au sens mystique des symboles solaires et lunaires. Les Pitris sont des divinités Lunaires et nos Ancêtres parce qu’ils créèrent l’homme physique. Les Agnishvattas, les Kumâras (les Sept Sages Mystiques), sont des Divinités Solaires, quoiqu’ils soient aussi des Pitris; mais ils sont les « Façonneurs de l’Homme interne ». Ce sont les « Fils de Feu », parce qu’ils sont les premiers Êtres auxquels la DOCTRINE SECRÈTE donne le nom de « Mental » évolués du Feu primordial. « Le Seigneur… est un feu qui consume [ Deutéronome, IV, 24.».« Le Seigneur [Christ] sera révélé… avec ses anges puissants, dans un feu ardent [ Thess : I, 7, 8. ] ».Le Saint-Esprit descendit sur les Apôtres en forme de « langues de feu [ Actes, II, 3. ]»; Vishnou reviendra sur Kalki, le Cheval Blanc, comme dernier Avatâr, au milieu du feu et des flammes; et Sosiosh descendra aussi sur un Cheval Blanc, dans « un ouragan de feu ».« et je vis le ciel qui s’ouvrit, et alors apparut (au milieu d’un Feu ardent) un cheval blanc; et celui qui le montait… s’appelle le Verbe de Dieu [ Apoc. XIX, 11 et 13. ]. » Le Feu est l’Aether dans sa forme la plus pure et, par conséquent, on le ne considère pas comme matière; il est l’Unité de l’Aether – la seconde divinité, manifestée – dans son universalité. Mais il y a deux « Feux » et on sait les distinguer dans les enseignements Occultes. Du premier, ou Feu purement sans forme et invisible caché dans le Soleil Central Spirituel, on dit qu’il est Triple (métaphysiquement); tandis que le Feu du Kosmos manifesté est Septénaire, dans toute l’étendue de l’Univers et de notre Système Solaire. « Le feu de la connaissance dévore toute action sur le plan de l’illusion », dit le Commentaire. « Par conséquent ceux qui l’ont acquis et sont émancipés, sont nommés des "Feux". » en parlant des sept sens, symbolisés comme des Hôtris ou Prêtres, Nârada dit, dans Anugîta : « ainsi ces sept [sens : l’odorat, le goût, la couleur, le son, etc.], sont les causes de l’Émancipation »; et le traducteur ajoute : « C’est de ces sept dont le Soi doit être émancipé. « Je » [dans la phrase, « je suis… exempt de qualités »] doit signifier le soi, et non pas le Brâhmana qui parle [ Traduction de Telang, Sacred Books of the East, VIII, 278. ]. »

b) L’expression : « Tout est Un Nombre, issu du Non-Nombre », se rapporte encore à cette doctrine philosophique universelle que nous venons d’expliquer dans le commentaire du 4e paragraphe de la Stance III. Ce qui est absolu est naturellement le Non-Nombre; mais dans une signification ultérieure, il s’applique à l’Espace et au Temps. Cela signifie  que non seulement chaque espace de temps est une partie d’un espace plus grand jusqu’à la durée la plus grande que puisse concevoir l’intellect humain, mais aussi qu’on ne peut considérer aucune chose manifestée si ce n’est comme faisant partie d’un tout plus grand; l’agrégat total étant l’Univers Un manifesté, qui sort du Non-manifesté ou Absolu – nommé le Non-Être ou le « Non-Nombre », pour le distinguer de l’Être ou « Nombre Unique.

Stance IV (2)

2. Apprenez ce que, nous, issus des sept Primordiaux, nous qui sommes nés de la Flamme Primordiale, avons appris de nos Pères …

Ce texte est plus clairement expliqué dans les volumes III et IV, et le terme « Flamme Primordiale » corrobore ce qui est dit dans le premier paragraphe du commentaire ci-dessus de la Stance IV.

La différence entre les « Primordiaux » et les Sept Constructeurs subséquents, c’est que les premiers sont le Rayon et l’Émanation directe des premiers « Quatre Sacré », la Tetraktys, c’est-à-dire l’Un éternellement Soi-Existant – notez que l’on veut dire éternel en Essence, non en manifestation et distinct de l’Un Universel. Latents pendant le Pralaya et actifs pendant le Manvantara, les « Primordiaux » procèdent du « Père Mère » (Esprit-Hylé ou Ilus), tandis que l’autre Quaternaire manifesté et les Sept procèdent de la Mère seule. C’est cette dernière qui est la Mère-Vierge immaculée, obombrée et non imprégnée par le Mystère Universel – lorsqu’elle sort de son état de son état Laya, ou condition non différenciée. En réalité, ils sont, cela va sans dire, tous un, mais leurs aspects sur les différents plans de l’Être sont différents.

Les premiers « Primordiaux » sont les Êtres les plus élevés de l’Échelle de l’Existence; ce sont les Archanges du Christianisme, ceux qui refusent de créer, ou plutôt de se multiplier – comme fit Michel dans ce dernier système, et comme firent les « Fils aînés de l’Intelligence » de Brahmâ (Védhas).

Stance IV (3)

3. De la splendeur de la Lumière. - Rayon des Ténèbres Éternelles, - surgirent dans l’Espace les Énergies réveillées [ Dhyân Chohans. ] : L’Unique de l’Œuf, le Six et le Cinq (a). Puis le Trois, l’Un, le Quatre, le Un, le Cinq, - au total les deux fois Sept (b). et ce sont là les Essences, les Flammes, les Éléments, les Constructeurs, les Nombres (c), l’Arupa [ Sans Formes. ], Le Rupa [avec des Corps. ] Et la Force, ou l’Homme Divin qui en est la somme totale. Et de l’Homme Divin émanèrent les Formes, les Étincelles, les Animaux Sacrés (d), et les Messagers des Pères Sacrés [ Pitris. ] contenus dans les Saints Quatre [ Le Quatre, qui est représenté, dans la numérotation Occulte, par le Tétraktys, le Carré Sacré ou Parfait, est un Nombre Sacré, chez les Mystiques de toutes les nations et races. Il a une seule et même signification dans le Brâhmanisme, le Bouddhisme, le Kabalisme, et dans les systèmes numériques Égyptien, Chaldéen et autres. ].

a) La première phrase de ce paragraphe se rapporte à la Science Sacrée des Nombres; science si sacrée, en effet, et si importante dans l’Étude de l’Occultisme qu’il est difficile d’effleurer le sujet même dans un ouvrage aussi étendu que celui-ci. C’est sur les Hiérarchies et les nombres exacts de ces Êtres, - invisibles (pour nous) sauf dans de rares occasions, - qu’est fondé le mystère de l’Univers entier. Les Kumâras, par exemple, sont nommés les « Quatre » - quoique, en réalité, ils soient Sept – parce que Sanaka, Sanada, Sanâtana et Sanat-Kumara sont les Vaïdhâtra principaux  (Vaïdhâtra est leur nom patronymique), car ils sortent du « mystère quadruple ». Pour rendre la chose plus claire, il nous faut chercher des exemples des données plus familières à certains de nos lecteurs, les données brâhmaniques.

Selon Manou, Hiranyagarbha est Brahmâ, le premier mâle formé, par l’indiscernable CAUSE sans cause, dans un « Oeuf d’or qui rayonne comme le Soleil », dit le Hindu Classical Dictionary; Hiranyagarbha signifie le Doré, ou plutôt la « Matrice ou l’Œuf Resplendissant ». Cette signification ne s’accorde pas bien avec l’épithète de « mâle ». Cependant, la signification ésotérique de la phrase est suffisamment claire! Il est écrit dans le Rig Véda : « CELA, le seul Seigneur de tous les êtres… l’unique principe qui anime les dieux et les hommes », sortit, au commencement, de la Matrice d’Or, Hiranyagarbha – qui est l’Œuf du Monde, ou Sphère de notre Univers. Cet Être est assurément androgyne, et l’allégorie de Brahmâ se séparant en deux et se recréant comme Virâj dans une de ses moitiés (la femelle Vâch) en est la preuve.

« L’un de l’Œuf, le Six, et le Cinq », donnent le nombre 1065, valeur du Premier-né (plus tard, le mâle et femelle Brahmâ-Prajâpati), qui répond aux nombres 7, 14, et 21, respectivement. Les Prajâpati, comme les Sephiroth, ne sont que sept, y compris la Sephira qui synthétise la Triade d’où ils surgissent. Ainsi, d’Hiranyagarbha ou Prajâpati, le Tri-un (la Trimurti Védique primordiale : Agni, Vâyu et Sûrya), émanent les autres sept, ou encore les dix, si nous séparons les trois premiers qui existent en un et un en trois : tous d’ailleurs, sont inclus dans cet un « Suprême » Parama, appelé Guhya ou « Secret », et Sarvâtman, la « Sur-Âme ». « Les sept Seigneurs de l’Être sont cachés en Sarvâtman comme les pensées dans un cerveau. » Ainsi est-il avec les Séphiroth. Ils sont ou sept, en comptant depuis la Triade supérieure, avec Kether à leur tête ou, exotériquement, dix. Dans la Mahâbhârata, les Prajâpati sont 21, ou dix, six et cinq (1065), trois fois sept [ Dans la Kabale, les mêmes nombres, c’est-à-dire 1065, ont la valeur de Jéhovah, puisque les valeurs numériques des trois lettres qui composent son nom, Yod, Vau et deux Hé, - sont respectivement 10 (י) 6 (י) et 5 (הה); ou encore trois fois sept, 21. « Dix est la Mère de l’Âme, car la Vie et la Lumière y sont réunies », dit Hermès. « Car le nombre un est né de l’Esprit et dix de la Matière (Chaos, féminin); l’unité a fait le dix et le dix l’unité » (Livre des clefs). « au moyen de la Temura, méthode anagrammatique de la Kabale, et de la connaissance de 1065 (21) on peut obtenir une science universelle, se rapportant au Kosmos et à ses mystères » (Rabbi Yogel). Les Rabbis considèrent 10, 6 et 5 comme les plus sacrés de tous les nombres. ].

b) Le Trois, l’Un, le Quatre, l’Un, le Cinq (au total : Deux fois Sept) représentent 31.415 – la Hiérarchie numérique des Dhyân-Chohans de divers ordres et du monde intérieur ou circonscrit [ On peut ici apprendre au lecteur qu’un kabaliste américain a maintenant découvert le même nombre pour l’Elohim. C’est venu de Chaldée chez les Juifs. (Voir the Masonic Review, juillet 1885, Mc Millan Lodge, no 141 : Hebrew Metrology.) ] . Placé sur les confins du grand Cercle « Ne passe pas » appelé aussi Dhyânipâsha, la « Corde des Anges », la « Corde » qui sépare le Kosmos phénoménal du Kosmos nouménal (qui ne tombe pas dans le champ de notre conscience objective actuelle), ce nombre, lorsqu’il n’est pas élargi par permutation et expansion, est toujours 31.415 anagrammatiquement et kabalistiquement, étant en même temps le nombre du Cercle et le Svastika mystique, encore une fois les « Deux fois Sept »; car, de quelque façon que l’on compte les deux séries de chiffres en les additionnant séparément, un chiffre après l’autre, que ce soit en partant de la droite ou de la gauche, le total est toujours quatorze. Mathématiquement, ils représentent la formule bien connue, que le rapport du diamètre d’un cercle à SA CIRCONFÉRENCE EST COMME 1 EST à 3,1415 ou la valeur de π (pi), comme on l’appelle. Cette combinaison de chiffres doit avoir la même signification puisque le 1 : 314.159 et, encore le 1 : 31415927 sont des formules employées dans les calculs secrets comme exprimant les cycles et les âges divers du « Premier-né », ou 311 040, 000,000,000 avec des fractions, et qu’elles donnent le même résultat 13.415 par un procédé dont nous n’avons pas à nous occuper  en ce moment. On peut remarquer que M. Ralston Skinner, l’auteur de The Source of Measures, découvre le mot Hébreu Alhim dans les mêmes valeurs numériques – en omettant, comme nous l’avons déjà dit, les zéros, et en employant la permutation – soit 13.514 : en effet : א (a) est 1; ל (l) est 3 (30); ח (h) est 5;  (i) est 1 (10); et מ (m) est 4 (40) d’où anagrammatiquement – 31.415, comme il l’explique.

Ainsi, tandis que, dans le monde métaphysique, le Cercle qui contient un Point central n’a pas de nombre et est appelé Anupâdaka – sans parents et sans nombre parce qu’il ne peut faire partie d’aucun calcul – dans le monde manifesté, l’Œuf du Monde ou Cercle est circonscrit dans les groupes qu’on nomme la Ligne, le Triangle, le Pentagramme, la seconde Ligne et le Carré (ou 13514) [ Dans l’édition de 1888 et dans le manuscrit de 1886 la liste donnée est la suivante : la Ligne, le Triangle, le Pentacle, la seconde Ligne et le Cube. ], Et lorsque le point a généré une Ligne, et est devenu un diamètre qui représente le Logos androgyne, alors les chiffres deviennent 31415, ou un triangle, une ligne, un carré [ Cube dans l’édition de 1888. ], une seconde ligne et un pentagramme [ Dans l’édition de 1888 et le manuscrit de 1886 la liste est : un triangle, un cube, une seconde ligne et un pentacle. ].« Lorsque le Fils se sépare de la Mère il devient Père », le diamètre représentant la Nature ou le principe féminin. Ainsi il est écrit : « Dans le Monde de l’Être, le Point Unique fertilise la Ligne, - la Matrice Vierge du Cosmos (le zéro en forme d’oeuf), - et la Mère immaculée donne naissance à la Forme qui combine toutes les formes. » Prajâpati est appelé le premier mâle procréateur et le « marie de sa mère [ Nous trouvons la même expression en Égypte. Mout signifie, dans un sens, « Mère », et montre le rôle qu’on lui assigne dans la Triade de ce pays. Elle n’était pas moins la Mère que la femme d’Ammon, et l’un des titres principaux du dieu était celui de « mari de sa mère ». La déesse Mout, ou Mût, est invoquée sous le titre de « Notre Dame », « Reine du Ciel » et « de la Terre », et « partage ainsi ces appellations avec les autres déesses-mères : Isis, Hathor, etc. «  (Maspero). ] ».Ceci nous donne la clef de tous les « Divins Fils » de « Mères Immaculées » qui vinrent plus tard. L’idée est fortement corroborée par le fait significatif qu’Anne, le nom de la Mère de la Vierge Marie, qu’on représente maintenant, dans l’Église Catholique Romaine, comme ayant donné naissance à sa fille d’une façon immaculée (« Marie conçue sans péché », est dérivé du mot chaldéen Ana, Ciel ou Lumière Astrale, Anima Mundi, d’où vient qu’Anaïtia, Dévi-Durgâ, la femme de Shiva, est aussi nommée Annapurna et Kanyâ, la Vierge; Umâ-Kanyâ est son nom ésotérique et signifie la « Vierge de Lumière », la Lumière Astrale dans un de ses nombreux aspects.

c) Les Dévas, Pitris, et Rishis; les Suras et les Asuras; les Daïtyas et les Adityas; les Dânavas et les Gandbarvas, etc., ont tous leurs synonymes dans notre DOCTRINE SECRÈTE, aussi bien que dans la Kabale et l’Angélologie des Hébreux; mais il est inutile de donner leurs noms anciens, cela ne causerait que de la confusion. On peut, du reste, trouver, dès maintenant, beaucoup de ces noms même dans la Hiérarchie chrétienne des Puissances divines et célestes. Tous ces Trônes et ces Dominations, ces Vertus et ces Principautés, ces Chérubins, ces Séraphims et ces Démons, habitant divers du Monde Sidéral, sont les copies modernes de prototypes archaïques. Le symbolisme même de leurs noms, translittérés et arrangés en Grec et Latin, le démontre suffisamment, comme nous le montrerons plus tard dans plus d’un cas.

d) Les « Animaux Sacrés » se trouvent dans la Bible aussi bien que dans la Kabale et ils ont leur signification – très profonde d’ailleurs – dans les pages qui traitent des origines de la Vie. Dans le Sepher Jetzirah, on dit que : « Dieu grava sur le Quatre Sacré le Trône de sa Gloire, l’Auphanim [Roues ou Sphères du Monde], les Séraphims, les Animaux Sacrés et les Anges Serviteurs; et d’eux [l’Air, l’Eau, et le Feu ou Éther] il forma son habitation. »

 [Voici la traduction littérale des Sections IX et X :

Dix nombres sans quoi? L’Un : L’esprit du Dieu vivant… qui vit dans les éternités! Voix, Esprit et Verbe c’est le Saint-Esprit. Les Deux : l’Air [ Esprit, dans l’édition de 1888.] De l’Esprit.Il dessina et construisit avec cela vingt-deux lettres fondamentales, trois mères, sept doubles et douze simples, et un Esprit. Le Trois : l’Eau de l’Esprit. Il dessina et construisit avec eux le stérile et le vide, la boue et la terre. Il en fit le dessin comme celui d’un parterre, il les construisit  comme un mur et les couvrit comme un pavage. Le Quatre : le Feu de l’Eau. Il en dessina et construisit le trône de gloire, les roues, les séraphins, les animaux sacrés et les anges serviteurs : et des trois Il fonda son habitation, comme il est dit : « Il fait de ses Anges des esprits, et de ses serviteurs des flammes ardentes! »

Les mots « fonda son habitation » montrent clairement que, dans la Kabale, comme aux Indes, on considérait la Divinité comme l’Univers et qu’elle n’était pas originairement le Dieu extra-cosmique qu’il est maintenant.]

Ainsi fut fait le monde « par Trois Séraphims, - Sepher, Saphar et Sipur », ou par le « Nombre, les Nombres et les Dénombrés ». avec la clef astronomique, ces « Animaux Sacrés » deviennent les signes du Zodiaque.

Stance IV (4)

4. C’était l’armée de la Voix, - la Mère Divine des Sept. Les Étincelles des Sept sont les sujets et les serviteurs du Premier et du Second, du Troisième, du Quatrième, du Cinquième, du Sixième et du Septième des Sept (a). Ces Étincelles sont nommées Sphères, Triangles, Cubes, Lignes et Modeleurs; car c’est ainsi que se tient l’Éternel Nidâna, - OEAOHU (b) [ La signification littérale de ce mot est, pour les Occultistes Orientaux du Nord, un vent circulaire ou tourbillon; mais, dans le cas actuel, il signifie le Mouvement Cosmique éternel, ou plutôt la Force qui le fait se mouvoir; cette Force est acceptée tacitement comme Divinité, mais on ne la nomme jamais. C’est le Kârana éternel, la Cause qui agit toujours. [Voir Chhandogya Upahishad, Chap. I, Sect. XIII, Vers. 1-3. Les trois versets donnent, en langage cryptique, l’esquisse complète de ce qui est résumé ici dans le premier paragraphe.] ].

a)       Ce Sloka donne de nouveau une brève analyse des Hiérarchies de Dhyân Chôhans, appelés Dévas (Dieux) dans l’Inde ou Pouvoirs Conscients et Intelligents de la Nature. À cette Hiérarchie correspondent les types réels en lesquels on peut diviser l’Humanité; car l’Humanité, dans son ensemble, en est, en réalité, l’expression matérialisée, quoique imparfaite. L’ « Armée de la Vois » est un terme étroitement lié au mystère du Son et du Langage, comme effet et corollaire de sa Cause – la Pensée Divine. Comme P. Christian, l’auteur érudit de l’Histoire de la Magie et de l’Homme Rouge des Tuileries, l’a si bien exprimé, les mots que prononcent les individus, aussi bien que les noms qu’ils portent, déterminent, en grande partie, leur sort futur. Pourquoi? Parce que :

« Lorsque notre âme [mental] crée ou évoque une pensée, le signe représentatif de cette pensée se grave sur le fluide astral, qui le reçoit, et qui est, pour ainsi dire, le miroir de toutes les manifestations de l’Être.

« Le signe exprime la chose; la chose est la vertu [cachée ou occulte] du signe.

« Prononcer un mot, c’est évoquer une pensée et la rendre présente, le pouvoir magnétique de la parole humaine est le commencement de toute manifestation dans le Monde Occulte. Prononcer un Nom, c’est non seulement définir un Être [une Entité], mais le placer sous l’influence de ce nom, le condamner, par la force de l’Émission du mot [Verbum], à subir l’action d’un ou de plusieurs pouvoirs Occultes. Les choses sont, pour chacun de nous, ce qu’il [le Mot] les fait en les nommant. Le Mot [Verbum] ou la parole de chaque homme est, sans qu’il en ait conscience, une bénédiction ou une malédiction; c’est pourquoi notre ignorance actuelle sur les propriétés et les attributs de l’idée, aussi bien que sur les attributs et les propriétés de la matière, nous est souvent fatale.

« Oui, les noms [et les mots] sont bénéfiques ou maléfiques; ils sont, dans un certain sens, nocifs ou salutaires, selon les influences cachées que la Sagesse Divine a liées à leurs éléments, c’est-à-dire aux lettres qui les composent, et aux nombres qui correspondent à ces lettres. »

C’est la stricte vérité, dans l’enseignement ésotérique accepté par toutes les Écoles orientales d’Occultisme. Dans les alphabets sanscrit, hébreu et tous les autres, chaque lettre a sa signification occulte et sa raison d’être, chacune est une cause et l’effet d’une cause précédente; et leur combinaison produit souvent des effets magiques. Les voyelles, surtout, contiennent les pouvoirs les plus occultes et les plus redoutables… Les Mantras (ésotériquement, des invocations beaucoup plus magiques que religieuses) sont psalmodiés par les Brâhmanes comme le reste des Védas et des autres Écritures saintes.

« L’Armée de la Voix » est le prototype de la « Cohorte du Logos », ou « Verbe » du Sepher Jetzirah, appelé dans la DOCTRINE SECRÈTE le « Nombre Unique issu du Non-Nombre » - le Principe Un Éternel. La Théogonie Ésotérique commence avec l’Un manifesté(non éternel, par conséquent, dans sa présence et son être, s’il est éternel, dans son essence), le Nombre des Nombres, et des Dénombrés – ces derniers procédant de la Voix, le Vâch féminin, la Shatarûpâ « aux cent formes », la Nature. C’est de ce nombre 10, ou nature Créatrice, la Mère (le Zéro occulte ou le « O » procréant et multipliant sans cesse en Union avec le chiffre « 1 », ou l’Esprit de Vie) que procède l’Univers entier.

On donne, dans l’Anugîta [ VI, 15. L’Anugîta forme une partie du Parvan Ashmamédha du Mahâbhârata. Le traducteur de la Bhagavadgita, éditée par Max Muller, la considère comme une continuation de la Bhagavadgita. Son original est l’une des plus anciennes Upanishads. ], une conversation entre un Brâhmane et sa femme sur l’origine de la parole et sur ses propriétés Occultes.La femme demande qu’elle est l’Origine de cette Parole, et qui vint le premier de la Parole ou du Mental. Le Brâhmane lui répond que l’Apâna (le souffle inspiré) en devenant le Seigneur, change cette intelligence qui ne comprend pas la Parole ou les Mots, en l’état d’Apâna, et ouvre ainsi le Mental. Sur cela, il lui raconte une histoire, une conversation entre la Parole et le Mental. Les deux se rendirent chez le Soi de l’Être (c'est-à-dire chez le Soi Supérieur individuel, comme le pense Nilakantha, ou, selon le commentateur Arjuna Mishra, chez Prajâpati) et le prièrent de détruire leurs doutes, et de rendre sa décision sur celui des deux qui précédait l’autre et lui était supérieur. Le Seigneur répondit : « Le Mental (est supérieur). » Mais la Parole répondit au Soi de l’Être, en disant : « en vérité, je réponds à vos désirs », voulant dire que, par la Parole, il acquérait ce qu’il désirait. Alors le Soi ajouta qu’il y a deux Mentals : le « mobile » et « l’immobile ». L’immobile, dit-il, est avec moi, le mobile est de votre domaine » (celui de la Parole), sur le plan de la matière. « Sur celui-là vous êtes supérieure. »

« Mais, ô BelÊtre, puisque vous êtes venu personnellement me parler (de la façon que vous savez, c’est-à-dire fièrement), pour cela, ô Sarasvati, vous ne parlerez jamais après l’expiration (forcée). » La déesse Parole [Sarasvati, forme ou aspect plus récent de Vâch, déesse aussi du savoir secret ou de la Sagesse Ésotérique] habita effectivement, toujours entre le Prâna et l’Apâna. Mais, ô noble personne, voyageant avec le vent d’Apâna [l’air vital], quoique poussée… sans le Prâna [souffle d’expiration], elle courut vers Prajâpati [Brahmâ], en disant : « Daignez, ô Seigneur vénéré! » Alors, Prâna apparut de nouveau, nourrissant la parole. Et, en conséquence, la parole ne parle jamais après l’expiration (forcée). Elle est toujours bruyante ou sans bruit… De ces deux, celle qui est sans bruit, est supérieure à celle qui est bruyante… La (Parole) qui est produite dans le corps au moyen de Prâna, et qui alors [est transformée] en Apâna et est ensuite assimilée avec l’Udâna [les organes physiques de la Parole] … habite (finalement) dans le Samâna [« dans le nombril, sous forme de son, comme la cause matérielle de tous les mots », dit Arjuna Mishra]. ainsi parla la parole autrefois. Et le mental se distingue par son immuabilité, et la déesse par sa mobilité [ Anugîtâ. Traduction K.T. Telang. Sacred Books of the East, pp. 264-266. ]. »

Cette allégorie se trouve à la racine de la loi Occulte qui prescrit le silence sur la connaissance de certaines choses secrètes et invisibles, perceptibles seulement au mental spirituel (le sixième sens) et ne pouvant pas être exprimées par la parole  « bruyante » ou prononcée. Ce chapitre de l’Anugîtâ explique, dit Arjuna Mishra, le Prânâyâma ou régulation du Souffle dans les pratiques du Yôga. Cependant, ces pratiques, employées sans avoir d’abord acquis, ou, du moins, sans pleinement comprendre les deux sens supérieurs (nous démontrerons, plus tard, qu’il y a sept sens,), appartiennent plutôt au Yôga inférieur. Les Arhats n’ont pas cessé de déconseiller ce qu’on appelle le Hatha Yôga. Il est nuisible pour la santé, et ne peut seul se développer en Râja Yôga. L’histoire précédente sert aussi à démontrer comment, dans les anciens systèmes métaphysiques, les êtres intelligents, ou plutôt, les « intelligences », sont étroitement liés à chaque sens ou fonctions, qu’ils soient physiques ou mentaux. L’assertion Occultiste qu’il y a dans l’homme et dans la nature sept sens, comme il y a sept états de conscience , est corroborées dans le même ouvrage, au chapitre VII, sur le Pratyâhâra (la restriction et la régulation des sens, Prânâyâma étant celle des « airs vitaux », ou souffle). Le Brâhmana, en parlant de l’institution des sept Prêtres sacrificateurs (Hôtris), dit : « Le Nez, l’oeil, la langue, la peau, l’oreille, comme cinquième [ou l’odorat, la vue, le goût, le toucher et l’ouïe], le mental et la compréhension, sont les sept prêtres sacrificateurs, qui se tiennent séparément », et qui, « habitant dans un tout petit espace, ne s’aperçoivent pas l’un l’autre », sur ce plan des sens – à l’exception du mental. Car le mental dit : « Le nez ne respire pas sans moi … L’oeil ne comprend pas la couleur sans moi, etc. Je suis le chef éternel parmi tous les éléments [c'est-à-dire des sens]. Sans moi, les sens ne se manifestent jamais : ils sont comme une habitation vide, ou comme un feu dont les flammes sont éteintes. Sans moi, tous les êtres, comme du combustible mi-sec et mi-humide, ne comprennent ni qualités ni objets, bien que les sens soient en activité [ Op. Cit., Chap. VII, pp. 267-268. Ceci nous montre que les métaphysiciens modernes, avec tous les Hegel, les Berkeley, les Schopenhauer, les Hartmann, les Herbert Spencer du passé et du présent, et même les Hylo-Idéalistes actuels, ne sont que de pâles copistes de la grande antiquité! ]. »

cela, bien entendu, ne s’applique qu’au mental opérant sur le plan des sens. Le Mental Spirituel, la partie ou l’aspect supérieur du MANAS impersonnel, ne prend pas connaissance des sens dans l’homme physique. Les anciens comprenaient bien la corrélation des forces et tous les phénomènes récemment découverts, les facultés et les fonctions mentales et physiques, et bien d’autres mystères aussi – l’on s’en rendra compte en lisant les chapitres VII et VIII de cet inestimable ouvrage de savoir philosophique et mystique. Lisez la discussion entre les sens au sujet de leur supériorité respective, et l’idée qu’ils ont de prendre Brahmâ, le Seigneur de toutes créatures, comme arbitre. « Vous êtes tous très grands et non très grands » [ou supérieurs aux objets, comme dit Arjuna Mishra, mais nul n’est indépendant de l’autre]. Vous possédez toutes les qualités les uns des autres. Tous vous êtes supérieurs dans votre propre sphère et vous vous supportez mutuellement. Il en est un immuable (l’air vital) [ou souffle, l’inhalation du Yôga, qui est le souffle de l’Un ou Soi Supérieur…]. C’est là mon propre Soi, [mais] accumulé sous des (formes) nombreuses. » [ Op. Cit., Chap. VIII, pp. 273-274. ]

Ce Souffle, Voix, Soi ou Vent (Pneuma?), est la Synthèse des Sept Sens, - nouménalement, c’est toutes les divinités mineures, et ésotériquement – le Septénaire et « l’Armée de la Voix ».

b) Plus loin, nous voyons la Matière Cosmique s’éparpillant et se constituant en Éléments; se groupant comme Quatre éléments mystiques dans un cinquième – l’Ether, la « doublure », d’Akâsha, l’Anima Mundi ou Mère du Cosmos. « Points, Lignes, Triangles, Cubes, Cercles » et finalement « Sphères » - mais pourquoi ou comment? Parce que, dit le Commentaire, telle est la première loi de Nature, et parce que cette Nature géométrise universellement, dans toutes ses manifestations. Il est – non seulement dans la matière primordiale, mais aussi dans la matière manifestée de notre plan phénoménal – une loi fondamentale, c’est que la Nature rend ses formes géométriques, et, plus tard, ses éléments composés, corrélatifs – loi dans laquelle il n'est laissé place ni à l’accident ni au hasard. C’est une loi capitale de l’Occultisme qu’il n’y a ni repos, ni cessation du mouvement dans la Nature [ C’est la connaissance de cette loi qui permet à l’Arhat d’accomplir ses Siddhis, c’est-à-dire des phénomènes divers, tels que la désintégration de la matière, le transport d’objets d’un endroit à un autre, etc. ].Ce qui paraît du repos n’est que le changement d’une forme en une autre, et le changement de substance se fait en même temps que le changement de forme – c’est du moins ce qu’on nous enseigne dans la physique Occulte, laquelle semble ainsi avoir anticipé de beaucoup la découverte de la « conversation de la matière ». L’antique Commentaire [ Il s’agit d’antiques commentaires accompagnés de glossaires modernes et joints aux Stances, car les commentaires, dans leur langage symbolique, sont ordinairement aussi difficiles à comprendre que les Stances elle-mêmes.] sur la Stance IV dit :

La mère est le Poisson ardent de Vie. Elle jette loin d’elle son frai, et le Souffle (le Mouvement) le chauffe et le développe. Les granules (du frai) s’attirent vite l’un l’autre, et forment les caillots dans l’océan (de l’Espace). Les plus grands morceaux se joignent ensemble et reçoivent de nouveau frai – en points, triangles et cubes de feu qui mûrissent; et en temps voulu quelques-uns des morceaux se détachent et prennent la forme sphéroïde, processus qu’ils effectuent seulement lorsque les autres ne les dérangent pas. Après cela la Loi no *** entre en fonction. Le Mouvement [Souffle] devient le tourbillon et les met en rotation [ Dans son ouvrage de polémique scientifique, The Modern Genesis (p. 48), le Rév. W.B. Slaughter, en critiquant les astronomes, dit : « Il est à regretter que les partisans de cette théorie [nébulaire] n’aient pas discuté plus largement [l’origine du mouvement rotatoire]. Personne ne daigne nous en donner la raison d’être. Comment le processus du refroidissement et de contraction de la masse lui donne-t-il un mouvement rotatoire? » (Cité par Winchell, World Life, p. 94.) La question est amplement traitée dans les additifs. Ce n’est effectivement pas la Science matérialiste qui peut jamais résoudre ce problème! « Le mouvement est éternel dans le non manifesté et périodique dans le non manifesté », dit un enseignement Occulte. C’est « quand la chaleur causée par la descente de la Flamme dans la matière primordiale met en mouvement les particules de cette dernière que le mouvement devient tourbillon ». Une goutte de liquide prend une forme sphéroïde parce que ses atomes se meuvent les uns autour des autres dans leur essence ultime, non résoluble, nouménale; non résoluble, en tout cas pour la Science Physique. ].

Stance IV (5)

5. (Le Oi-Ha-Hu), qui est les « Ténèbres », le Sans-Bornes, ou le Non-Nombre, Adi-Nidâna, Svabhâvat, le O [L’x, la quantité inconnue. ].

I.    Le Adi-Sanat, le Nombre, car il est Un (a).
II.    La Voix du Verbe, Svabhâvat, les Nombres, car il est Un et Neuf [ Ce qui fait Dix, ou le nombre parfait, appliqué au « Créateur », le nom donné à la totalité des Créateurs, confondus par les Monothéistes en Un seul, de même que les Elohim », Adam Kadmon ou Sephira – la Couronne – sont la synthèse androgyne des dix Sephiroth qui, dans la Kabale populaire, sont le symbole de l’Univers manifesté. Les Kabalistes ésotériques, cependant suivent les pas des Occultistes orientaux, séparent le triangle Séphirothal supérieur (ou Séphira, Chokmah et Binah) du reste, ce qui laisse sept Séphiroth. Quant à Svabbâvat, les Orientalistes l’expliquent comme signifiant la matière plastique Universelle, diffusée à travers l’Espace, pensant peut-être un peu à l’identifier avec l’Ether de la Science. Mais les Occultistes en font le « Père-Mère » sur le plan mystique. ].

III. Le Carré sans Forme [ Arupa. ].

et ces Trois, inclus dans le O [ Cercle sans Limites. ], sont le Quatre sacré : et les Dix sont l’Univers Arûpa (b) [ Subjectif, sans formes. ]. Alors viennent les « Fils », les Sept Combattants, le Un, le Huitième laissé de côté, et son Souffle qui est faiseur de Lumière(c) [ Bhâskara. ].

a) « Adi Sanat », traduit littéralement, est le Premier, ou « l’Ancien Primordial », nom qui identifie « l’Ancien des Jours » et le « Vieillard Sacré » (Séphira et Adam Kadmon) de la Kabale avec Brahmâ, le Créateur, qui, parmi divers noms et titres, porte aussi celui de Sanat.

« Svabhâvat » est l’Essence mystique, la Racine plastique de la Nature physique – les « Nombres », lorsqu’ils sont manifestés; le « Nombre », dans son Unité de Substance, sur le plan supérieur. Ce nom est un terme bouddhiste, synonyme de la quadruple Anima Mundi, le Monde Archétype Kabalistique d’où procèdent les Mondes Créateurs, Formateurs et Matériels; les Scintillements ou Étincelles – ou mondes divers contenus dans les trois derniers. Les Mondes sont tous soumis aux Gouverneurs ou Régents – appelés chez les Hindous, Rishis et Pitris, chez les Juifs et les Chrétiens, Anges, et chez les Anciens, Dieux, en général.

b) « O ». Il signifie « le Cercle sans limites », le zéro, ne devient un nombre que lorsqu’un des neufs autres chiffres le précède et manifeste ainsi sa valeur et sa puissance; le Verbe ou Logos, en union avec la Voix et l’Esprit [ Ceci se rapporte à la Pensée Abstraite et ;a la Voix concrète ou à leur manifestation, l’effet de la Cause. Adam Kadmon, ou Tétragrammaton, est le Logos de la Kabale. Par conséquent, cette Triade correspond, dans cette dernière, au Triangle supérieur Kether, Chokmah et Binah; cette dernière est une puissance féminine et en même temps le Jéhovah mâle, parce qu’elle participe de la nature de Chokmah ou Sagesse masculine. ] (expression et source de la Conscience), représente les neuf chiffres et forme donc avec le Zéro, la Décade qui contient en elle tout l’Univers. La Triade forme, dans le Cercle, la Tétraktys ou « le Quatre Sacré », et le Carré inscrit dans le Cercle est la plus puissante de toutes les figures magiques.

c) « celui qui est rejeté », c’est le Soleil de notre système. La version exotérique se trouve dans les Écritures sanscrites  les plus anciennes. Dans le Rig-Véda, Aditi, le « Sans limites » ou l’Espace infini – traduit par le Professeur Max Muller comme « l’infini visible, visible à l’oeil nu (!!), étendue sans limites au-delà de la terre, au-delà des nuages, au-delà du firmament – équivaut à « l’Espace-Mère » contemporain des « Ténèbres ». On l’appelle très correctement la « Mère des Dieux », DÉVA-MATRI, parce que c’est de sa matrice cosmique que naquirent tous les corps célestes de notre système – le Soleil et les Planètes. Elle est, par conséquent, décrite allégoriquement dans ces mots : Huit fils naquirent du corps d’Aditi; elle s’approcha des Dieux avec sept d’entre eux, mais elle rejeta le huitième, Mârtânda », notre soleil. Les sept fils qui sont nommés les Adityas sont, cosmiquement et astronomiquement, les sept planètes; et le soleil exclu de leur nombre démontre évidemment que les Hindous peuvent avoir connu – en effet, ils la connaissaient, - une septième planète, sans l’avoir nommée Uranus [ La DOCTRINE SECRÈTE nous enseigne que le Soleil est une Étoile centrale, et non une planète. Les anciens cependant reconnaissaient et adoraient sept grands dieux, en dehors du Soleil et de la Terre. Quel était ce « Dieu du Mystère » qu’ils tenaient à part? Bien sûr ce n’était pas Uranus, qui ne fut découvert, par Herschell, qu’en 1781, mais ne serait-il pas possible qu’il fut connu sous un autre nom? Ragon dit : « Les Sciences occultes ayant découvert, par des calculs astronomiques, que le nombre de planètes doit être de sept, les anciens furent conduits à introduire le Soleil dans la gamme des harmonies célestes, et lui firent occuper la place libre. Par conséquent, chaque fois qu’ils s’aperçurent d’une influence n’appartenant à aucune des six planètes connues, ils l’attribuèrent au Soleil…L’erreur semble importante mais elle ne l’était pas dans ses résultats pratiques si les astrologues remplaçaient Uranus par le Soleil, qui … est une Étoile centrale relativement sans mouvement tournant seulement sur son axe, réglant le temps, et la mesure, et ne pouvant être détournée de ses vraies fonctions. » (Maçonnerie Occulte, p. 447.) les noms des jours de la semaine sont, de même, mal donnés, dit l’érudit écrivain : « Le Jour du Soleil (Dimanche) devrait être le jour d’Uranus (Urani, Dies, Urandi) ». ]. Mais ésotériquement et théologiquement, pour ainsi dire, les Adityas, dans leur sens primitif le plus ancien, sont les huit et douze grands dieux du Panthéon hindou. « Les Sept permettent aux mortels de voir leurs habitations, mais ils ne se montrent qu’aux Arhats », dit un vieux proverbe; « leurs habitations » sont les planètes. Le Commentaire ancien donne l’allégorie suivante, et l’explique :

Huit maisons furent construites par la Mère; huit maisons pour ses Huit Fils Divins; quatre grandes et quatre petites. Huit Soleils brillants, selon leur âge et leur mérite. Bal-I-lu (Mârtanda) n’était pas satisfait, quoique sa demeure fût la plus grande. Il commença (à travailler) comme font les énormes éléphants. Il aspira dans son ventre les souffles vitaux de ses frères. Il chercha à les dévorer. Les quatre plus grands se tenaient à distance, au loin, sur les confins de leur royaume [ Le système planétaire. ].Il ne réussit pas à les dérober [les influencer], et ils se mirent à rire. Fais tout ton possible, Seigneur, mais tu ne pourras pas nous atteindre, lui dirent-ils. Mais les plus petits pleurèrent. Ils se plaignirent à leur Mère. Elle exila Bal-I-lu au centre de son royaume, d’où il lui fut impossible de bouger. [Depuis lors] il [ne fait que] les guetter et les menacer. Il les poursuit, en tournant lentement sur lui-même; ils se détournent vite de lui, et il suit de loin la direction dans laquelle vont ses frères sur le chemin qui entoure leurs maisons [ L’astronomie nous enseigne que le « Soleil tourne sur son axe, et dans le même sens que les planètes sur leurs orbites respectives ». ].Depuis ce jour il se nourrit de la sueur du corps de sa Mère; il se remplit de son souffle et de ses déchets. C’est pour cette cause qu’elle le rejeta.

Ainsi le « Fils rejeté » étant évidemment notre Soleil, comme nous venons de le montrer, les « Fils du Soleil » se rapporte non seulement à nos planètes, mais aux corps célestes en général. Surya lui-même, qui n’est qu’une réflexion du Soleil Central Spirituel, est le prototype de tous ces corps qui évoluèrent après lui. Dans les Védas on l’appelle Lôka-Chakshuh, « l’oeil du Monde » (notre monde planétaire), et il est une des trois divinités principales. On l’appelle indifféremment le Fils de Dyâus ou d’Aditi, parce qu’on ne fait pas ici de distinction se rapportant à une signification ésotérique. Ainsi, on le décrit comme étant traîné par sept chevaux, et par un cheval à sept têtes; le premier se rapporte à ses sept planètes, le dernier à leur origine commune dans l’Élément Unique Cosmique. Cet « Élément Unique » est appelé, figurativement, le « FEU ». Les Védas enseignent que « le feu, en vérité, est toutes les divinités» [ voirAnugîtâ, Telang X, 9, et Aïtaréya Brâhmana, Haug. P. I. ] ».

La signification de cette allégorie est claire, car nous avons, pour l’expliquer, et le Commentaire Dzyan et la Science moderne, quoique les deux diffèrent sur plus d’un détail. La Doctrine Occulte rejette l’hypothèse née de la Théorie Nébulaire, que les (sept) grandes planètes sont issues de la masse centrale du Soleil – de notre Soleil visible tout au moins. Il est certain que la première condensation de la matière cosmique eut lieu autour d’un noyau central, son Soleil-père; mais il est enseigné que notre Soleil se détacha avant tous les autres, à mesure que la masse tournante se contractait, et qu’il n’est, en conséquence, que le « frère » aîné et plus volumineux, et non leur « père ». Les huit Adityas, les « dieux », sont tous formés de la substance éternelle (la matière dont les comètes sont formées [ Cette essence de la matière cométaire, nous l’apprenons, n’a, d’après la Science occulte, aucune des caractéristiques chimiques et physiques connues de la Science moderne. Elle est homogène, dans sa forme primitive, au-delà des Systèmes Solaires, et se différencie entièrement lorsqu’elle traverse les limites de notre région terrestre, altérée qu’elle est par l’atmosphère des planètes et par la matière déjà complexe de notre substance interplanétaire; ce n’est que dans notre monde manifesté qu’elle est hétérogène. ] – la Mère), ou substance-Monde, qui est en même temps le cinquième et le sixième Principe Cosmique, Upâdhi ou base de l’Âme Universelle, de même que, dans l’homme, le microcosme, Manas [ Manas : le Principe Mental ou l’Âme Humaine. ] est l’Upâdhi de Buddhi. [ Buddhi: L'Ame Divine ].

Il y a tout un poème sur les combats prégénétiques livrés entre les planètes en développement, avant la formation finale du Kosmos, et cela explique les positions en apparence bouleversées des systèmes de plusieurs planètes, le plan des satellites (de Neptune et d’Uranus, par exemple, que les anciens ignoraient, dit-on) qui sont basculés, donnant ainsi l’apparence d’un mouvement rétrograde. Ces planètes sont appelées les Guerriers, les Architectes, et sont acceptées par l’Église Romaine comme conductrices des Armées du Ciel, suivant en cela les mêmes traditions. Le Soleil, nous dit-on, ayant évolué de l’Espace Cosmique –avant la formation finale des nébuleuses primaires et la disposition des nébuleuses planétaires – engouffra dans les profondeurs de sa masse tout ce qu’il put de vitalité cosmique, menaçant d’absorber ses « Frères » plus faibles, avant que la loi de l’attraction et de la répulsion ne fût finalement ajustée; après quoi il commença à se nourrir « des déchets et de la sueur de la Mère », c’est-à-dire de ces parties de l’Aether (le « Souffle de l’Âme Universelle »), de l’existence et de la constitution desquelles la Science est jusqu’ici absolument ignorante. Comme sir William Grove a exposé une théorie semblable [ voirCorrelation of Physical Forces, 1843, p. 81; et Address to the British Association, 1886.], En disant que « les systèmes changent peu à peu par des additions et des soustractions atmosphériques, ou par des augmentations et des diminutions prenant leur source dans la substance nébulaire », et, plus loin, que « le soleil peut condenser la matière gazeuse lorsqu’elle voyage dans l’espace, et que de cette façon de la chaleur se produit » - l’enseignement archaïque paraît assez scientifique même à ce moment [ On trouve des idées toutes semblables dans les théories de W. Mattieu William dans The Fuel of the Sun; dans celles du docteur C. William Siemens : On the conservation of Solar energy (Nature, XXV, 440, 444, 9 mars 1882), et celles aussi du docteur P. Martin Duncan dans son Address de Président de la Société Géologique de Londres, mai 1877. Voir World-Life, par Winchell, 53 et seq. ]. M. Mattieu William suggéra que la matière diffuse, ou Éther, qui reçoit les radiations caloriques de l’Univers est, par ce fait, attirée vers les profondeurs de la masse solaire; chassant de là l’Éther déjà condensé et thermalement  épuisé, elle se comprime et émet sa chaleur, pour être à son tour chassée dans un état raréfié et refroidi et absorber de nouveau de la chaleur, que ce savant suppose être ainsi condensée par l’Éther puis concentrée et distribuée à nouveau par les Soleils de l’Univers.

C’est là l’approximation la plus grande de l’enseignement occulte que la Science ait jamais imaginée; car l’Occultisme l’explique par le « souffle mort » rejeté par Mârtânda, et par le fait qu’il se nourrit des « sueurs et déchets » de « Espace-Mère ». Ce qui n’aurait eu que très peu d’influence sur Neptune [ Lorsque nous parlons de Neptune, ce n’est pas en Occultiste, mais en Européen. Le vrai Occultiste oriental maintiendra que, quoiqu’il y ait encore plusieurs planètes de notre système qui ne soient pas découvertes, Neptune ne nous appartient vraiment pas, malgré ses relations apparentes avec notre Soleil, et l’Influence que ce dernier a sur lui. Ils disent que ces relations sont mâyâviques et imaginaires. ], Saturne et Jupiter, aurait détruit les « Maisons » relativement petites de Mercure, Vénus et Mars.Comme Uranus n’était pas connu avant la fin de XVIIIe siècle, le nom de la quatrième planète dont on parle dans l’allégorie doit rester, pour nous jusqu’à présent, un mystère.

Le « Souffle » de tous les « Sept » est nommé Bhâskara (le Faiseur de Lumière), parce qu’eux (les planètes » étaient tous, à leur origine, des comètes et des soleils. Ils évoluèrent du Chaos primordial (ce qui est maintenant le noumène des nébuleuses irrésolubles) par agrégation et accumulation des différenciateurs primaires de la Matière éternelle, ce que le Commentaire traduit par cette belle phrase « : « ainsi les fils de la Lumière se vêtirent du tissu des Ténèbres. » Ils sont nommés, en langage allégorique, les « Escargots Célestes », à cause des Intelligences sans forme (pour nous) qui habitent invisiblement leurs demeures étoilées et planétaires portées, pour ainsi dire, avec eux le long de leurs révolutions comme font les escargots. La doctrine d’une origine commune pour tous les corps célestes et planètes fut, comme nous le voyons, enseignée par les astronomes archaïques, bien avant Képler, Newton, Leibniz, Kant, Herschell, et Laplace. La chaleur (le Souffle), l’attraction et la répulsion – les trois grands facteurs du Mouvement – sont les conditions dans lesquelles sont nés, se développent et meurent tous les membres de cette famille primitive, pour renaître après une « Nuit de Brahmâ », pendant laquelle, périodiquement, la Matière éternelle retombe dans son état primaire non différencié. Les gaz les plus atténués ne peuvent donner aucune idée au Physicien moderne de la nature de cette Matière éternelle. D’abord, les Centres de Force, les Étincelles invisibles ou Atomes primordiaux, se différencient en Molécules, et deviennent des Soleils – passant peu à peu à l’état d’objectivité – gazeux, radiants, cosmiques, et le « Tourbillon » unique (ou Mouvement) donne finalement l’impulsion à la forme et le mouvement initial, réglé et soutenu par les « Souffles » qui ne se reposent jamais – les Dhyân Chohans.

Stance IV (6)

6. Viennent alors les Sept Seconds qui sont les Lipika, produits par les Trois [ Le Verbe, la Voix et l’esprit. ]. Le Fils rejeté est Un. Les « Soleils-Fils » sont innombrables.

Les « Lipika », du mot lipi, « écriture » signifient littéralement les « Scribes [ Ce sont les quatre « Immortels » dont on parle, dans l’Atharva Véda, comme « Veilleurs » ou Gardiens des quatre quartiers du ciel. (Voir chap. XXVI, 1-4, et seq.) ] ». Mystiquement, ces Êtres Divins sont liés au Karma, la Loi de Rétribution, car ce sont les Archivistes ou Annalistes qui impriment sur les tablettes (invisibles pour nous) de la Lumière Astrale, « la grande galerie de tableaux de l’éternité », - le registre fidèle de chaque action et même de chaque pensée de l’homme, de tout ce qui fut, est, ou sera jamais dans l’Univers phénoménal. Comme on l’a déjà dit dans Isis Dévoilée, ce canevas divin et invisible est le LIVRE DE VIE. Puisque ce sont les Lipika qui projettent, du Mental Universel passif, à l’objectivité le plan idéal de l’Univers d’après lequel les « Constructeurs » rebâtissent le Kosmos après chaque Pralaya, ce sont eux qui correspondent aux Sept Anges de la Présence que les Chrétiens reconnaissent dans les Sept « Esprits Planétaires », ou « Esprits des Étoiles »; ils sont donc les copistes directs de l’Idéation Éternelle, ou, comme l’appelle Platon, de la « Pensée Divine ». Les Archives Éternelles ne sont pas un rêve fantastique, car nous rencontrons les mêmes enregistrements dans le monde de la matière grossière. Comme dit le docteur Draper :

« Une ombre ne tombe jamais sur un mur sans y laisser une trace permanente qu’on pourrait rendre visible en se servant d’un procédé approprié… Les portraits de nos amis, les paysages peuvent être cachés dans la surface sensible à l’oeil, mais ils sont prêts à réapparaître aussitôt qu’on y applique le réactif nécessaire. Un spectre est caché sur la surface argentée ou cristalline, jusqu’à ce que, par notre nécromancie, nous puissions le faire apparaître dans le monde visible. Sur les murs de nos appartements les plus privés, là où nous nous flattons que le regard ne peut entrer, où nous croyons que notre intimité ne peut être profanée, il existe les vestiges de nos actes, les silhouettes de tout ce que nous avons fait. [ History of the Conflict between Religion and Science, pp. 132-133. ] »

Les docteurs Jevons et Babbage croient que chaque pensée fait changer de place les particules du cerveau, les met en mouvement et les éparpille à travers l’univers; ils pensent aussi que « chaque particule de la matière existante doit être un registre de tout ce qui s’est passé [ Principles of Science. ] ».C’est de cette façon que la doctrine ancienne a commencé à acquérir droit de cité dans les spéculations du monde scientifique.

Les quarante « Assesseurs » qui se tiennent dans la région de l’Amenti comme accusateurs de l’Âme devant Osiris appartiennent à la même classe des divinités que les Lipika, et l’on pourrait les considérer comme leurs analogues si les dieux égyptiens n’étaient si peu compris dans leur sens ésotérique. Le Chitragupta Hindou qui lit les comptes rendus de la vie de chaque Âme dans son registre nommé Agrasandhâni; les « Assesseurs » qui lisent les leurs dans le coeur du Défunt, qui devient un livre ouvert devant Yama, Minos, Osiris ou Karma – sont autant de copies et de variantes des Lipika et de leurs Archives Astrales. Néanmoins, les Lipika ne sont pas des divinités liées à la Mort, mais à la Vie Éternelle.

Les Lipika étant liés au destin de chaque homme et à la naissance de chaque enfant, enfant dont la vie est déjà tracée dans la Lumière Astrale – non pas fatalement, mais seulement parce que l’Avenir, comme le PASSÉ, est toujours vivant dans le Présent – exercent aussi une influence sur la Science de l’Horoscope. Il faut admettre, que nous le voulions ou non, la vérité de celle-ci. Car, comme le dit un moderne professeur d’Astrologie :

« Maintenant que la photographie nous a révélé des influences chimiques du système sidéral, en fixant sur une plaque sensibilisée des milliards d’étoiles et de planètes qui avaient jusqu’à présent frustré les recherches des télescopes les plus puissants, il devient plus facile de comprendre comment notre système solaire peut, à la naissance d’un enfant, influencer son cerveau – vierge de toute impression – d’une façon bien définie et en rapport avec la présence au zénith, de telle ou telle constellation [ Les mystères de l’Horoscope, Ely Star, p. XI. ]. »

Stance V (1)

1. Les Sept Primordiaux, les Sept Premiers Souffles du Dragon de Sagesse, produisent à leur tour, de leurs Souffles Giratoires sacrés, le Tourbillon Ardent.

Cette Stance est peut-être la plus difficile à expliquer. Sa formule n’est compréhensible  qu’à celui qui est complètement versé dans l’allégorie orientale et dans sa phraséologie obscurcie à dessein. La question suivante se pose d’abord : Les Occultistes croient-ils que ces « Constructeurs », « Lipika » et « Fils de la Lumière » soient des Entités ou de simples images? Nous répondons simplement : Tout en admettant un certain emploi d’images pour l’expression des Pouvoirs personnifiés, nous devons en même temps admettre l’existence de ces Entités sous peine de nier l’existence de l’Humanité Spirituelle  dans l’espèce humaine physique. Car les armées de ces fils de Lumière et des Fils nés du Mental »  du premier Rayon manifesté par le Tout inconnu sont la racine même de l’Homme Spirituel. À moins de croire au dogme peu philosophique d’une âme créée spécialement à chaque naissance humaine – une quantité nouvelle déversée quotidiennement, depuis « Adam », - il faut admettre l’enseignement Occulte. C’est ce qui sera expliqué en temps voulu. Voyons maintenant quelle peut être la signification de cette Stance Occulte.

La DOCTRINE enseigne que, pour devenir un Dieu divin, pleinement conscient – et même le plus élevé – il faut que les INTELLIGENCES Spirituelles Primordiales passent par le stade humain. Et le mot humain ne s’applique pas seulement à notre humanité terrestre, mais aux mortels qui habitent n’importe quel monde, c’est-à-dire à ces Intelligences qui ont atteint l’équilibre approprié entre la matière et l’esprit que nous avons maintenant depuis que le milieu de la Quatrième Race Racine de la Quatrième Ronde est franchi. Chaque Entité doit avoir gagné pour elle-même, et par son expérience propre, le droit de devenir divine. Hegel, le grand penseur allemand, doit avoir connu ou senti intuitivement cette vérité, lorsqu’il dit que l’Inconscient n’évolua l’Univers que « dans l’espoir d’atteindre une claire soi-conscience », en d’autres termes, de devenir HOMME; car telle est aussi la signification secrète de la phrase Pûranique si souvent répétée et qui représente Brahmâ comme étant « mû par le désir de créer ». cela explique encore la signification Kabalistique cachée de cette formule : « Le Souffle devient une pierre; la pierre, une plante; et la plante, un animal; l’animal, un homme; l’homme un esprit, l’esprit est un dieu. » Les Fils nés du Mental, les Rishis, les Constructeurs, etc., ont tous été des hommes – qu’elle qu’en ait été la forme – dans d’autres mondes et dans les Manvantaras précédents.

Ce sujet étant excessivement mystique, il est très difficile de l’expliquer dans tous ses détails et dans toutes ses incidences, car le mystère entier de la création évolutive y est contenu. Une ou deux phrases de ce Shloka rappellent fortement des phrases analogues de la Kabale et de la phraséologie du Roi Psalmiste [ Psaume CIV, 4. ].Tous les deux, en parlant de Dieu, le montrent faisant du vent son messager et de ses « serviteurs un feu ardent ». Mais dans la Doctrine ésotérique, ces mots sont employés au figuré. Le « Tourbillon Ardent » c’est la poussière Cosmique incandescente qui suit magnétiquement, comme le fer l’aimant, la pensée directrice des « Forces Créatrices ». Cependant, cette poussière cosmique est quelque chose de plus; car chaque atome dans l’Univers contient la potentialité de la soi-conscience, et se trouve être, comme les Monades de Leibniz, un Univers en lui-même et pour lui-même. C’est un atome et un ange.

À ce propos, il faut remarquer qu’une des lumières de l’École Évolutionniste moderne, M. A. R. Wallace, en démontrant l’insuffisance de la « sélection naturelle » comme seul facteur du développement de l’homme physique, admet, pratiquement, ce que nous discutons ici. Il maintient que l’évolution humaine fut dirigée et aidée par des Intelligences supérieures, dont l’action est un facteur nécessaire du plan de la Nature. Mais du moment que l’opération de ces Intelligences est admise sur un point, il faut, par déduction logique, l’étendre à d’autres. On ne peut lui tracer de limite arbitraire.

Stance V (2)

2. Ils en font le Messager de leur Volonté (a). Le Dzyu devient Fohat; le Fils agile des Fils divins, dont les Fils sont les Lipika [ Il ne faut pas perdre de vue la différence qui existe entre les Constructeurs, les Esprits planétaires, et les Lipika. (Voir les Shlokas 5 et 6 du présent Commentaire.) ], fait des courses circulaires. Fohat est le Coursier, et la Pensée est le Cavalier [ C’est-à-dire qu’il est sous l’influence de leur pensée directrice. ] . Il passe comme un éclair à travers les nuages de feu [ Le brouillard cosmique. ] (b) ; il fait trois, cinq et sept pas, à travers les Sept Régions supérieures et les Sept inférieures [ Le Monde qui sera. ]. Il élève la Voix, appelle les Étincelles innombrables [ Les atomes. ] Et les réunit (c).

a). cela montre les « Sept Primordiaux » se servant comme Véhicule (Vahana, le sujet manifesté qui devient le symbole du Pouvoir qui dirige) de Fohat, qui a été appelé, en conséquence, le « Messager de leur Volonté », le « Tourbillon Ardent ».

b) « Dzyu devient Fohat », - l’expression s’explique elle-même. Dzyu est la Connaissance réelle (magique), ou Sagesse Occulte, qui, s’appliquant aux vérités éternelles et aux causes primordiales, devient presque l’omnipotence lorsqu’elle est exercée dans la bonne direction. Son antithèse est Dzyu-mi, ce qui ne se rapporte qu’aux illusions et aux fausses apparences, comme nos sciences modernes exotériques. Dans ce cas, Dzyu exprime la Sagesse collective des Dhyâni-Buddhas.

Comme le lecteur ne connaît sans doute pas les Dhyâni-Buddhas, il vaut mieux dire tout de suite que, selon les Orientalistes, il y a cinq Dhyâni qui sont les Buddhas Célestes dont les Bouddhas Humains sont les manifestations dans le monde de la forme et de la matière. Ésotériquement, cependant, les Dhyâni-Buddhas sont sept; cinq seulement se sont jusqu’ici manifestés [ voirEsoteric Buddhism, de A.P. Sinnett, cinquième édition, avec notes, pp. 171, 173. ], les deux autres doivent venir dans les Sixième et Septième Races-Racines. Ce sont, pour ainsi dire, les prototypes éternels des Bouddhas qui apparaissent sur la terre, dont chacun a son prototype divin particulier. Ainsi, par exemple, Amitâbha est le Dhyâni-Buddhi de Gâutama Shâkyamuni, et se manifeste par ce dernier chaque fois que cette grande Âme s’incarne sur la terre, comme dans le cas de Tzon-kha-pa [ Le premier et le plus grand des réformateurs tibétains : il fonda la secte des « Bonnets jaunes » de Gelukpas. (Tib. Dge-lugs-pa). Il naquit en l’année 1355 de notre ère dans la région d’Amdo et fut l’Avatâra d’Amitâbha, nom céleste de Gaûtama Bouddha. ]. Comme synthèse des sept Dhyâni-Buddhas, Avalôkitéshvara fut le premier Bouddha (le Logos), et Amitâbha est le « Dieu » intérieur de Gâutama, qui, en Chine, est nommé Amita (Bouddha). Ils sont, comme le dit avec raison le professeur Rhys Davids, « les contreparties glorieuses dans le monde mystique, libres des conditions dégradantes de cette vie matérielle », de chaque Bouddha terrestre et mortel – les Mânushi-Buddhas libérés, désignés pour gouverner la Terre pendant cette Ronde. Ce sont les « Bouddhas de Contemplation », tous Anupâdaka (sans parents), c'est-à-dire issus par eux-mêmes de l’essence divine. L’enseignement exotérique – qui dit que chaque Dhyâni-Bouddha a la faculté de créer lui-même un fils, céleste aussi, un Dhyâni-Bôdhisattva, qui, après la mort du Mânushi (humain) Bouddha, doit continuer l’oeuvre de ce dernier – repose sur le fait que la plus haute Initiation reçue de quelqu’un obombré par « l’Esprit de Bouddha » qui, selon les Orientalistes, créa les cinq Dhyâni-Buddhas! – transforme virtuellement un candidat en un Bôdhisattva, le crée tel par le pouvoir du Grand Initiateur.

c) Fohat, l’un des plus importants, sinon le plus important des personnages de la cosmogonie ésotérique, doit être minutieusement décrit. De même que dans la cosmogonie grecque archaïque, qui diffère grandement de la mythologie qui la suivit, Éros est la troisième personne de la trinité primordiale, Chaos, Goa, Éros, - qui répond à la Trinité kabalistique, Ain Soph, le TOUT sans Bornes (car le Chaos est l’Espace, de Χαινω, ouvrir grand, être vidé), Shekinah et l’Ancien des Jours, ou le Saint-Esprit – de même, Fohat est une chose dans l’univers encore non manifesté, et une autre chose dans le Monde phénoménal Cosmique. Dans ce dernier, il est ce pouvoir occulte, électrique et vital, qui, dans la Volonté du Logos Créateur, unit et rassemble toutes les formes et leur donne la première impulsion qui, avec le temps, devient la loi. Mais dans l’Univers non manifesté, Fohat n’est pas plus cela qu’Éros n’est le brillant Cupidon ailé de plus tard, l’Amour. Fohat n’a rien à faire encore avec le Kosmos, puisque le Kosmos n’est pas né, et que les Dieux dorment encore dans la « Mère-Père ». C’est une idée philosophique abstraite. Il ne produit rien encore de lui-même; il est tout simplement ce Pouvoir créateur et potentiel, par l’action duquel le Noumène de tous les phénomènes futurs se divise, pour ainsi dire, pour se réunir dans un acte mystique supersensuel, et projette le Rayon créateur. Lorsque le « Fils Divin » en ressort. Fohat devient la force propulsive, le Pouvoir actif qui est cause que l’UN devient DEUX et TROIS – sur le plan cosmique de la manifestation. L’UN triple se différencie en le « Multiple », et Fohat est transformé en cette force qui rassemble les atomes élémentals, et les fait s’agréger et se combiner. Nous trouvons un écho de cet enseignement primordial dans la mythologie grecque primitive. Erèbe et Nux naissent de Chaos, et, sous l’action d’Éros, donnent naissance, à leur tour, à Aether et Hemera, la lumière des régions supérieures et celles des régions inférieures ou terrestres. Les Ténèbres engendrent la lumière. Comparez dans les Pûranas, la Volonté ou le « Désir »de créer de Brahmâ et, dans la cosmogonie phénicienne de Sanchoniathon, la doctrine que le désir, πδτοςζ, est le principe de la création.

Fohat est intimement lié à la « VIE UNE ». De l’Un Inconnu, la TOTALITÉ Infinieémane de l’Un manifestéou DIVINITÉ manvantarique périodique; c’est là le Mental Universel qui, séparé de sa Source, est le Démiurge ou Logos Créateur des Kabalistes occidentaux, et le Brahmâ à quatre Faces de la religion hindoue. Dans sa totalité, du point de vue de la Pensée Divine manifestée, il représente, en doctrine Ésotérique, les Armées des hauts Dhyân-Chôans Créateurs. Simultanément avec l’évolution du Mental Universel, la Sagesse cachée d’Adi-Buddha – l’Un Suprême et Éternel – se manifeste comme Avalôkitéshvara (l’Ishvara manifesté) qui est l’Osiris des Égyptiens, l’Ahura-Mazda des Zoroastriens, l’Homme Céleste de la philosophie hermétique, le Logos des Platoniciens, l'Atmân des Vedântins [ Subba Row paraît l’identifier avec le Logos et l’appeler de ce nom. (Voir ses Conférences sur la Bhagavad Gîtâ, dans le Theosophist, vol. IX. Voir aussi The Philosophy of the Bhagavad Gîtâ, 3e édition, Adyar, 1931.) ]. Par l’action de la Sagesse Manifestée ou Mahat, - représentée par ces innombrables centres d’énergie spirituelle dans le Kosmos, - la Réflexion du Mental Universel, qui est l’Idéation Cosmique et la Force Intellectuelle qui accompagne cette Idéation, devient objectivement le Fohat du philosophe bouddhiste ésotérique. Fohat, courant à travers les sept principes d’Akasha, agit sur la Substance manifestée, l’Élément Unique, comme nous l’avons dit plus haut, et en le différenciant en divers centres d’énergie, met en mouvement la loi de l’Évolution Cosmique qui, obéissant à l’Idéation du Mental Universel, amène à l’existence les divers états d’être dans le Système Solaire manifesté.

Le Système Solaire produit par ces agents est composé de Sept Principes – comme tout ce qui partie de ces centres. Tel est l’enseignement de l’Ésotérisme trans-Himâlayen. Chaque philosophie, toutefois, a sa manière propre de diviser ces principes.

Fohat, donc, est la personnification du pouvoir électrique vital, l’unité transcendantale qui unit toutes les énergies cosmiques, sur les plans invisibles comme sur les plans manifestés; son action, dans ces phénomènes où l’apparemment subjectif  agit sur l’apparemment objectif et le met en action, ressemble – sur une échelle immense – à celle d’une Force vivante créée par la VOLONTÉ. Fohat n’est pas seulement le symbole vivant et le Réceptacle de cette Force, les Occultistes le considèrent comme une Entité; les forces sur lesquelles il agit sont cosmiques, humaines et terrestres, et elles exercent leur influence sur tous ces plans. Sur le plan terrestre, son influence se fait sentir dans la force magnétique active engendrée par le puissant désir du magnétiseur. Sur le plan Cosmique, il préside au pouvoir édificateur qui, dans la formation des choses – du système planétaire au ver luisant, à la simple marguerite – réalise le plan que le Mental de la Nature, la Pensée Divine, a établi au sujet du développement et de la croissance de cette chose.  Il est, métaphysiquement, la Pensée objectivée des Dieux, le « Verbe fait chair », sur une moindre échelle, le messager de l'Idéation cosmique et humaine; la force active de la Vie Universelle. Dans son aspect secondaire, Fohat est l’Énergie Solaire, le fluide électrique vital [ en 1882, le Président de la Société Théosophique, le Colonel Olcott, fut pris à partie pour avoir soutenu, dans une de ses conférences, que l’Électricité était de la matière. C’est cependant l’enseignement de la Doctrine occulte. « Force » et « Énergie » peuvent être, pour elle, des noms plus commodes aussi longtemps que la Science européenne n’en saura pas davantage à son sujet; mais elle est, en réalité, la matière, - comme l’Éther, du reste, qui est, lui aussi, atomique, quoique plusieurs degrés le séparent de ce dernier. Il semble ridicule de soutenir que parce qu’une chose est impondérable pour la Science, elle ne puisse pas être appelée de la matière. L’Électricité est « immatérielle », en ce sens que les molécules ne sont sujettes ni à la perception, ni à l’expérimentation; cependant elle peut être atomique, et les Occultistes l’affirment; donc elle est de la matière. Mais en supposant même qu’il soit antiscientifique d’en parler en de semblables termes, du moment où la Science tient l’Électricité pour une source d’Énergie, pour de l’Énergie simplement, et pour une Force, peut-on penser à une Force ou à une Énergie sans y adjoindre l’idée de matière? Le mathématicien Maxwell, l’une des plus grandes autorités en électricité et phénomènes électriques, disait, il y a des années, que l’Électricité était de la matière, et non pas seulement du mouvement. « Si nous acceptions l’hypothèse que les substances élémentaires sont composées d’atomes, nous ne pouvons éviter de conclure que l’électricité, positive ou négative, est divisée en particules élémentaires définies, qui se conduisent comme des atomes d’électricité (Helmotz, Faraday Lecture, 1881). Nous dirons plus, nous soutiendrons que l’Électricité est non seulement de la Substance, mais qu,elle est l’émanation d’une Entité qui n’est ni Dieu ni Diable, mais une de ces innombrables entités qui gouvernent notre Monde, selon l’éternelle Loi du Karma. ], Le Principe Quatrième et conservateur, l’Âme Animale de la Nature, pour ainsi dire, ou l’Électricité.

Dans l’Inde, Fohat est relié à Vishnou et Surya dans le rôle qu’on fait jouer primitivement au premier de ces Dieux; car Vishnou n’est pas un grand Dieu, dans le Rig Véda. Le nom de Vishnou vient de la racine  Vish « pénétrer »; Fohat est nommé « celui qui pénètre », le Fabricant, parce qu’il façonne les atomes avec la substance brute [ Il est bien connu que le sable, lorsqu’il est posé sur une plaque métallique en vibration, prend une série de formes régulières et diverses. La Science peut-elle donner une explication complète de ce fait? ]. Dans les textes sacrés du Rig Véda, Vishnou est aussi « une manifestation de l’Énergie Solaire », et on le décrit comme marchant à travers les sept régions de l’Univers en trois enjambées; mais ce Dieu Védique a peu de chose en commun avec le Vishnou des périodes plus tardives. Par conséquent, les deux (Fohat et Vishnou) sont identiques dans ce trait particulier, et l’un est une copie de l’autre.

Les Trois et les Sept « Pas » se rapportent aux sept sphères habitées par l’homme et dont on parle dans la Doctrine Ésotérique, aussi bien qu’aux sept régions de la Terre. Malgré les objections faites souvent par de soi-disant Orientalistes, on parle distinctement, dans les écritures exotériques hindoues, des sept Mondes, ou Sphères de notre chaîne Planétaire. Mais tous ces nombres sont étrangement liés dans d’autres cosmogonies à des nombres semblables ainsi qu’à leurs symboles; c’est ce qu’on peut constater par l’Étude comparée et parallèle des vieilles religions. Les « trois pas de Vishnou » à travers les « sept régions de l’Univers », du Rig Véda, ont été expliqués de diverses façons par les commentateurs; on a dit qu’ils signifiaient, au point de vue cosmique, le feu, la foudre et le soleil, et qu’ils avaient été faits sur la terre, dans l’atmosphère et dans le ciel; d’autres ont prétendu que c’était les « trois pas » du Nain (incarnation de Vishnou) quoique Aurnavâbha ait dit plus philosophiquement – et très correctement au point de vue astronomique – qu’ils signifiaient les positions diverses du soleil : son lever, son midi et son coucher. Seule, la Philosophie Ésotérique l’explique clairement, quoique le Zohar l’enseigne très philosophiquement et lucidement aussi. Il y est dit, effectivement, qu’au commencement, les Élohim (Alhim) étaient nommés Achad, « Un » ou la « Divinité Une en Multiple », idée qui est très simple comme conception panthéiste – panthéiste au sens philosophique, bien entendu. Puis se produisit le changement. « Jéhovah est Elohim » qui unifiait la multiplicité et faisait le premier pas vers le Monothéisme. Vient maintenant la question : « Comment Jéhovah est-il Élohim »?  La réponse est : « Par Trois Pas » en partant du bas. La signification en est claire. Les Pas sont des symboles, des emblèmes mutuels et corrélatifs de l’esprit, de l’Âme et du Corps (l’Homme); du Cercle transformé en Esprit, de l’Âme du Monde et de son Corps (la Terre). Sortant du Cercle de l’Infini que nul ne comprend, Ain-Soph – synonyme kabalistique de Parabrahman, du Zeroâna Akerne des Mazdéens, ou de tout autre « Inconnaissable », devient « Un » (l’Achad, l’Eka, L’Ahu); alors il est transformé par l’évolution en l’ « Un en Multiple », les Dhyâni-Buddhas ou Elohim, ou encore les Amshaspends, et son troisième Pas est dans la génération de la chair, ou l’ « Homme ». et de l’Homme, ou Jah-Hovah, « mâle-femelle », l’entité intérieure et divine devient, sur le plan métaphysique, encore une fois l’Elohim.

Les nombres 3, 5 et 7 sont au premier rang dans la Maçonnerie spéculative, comme on le montre dans Isis Dévoilée. Un Maçon écrit :

« Il y a 3, 5 et 7 marches, pour montrer une promenade circulaire. Les trois faces de 3, 3; 5, 3; et 7, 3; etc., quelquefois cela vient sous cette forme 753/2 = 376,5 et 7635/2 = 3817,5 et le rapport de 20.612/6.561 pieds, pour mesure de la coudée, donne les mesures de la grande Pyramide. »

Trois, cinq et sept sont les nombres mystiques, et le premier et le dernier sont aussi honorés par les Maçons que par les Parsis – le Triangle étant partout le symbole de la Divinité [ voirThe Masonic Cyclopedia, de Mackenzie, et The Pythagorean Triangle, d’Olivier. ] .Il va sans dire que les docteurs en théologie – Cassel, par exemple – disent que le Zohar explique et défend la Trinité chrétienne (!) tandis que ce dogme chrétien émane du Δ de l’Occultisme archaïque, et de la Symbologie des Païens. Les trois pas se rapportent, métaphysiquement, à la descente de l’Esprit dans la Matière, du Logos tombant comme un rayon dans l’Esprit d’abord, puis dans l’Âme, et finalement dans la forme physique de l’homme, où il devient la Vie.

L’idée Kabaliste est identique à l’Ésotérisme de la période archaïque. Cet Ésotérisme est la propriété commune de tous et n’appartient ni à la Cinquième Race Aryenne ni à aucune de ses nombreuses sous-races. Il n’appartient pas non plus aux prétendus Touraniens, ni aux Égyptiens, ni aux Chinois, ni aux Chaldéens, ni aux autres sept divisions de cette Cinquième Race-Racine, mais bien à la Troisième et à la Quatrième Race-Racine, dont nous trouvons les descendants dans la Semence de la Cinquième, les Aryens primitifs. Le Cercle a été, chez toutes les nations, le symbole de l’Inconnu, - de « l’Espace sans Borne », le vêtement abstrait d’une abstraction toujours présente, - la Divinité Inconnaissable. Il représente le Temps sans limites dans l’Éternité. Le Zeroâna Akerne est aussi le « Cercle sans Borne du Temps Inconnu », et de ce Cercle sort la Lumière radieuse, le SOLEIL Universel ou Ormazd [ Ormazd est le Logos, le « Premier Né », et le Soleil. ] – Et ce dernier est identique à Kronos, sous sa forme Éolienne, celle du Cercle.Car le Cercle est Sar et Saros, ou Cycle. C’était le Dieu Babylonien, dont l’horizon circulaire était le symbole visible de l’invisible, tandis que le Soleil était le Cercle UN d’où procédèrent les orbes cosmiques dont il était tenu pour le conducteur. Zeroâna est le Chakra ou Cercle de Vishnou, l’emblème mystérieuse qui est, selon la définition d’un Mystique, « une courbe d’une telle nature que l’une quelconque de ses parties supposée indéfiniment prolongée replierait ses extrémités et les joindrait pour former une seule et même courbe, ou ce que nous appelons le Cercle ». On ne pouvait donner une meilleure définition du symbole et de la nature évidente de la Divinité qui, ayant sa circonférence partout (le sans bornes), a, par suite, son centre partout également; en d’autres termes, se trouve dans chaque point de l’Univers. La Divinité invisible est, par conséquent, aussi, les Dhyân Chôhans ou les Rishis, les sept primitifs et les neuf, extérieurement, et aussi le dix qui constitue leur unité synthétique : de là, cela entre dans l’Homme.

Revenant au quatrième paragraphe du Commentaire de la Stance IV, le lecteur comprendra maintenant pourquoi, tandis que le Chakra trans-himâlayen contient écrit en lui  - c’est-à-dire un triangle, une première verticale, un carré [ Un cube dans l’édition de 1888. ] , une seconde verticale, et un pentacle avec un point au centre, que ce soit ainsi , ou quelqu’autre variante – le Cercle kabalistique des Elohim révèle, lorsque les lettres du mot -יחלא Alhim (ou Elohim) sont lues numériquement les chiffres fameux 13514 ou, anagrammatiquement, 31415, - l’astronomique Π (pi) ou la signification cachée des Dhyâni-Buddhas, des Gebers, des Giborim, des Kabires et des Elohims, qui signifient tous, « Grands Hommes », « Titans », « Hommes Célestes » et, sur la terre, les « Géants ».

Le Sept a été un Nombre Sacré chez toutes les nations, mais aucune ne l’a appliqué à des usages aussi physiologiques et matérialistes que les Hébreux. Chez eux, 7 était par-dessus tout, le nombre générateur, 9 le nombre mâle, causateur, ce qui formait, comme c’est démontré par les Kabalistes, le otz, צ ע (90,70), ou « l’Arbre du Jardin d’Éden », le « double bâton hermaphrodite » de la Quatrième Race. C’était le symbole du « Saint des Saints », le 3 et le 4 de la séparation sexuelle. Presque chacune des 22 lettres de l’hébreu est un symbole phallique. Les deux lettres ci-dessus, l’une, le ayin, est un signe féminin négatif, symboliquement, un oeil; l’autre une lettre mâle, tza, un hameçon ou un dard. Au contraire, chez les Hindous et les Ariens, en général, la signification de ce nombre était multiple et se rapportait, presque entièrement, aux vérités métaphysiques et astronomiques. Leurs Rishis et leurs Dieux, leurs Démons et leurs Héros ont des significations historiques, et éthiques.

Un Kabaliste, qui, dans un ouvrage encore inédit, met en parallèle la Kabale et le Zohar avec l’Ésotérisme Aryen, nous dit pourtant que :

« Les expressions claires, courtes et précises des Hébreux surpassent de beaucoup la phraséologie des Hindous – un peu comme le Psalmiste dit, pour exprimer une idée semblable : « Ma bouche parle avec ma langue, je ne connais pas tes nombres » (LXXI, 15)… Le glyphe hindou, par l’insuffisance que dénote son mélange bizarre d’aspects divers, montre qu’il a fait aux langues étrangères les mêmes emprunts que les Grecs (les Grecs menteurs) et la maçonnerie leur ont faits; ce qui même dans la pauvreté (apparente) et rude du monosyllabique hébreu, indique que celui-ci est d’une antiquité beaucoup plus grande qu’aucune des autres langues et qu’il a été leur source (?!), ou du moins qu’il est plus proche qu’aucune d’elles de cette source. »

C’est complètement faux. Notre érudit frère et correspondant juge apparemment les systèmes religieux hindous par les Shâstras et leurs Purânas, probablement par ces derniers et surtout par leurs traductions modernes, traductions qui les défigurent à ne plus les reconnaître. C’est à leurs systèmes philosophiques, à leur enseignement ésotérique surtout, qu’il nous faut référer, si nous voulons établir une comparaison. Sans aucun doute, la symbologie du Pentateuque et même du Nouveau Testament viennent de la même source. Mais assurément la pyramide de Chéops, dont toutes les mesures, d’après les découvertes du professeur Piazzi Smythe, ont été répétées dans le prétendu et mythique Temple de Salomon, n’est pas plus récente que les livres de Moïse. Par conséquent, s’il y a une aussi grande identité qu’on le prétend, c’est que l’imitation servile est imputable aux Juifs et non aux Égyptiens. Les glyphes des Juifs – et même leur langage, l’Hébreu, ne sont pas originaux. Ils sont empruntés aux Égyptiens, de qui Moïse acquit sa connaissance; au Kopte, apparenté au vieux Phoenicien sinon son ancêtre, et aux Hyksos que Josèphe prétend être les ancêtres des Égyptiens [ Contre Apion, I, 25. ].Oui; mais que sont les pasteurs Hyksos? et qu’étaient les Égyptiens? L’Histoire ne sait rien à ce sujet, et les spéculations et théories vont leur train au gré des historiens [ voir Isis Unveiled, II, 430, 438. ].« Le Khamisme, ou vieux Kopte, vient de l’Asie occidentale et contient quelques germes de Sémite, témoignant ainsi de l’unité ou de l’analogie primitive des races aryenne et sémite », dit Bunsen, qui place les grands événements d’Égypte 9.000 ans avant J.-C.. Il est certain que dans l’Ésotérisme archaïque et dans la pensée aryenne nous trouvons une grande philosophie, tandis que dans les archives hébraïques nous ne trouvons qu’une adresse incomparable pour inventer des apothéoses au culte phallique et à la théogonie sexuelle.

On peut constater dans les Écritures exotériques hindoues que les Aryens n’ont jamais fait entièrement reposer, comme les Hébreux, leur religion sur des symboles physiologiques. Il est également certain que les textes hindous ont été écrits de manière à les voiler du public, ce qui est démontré par le fait qu’ils se contredisent; on trouve, en effet, une explication différente dans presque chaque Purâna et poème épique. En les lisant toutefois dans leur sens ésotérique, ils ont tous la même signification. Par exemple, tel récit énumère sept mondes sans y comprendre les mondes inférieurs, qui sont au même nombre; ces quatorze mondes supérieurs et inférieurs n’ont rien à faire avec la classification de la Chaîne Septénaire – ils appartiennent aux mondes purement éthérés et invisibles. Il en sera parlé plus tard. Il suffit de montrer pour le moment qu’on y fait allusion, comme s’ils appartenaient à la Chaîne. « Une autre énumération donne aux sept mondes les noms de terre, firmament, ciel, région intermédiaire, lieu de naissance, séjour de félicité et demeure de vérité, - plaçant les « Fils de Brahmâ » dans la sixième division et disant que la cinquième, ou Jana-Lokâ, est l’endroit où renaissent les animaux détruits dans la conflagration générale [ voir le Hindu Classical Dictionary, de Dowson. ]. »Dans les chapitres qui suivent sur le Symbolisme on donne quelques enseignements vraiment Ésotériques. Celui qui y est préparé en comprendra la signification cachée.

Stance V (3)

3. Il est l’Esprit qui les guide et les conduit. Lorsqu’il commence son travail, il sépare les Étincelles du Royaume Inférieur [ Les atomes minéraux. ], Qui flottent et vibrent de joie dans leurs demeures lumineuses [ Les nuages gazeux. ], Et il en forme les Germes des Roues. Il les place dans les Six Directions de l’Espace, et en laisse Une au milieu, - la Roue Centrale.

Les « Roues », comme nous l’avons déjà expliqué, sont les centres de force autour desquels la matière Cosmique primordiale s’épand et, par son passage à travers les six stades de consolidation, devient sphéroïde et finit par se transformer en globes ou sphères. C’est l’un des dogmes fondamentaux de la Cosmogonie Ésotérique que, pendant les Kalpas ( ou Aeons) de Vie, le MOUVEMENT, qui, pendant les périodes de Repos, « palpite et vibre à travers chaque atome endormi » ( Commentaire sur DZYAN), prend, depuis le réveil du Kosmos jusqu’à un nouveau « Jour », une tendance toujours croissante au mouvement circulaire. « La Divinité devient un TOURBILLON. » ( On peut se demander, ainsi que l’a fait l’auteur de ces pages : qui a pu se rendre compte de cette différence dans le Mouvement, puisque toute la Nature est alors réduite à son essence première, et qu’il ne peut y avoir personne – pas même les Dhyâni-Chôhans, qui sont tous en Nirvâna – pour le voir? La réponse est que tout, dans la Nature doit être jugé par analogie. Bien que les Divinités les plus élevées ( les Archanges ou Dhyâni-Bouddhas) soient incapables de pénétrer les mystères qui se trouvent loin au-delà de notre Système Planétaire et du Kosmos visible, il y eut cependant, dans les anciens temps, de grands voyants et des prophètes qui réussissent à percevoir rétrospectivement le mystère du Souffle et du Mouvement pendant que les systèmes de Mondes se reposaient, plongés dans leur sommeil périodique.

Les Roues sont aussi appelées Rotae – les roues en mouvement des orbes célestes qui participent à la création du monde – lorsque la signification en vue se rapporte au principe animateur des étoiles et des planètes; car, dans la Kabale, elles sont représentées par les Auphanim, les Anges des Sphères et des Étoiles dont ils sont l’Âme animatrice [ voirKabbala Denudata, « De Anima », p. 113 ].

Cette loi du mouvement rotatoire dans la matière primordiale est une des conceptions les plus anciennes de la philosophie grecque, dont les premiers Sages historiques étaient presque tous des Initiés aux Mystères. Les Grecs l’avaient reçue des Égyptiens et ces derniers des Chaldéens, élèves eux-mêmes des Brâhmanes de l’école Ésotérique. Leucippe et Démocrite d’Abdère – l’élève des Mages – enseignèrent que ce mouvement giratoire des atomes et des sphères existait de toute éternité. [ 2  « La doctrine de la rotation de la terre autour d’un axe fut enseignée par Hicélas, le pythagoricien, probablement dès l’an 500 avant J.-C.. Elle fut aussi enseignée par son élève Ecphantus et par Héraclide, élève de Platon. L’immobilité du soleil et la révolution de la terre sur une orbite furent démontrées par Aristarque, de Samos, dès 281 avant J.-C., comme supposition en accord avec les faits observés. La théorie héliocentrique était aussi enseignées à peu près 150 avant J.-C. par Séleucus, de Séleucie, sur le Tigre. [ Elle fut enseignée, 500 avant J.-C., par Pythagore. – H.P.B. ] On dit aussi qu’Archimède parla de la théorie héliocentrique dans un ouvrage intitulé Psammites. La sphéricité de la terre fut clairement enseignée par Aristote qui en donna comme preuve la forme de l’ombre que la terre projette sur la lune pendant les éclipses (Aristote, De Coelo, lib. III, cap. XIV). Pline défendit la même idée (Hist. Nat., II, 65). Il semble que ces idées aient été perdues pour le savoir pendant plus de mille ans… (Winchell, World Life, 551, 2.) ] Hicétas, Héraclide, Ecphantus, Pythagore et tous ses élèves enseignèrent la rotation de la terre; et Aryabhata, de l’Inde, Aristarque, Séleucus et Archimède calculèrent sa révolution aussi scientifiquement que le font actuellement nos astronomes; tandis que la théorie des Tourbillons Élémentaires était connue d’Anaxagore et soutenue par lui 500 ans avant J.-C., c’est-à-dire presque 2.000 ans avant d’être découverte par Galilée, Descartes, Swedenborg et finalement, avec quelques légères modifications, par Sir W. Thomson. [ On Vortex Atoms (voir Conférences scientifiques et allocutions. Constitution de la matière, par sir William Thomson (Lord Kelvin), traduct. Française. Paris, Gauthier-Villars, 1902). ] Toutes ces notions, si nous voulons être justes, sont des échos de la doctrine archaïque dont nous essayons maintenant de donner l’explication. Comment se fait-il que les hommes des quelques derniers siècles soient arrivés aux mêmes idées et aux conclusions que l’on enseignait comme vérités axiomatiques dans le secret de l’Adyta des douzaines de mille ans auparavant? C’est une question que nous traiterons séparément. Quelques-uns y furent conduits par le progrès naturel de la Science Physique et par l’observation indépendante; d’autres, - Copernic, Swedenborg et quelques autres, - malgré leur grande instruction, - durent leur savoir à leur intuition beaucoup plus qu’à des idées acquises et développées d’une manière courante au cours de leurs études [voir Le Mystère de Bouddha, vol. 5, section 43. ].

[La preuve que Swedenborg, qui n’avait pas eu la possibilité de connaître les idées ésotériques du Bouddhisme, s’approcha de lui-même, dans ses conceptions générales, de l’enseignement Occulte, est donnée par son essai sur la Théorie des Tourbillons. Dans la traduction de Clissold, citée par le professeur Winchell [ Op. Cit., 567. ], nous en trouvons le résumé suivant :

« La cause première est l’Infini ou l’illimité. Cela donne naissance au premier fini ou limité. [Le Logos dans sa manifestation et l’Univers.] Ce qui produit une limite est analogue au mouvement. [Voir Stance I.] La limite produite est un point dont l’essence est le mouvement; mais, comme cette essence est sans parties, elle n’est pas le véritable mouvement, mais simplement son connatus  [ Ce qui naît avec lui. (N.d.T.) ]». [ Dans notre doctrine ce n’est pas un « connatus », mais une transformation de ce qui est Vibration Éternelle dans le non-manifesté, en mouvement Giratoire dans le Monde phénoménal ou manifesté.] De ce premier procèdent l’extension, l’espace, la forme et la succession ou le temps. Comme dans la géométrie un point génère une ligne, une ligne une surface, et une surface un solide, de même ici le connatus du point tend à des lignes, à des surfaces et à des solides. En d’autres termes, l’Univers est contenu in ovo dans le premier point naturel …

« Le Mouvement vers lequel tend le connatus est circulaire, puisque le cercle est la plus parfaite de toutes les figures «  Le genre le plus parfait de mouvement doit être le mouvement circulaire perpétuel, c’est-à-dire un mouvement procédant du centre à la périphérie et de celle-ci au centre [ Tiré du Principia Rerum Naturalium. ]. »

Tout cela est de l’Occultisme pur et simple.]

Par les « Six Directions de l’Espace », on veut dire, ici, le « Double Triangle », la jonction et l’union de l’Esprit  pur et de la Matière, de l’Arûpa et du Rûpa dont les Triangles sont un Symbole. Ce Double Triangle est un signe de Vishnou; c’est le Sceau de Salomon, et le Shrî-Antara des Brâhmanes.

Stance V (4)

4. Fohat trace les lignes spirales pour unir le Sixième au Septième, - la Couronne (a). Une armée de Fils de Lumière se tient à chaque angle; les Lipika dans la Roue du Centre (b). Ils [ Les Lipika. ] disent : « cela est bon. » Le Premier Monde Divin est prêt : le Premier, le Second [ C’est-à-dire : Le premier est maintenant le Second Monde. ] Alors « l’Arûpa Divin » [ L’Univers sans Forme de la Pensée. ] Se réfléchit dans le Chhâyâ Lôka [ Le Monde des Ombres de la Forme Première, au monde Intellectuel. ], Le Premier Vêtement d’Anupâdaka (c).

a) Ce tracé de « lignes spirales » se rapporte à l’évolution des principes de l’Homme aussi bien qu’à ceux de la Nature, évolution qui se fait graduellement, comme tout dans la Nature [ Comme on le verra plus loin, au sujet de l’Origine des Races Humaines. ].Le Sixième Principe de l’Homme (Buddhi, l’Âme Divine), quoiqu’un simple souffle dans nos conceptions, est cependant quelque chose de matériel si on le compare à l’Esprit Divin (Atmâ) dont il est le porteur ou véhicule. Fohat, dans sa capacité d’AMOUR DIVIN (Eros), le pouvoir électrique d’affinité et de sympathie, est allégoriquement présenté comme essayant d’unir l’Esprit pur, le Rayon inséparable de l’UN Absolu, avec l’Âme, pour faire des deux, dans l’homme, la MONADE, et dans la Nature, le premier lien entre l’à jamais non-conditionné et le manifesté. « Le Premier est maintenant le Second [Monde] », - des Lipika, - se rapporte à la même idée.

b) L’ « Armée » à chaque angle est la Multitude des Êtres Angéliques ( Dhyân Chôhans ) chargés de guider chacune des régions et à veiller sur elle, du commencement à la fin d’un Manvantara. Ce sont les « Veilleurs Mystiques » des Kabalistes et des Alchimistes chrétiens et ils se rapportent, symboliquement aussi bien qu’au point de vue cosmogonique, au système numérique de l’Univers. Les nombres avec lesquels ces Êtres Célestes sont liés sont excessivement difficiles à expliquer parce que chacun se rapporte à plusieurs groupes d’idées distinctes, selon le groupe particulier d’ « Anges » qu’il peut représenter. C’est là que se trouve le nœud dans l’étude de la symbologie, nœud impossible à défaire pour beaucoup d’érudits qui ont préféré le traiter comme Alexandre le nœud gordien; d’où, résultat direct, tant de conceptions et d’enseignements erronés.

c) Le « Premier est le Second » parce que le « Premier » ne peut vraiment pas être numéroté ou regardé comme tel, car ce Premier est le royaume du noumène dans sa manifestation primaire, le seuil du Monde de Vérité, ou at, à travers lequel l’énergie directe qui rayonne de la RÉALITÉ UNE, - la Divinité Innommée, - nous touche. Ici encore il est possible que le terme intraduisible de AT ( L’Étreté ) puisse conduire à une conception erronée puisque ce qui est manifesté ne peut pas être at, mais quelque chose de phénoménal, qui n’existe pas toujours et, en vérité, n’est même pas sempiternel. C’est connexe à la Vie Unie, « sans seconde », et co-existant avec elle, mais en tant que manifestations, c’est pourtant Mâyâ, comme le reste. Ce « Monde de Vérité », dans les mots du Commentaire, ne peut être décrit que comme « Une étoile brillante qui tombe du Coeur de l’Éternité : le phare d’espérance, aux Sept Rayons duquel sont suspendus les Sept Mondes de l’Être ». C’est bien cela, puisque ce sont les Sept Lumières dont les réflexions sont les Monades humaines immortelles, - l’Atmâ, ou Esprit radieux de toute créature appartenant à la famille humaine. Il y a d’abord cette Lumière Septénaire; puis le « Monde Divin », - les lumières innombrables allumées à la Lumière primordiale, - les Buddhis, ou Âmes divines sans formes, du dernier des Mondes Aroûpiques (sans Formes) : la « Somme Totale », dans le langage mystérieux de la vieille STANCE.

Dans le Catéchisme, le Maître pose cette question à l’élève :

- « Lève la tête, ô Lanou : vois-tu une lumière ou des lumières innombrables au-dessus de toi, brûlant dans le ciel noir de minuit? »

- « J’ai la sensation d’une seule Flamme, ô Gurudeva. Je vois des milliers d’étincelles non détachées qui brillent en elle. »

- « Tu dis vrai. Et maintenant, regarde autour et en dedans de toi-même. Cette lumière qui brûle au-dedans de toi, la sens-tu le moindrement différente de la lumière qui luit dans tes Frères humains? »

- « Elle n’est nullement différente, quoique le prisonnier soit tenu en captivité par Karma, et que ses vêtements extérieurs trompent les ignorants en leur faisant dire : « Ton Âme et Mon Âme. »

L’Unité radicale de l’essence ultime de chaque partie constitutive des composés de la Nature, - de l’étoile à l’atome minéral, du Dhyân Chôhan le plus élevé au plus petit infusoire, dans l’entière acception du mot et qu’on l’applique au monde spirituel, intellectuel ou physique, - cette unité est la seule loi fondamentale de la Science Occulte. « La Divinité est l’expansion sans bornes et infinie », dit un axiome Occulte, et c’est de là que vient, comme nous l’avons déjà dit, le nom de Brahmâ [ Dans le Rig Véda, nous trouvons les noms de Brahmanaspati et Brihaspati alternants et synonymes. Voir aussi Brihadâranyaka Upanishad; Brihaspati est une Divinité appelée « Père des Dieux ». ], tiré de Brih, s’étendre ou croître.

Une philosophie très profonde recouvre le premier des cultes du monde : celui du Soleil et du Feu. De tous les éléments connus de la Science Physique, le Feu est celui qui a toujours échappé à une analyse définie. On affirme avec assurance que l’atmosphère est un mélange d’oxygène et d’azote. Nous regardons l’Univers et la Terre comme de la matière composée de molécules chimiques déterminées. Nous parlons des dix terres primitives, en leur donnant à chacune un nom grec ou latin. Nous disons que l’eau est, chimiquement, un composé d’oxygène et d’Hydrogène. Mais qu’est-ce que le Feu? C’est l’effet de la combustion, nous est-il sérieusement répondu. C’est de la chaleur, de la lumière et du mouvement, et une corrélation de forces physiques et chimiques en général. Et cette définition scientifique est philosophiquement complétée par une définition théologique du dictionnaire de Webster qui explique que le feu est « l’instrument du châtiment, la punition des endurcis dans un autre état » - « état », disons-le en passant, supposé spirituel, mais, hélas! la présence du feu semblerait une preuve convaincante de sa nature matérielle. Cependant, en parlant de l’illusion dont nous sommes victimes, en regardant les phénomènes comme des choses simples, parce qu’ils nous sont familiers, le Professeur Alexander Bain dit :

« Les faits habituels ne demandent apparemment pas d’explication pour eux-mêmes et paraissent expliquer tout ce qu’on peut leur assimiler. Par exemple, faire bouillir et évaporer un liquide paraît un phénomène bien simple, ne demandant pas d’explication, et expliquant lui-même suffisamment des phénomènes plus rares. Le fait que l’eau s’évapore est, pour l’esprit non instruit, une chose tout à fait compréhensible, tandis que pour l’homme qui connaît la science Physique, l’état liquide est anormal et inexplicable. Allumer du feu par le contact d’une flamme est une grande difficulté scientifique, mais peu de gens en sont conscients [ Logic, II, 125.] »

Que dit l’enseignement ésotérique au sujet du feu? « Le Feu est la réflexion la plus parfaite et la moins adultéré, dans le Ciel comme sur la Terre, de la FLAMME Une. C’est la Vie et la Mort, l’origine et la fin de toute chose matérielle. C’est la « Substance » divine. » Ainsi, non seulement les Adorateurs du Feu, les Parsis, mais même les tribus errantes et sauvages de l’Amérique qui se disent « enfants du Feu », montrent plus de science dans leur croyance et de vérité dans leurs superstitions que toutes les spéculations de la physique et du savoir modernes. Le chrétien qui dit : Dieu est un Feu vivant », et qui parle des « langues de Feu » de la pentecôte et du « Buisson Ardent » de Moïse, est aussi adorateur du Feu que n’importe quel « Païen », Parmi les Mystiques et la Kabalistes, les Rose-croix étaient ceux qui définissaient le Feu le plus correctement. Achetez une lampe de bazar, garnissez-la d’huile, et vous pourrez allumer à sa flamme les lampes, les bougies et les feux de tout le globe sans diminuer cette flamme. Si la Divinité, l’Un radical, est une Substance éternelle et infinie, jamais consumée « le Seigneur, ton Dieu, est un feu qui consume », il ne paraît pas raisonnable que l’enseignement Occulte soit tenu pour non-philosophique lorsqu’il dit : « ainsi furent formés les (Mondes) Arûpa et Rûpa : d’Une Lumière, Sept lumières, de chacune des Sept, sept fois Sept », etc.

Stance V (5)

5. Fohat fait cinq pas [ Après avoir fait les trois premiers. ] (a), et construit une roue ailée à chaque coin du carré pour les Quatre Très Saint… et leurs Armées [ Les Multitudes. ] (b).

a) Les « Pas », comme on l’a expliqué (voir commentaire Stance 4), se rapportent en même temps aux Principes cosmiques et humains, - ces derniers consistent dans la division exotérique en trois (Esprit, Âme et Corps) et dans les calculs ésotériques de sept Principes, - trois Rayons de l’Essence et quatre Aspects [ Les quatre Aspects sont le corps, sa vie ou vitalité et le « double » du corps, - triade qui disparaît à la mort de la personne, - et le Kâma-rûpa qui se dissout en Kâma Lôka. ].Ceux qui ont étudié le Bouddhisme ésotérique de M. Sinnett comprendront facilement la nomenclature. Il y a deux écoles Ésotériques au-delà des Himâlayas, ou plutôt une seule école divisée en deux sections, - l’une pour les Lanous intérieurs, l’autre pour les Chélâs extérieurs ou semi-laïques; la première enseigne le septénaire et l’autre la division en six des Principes humains.

Au point de vue cosmique, Fohat faisant « Cinq Pas » se rapporte ici aux cinq plans supérieurs de la Conscience et de l’Être, le sixième et le septième (en comptant de haut en bas) étant le plan astral et le plan terrestre, ou les deux plans inférieurs.

b) Quatre « roues ailées à chaque coin… pour les Quatre Êtres Sacrés et leurs Armées (multitudes) »… ce sont les « Quatre Mahârâjahs » ou grands Rois des Dhyân Chôhans, les Dévas qui président chacun à l’un des quatre points cardinaux. Ce sont les Régents, ou Anges, qui gouvernent les Forces Cosmiques du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest, Forces qui ont chacune une propriété occulte spéciale. Ces ÊTRES sont aussi reliés au Karma, parce que ce dernier demande des agents physiques et matériels pour faire exécuter ses décrets, - par exemple, les quatre vents, auxquels la Science elle-même reconnaît des influences pernicieuses ou bienfaisantes sur la santé des hommes et des êtres vivants en général. Il y a de la philosophie Occulte dans la Doctrine Catholique Romaine qui attribue les divers malheurs publics, épidémies, guerres, etc., aux « Messagers » invisibles du Nord et de l’Ouest. « La gloire de Dieu vient par la voie de l’Est », dit Ézéchiel [ Chap. III, 4. ]; Jérémie, Isaïe et le Psalmiste assurent à leurs lecteurs que tout mal, sous le Soleil, vient du Nord et de l’Ouest – et on peut dire que l’application de cette formule à la nation Juive a été une indéniable prophétie.Cela explique aussi la déclaration de saint Ambroise [ Sur Amos, IV. ] disant que c’est pour cette raison que « nous maudissons le Vent du Nord et que, pendant la cérémonie du baptême, nous commençons par nous tourner vers l’Ouest (Sidéral) pour mieux renoncer à celui qui y habite : après quoi, nous nous tournons vers l’Est ».

La croyance aux Quatre Mahârâjahs – les Régents des quatre points cardinaux – était universelle et est encore partagée par les Chrétiens qui les appellent, d’après saint Augustin, « Vertus Angéliques » et « Esprits » lorsque ce sont eux qui les invoquent, et « Diables », lorsque ce sont les Païens qui les nomment. Mais où est la différence dans ce cas, entre les païens et les chrétiens? [L’érudit Vossius dit :

« quoique saint Augustin ait dit que chaque chose visible, dans ce monde, avait comme gardien une vertu angélique, il ne faut pas entendre par ces choses les individus, mais les espèces; chaque espèce possède, en vérité, son ange particulier pour veiller sur elle. Il est d’accord, en cela, avec tous les philosophes… Pour nous, ces anges sont des esprits séparés des objets, … tandis que pour les philosophes [païens] c’étaient des dieux [ Theol. Cir., I, VII. ]

Lorsqu’on étudie le Rituel qui concerne « les Esprits des Étoiles » dans l’Église Romaine, ces esprits nous y semblent avoir un faux air de « dieux »; en fait, ils n’étaient pas plus honorés et adorés par la foule païenne de jadis ou de maintenant qu’ils ne le sont en ce jour encore, à Rome, par les Chrétiens Catholiques très cultivés.]

Après Platon, Aristote expliqua que le terme στοτγεια ne représentait que les principes incorporels placés à chacune des quatre grandes divisions de notre monde cosmique pour le surveiller. Ainsi, pas plus que les Chrétiens, les Païens n’adoraient les Éléments et les points cardinaux (imaginaires); c’est aux « dieux » qui les gouvernent respectivement qu’ils rendaient un culte. Pour l’Église, il y a deux espèces d »Êtres Sidéraux : les Anges et les Démons. Pour le Kabaliste et l’Occultiste, il n’y en a qu’une classe, et ni Occultiste ni Kabaliste ne fait de différence entre les « Recteurs de Lumière » et les Rectores Tenebrarum » ou Cosmocratores que l’Église Romaine imagine et découvre dans le « Recteurs de Lumière » dès qu’un de ces êtres est appelé d’un autre nom que celui par lequel elle les nomme. Ce n’est pas le Recteur, ou Mahârâjah, qui punit ou qui récompense, sans ou avec la permission ou l’ordre de « Dieu », c’est l’homme lui-même, ses actions ou son Karma, qui attire individuellement ou collectivement (comme il arrive parfois pour des nations entières) toute espèce de maux et de calamités. Nous produisons les CAUSES et celles-ci éveillent les pouvoirs correspondants du Monde Sidéral, lesquels sont alors magnétiquement et irrésistiblement attirés vers ceux qui produisent ces causes et réagissent sur eux, qu’ils soient des malfaiteurs en acte ou simplement des « penseurs » qui couvent des malices. Car la Science moderne enseigne que la pensée est de la matière, et Jevons et Babbage, dans leurs Principles of Science, ont déjà entrevu que « toute particule de matière existante doit enregistrer tout ce qui s’est jamais passé », ils le disent au profane. La Science moderne est tous les jours plus profondément attirée vers le maëlstrom de l’Occultisme; inconsciemment, sans doute, mais très sensiblement.

[« La pensée est de la matière », non toutefois comme l’entend le matérialiste allemand Moleschott, qui assure que « la pensée est le mouvement de la matière », formule d’une absurdité presque sans pareille. Les états mentals et physiques sont ainsi mis en complète opposition. Mais cela ne change pas l’assertion que toute pensée, en plus de son accompagnement physique (modification cérébrale), présente un aspect objectif – quoique supersensoriel pour nous – sur le plan astral [ voir Le Monde Occulte. ].

Les deux théories principales de la Science sur les relations entre le Mental et la Matière sont le Monisme et le Matérialisme. Toutes deux occupent le terrain entier de la psychologie négative, à l’exception des idées quasi occultes des écoles Panthéistes Allemandes.

Les idées des penseurs scientifiques d’aujourd’hui sur les relations entre le mental et la matière peuvent être réduites aux deux hypothèses suivantes. Elles montrent toutes les deux qu’elles excluent la possibilité d’une âme indépendante, dissociée du cerveau physique, à travers lequel elle fonctionne. Les voici :

I. – Matérialisme, théorie qui considère les phénomènes mentaux comme le produit d’un changement moléculaire dans le cerveau, c’est-à-dire comme le résultat d’une transformation du mouvement en sensation (!). L’école la plus grossière s’aventura même jusqu’à identifier le mental avec « un mode particulier de mouvement (!!), mais, heureusement, la plupart des hommes de Science eux-mêmes regardent maintenant cette idée comme absurde.

II. – Monisme, ou doctrine qui n’admet qu’une Seule Substance. C’est la forme la plus subtile de la psychologie négative, doctrine qu’un de ses avocats, le Professeur Bain, appelle justement « matérialisme sur ses gardes ». Cette doctrine est très répandue et compte parmi ses partisans des hommes comme Lewes, Spencer, Ferrier et autres, tout en séparant complètement de la matière la pensée et les phénomènes mentaux, en général, les considère comme les deux côtés, ou aspects, d’une seule et même substance, sous certaines de ses conditions. La pensée, en tant que pensée, disent-ils, est toute différente des phénomènes matériels, mais elle doit être regardée aussi comme « le côté subjectif du mouvement nerveux », - quoi que ces savants puissent vouloir dire par là.]

Clément d’Alexandrie rapporte que, dans les temples égyptiens, un immense rideau séparait le tabernacle de la partie où se tenaient les fidèles. Les Juifs aussi. Chez les deux, le rideau couvrait cinq colonnes (le Pentacle) symbolisant  nos cinq sens, et ésotériquement, les cinq Races-Racines, tandis que les quatre couleurs du rideau représentaient les quatre points cardinaux et les quatre éléments terrestres. Le tout était un symbole allégorique. C’est par les quatre hauts Gouverneurs des quatre points cardinaux et des Éléments que nos cinq sens peuvent connaître les vérités cachées de la Nature; ce n’est donc pas, comme Clément le prétendait, les éléments per se qui donnaient aux Païens la Connaissance Divine ou celle de Dieu [ Aussi la phrase : « Natura Elementorum obtinet revelationem Dei » [La nature des éléments démontre la révélation de Dieu] (Clément, Stromata, IV, 6) s’applique aux deux, ou à aucun. Consultez les Zends II, 228, et Plutarque, De Iside et Osiride, comparés par Layard. Académie des Inscriptions, 1854, vol. XV. ].Tandis que l’emblème égyptien était spirituel, celui des Juifs était purement matérialiste, et n’honorait, en fait, que des Éléments aveugles et des « points imaginaires. Que signifiait, en effet, le Tabernacle carré élevé par Moïse dans le désert, s’il n’avait pas la même signification cosmique? « Tu feras un rideau… bleu, pourpre et écarlate…, et cinq piliers de bois de Shittin pour le suspendre…, quatre anneaux d’airain dans les coins…, des panneaux de bois fin pour les quatre côtés, le Nord, le Sud, l’Ouest et l’Est… du Tabernacle…, avec des Chérubims savamment travaillés [ Exode, XXVI, 26-32. ]. »Le Tabernacle et la cour carrée, les Chérubims, etc., étaient précisément les mêmes que dans les temples égyptiens. La forme carrée du Tabernacle signifie tout à fait la même chose que ce qu’elle veut dire aujourd’hui dans le culte exotérique des Chinois et des Tibétains, - les quatre points cardinaux exprimant ce que marquent les quatre côtés des pyramides, des obélisques et autres constructions carrées. Josèphe a soin de tout expliquer. Il déclare que les colonnes du Tabernacle étaient les mêmes que celles élevées à Tyr aux quatre éléments et qui étaient placées sur des piédestaux dont les quatre angles faisaient face aux quatre points cardinaux; et il ajoute que « les angles des piédestaux portaient les quatre figures du Zodiaque », lesquels représentaient la même orientation [ Antiquités, I, VIII, ch. xxii. ].

On retrouve cette idée dans les cryptes zoroastriennes, dans les temples taillés dans le roc de l’Inde, et dans toutes les constructions sacrées quadrangulaires de l’antiquité conservées jusqu’à nos jours. Layard l’a très clairement montré en retrouvant les quatre points cardinaux et les quatre éléments primitifs dans la religion de chaque pays, sous forme d’obélisques carrés, de pyramide à quatre faces, etc. C’est de ces éléments et de leurs points que les quatre Mahârâjahs sont les régents et les directeurs.

Si l’étudiant voulait en savoir davantage, il n’aurait qu’à comparer la vision d’Ézéchiel (ch. I) avec ce qui est connu du Bouddhisme chinois (même dans ses enseignements exotériques) et à examiner l’aspect extérieur de « ces grands Rois [des Dévas] ». Selon l’opinion du Rév. Joseph Edkins, « ils président chacun sur l’un des quatre continents en lesquels les Hindous divisent le monde… chacun conduit une armée d’êtres spirituels pour protéger l’humanité et le Bouddhisme [ Chinese Buddhism, p. 216. ]  ».Sauf leur favoritisme envers le Bouddhisme, les quatre Êtres célestes sont précisément cela. [Les Hindous, cependant, divisent le Monde en sept continents, exotériquement aussi bien qu’ésotériquement, et leurs Dévas Cosmiques sont au nombre de huit, et président aux huit directions de la rose des vents, et non pas sur les continents.]

Les « Quatre » sont les protecteurs de l’humanité et aussi les agents du Karma, sur Terre, tandis que les Lipika s’occupent de l’humanité future. En même temps, ce sont les quatre créatures vivantes « qui ont la ressemblance de l’homme » dans la vision d’Ézéchiel et que les traducteurs de la Bible appellent « Chérubims », « Séraphims », etc.; les Occultistes, « Globes Ailés », « Roues Ardentes », et qui sont connues dans le Panthéon Hindou sous divers autres noms. Tous ces Gandharvas, les « Doux Chanteurs », les Asuras, les Kinnaras et les Nâgas sont les descriptions allégoriques des quatre Mahârâjahs. Les Séraphims sont les Serpents ardents du Ciel que nous trouvons dans un passage qui décrit le mont Mérou comme « la masse exaltée de gloire, la demeure vénérée des dieux et du choeur céleste… le lieu qui ne peut être atteint par l’homme affligé de péchés… car il est gardé par les Serpents ». On les nomme les Vengeurs et les « Roues Ailées ».

Après avoir ainsi expliqué leur mission et leur caractère, voyons ce que les interprètes chrétiens de la Bible disent des Chérubims. « Ce mot signifie, en hébreu, la plénitude de la connaissance; on appelait ainsi ces anges à cause de la Connaissance exquise qu’ils possédaient, et par conséquent on se servait d’eux pour punir les hommes qui affectaient de posséder la Connaissance divine. » (Interprétation de Cruden, dans sa Concordance, d’après la Genèse, III, 24). C’est très bien; et quoique l’information soit vague, cela montre que le Chérubim placé à la porte du Jardin de l’Éden après la « Chute », suggéra aux vénérables interprètes l'idée d'une punition ayant un rapport avec la Science défendue ou Connaissance divine, - science qui amène ordinairement une «Chute». celle des dieux ou de « Dieu », dans l’estimation de l’homme. Mais comme le bon vieux Cruden ne savait rien du Karma, on peut lui pardonner. L’allégorie est toutefois suggestive. Du mont Mérou, demeure des dieux, à l’Éden, la distance est très petite; et des Serpents hindous aux sept Chérubims ophites, dont le troisième des sept était le Dragon, la séparation est moindre encore, car tous les deux gardaient l’entrée du royaume de la Connaissance Secrète. Ézéchiel, du reste, décrit simplement les quatre Anges cosmiques :

« Je regardais, et voici un tourbillon… un… nuage et un feu qui l’enveloppait… et de son sein sortait l’image de quatre créatures vivantes…; elles ressemblaient à un homme [ Le mot « Homme » est ici substitué à « Dragon ». Comparez avec les « Esprits ophites ». Les Anges reconnus par l’Église Catholique Romaine qui correspondent à ces « Figures » étaient, pour les Ophites’ le Dragon – Raphaël; le Lion – Michel; le Boeuf ou Taureau – Uriel, et l’Aigle – Gabriel. Tous les quatre accompagnent les quatre Évangélistes et précèdent les Évangiles. ], Et celui d’un lion…, celui d’un boeuf et… celui d’un aigle… Or, comme je regardais les créatures vivantes, voilà qu’une roue apparut sur la Terre… avec ses quatre figures… semblables à une roue au milieu d’une roue… car l’esprit de la créature vivante était dans la roue [ Ézéchiel, I. ]. »

Il y a trois Groupes principaux de Constructeurs et autant d’Esprits Planétaires et de Lipika, chaque Groupe étant subdivisé en sept sous-groupes. Il est impossible, même dans un ouvrage aussi étendu que celui-ci, d’entrer dans l’examen minutieux des trois groupes principaux, car cela demanderait tout un volume de plus. Les Constructeurs sont les représentants des Premières Entités « Nées du Mental », par conséquent, des Rishis Prajâpatis primordiaux et aussi des Sept grands Dieux de l’Égypte, desquels Osiris est le chef; des « Sept Amshaspends » des Zoroastriens, avec Ormuzd à leur tête; des « Sept Esprits de la Face »; des Sept Séphiroth séparés de la première Triade, etc.[ Les Juifs, à l’exception des Kabalistes, n’ayant pas de nom pour l’Est, l’Ouest, le Sud et le Nord, en exprimaient l’idée par les mots signifiant devant, derrière, à droite et à gauche, et très souvent confondaient ces termes exotériquement, rendant ainsi les voiles de la Bible plus épais et plus difficiles à pénétrer. Ajoutez à cela le fait que parmi les quarante-sept traducteurs de la Bible, au temps du roi Jacques Ier d’Angleterre, « il n’y en avait que trois qui lisaient l’hébreu, que de ces trois, deux sont morts avant que les Psaumes aient été traduits (Royal Masonic Cyclopoedia), et l’on pourra, dès lors, facilement comprendre combien peu de confiance on peut avoir dans la version anglaise de la Bible. Dans cet ouvrage, on suit ordinairement (mais pas toujours) la version catholique romaine de Douay. ]

Ils construisirent, ou plutôt reconstruisirent, chaque « Système » après la ‘Nuit ». Le Second groupe de Constructeurs est l’Architecte de notre Chaîne Planétaire, exclusivement; et le Troisième est le Progéniteur de notre Humanité, - le prototype macrocosmique du microcosme.

Les Esprits Planétaires sont les esprits qui animent les Étoiles, en général, et les Planètes, en particulier. Ils gouvernent les destinées des hommes nés sous telle et telle de leurs constellations : les Second et Troisième groupes appartenant à d’autres systèmes ont les mêmes fonctions, et tous gouvernent divers départements de la Nature. Dans le Panthéon hindou exotérique, ce sont les divinités gardiennes qui président aux huit points de la rose des vents, - les quatre points cardinaux et les quatre points intermédiaires, - ils sont appelés Lôkapâlas, « les Soutiens ou Gardiens du Monde » (dans notre Kosmos visible) et Indra (l’Est), Yama (le Sud), Varuna (l’Ouest), et Kuvéra (le Nord) en sont les chefs; leurs éléphants et leurs épouses appartiennent à la fantaisie ou à une pensée venue après coup, quoi qu’ils aient tous une signification occulte.

Les Lipika, dont une description est donnée au sixième paragraphe du Commentaire de la Stance IV, sont les Esprits de l’Univers, tandis que les Constructeurs sont seulement nos divinités planétaires. Les premiers appartiennent à la partie la plus occulte de la Cosmogenèse, celle qu’on ne peut pas donner ici. L’auteur n’est pas en mesure de dire si les Adeptes – même les plus élevés – connaissent cet ordre angélique dans la plénitude de ses trois degrés, ou s’ils n’en connaissent que le degré inférieur, celui qui se rapporte aux annales de notre monde : il est cependant porté à accepter la dernière supposition. Du degré le plus élevé des Lipika, il n’est dit qu’une chose, c’est qu’ils sont liés au Karma, ils en sont les Archivistes directs. [Dans l’antiquité, le Symbole de la Connaissance Sacrée et Secrète était partout un Arbre, par lequel on entendait aussi une Écriture ou une Annale. C’est de là que vient le mot Lipika, qui signifie les Greffiers ou Scribes; les Dragons, - symboles de la Sagesse, - qui gardent les Arbres de la Connaissance, le Pommier « doré » des Hespérides, les « Arbres Touffus » et la végétation du mont Mérou, gardé par des Serpents. Junon donnant à Jupiter, le jour de son mariage, un Arbre aux fruits d’or, est une autre forme d’Ève offrant à Adam la pomme de l’Arbre de la Connaissance.]

Stance V (6)

6. Les Lipika circonscrivent le Triangle, le Premier [ La ligne verticale ou le chiffre I. ] Être, le Cube, le Second Être, et le Pentacle dans l’Œuf [ Le cercle. ] (a). C’est l’Anneau appelé « Ne Passe Pas », pour ceux qui descendent et qui montent; et aussi pour ceux qui, durant le Kalpa, s’avancent vers le grand Jour « sois avec Nous » (b) … ainsi furent formés l’Arûpa et le Rûpa [ Le Monde sans forme et le Monde des formes. ]. D’Une Lumière, Sept Lumières; de chacune des Sept, sept fois Sept Lumières. Les Roues surveillent l’Anneau.

La Stance continue par une classification minutieuse des Ordres de la Hiérarchie Angélique. Du groupe de Quatre et Sept émanent les groupes nés du Mental de Dix, de Douze et de Vingt et un, etc., tous divisés encore en sous-groupes d’Heptades, d’Ennéades, de Dodécades [ Heptades = groupes de sept; Ennéades = groupes de neuf; Dodécades = groupes de douze. ], Et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’esprit se perde dans l’énumération sans fin des Armées et des Êtres célestes qui chacun ont leur tâche distincte dans le gouvernement du Cosmos visible, pendant son existence.

a) La signification Ésotérique de la première phase du Shlôka est que ceux qui ont été appelés Lipika, Archivistes du registre Karmique, forment une barrière infranchissable entre l’EGO personnel et le SOI impersonnel qui est le Noumène et la Source-Mère du premier. C’est la raison de l’allégorie. Ils circonscrivent le monde manifesté de la matière dans le cercle « Ne passe pas ». Ce monde est le symbole objectif de l’Un divisé en plusieurs sur les plans de l’Illusion, d’Adi (le « Premier ») ou d’Eka (l’Un); et cet Un est l’agrégat collectif, la totalité des principaux Créateurs ou Architectes de l’Univers visible. Dans l’Occultisme hébreu leur nom est à la fois Achath, féminin, « Une », et « Achad, « Un » aussi, mais masculin. Les Monothéistes se sont servis et se servent encore du profond ésotérisme de la Kabale pour appliquer le nom par lequel l’Essence Une Suprême est connue à Sa manifestation, les Séphiroth-Elohim, et l’appeler Jéhovah. Mais, c’est tout à fait arbitraire et contre toute raison et toute logique, parce que le mot Elohim est un nom pluriel, identique au nom pluriel Chiim auquel on le mêle souvent. [La phrase du Sepher Yetzirah, trouvée aussi ailleurs, « Achath-Ruach-Elohim-Chiim », marque en tout cas que l’Elohim est androgyne avec prédominance de l’élément féminin, comme si l’on disait : « L’UN est Elle, l’Esprit de l’Elohim de Vie. » Comme il a été dit, Achath (ou Echath) est féminin, et Achad (ou Echad) masculin, tous deux signifiant UN.]

En outre, en métaphysique Occulte, il y a, à vrai dire, deux « UNS » : l’ « Un » sur le plan inaccessible de l’Absolu et de l’Infini, sur lequel on ne peut spéculer, et l’autre « Un » sur le plan des Émanations. Le premier ne peut émaner, ni être divisé parce qu’il est éternel, absolu et immuable; mais le Second étant pour ainsi dire, la réflexion du Premier (car c’est le Logos, ou Ishvara, dans l’Univers de l’Illusion), le peut faire. Il émane de lui-même – comme de la Triade séphirothale supérieure émanent les sept Séphiroth inférieurs, - les sept Rayons ou Dhyân Chôhans; en d’autres termes, l’Homogène devient l’Hétérogène, le Protyle se différencie en Éléments. Mais ceux-ci, s’ils ne retournent pas dans leur Élément primaire, ne peuvent jamais aller au-delà du point Laya, ou point zéro. [On ne peut mieux décrire cette donnée métaphysique que par les mots de T. Subba Row, dans ses conférences sur la Baghavad Gîtâ :

« Mulaprakriti [ le voile de Parabrahman] agit comme l’énergie-une à travers le Logos [ou Ishavara]. Parabrahman… est l’essence-une, de laquelle part un centre d’énergie que j’appellerai, pour le moment, le Logos… On le nomme le Verbe… chez les chrétiens, et c’est le Christos divin qui est éternel dans le sein de son Père. Les Bouddhistes l’appellent Avalôkitéshvara… Dans presque chaque doctrine, on a formulé l’existence d’un centre d’énergie spirituelle qui n’est pas née, qui est éternelle, qui existe dans le sein de Parabrahman pendant le Pralaya, et qui devient le centre d’une énergie consciente au moment de l’activité cosmique [ Theosophist, fév. 1877, p. 303. Voir aussi Philosophy of the Bhagavad Gîtâ, 1912, pp. 11-12-13. ]… »

Car, comme le conférencier l’a dit en commençant, Parabrahman n’est ni ceci ni cela; il n’est même pas conscience, parce qu’on ne peut le relier à la matière ni à quoi que ce soit de conditionné. Cela n’est ni Ego, no non-Ego, ni même Atmâ, mais en vérité, la source unique de toute manifestation et de tous les modes d’existence.]

Ainsi, dans l’allégorie, les Lipika séparent le monde (ou plan) de l’Esprit pur de celui de la Matière. Ceux « qui descendent et qui montent » - les Monades qui s’incarnent et les hommes qui aspirent à la purification et qui « montent », mais qui n’ont pas encore atteint le but – ne peuvent traverser le cercle « Ne passe pas » que le jour « sois avec Nous »; le jour où l’homme se délivrant des entraves de l’ignorance et reconnaissant pleinement la non-séparativité de l’Ego qui est dans sa personnalité – considérée par erreur comme la sienne propre – de l’EGO UNIVERSEL (Anima Supra-Mundi), se plonge dans l’Essence-une, pour devenir non seulement un « avec Nous » les Vies universelles manifestées qui sont une Vie « UNIQUE », mais cette Vie-là elle-même.

On voit de nouveau, ici, qu’au point de vue astronomique, le Cercle « Ne passe pas » tracé par les Lipika autour du Triangle, du Premier Un, du Cube, du Second Un et du Pentacle pour circonscrire ces figures, contient les symboles de 3.1415, ou le nombre usité en mathématique pour exprimer la valeur Π (pi) les figures géométriques remplaçant ici les chiffres. Selon les enseignements philosophiques ordinaires, ce cercle est au-delà des régions de ce qu’on appelle, en astronomie, les nébuleuses. Mais cette conception est aussi erronée que le sont la topographie et les descriptions des Écritures exotériques – Purâniques et autres – au sujet des 1008 mondes des mondes et firmaments du Déva-lôka. Il y a, sans doute, des mondes, dans les enseignements ésotériques, aussi bien que dans les enseignements profanes et scientifiques, à des distances si incalculables que la lumière des plus proches d’entre eux vient à peine d’atteindre nos modernes « Chaldéens, quoiqu’elle ait quitté sa source bien avant qu’aient été prononcés les fameux mots «  « Que la Lumière soit »; mais ces mondes ne sont pas du plan du Déva-lôka, quoiqu’ils appartiennent à notre Cosmos.

Le Chimiste va jusqu’au point laya ou zéro du plan de matière avec lequel il table, puis il s’arrête tout court. Le Physicien et l’Astronome comptent jusqu’à des milliards de kilomètres au-delà des nébuleuses, puis s’arrêtent tout court aussi. L’Occultiste à demi initié se représentera ce point laya comme se trouvant sur un plan qui, s’il n’est pas physique, est cependant concevable pour l’intelligence humaine. Mais celui qui est pleinement initié sait que le Cercle « Ne passe pas » n’est pas un endroit, n’est pas mesuré par les distances, mais qu’il existe dans l’Absolu de l’Infini. Dans cet « Infini » du pleinement Initié, il n’y a ni hauteur, ni largeur, ni épaisseur, tout est profondeur insondable, descendant du physique au « paramétaphysique [ (Para-para-métaphysique, dans l’Édition de 1888.) ] ».En usant du mot « descendant », on entend la profondeur essentielle, - le « nulle part et partout », et non la profondeur de la matière physique.

Si l’on fait des recherches sérieuses dans les allégories exotériques et grossièrement anthropomorphiques des religions populaires, même là on peut trouver des traces de la doctrine formulée dans le cercle « Ne passe pas » gardé par les Lipika. On en trouve aussi dans les doctrines de la secte védântine Visishthadvaïta, la secte la plus anthropomorphique de toute l’Inde. Car nous y lisons que l’âme libérée – après avoir atteint Moksha, état de béatitude, « délivrance de Bandha » ou servitude – jouit du bonheur dans un endroit appelé Paramapadha, qui n’est pas matériel mais composé de Suddasattva, essence dont est formé le corps d’Ishavara – le « Seigneur ». Là, les Muktas ou Jivâtmâs (les Monades) qui ont atteint la Môksha ne sont plus soumis aux qualités de la matière, ni à celles du Karma. « Mais, s’ils le choisissent dans le but de faire du bien au monde, ils peuvent s’incarner sur la terre [Ces réincarnations volontaires sont appelées, dans notre doctrine, Nirmânakâyas, - les principes spirituels qui survivent dans les hommes. ]. »Le chemin qui conduit de ce monde à Paramapadha, ou aux mondes immatériels, s’appelle Dévayâna. Lorsque quelqu’un a atteint Môksha et que son corps est mort :

« …Jîva (l’Âme) accompagne le Sukshma Sharira [ Sukshma-Sharira, le corps illusoire « comme celui d’un rêve » dont sont revêtus les Dhyânis inférieurs de la Hiérarchie céleste ] du coeur du corps au Brahmarandra dans la couronne de la tête en traversant Sushumna, nerf reliant le coeur au Brahmarandra, Jîva s’échappe à travers le Brahmarandra et va dans la région du Soleil (Suryamandala) en suivant les rayons solaires. Alors il entre, par une tache noire du Soleil, dans Paramapadha… Jîva est dirigé dans sa course … par la Sagesse Suprême acquise par Yoga [.Comparez cette doctrine Ésotérique avec la doctrine Gnostique qu’on trouve dans Pistis-Sophia (la Connaissance-Sagesse), dans laquelle on parle de Sophia (Achamôth) qui se perd dans les eaux du Chaos (la matière) pendant qu’elle s’achemine vers la Lumière Suprême, et du Christos qui la délivre et l’aide à retrouver son Chemin. Notez bien que, chez les Gnostiques, le « Christos » signifiait le Principe Impersonnel, l’Atman de l’Univers et l’Atmâ qui dans l’âme de chaque homme, - et non Jésus, quoique, dans les vieux manuscrits coptes du British Museum, on ait presque toujours remplacé « Christos » par « Jésus » et d’autres mots. ]. Jîva continue ainsi sa route vers Paramapadha à l’aide des Athivâhikas (les porteurs pendant la route) connus sous les noms de Archi, Ahas… Aditya… Prajapatis, etc. Les Archis [etc.], dont il est question ici, sont certaines âmes pures, etc. [ Catéchisme de la Philosophie visishtadvâita, par N. Bhashyacharya M. S. T., ancien pandit de la Bibliothèque d’Adyar. Voir le Lotus Bleu de 1893.] »

Nul Esprit, à l’exception des « Archivistes » (Lipika), n’a jamais traversé la ligne de démarcation de ce Cercle et nul ne la traversera jusqu’au jour du prochain Pralaya, car elle est la limite qui sépare le Fini, - bien qu’il semble infini aux yeux de l’homme – du véritable INFINI. Les Esprits dont on parle comme « montant et descendant » sont donc les « multitudes » de ceux qu’on appelle sans précision les « Êtres Célestes ». Ils sont, en vérité, tout autre chose. Ce sont des Entités des Mondes supérieurs dans la Hiérarchie de l’Être, des entités si immensément élevées qu’elles nous paraissent comme des Dieux et, collectivement – comme DIEU. Songeons un instant que nous, hommes mortels, nous devons paraître ainsi à la fourmi qui raisonne sur l’échelle de ses capacités particulières. Autant que nous ne pouvons le savoir, il est probable que la fourmi doit voir la main vengeresse d’un Dieu Personnel dans le coup du gamin qui, en un instant et par malice, détruit sa fourmilière, résultat du travail de plusieurs semaines, des années dans la chronologie des insectes. La fourmi ressentant durement le coup, peut aussi, comme l’homme, attribuer cette calamité imméritée à une combinaison de Providence et de péché, et y voir la conséquence du péché de ses premiers parents. Qui peut le savoir et qui peut l’affirmer ou le nier? Le refus d’admettre, dans notre Système Solaire entier, la possibilité de l’existence d’autres êtres raisonnables, intellectuels, que nous-mêmes sur le plan est la plus grande fatuité de notre âge. Tout ce que la Science a le droit d’affirmer c’est qu’il n’y a pas d’intelligences invisibles vivant dans les mêmes conditions que nous. Elle ne peut absolument pas nier qu’il ne soit possible que bien d’autres mondes existent dans l’univers, dans des conditions entièrement différentes de celles qui constituent la nature du nôtre; elle ne peut nier non plus qu’une communication limitée ne puisse exister entre certains de ces mondes et le nôtre.

Le plus grand philosophe d’Europe, Emmanuel Kant, nous affirme qu’une telle communication n’est nullement improbable :

« J’avoue, dit-il, que je suis très disposé à affirmer l’existence de natures immatérielles dans le monde et de placer mon âme à moi dans la catégorie de ces êtres. Il sera un jour prouvé, je ne sais où ni quand, que l’âme humaine, même dans ce monde, est indissolublement liée à toutes les natures immatérielles du monde des esprits, qu’elle agit sur elles, et en reçoit des impressions [ Traüme eines Geistersehers, cité par C.C. Massey, dans sa préface du Spiritismus de Von Hartmann. ]. »

On nous enseigne qu’au plus élevé [de ces mondes] appartiennent les sept Ordres d’Esprits purement divins : aux six inférieurs appartiennent des Hiérarchies qui sont de temps en temps vues et entendues par les hommes et qui communiquent avec leurs progénitures sur Terre; ces dernières leur sont indissolublement liées, car chaque Principe dans l’homme a sa source directe dans la nature de ces grands Êtres, dispensateurs, chacun en ce qui le concerne, des éléments invisibles qui sont en nous. La Science Physique est libre de spéculer sur le mécanisme physiologique des êtres vivants et de s’efforcer en vain de résoudre nos sensations, mentales et spirituelles, en fonction de leurs véhicules organiques. Tout ce qu’il est possible d’accomplir de ce côté est déjà fait, et la Science n’ira pas plus loin. Elle est arrivée dans un cul-de-sac sur le mur duquel elle s’imagine inscrire de grandes découvertes physiologiques et psychiques, tandis que ces dernières, on le verra plus tard, ne sont autre chose que des toiles d’araignées, tissées par l’imagination et l’illusion scientifique. Les tissus de notre forme objective sont seuls soumis à l’analyse et aux recherches de la Physiologie. Les six Principes supérieurs qu’ils contiennent échapperont toujours à une main guidée par un « animus » qui ignore et repousse de parti-pris les Sciences Occultes. [Tout ce que la recherche physiologique moderne a fait et pouvait faire en ce qui concerne les problèmes psychologiques, étant donnée la nature des choses, c’est de démontrer que toute pensée, sensation et émotion est suivie d’un réarrangement des molécules de certains nerfs. La conclusion tirée par des savants du type Büchner, Vogt et autres, que la pensée est un mouvement moléculaire, oblige à faire de notre conscience subjective une totale abstraction.]

b) Le Grand Jour « SOIS AVEC NOUS» est donc une phrase dont le seul mérite repose sur sa traduction littérale. Sa signification n’est pas facilement révélée à un public qui ne connaît pas les données mystiques de l’Occultisme, ou plutôt de la Sagesse Ésotérique, c’est-à-dire du « Boudhisme » [avec un seul d]. C’est une phrase particulière à ce dernier, mais aussi vague pour le profane que l’est celle des Égyptiens qui nommaient le même jour le « Jour de viens à Nous », expression identique à la première, quoique, dans ce sens, le mot « sois » pût être aussi bien remplacé par les mots « reste » ou « repose avec nous « , parce qu’il se rapporte à cette large période de Repos qui s’appelle Paranirvâna. [Le JOUR DE « VIENS A NOUS »… c’est le Jour où Osiris a dit au Soleil : « Viens! Je le vois rencontrant le Soleil dans l’Amenti [Le Livre des morts, Paul Pierret, chap. XVII, p. 61. ] »Le Soleil, ici, signifie le Logos (le Christos ou Horus) comme Essence centrale synthétique et comme essence diffusée d’Entités irradiées différant en substance, non en essence. Ainsi que l’a dit le conférencier sur la BHAGAVAD GITA : « Il ne faut pas supposer que le Logos soit un centre unique d’énergie manifestée par Parabrahman. Il y en a d’autres et leur nombre, dans le sein de Parabrahman, est presque infini ». C’est pour cela qu’on dit : « Le Jour de Viens à nous » et « le Jour de sois avec nous ». De même que le carré est le symbole des Quatre Forces ou Pouvoirs sacrés, - la Tétraktys, - de même le Cercle montre les bornes internes de l’Infini qu’aucun homme, ni Déva, ni Dhyân Chôhan ne peut franchir, même en esprit. Les Esprits de ceux qui « descendent et montent », pendant la durée de l’évolution cyclique, ne traverseront « le monde entouré de fer » que le jour où ils s’approcheront du seuil de Paranirvâna. S’ils l’atteignent, ils reposeront dans le sein de Parabrahman ou de « l’Obscurité Inconnue », qui deviendra pour eux la Lumière durent toute la période du Mahâpralaya, la « Grande Nuit », c’est-à-dire pendant 311.040.000.000.000 années d’absorption en Brahman. Le Jour de « sois avec nous » est ce Repos, ou Paranirvâna. Il a été grossièrement matérialisé dans leur religion.] [ Voir aussi, pour d’autres faits au sujet de cette phrase spéciale de Jour de « Viens à Nous », Rituel funéraire des Égyptiens, par le comte de Rougé. ]

Dans l’interprétation exotérique des rites Égyptiens, l’âme de tout défunt – depuis l’Hiérophante jusqu’au taureau sacré, Apis – devenant un Osiris, était Osirifiée (la DOCTRINE SECRÈTE enseignant toutefois que l’Osirification réelle n’arrivait pour chaque Monade qu’après 3.000 cycles d’Existences); il en est de même dans le cas actuel. La Monade, née de la nature et de l’Essence même des « Sept » (son Principe supérieur s’enfermant immédiatement dans le Septième Élément Cosmique), doit faire sa révolution septénaire à travers les Cyckes d'Etre et de Formes, des plus élevés aux plus bas; puis, de l’homme à Dieu. Sur le seuil de Paranirvâna, la Monade reprend son Essence primordiale et redevient une fois de plus l’Absolu.

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